Dans les années 1970, la Radio-Télévision scolaire (RTS) s'efforçait d'inciter les maîtres (et de les aider) à rénover leur enseignement. Un intéressant exemple est donné ci-après.

 

On remarquera que les activités décrites se déroulent dans une classe dite expérimentale d'une École annexe d’École normale de filles (à Bourges) : la gémination effectuée au sein des écoles primaires publiques effectivement réalisée depuis 1965, n'a pas encore touché six ans plus tard, le système des Écoles normales...

 

 

 

Communication et apprentissage de la langue

 

 

1. - Place dans l'ensemble du travail scolaire.

 

 

Comme dans la précédente émission (apprentissage du vocabulaire au C.E.l), les activités que nous présentons concernent essentiellement la phase d'apprentissage systématique du vocabulaire suivant le double mouvement qui caractérise la pédagogie des classes expérimentales : libération du langage, systématisation et structuration des acquisitions linguistiques.

Dans ces limites mêmes, elles ne constituent qu'un des aspects que peut prendre le travail des enfants dans le domaine lexical.

Elles ont pris leur point de départ dans les activités d'éveil : celles-ci en effet, dans la mesure où elles donnent lieu à des comptes rendus, à des plans détaillés, etc., motivent tout particulièrement la recherche d'une expérience plus précise.

Mais, alors qu'au C.E. on s'attachait surtout à faire fonctionner les mots et les tournures qui en sont indissociables, un nouveau pas est franchi ici puisque, à partir de cette pratique intensive de quelques termes, l'enfant est en outre amené à réfléchir sur les mécanismes de ce fonctionnement.

 

 

 

Il. - Choix des termes et motivation du travail.

 

 

Les enfants étudient en ce moment les divers aspects de la vie urbaine à la fin du moyen-âge à partir des édifices du XVe siècle subsistant à Bourges : hôtel Lallemant et maisons de bois. Celles-ci sont postérieures au grand incendie de 1484 qui a détruit toute une partie de la ville et provoqué le déplacement des foires vers la Champagne. Une complainte de l'époque a permis aux enfants de prendre connaissance de cet événement. Elles ont ensuite recherché sur un plan de Bourges datant du XVIIe le trajet suivi par le feu, puis, à l'aide d'un plan de la ville moderne, se sont rendus dans le quartier où il avait pris naissance, afin de repérer sur les lieux actuels la propagation de l'incendie telle qu'elle est décrite par la complainte.

Au cours de ces activités la maîtresse a constaté que les enfants confondaient les deux termes "itinéraires" et "parcours" : ils vont donc donner lieu à une étude d'ordre lexical.

 

 

 

III. - Déroulement.

 

 

1re phase : Recherche collective des termes que l'on trouve habituellement dans l'entourage de "parcours" d'une part, "d'itinéraire", d'autre part. Ces co-occurents (antéposés ou postposés) sont notés sous forme de tableau et permettront de mettre en évidence une certaine distribution des termes. C'est aussi un moment de manipulation intensive des deux ou trois mots choisis, qui fixe ceux-ci dans la mémoire des enfants.

2e phase : Au cours même de la 1re phase les enfants font souvent, spontanément, des remarques du genre : "On dit parcours quand..." "On dit itinéraire quand...". Cet effort pour élucider le sens des deux termes et les "lois" de leur emploi va se poursuivre en équipes : après avoir opéré des regroupements dans le tableau du co-occurent, les enfants vont essayer de dégager les éléments de signification (sèmes) communs aux deux termes et les éléments de signification propres à chacun d'eux. Une grille présentera les résultats de cette recherche. C'est donc un double effort qui est ici demandé aux enfants : analyse des éléments sémantiques, formulation précise de ces éléments. Il leur faut aussi illustrer chaque terme par une phrase qui en fixera avec précision l'emploi et que l'on rappellera ultérieurement si besoin est.

Nous donnons à titre d'exemple la grille réalisée, après discussion, par l'une des équipes :

   Trajet suivi d'un point à un autre Trajet choisi, préparé, étudié, en prévoyant les étapes Trajet suivi par des animaux ou par des choses (cours d'eau, incendie)  Trajet suivi par un moyen de transport en commun (train, autobus) Trajet agréable, sans se préoccuper de itinéraire  
 Itinéraire + + -  -  -  Nous sommes heureuses car la maîtresse nous a appris que bientôt nous allons préparer l'itinéraire d'un voyage organisé avec l'argent de la coopérative
 Parcours + - +  +  +  L'année dernière nous avons suivi agréablement le parcours de la course des 24 heures du Mans, en autobus, avec nos correspondants
            Nous avons tracé l'itinéraire et le parcours suivi de l'école à l'hôtel Pellevoysin

 

 

3e phase : les différentes grilles donnent lieu à une mise au point collective et l'on choisit, parmi les phrases d'illustration proposées, celles qui paraissent les meilleures (ces deux dernières phases du travail peuvent du reste être séparées de la première dans le temps).

La grille adoptée en commun sera recopiée par chacun des élèves et toutes les traces écrites du travail seront glissées dans un dossier "vocabulaire". Mais il est bien entendu :

1°) qu'une grille n'est qu'un moyen de présenter clairement les résultats d'une réflexion ; elle ne prétend pas épuiser toute la signification d'un terme (l'on n'a pas cherché en effet, ce serait du reste impossible avec des enfants, à faire un inventaire exhaustif de tous les emplois de "parcours" et d' "itinéraire". Les sens figurés, en particulier, sont délibérément laissés de côté au cours de cette dernière phase du travail.

2°) qu'une grille peut toujours être reprise, améliorée, complétée, par une autre, au fur et à mesure des découvertes et des besoins des enfants ; après avoir opposé par exemple maison/bâtiment, on pourrait étudier l'opposition maison/appartement.

Notons en outre que la maîtresse saisit toutes les occasions offertes par la vie de la classe : comptes rendus, travaux de mathématiques, etc., pour faire réutiliser "en situation" les termes étudiés.

Il nous a paru intéressant de savoir ce que les enfants pensaient de ce type de travail. La recherche des co-occurents et les discussions en équipes recueillent une approbation unanime. Quant à l'établissement même de la grille, l'ensemble des enfants apprécient ce travail dans lequel elles retrouvent la rigueur et l'effort d'abstraction qu'elles aiment dans les activités mathématiques, celles qui sont moins favorables (trois élèves de C.M.1 sur les vingt C.M.1-C.M.2 que comporte la classe), redoutent l'effort qui leur est nécessaire pour préciser et condenser l'expression.

La maîtresse de son côté est sensible à l'attention très vive suscitée chez les enfants à l'égard de la précision du langage et du choix du terme, attention qui se manifeste tout au long de leurs activités scolaires et parfois même extra-scolaires.

 

 

© Office français des techniques modernes d'éducation - Rénovation pédagogique au service de l'enseignement élémentaire - Atelier de pédagogie du lundi 29 mars 1971.

 

 


 

 

Fiche établie par M. PECHERY, professeur d’École normale, et Mme ALGRET, directrice d'école annexe.