Au centre du malaise français... un visionnaire
Vivement intéressé par le dernier opus (en date) de Michel Onfray, "Autodafés", publié en feuilleton à l'été 2021, je me suis alors penché sur les six "crimes par la pensée" (selon le mot d'Orwell) sur lesquels le si prolifique philosophe avait choisi de s'arrêter. "Qui donc organise la censure par le silence, écrivait-il, promeut de mauvais livres par la connivence idéologique, organise la désinformation par le discrédit ?" Suivait l'inventaire de six des idéologies de la pensée dominante : le maoïsme, démonté par Simon Leys (Les Habits neufs du président Mao), le marxisme mis à mal par Soljenitsyne (L'Archipel du Goulag), l'impérialisme islamiste annoncé par Samuel Huntington (Le Choc des civilisations), la psychanalyse, ridiculisée (Le Livre noir de la psychanalyse) - ici, je me permets de faire toutes réserves -, l'islam civilisateur de l'Occident, mythe détruit par Sylvain Gouguenheim (Aristote au mont Saint-Michel), enfin l'antiracisme dénoncé par Paul Yonnet (Voyage au centre du malaise français). C'est ce dernier ouvrage "d'une redoutable justesse" que j'ai essentiellement pris en considération, pour la bonne raison que... je ne le connaissais pas, avant de lire le pavé d'Onfray.
"Cachez ces réalités que mes valeurs ne sauraient voir"
M. Gauchet
"Comme l'ignorance, la lâcheté française ne cesse de faire des progrès"
F.-O. Giesbert, Le Point du 8 novembre 2018 (à propos de notre prétendue cécité devant la montée de l'Islam conquérant).
M. Gauchet
"Comme l'ignorance, la lâcheté française ne cesse de faire des progrès"
F.-O. Giesbert, Le Point du 8 novembre 2018 (à propos de notre prétendue cécité devant la montée de l'Islam conquérant).
Comme le martin-pêcheur prend feu...
Philippe Jaccottet, écrivain d'origine vaudoise, ayant depuis des lustres posé ses valises en Drôme provençale, nous a quittés le 24 février 2021 à l'âge de 95 ans. De nombreux hommages ont été rendus à cet homme discret, immense et souvent hermétique poète (il fut lauréat du Goncourt de la poésie), dont les Œuvres sont entrées de son vivant, en 2014, dans la prestigieuse Pléiade, ce qui signifie beaucoup de choses.
Pour ma part, j'ai été entre autres passionné par l'émission que lui a consacré deux jours plus tard France-Culture sous le titre : "Philippe Jaccottet : Ne pas donner toute sa place au malheur". Je suis d'ailleurs infiniment redevable aux intervenants - tellement pétris de l’œuvre du poète de Grignan - de cette émission : cette mise en ligne leur doit l'essentiel de son contenu.
Pour ma part, j'ai été entre autres passionné par l'émission que lui a consacré deux jours plus tard France-Culture sous le titre : "Philippe Jaccottet : Ne pas donner toute sa place au malheur". Je suis d'ailleurs infiniment redevable aux intervenants - tellement pétris de l’œuvre du poète de Grignan - de cette émission : cette mise en ligne leur doit l'essentiel de son contenu.
"Ce que le jeune adolescent découvre, dans la poésie, c'est qu'elle semble introduire la dimension de l'infini, la dimension secrète du monde, celle que l'on n'arrive pas à mesurer scientifiquement. La poésie introduit dans notre vie comme une clarté qui viendrait du plus haut sur les moments les plus quotidiens, les plus simples et les plus quelconques de la vie, comme une espèce de lumière insaisissable"
Phil. Jaccottet, Grignan, 1974
"Je n'ai fait que passer, accueillir. J'ai vu ces choses, qui, elles-mêmes, plus vite ou au contraire plus lentement qu'une vie d'homme, passent".
Phil. Jaccottet, Paysages avec figures absentes
Phil. Jaccottet, Grignan, 1974
"Je n'ai fait que passer, accueillir. J'ai vu ces choses, qui, elles-mêmes, plus vite ou au contraire plus lentement qu'une vie d'homme, passent".
