Pour commencer l'année, rien de tel qu'un texte de Hugo. De circonstance, qui plus est.
On pourra lire Il fait froid comme un contre-chant (le mot est inadéquat, mais je n'en ai pas d'autre sous le clavier, pour l'instant) apporté aux textes sur la mort de pauvres gens (qu'on trouvera ici)

 

 

 



L'hiver blanchit le dur chemin.
Tes jours aux méchants sont en proie.
La bise mord ta douce main ;
La haine souffle sur ta joie.

La neige emplit le noir sillon.
La lumière est diminuée… -
Ferme ta porte à l'aquilon !
Ferme ta vitre à la nuée!

Et puis laisse ton cœur ouvert !
Le cœur, c'est la sainte fenêtre.
Le soleil de brume est couvert;
Mais Dieu va rayonner peut-être !

Doute du bonheur, fruit mortel ;
Doute de l'homme plein d'envie ;
Doute du prêtre et de l'autel ;
Mais crois à l'amour, ô ma vie !

Crois à l'amour, toujours entier,
Toujours brillant sous tous les voiles !
À l'amour, tison du foyer !
À l'amour, rayon des étoiles !

Aime et ne désespère pas.
Dans ton âme où parfois je passe,
Où mes vers chuchotent tout bas,
Laisse chaque chose à sa place.

La fidélité sans ennui,
La paix des vertus élevées,
Et l'indulgence pour autrui,
Éponge des fautes lavées.

Dans ta pensée où tout est beau,
Que rien ne tombe ou ne recule.
Fais de ton amour ton flambeau.
On s'éclaire de ce qui brûle.

À ces démons d'inimitié,
Oppose ta douceur sereine,
Et reverse-leur en pitié
Tout ce qu'ils t'ont vomi de haine.

La haine, c'est l'hiver du cœur.
Plains-les ! mais garde ton courage.
Garde ton sourire vainqueur ;
Bel arc-en-ciel, sors de l'orage !

Garde ton amour éternel.
L'hiver, l'astre éteint-il sa flamme ?
Dieu ne retire rien du ciel ;
Ne retire rien de ton âme !

 

Victor Hugo, Les Contemplations XX, 1856

 

 

Le titre originel de ce poème était : Il fait froid et l'on te hait.
Poème envoyé par Hugo à Juliette Drouet le 1er janvier 1839.

La lettre qui l'accompagnait disait :

"Tu venais de me raconter toutes ces paroles de haine échappées de ces fangeuses coulisses, c'était cette dernière nuit, je marchais sur le pavé couvert de givre avec une brume glacée qui me piquait le visage, j'ai fait ces vers.
Ils sont un peu tristes, mon pauvre ange, mais je crois qu'ils contiennent cependant un bon conseil, et une vraie consolation.
On nous hait, il faut nous aimer.
Voici notre viatique pour l'année qui va s'ouvrir. Et je la commence par le mot qui la finira, n'est-ce pas ?
Je t'aime !
1er janvier - nuit".

[Note empruntée à Victor Hugo, Œuvres poétiques II, La Pléiade, p. 1445]