L'ouvrage du sociologue canadien Mathieu Bock-Côté ressortit à un travail universitaire, ce qui le rend un peu difficile à lire (nombreuses notes de bas de page). Il n'en reste pas moins fort important - et indispensable pour comprendre les querelles du temps présent. De plus, il n'est guère politiquement correct, et point n'est besoin de préciser ce que pense l'auteur des "accommodements raisonnables" [envers la religion musulmane] si prisés dans son propre pays. On peut cependant, pour la petite histoire, la nôtre en tout cas, se référer à ce que pensait Bock-Côté, dès février 2017, du candidat Macron ("Le macronisme est une synthèse de tout ce dont la France veut s'extirper", in Le Figaro du 22 février) et ce qu'il pense de la position du désormais président de la République française ("le mondialisme à outrance et le gauchisme culturel sont en contradiction avec les aspirations qui viennent des profondeurs du pays... Emmanuel Macron est parvenu à concrétiser un vieux fantasme politique qui habite une bonne partie des élites françaises depuis quelques décennies : celui de la création du grand parti du «cercle la raison» qui serait presque le parti unique des élites qui se veulent éclairées - ne resteraient plus dans les marges que des oppositions radicales, idéologiquement fanatisées et socialement rétrogrades. Ce parti, c'est celui de la mondialisation heureuse, de l'Europe post-nationale et de l'idéologie diversitaire... Sur les questions identitaires et sociétales, le progressisme macronien ne s'annonce pas modéré. Il n'est pas animé par un principe de prudence. On peut s'attendre à un grand enthousiasme du nouveau pouvoir dans la promotion d'une forme de multiculturalisme à la française...", in Le Figaro du 7 mai).
Puissent donc les quelques extraits donnés ici inciter à la lecture complète de ce travail tellement fouillé et précis !

 

 

 

"Les accommodements raisonnables ne sont une bonne idée que pour gérer le présent, ils nous préparent des lendemains difficiles"

(Stéphane Kovacs, sociologue, in Le Figaro du 26 mai 2017).

"L'islamisme gagne à tous les coups. L'échec de Daech n'est pas le sien. Il est celui d'un homme, Baghdadi: un autre, plus dur, mieux inspiré par Allah, lui succédera. L'islamisme se fiche de ses échecs comme de ses victoires. Ce qu'il voit, c'est que partout dans le monde il s'impose sur nos reculs, nos lâchetés, notre ignorance, nos incompétences, notre distraction, en se présentant à nous selon le cas avec le visage transparent de la démocratie, le visage benoît de l'islam, celui souriant de l'islamisme modéré, renfrogné de l'islamisme radical, joyeux de l'islamisme coopératif. Aujourd'hui on pleure Manchester et demain on fera des concessions aux prédicateurs masqués qui viendront nous présenter leurs condoléances".

(Boualem Sansal, écrivain algérien censuré dans son pays d'origine, in Le Figaro du 30 mai 2017).

 

 

L'Occident diversitaire

 

Notre époque, lorsqu'elle cherche à définir son horizon historique, se réfère à l'ethos de la diversité identitaire. Il faudrait s'y ouvrir et y convertir les institutions et les représentations collectives, au nom de l'ouverture à l'autre. Dans l'aventure humaine, nous serions rendus à cette étape sublime. Pour le dire avec l'ancienne formule, ce serait l'horizon indépassable de notre temps. À tout le moins, la civilisation occidentale y serait rendue. On célèbre périodiquement les années 1960-1970, on s'y réfère spontanément pour marquer la naissance d'une civilisation différente de celle qui l'a précédée. On les associe à l'idéal d'une société progressiste, transnationale et multiculturelle, à la sensibilité contestataire portée par la mouvance contre-culturelle. L'idéal démocratique se serait ainsi régénéré. La distinction est à peu près la suivante : avant, le sexisme, le patriarcat, l'homophobie, le racisme, l'intolérance ; aujourd'hui, l'émancipation des femmes, des homosexuels, des immigrants, des groupes identitaires marginalisés, la reconnaissance des différences et la tolérance. Nous serions passés d'une civilisation à une autre.

