[Le premier texte proposé concerne la fin du cycle III et la classe de sixième]

 

 

 

I. Le texte

 

Hier, j’ai observé dans le métro parisien une bagarre provoquée par un jeune voyou. La victime - un monsieur à lunettes lisant un livre - s’en est tirée avec une balafre saignante : le loubard l’a attaquée avec une lame. Je ne suis pas intervenu, personne n’est intervenu ; nous ne sommes pas formés à nous bagarrer. J’ai mal dormi ; je voyais la face saignante du brave monsieur que personne n’avait soutenu.

Cet épisode n’a rien d’exceptionnel ; c’est justement pourquoi j’en parle. Nos mœurs ont bien changé depuis Les Trois Mousquetaires. A cette époque-là, les sacripants risquaient leur vie. Aujourd’hui, on ne se tue plus pour une bagatelle. C’est bien. Mais est-ce une raison pour se laisser piétiner et abandonner toute dignité ? Derrière notre « pragmatisme » se cache souvent notre lâcheté. Nous arrivons toujours à justifier notre passivité (éviter une escalade, ne pas répondre à la violence par la violence, etc.) et nous nous sentons confirmés dans cet esprit de poltrons par notre juridiction qui favorise les délinquants : si je le frappe, c’est moi qui vais en prison. Pourtant, hier dans le métro, il était évident que le jeune coquin aurait mérité une bonne correction.

Nous sommes lâches. Comment s’étonner que nos politiciens le soient aussi ? Peut-on attendre d’eux qu’ils décident de punir les malfaiteurs de Bosnie et d’ailleurs, si nous ne sommes pas capables de casser la figure à un agresseur dans le métro ? Nos politiciens sont lâches, comme nous, c’est tout.

Parfois, je regrette de ne pas vivre à l’époque des Trois Mousquetaires.

 

(© J. K. , Paris, courrier du Monde, dimanche 10-lundi 11 novembre 1996, p. 11)

 

 

II. Préparation lexicographique du texte

 

1. Les mots pleins du texte

 

Il y a 274 mots dans ce texte, dont 99 mots différents (sans les mots-outils : il y a par ailleurs 160 occurrences de mots-outils, soit 58 % du texte).

3 occurrences : métro, lâches.

2 occurrences : violence, trois, saignante, politiciens, personne, mousquetaires, monsieur, jeune, intervenu, hier, époque.

1 occurrence : voyou, vivre, vie, victime, tue, toujours, tirée, souvent, soutenu, sentons, sacripants, risquaient, rien, répondre, regrette, raison, punir, provoquée, prison, pragmatisme, pourtant, pourquoi, poltrons, piétiner, passivité, parle, parisien, parfois, observé, moeurs, mérité, malfaiteurs, mal, lunettes, loubard, livre, lisant, là, lame, laisser, lâcheté, justifier, justement, juridiction, frappe, formés, figure, favorise, face, exceptionnel, éviter, évident, eux, étonner, etc., esprit, escalade, épisode, dormi, dignité, derrière, depuis, délinquants, décident, correction, coquin, confirmés, comment, changé, casser, capables, cache, brave, bosnie, balafre, bagatelle, bagarrer, bagarre, aussi, aujourd’hui, attendre, attaquée, arrivons, ailleurs, agresseur, abandonner

 

2. Le texte et l'échelle Dubois-Buyse

 

CM1, 15 :

par tirer pas former parler changer cacher souvent sentir pourtant comment attendre

décider capable parfois

CM2, 18 :

observer provoquer monsieur attaquer face que risquer leur aujourd'hui arriver toujours éviter

violence favoriser frapper mériter correction casser

Classe de sixième, 4 :

laisser abandonner derrière regretter

 

 

III. Leçon de vocabulaire (suggestions)

 

1. Explicitation du texte (éducation à la citoyenneté et à la vie sociale)

 

Quelques remarques : on notera avec les élèves le parti-pris du texte, assez manichéen et anti-jeunes ; la disproportion entre les 'malfaiteurs de Bosnie' (tout de même accusés d'être des criminels contre l'humanité), et le 'jeune voyou' du métro parisien ; l'appel à l'auto-défense ('notre juridiction qui favorise les délinquants'). On fera observer qu'il ne s'agit pas d'une 'bagarre' (personne n'étant intervenu), mais d'une 'agression'. On pourra dire un mot du roman (1844) d'Alexandre Dumas. Mais on pourra rechercher, sur ce même site, bien d'autres exemples d'attitudes peu "citoyennes".

 

2. Vocabulaire en extension

 

a. Les parasynonymes de voyou (ils sont nombreux, dans le texte), bagarre, lâche (poltron), lâcheté.

On pourra s'appuyer sur cet extrait du Petit Robert : "voyou [vwaju] n. m.

• 1832 ; de voie et suff. pop.

1. Homme du peuple, ayant des activités délictueuses. chenapan, garnement, vaurien. « Cet accent des voyous parisiens qui semble un râle » (Nerval). Les voyous des banlieues. fam. loubard, loulou; blouson (noir), hooligan. — En appellatif Petit voyou !

2. (1871)  Individu de mœurs et de moralité condamnables. arsouille, crapule, fripouille, gouape; 2. frappe (cf. Mauvais garçon). « Traînant dans tous les mauvais lieux en compagnie de voyous » (Aymé).

3. Adj. (1880)  Elle est un peu voyou ; rare : un peu voyoute. « Des termes d'argot si voyous et criés si fort » (Proust). Un air, un accent voyou".

b. les antonymes

exceptionnel         banal

agresseur              victime...

 

3. Vocabulaire en compréhension

 

a. le sens expressif des mots (cf. aussi Enrichissement du vocabulaire p. 194, & 3.6)

- le brave monsieur (le monsieur brave)

- la bonne correction (la mauvaise correction ?)

b. le verbe tirer (classer les expressions, en rechercher d'autres)

elle s'en est tirée - il se tire (fam.) - il tire son épingle du jeu - le tracteur tire la remorque - il lui tire les oreilles - il a trop tiré sur la ficelle - le printemps tire à sa fin - c'est un tireur-au-flanc - elle a les traits tirés - il tire la patte - tirer du vin - on ne peut rien en tirer - elle tire les cartes - c'est un excellent tireur

c. le verbe provoquer, grille étymologique

cf. Enrichissement du vocabulaire, p. 244

d. le verbe lire (ibid., p. 245, et remarque p. 119)

e. le verbe intervenir (id., pp. 170-171)