Notre plus belle gloire et nos plus belles richesses, c'est le bien que nous avons fait à nos semblables.

 


Stephenson, rentré chez lui, se remit avec plus de persévérance à chercher le moyen de faire une lampe préservatrice, dont la flamme fût abritée contre le grisou.


Souvent il se faisait descendre dans les galeries, et les ouvriers le voyaient s'approcher, une lumière à la main, des endroits les plus dangereux. Émus alors par le péril que Stephenson courait, ils essayaient de l'arrêter :


- Laissez-moi, répondait-il avec une douce fermeté. Ce que je cherche, c'est à protéger la vie de milliers de travailleurs. Cela vaut bien la peine que je m'expose !


Souvent il faisait, dans sa maison, des expériences avec des gaz semblables au grisou ; et comme, malgré tout ce qu'il avait étudié, il ignorait néanmoins bien des choses, ces expériences n'étaient pas sans danger.


Un jour même, une explosion se produisit ; le plafond s'écroula, détruisant les instruments et les essais de Georges. Georges seul fut respecté, et s'estima fort heureux d'en être quitte pour si peu.


Enfin, la lampe préservatrice fut achevée. Un treillis devait garantir la flamme du contact du grisou. Il ne restait qu'à en faire le dangereux essai.


Stephenson se fit descendre au fond du puits avec un ouvrier expérimenté et le contremaître de la mine.


Ce dernier conduisit Stephenson dans une galerie qu'on avait dû abandonner, à cause des gaz meurtriers qui s'échappaient par toutes les fentes avec un bruit aigu de sifflet. Le contremaître s'avança sans lumière dans la galerie, ce qui excluait tout danger.


Il revint bientôt vers Georges en lui affirmant que, s'il introduisait une flamme quelconque, une explosion terrible aurait lieu : c'était la mort. Stephenson sourit.

- "Placez-vous en lieu sûr, dit-il, j'entrerai seul".


Le contremaître et l'ouvrier se mirent en effet à l'abri, tremblant pour la vie de Stephenson, dont ils admiraient le courage. Lui, sa lampe allumée, ne tarda pas à disparaître dans les profonds détours des galeries.


Dès qu'il fut entré dans le courant d'air meurtrier, la lumière de sa lampe s'éleva subitement ; on eût dit que l'appareil s'enflammait. Puis elle diminua, et s'éteignit.


Il revint vers ses deux compagnons et leur raconta ce qui s'était passé, en les suppliant de se rapprocher assez pour être témoins eux-mêmes de la chose. Ils s'y décidèrent, et ce qui avait eu lieu la première fois se renouvela exactement sans la moindre explosion.


Georges, après avoir attentivement étudié l'effet de sa lampe, expliqua à ses deux compagnons les perfectionnements qui restaient encore à y ajouter.
Puis il se remit à son travail opiniâtre, et la lampe, refaite de nouveau, fut essayée le 4 novembre.


Elle était enfin complète ; elle atteignait à merveille le but proposé. Les houilleurs reconnaissants la baptisèrent aussitôt du nom de son inventeur, et l'appelèrent un georget.


Cependant, mes amis, cinq jours après l'essai de la lampe de Stephenson, un grand savant anglais, Davy, présentait à la Société royale ou Académie de Londres, une autre lampe de sûreté.


Comme Davy était un savant célèbre, et Stephenson un pauvre travailleur ignoré, la lampe de Davy obtint aussitôt la renommée : elle fut seule connue de toute l'Angleterre, et bientôt du monde entier.

Le georget des houilleurs de Newcastle resta connu d'eux seulement. Si donc Stephenson n'avait eu que ce titre de gloire, son nom ne fût pas passé à la postérité.


Mais Georges ne s'arrêta pas là. Au lieu de se laisser décourager par cet échec de la fortune, il s'émerveilla au contraire de voir qu'il s'était rencontré avec un savant illustre, et il s'encouragea lui-même à travailler plus encore, afin d'arriver toujours plus haut.