Sûreté générale - République française

Commissariat de Police de Privas

Le 3 décembre 1897

Objet : Armée du Salut.

 


Rapport

 

J'ai l'honneur de faire connaître à Monsieur le Préfet qu'en exécution des instructions qu'il a bien voulu me donner, je me suis livré à une enquête sur les origines de "l'Armée du Salut" à Privas, ses relations, son influence actuelle et sur le but poursuivi ; les résultats, très difficiles à obtenir, me permettent de fournir les renseignements suivants.

Les premières tentatives faites pour faire des prosélytes à Privas l'ont été vers l'année 1885-1886 par le "Colonel Cliborn" qui, à la suite d'altercations et de refus de se soumettre à un arrêté de Monsieur le Maire des Ollières de ne tenir aucune réunion publique, a été condamné à deux jours d'emprisonnement par le Tribunal de Privas. Depuis l'époque de son arrivée à Privas, l'Armée du Salut a tenu son siège dans le même local, Cours du Temple, maison Théron.
Les membres actifs à Privas peuvent être évalués à vingt environ, sous la direction de "l'officière Dutruy Foumy née à Luins Canton de Vaud le 1er novembre 1872 - célibataire", arrivée à Privas le 19 janvier 1895.

Aucun personnage marquant, aucun fonctionnaire ne fait partie, tout au moins ostensiblement, de cette société.

Les membres actifs cherchent à grouper autour d'eux le plus d'adhérents possibles surtout dans les familles pauvres auxquelles ils apportent des secours en argent et en nature.

Les conférenciers qui de temps à autre viennent à Privas, sont généralement des étrangers (anglais et suisses), toutefois l'un d'eux est ardéchois, est frère de la femme d'un sieur Freydier, coiffeur cours de l'Esplanade, nommé Garnier.

Au point de vue politique, "l'Armée du Salut" n'a aucune influence actuellement et ne paraît pas devoir même en avoir plus tard ; il pourrait se faire qu'au point de vue de l'espionnage, il n'en soit pas de même, car il est certain que la majorité des personnes qui se trouvent à la tête des secteurs sont étrangères, qu'elles ont des relations directes avec l'Allemagne, l'Angleterre et la Suisse, très peu avec la Belgique qui cependant possède un centre d'espionnage.

Des renseignements complémentaires à ce rapport seront fournis à Monsieur le Préfet.

 

Le Commissaire de Police,

 

 

 

Fischer.