La cuisine de Philippe Alexandre...
Philippe Alexandre, grand journaliste engagé, analyste politique de tout premier plan, mais par partisan (chaque camp en a reçu, de sa part), sinon pour régler son compte à la "mère emptoire" et ses trente-cinq heures, nous a quittés en fin d'année dernière, à l'âge de nonante ans. Sacré bonhomme dont la participation, avec Serge July, à des émissions de télévision politiques, fut largement popularisée lorsqu'elle fut brocardée - avec talent ! - par Les Guignols de l'info.
On se souvient de l'inimitable "Fais péter la poire !" qui ponctuait invariablement leurs burlesques débats... Mon livre de cuisine politique, dont on trouvera ci-après quelques bonnes feuilles, est un ouvrage étincelant, pétri d'humour, parfois tendre, souvent vache, qu'il faudrait citer - mais ce n'est pas possible - entièrement. Puissent ces quelques articles, publiés sous forme d'un abécédaire, donner au lecteur l'envie irrépressible de s'adresser à l'original !
On se souvient de l'inimitable "Fais péter la poire !" qui ponctuait invariablement leurs burlesques débats... Mon livre de cuisine politique, dont on trouvera ci-après quelques bonnes feuilles, est un ouvrage étincelant, pétri d'humour, parfois tendre, souvent vache, qu'il faudrait citer - mais ce n'est pas possible - entièrement. Puissent ces quelques articles, publiés sous forme d'un abécédaire, donner au lecteur l'envie irrépressible de s'adresser à l'original !
"Le secrétaire général de l'Élysée devra apprendre l'art du mensonge s'il se lance un jour dans l'arène politique. Au fait, est-ce possible ? Mitterrand a choisi cet homme pour ses anomalies. De Gaulle cherchait un agrégé sachant écrire. Mitterrand a trouvé un énarque sachant séduire. Il a l'air du bon élève un peu confus de son excellence. À côté des socialistes, brouillons, bruyants, émerveillés, Bianco est impavide. En présence de son patron, qu'il domine de la tête et de la poitrine, il s'efforce de se ratatiner comme si sa fonction lui interdisait une telle différence. Et Mitterrand le regarde d'un œil grand-paternel. Un samedi, j'étais dans le bureau de Bianco quand le président a poussé la porte. Il était vêtu d'une sorte d'habit de garde-chasse (un millième de seconde, j'ai pensé, Dieu sait pourquoi, à l'Amant de lady Chatterley) et partait en week-end. Bianco s'est levé avec précipitation. À l'Élysée, aucun de ces collaborateurs-courtisans n'est assis en présence du maître, pas même les femmes, pas même si Mitterrand reçoit quelqu'un et lui offre un "verre". En novembre, après l'interview du président à RTL - rude négociation, des semaines, des mois - nous étions passés lui et moi dans le salon voisin. Labro, le directeur de la station, nous attendait ainsi que tout le staff présidentiel. Mitterrand s'est assis dans un canapé et nous a invités à ses côtés, Labro et moi. Les autres restaient debout, au garde-à-vous, femmes comprises. De temps en temps, le président leur lâchait un bout d'os : "Je n'ai pas été trop long ?" Et tous se récriaient en se bousculant comme des chiens dans leur chenil. Parfait, il avait été parfait, lumineux, concis, impérial. Lui avalait ces sucreries sans rien manifester, comme si c'était son menu ordinaire"
Ph. Alexandre, "Paysages de campagne"
Ph. Alexandre, "Paysages de campagne"