Phil. Jaccottet, Paysages avec figures absentes
La Classe de Rhéto
Ah que voilà un ouvrage de vrais/faux souvenirs d'enfance ("Chacun se raconte une histoire à laquelle il s'attache") enthousiasmant - et je n'ai pas l'hyperbole aisée. À la suite de la mort prématurée de son épouse (elle avait 43 ans), le général Compagnon, attaché militaire à Washington (il devait achever sa carrière avec le grade de général de corps d'armée, rien que ça), décide de regagner la France et d'y confier ses six enfants à diverses institutions militaires ou crypto-militaires (Victor-Duruy, Légion d'Honneur, La Flèche...).
C'est ainsi que le jeune Antoine, quinze ans, se retrouve "ñass" (dans notre jargon provençal, c'était "pencu") au lycée militaire du Prytanée de La Flèche, près du Mans, pour y effectuer son année de Première (ou "Rhéto", de rhétorique), avec deux années d'avance, comme tout bon fils de famille qui se respecte. Lui qui, jusque là, avait été chouchouté par une mère aimante et adorée et par les diverses institutions de par le monde où les affectations de son père l'avaient conduit (Londres, Tunis, Washington, Paris), il était désormais tout seul avec sa petite valise noire de carton bouilli et contraint d'effectuer, au pas de course et en serrant les dents, l'apprentissage de la vie. C'est à l'intérieur de cet établissement (le "bahut"), nous dit-il, qu'il nourrit les desseins et prit les grandes décisions qui devaient gouverner sa vie et la première et la plus difficile, pour commencer : rompre avec l'hérédité militaire familiale, et devenir un civil accompli.
Comme ingénieur des Ponts-et-Chaussées, ancien de l'X., par exemple...
Il devait d'ailleurs consacrer bien plus tard (en 2011), à cette année-charnière selon lui, tout un cours du collège de France : 1966 : Annus mirabilis. Année prodigieuse, magique, miraculeuse qu'il entendit faire revivre à son rythme, et qu'il fit commencer... au 1er septembre 1965 ("en ce jour de septembre, je pris seul le train pour Le Mans, vers l'inconnu...")...
C'est ainsi que le jeune Antoine, quinze ans, se retrouve "ñass" (dans notre jargon provençal, c'était "pencu") au lycée militaire du Prytanée de La Flèche, près du Mans, pour y effectuer son année de Première (ou "Rhéto", de rhétorique), avec deux années d'avance, comme tout bon fils de famille qui se respecte. Lui qui, jusque là, avait été chouchouté par une mère aimante et adorée et par les diverses institutions de par le monde où les affectations de son père l'avaient conduit (Londres, Tunis, Washington, Paris), il était désormais tout seul avec sa petite valise noire de carton bouilli et contraint d'effectuer, au pas de course et en serrant les dents, l'apprentissage de la vie. C'est à l'intérieur de cet établissement (le "bahut"), nous dit-il, qu'il nourrit les desseins et prit les grandes décisions qui devaient gouverner sa vie et la première et la plus difficile, pour commencer : rompre avec l'hérédité militaire familiale, et devenir un civil accompli.
Comme ingénieur des Ponts-et-Chaussées, ancien de l'X., par exemple...
Il devait d'ailleurs consacrer bien plus tard (en 2011), à cette année-charnière selon lui, tout un cours du collège de France : 1966 : Annus mirabilis. Année prodigieuse, magique, miraculeuse qu'il entendit faire revivre à son rythme, et qu'il fit commencer... au 1er septembre 1965 ("en ce jour de septembre, je pris seul le train pour Le Mans, vers l'inconnu...")...
"La pauvreté, la tristesse, la morosité se lisaient dans tous les regards, sous la mauvaise lumière filamenteuse du wagon. Saisi au dépourvu par cette révélation de la France, je pris soudain conscience de mon appartenance nationale, comme d'autres se convertissent derrière un pilier de Notre-Dame, et j'en sens toujours la réplique, une sorte de chair de poule intérieure, chaque fois que je reviens, lorsque je présente mes papiers à la police des frontières et que le préposé se montre désobligeant, que le temps est gris, les transports publics en grève, le chômage à la hausse, comme si une certaine gêne ne m'avait jamais quitté : l'angoisse d'être français"
A. Compagnon
A. Compagnon