...., le 26 mars 1926

 

Bien chère petite marraine,

 

Je fais de suite réponse à votre lettre du 24 que je viens de recevoir ce soir et qui m'a fait très grand plaisir. Je vous aurais déjà bien écris hier soir, mais pardonnez-moi de ne pas l'avoir fait, nous sommes partis en marche manœuvre le matin et de retour que le soir bien fatigué. Car en faite de promenade et de déjeuner sur l'herbe nous avons trouvé le moyen de faire une trentaine de kilomètres heureusement que le temps nous était favorable car il faisait très beau.

Comme je le sais petite marraine vous aimez aussi les excursions qui ne sont plus du tout les mêmes que les nôtres car vous n'avez pas de fardeau à porter mais elles n'en sont que bienfaisantes.

Je vous approuve car après avoir été enfumé toute une semaine, l'on est heureux de retrouver un peu de liberté et surtout de respirer l'air pur. Je suis content chère petite marraine que vous approuviez le choix que j'ai fait pour ma sortie du régiment, je vous en remercie sincèrement et je crois que vous me porterez bonheur gentille marraine.

Quant à ce que vous me dites sur votre lettre, je suis bien de votre avis moi aussi, chaque jour je regardais le sergent de semaine venir avec son paquet de lettres en me demandant si il y en aurait une pour moi et je vous avoue que j'étais un peu anxieux et jaloux même je ne vous le cache pas, de voir que les autres en avait et moi pas, leur joie me faisait du mal, et j'étais un peu triste mais je me surmontais encore vite, car si je n'avais plus de vos nouvelles, chère petite marraine, croyez que j'aurais eu beaucoup de peine car je pense bien souvent à vous et je maudit la distance qui nous sépare car je serais très heureux de vous causer de vive voix.

Je vais vous quitter pour ce soir chère petite marraine, car il se fait déjà tard, il va être onze heures.

Je vous envoie quelques humbles violettes que j'ai cueillies pendant la marche qui vous ferons certainement plaisir.

Recevez de votre grand filleul qui pense bien souvent à vous sa sincère amitié et son bon souvenir,

 

Lucien