C'est le grand récit de la modernité : l'émancipation de l'homme passerait par l'extension de la logique égalitaire à tous les rapports sociaux et par la reconnaissance des identités qui ont été un jour ou l'autre marginalisées. Celles-ci surgiraient aujourd'hui des marges, affranchies d'un ordre politique et symbolique qui les refoulait. Il faudrait les accueillir : chacune enrichirait l'humanité. D'ailleurs, on le répète : la diversité serait une richesse. Le mythe vieilli d'une communauté politique unifiée s'effacerait devant la pluralité des appartenances, aucune d'entre elles ne se laissant enfermer dans une catégorie. La nation devrait se convertir au droit à la différence ou périr. Les vieilles hiérarchies s'effondreraient. À travers le démantèlement des institutions et des systèmes normatifs traditionnels, la modernité se serait lancée dans une poussée émancipatrice au service des identités traditionnellement marginalisées, qui accéderaient à la reconnaissance sociale et politique. Tel serait le nouveau visage de la démocratie que tous devraient reconnaître, sous peine d'être jugés déphasés et marqués publiquement à la manière de personnalités peu recommandables. C'est un discours souvent porté par la gauche multiculturaliste, par les thuriféraires de ce que l'on nomme la religion de l'humanité. Il est aussi porté par une frange de la droite moderniste qui chante la rédemption du genre humain par sa conversion au marché mondial, terrain de jeu idéal d'un individu hors-sol libéré des contraintes qui viennent avec l'appartenance à un corps politique.

Malgré tout, certains avouent d'immenses réserves devant cette révolution et ce changement. À la suite de Tocqueville, qui redoutait le potentiel liberticide de la démocratie, ils s'inquiètent des effets dissolvants d'un égalitarisme radicalisé. La passion de l'égalité mal contenue est-elle l'avant-dernière étape avec la servitude enthousiaste ? Derrière la sacralisation de la diversité, ne faudrait-il pas reconnaître l'émiettement de la citoyenneté et l'incapacité à agir collectivement ? Les libertés peuvent-elles survivre à l'aplatissement des institutions ? Et cette décomposition ne serait-elle pas à l'origine du sentiment d'impuissance qui plombe la démocratie ? Chose certaine, et comme nous le verrons dans le premier chapitre, la peur du délitement du lien social hante nos contemporains – d'autres vont même jusqu'à confesser celle de la dilution de la communauté politique et de l'identité nationale. Si le mot n'était pas proscrit, ils se dresseraient sans doute contre la décadence. Cette inquiétude s'exprime de façon résignée, comme si notre seule liberté était de nous en désoler. Ce n'est pas une crainte nouvelle : depuis toujours, la modernité s'accompagne d'esprits chagrins. Elle a appris à les consoler en leur expliquant qu'ils ont peut-être raison de regretter le monde d'hier, mais qu'on ne saurait rien y faire. La mélancolie comme la nostalgie n'ont pas bonne réputation.

La manière qu'on a de raconter l'histoire conditionne notre perception du dernier demi-siècle. Elle contribue au récit de légitimation des institutions et délimite les limites du pensable et de l'impensable. Elle distingue le progrès, la régression ou le déclin. Elle distingue entre les forces sociales historiquement porteuses et celles qui sont déclassées. Sommes-nous contemporains d'une mutation irréversible de la démocratie ou les héritiers d'une révolution qui a changé le cours de l'histoire ? On a beau disserter sur le sens de l'histoire et vanter les hommes qui savent embrasser l'esprit de leur temps, le récit des vainqueurs se présente comme le seul possible et l'inscription de la société diversitaire dans l'histoire de la démocratie, dont elle ne serait que le moment contemporain, désarme d'un coup ses adversaires en les reléguant dans le camp des ennemis de la démocratie. Pourtant, au sens de l'histoire, on peut substituer, comme nous y invitait il y a longtemps Guglielmo Ferrero(1), un récit qui raconte un conflit entre différents projets politiques, entre plusieurs principes de légitimité, qui cherchent à s'emparer des institutions et qui entendent exercer une hégémonie.

Cette piste est probablement la plus féconde pour comprendre la nature du projet multiculturaliste et plus encore, sa prétention à transformer la société occidentale. N'est-il pas nécessaire de voir de quelle manière il s'est imaginé, construit et institutionnalisé ? Ne faut-il pas analyser aussi le programme politique qui accompagne cette vision du monde ? Dans cet ouvrage, j'entends en retracer les origines idéologiques. Autrement dit, j'entends retracer non pas l'histoire naturelle de la modernité découvrant, dans la diversité, son nouveau visage, mais bien celle d'une révolution idéologique qui a transformé le principe de légitimité dont se réclament nos sociétés. J'entends raconter l'avènement du nouveau régime diversitaire qui assure la traduction institutionnelle du multiculturalisme qui est devenu la religion politique de notre temps.

[...]

 

 

Que reste-t-il du conservatisme ?

 

Cette vision politique est parvenue à s'imposer dans l'espace public. La question que je pose au terme de mon enquête, dans le septième chapitre, c'est évidemment celle de la recomposition de la polarisation politique dans la société diversitaire. Car l'espace public n'est pas neutre. Il délimite la frontière du dicible, du tolérable et de l'intolérable. En s'engageant dans l'espace public, on propose non seulement ses idées pour la cité, mais aussi, on délimite les paramètres dans lesquels on tolère ses adversaires. Qui est admis dans la cité, qui ne l'est pas ? Qui sont les contradicteurs légitimes de l'idéologie dominante ? Que faire des pans de la population et des courants politiques qui ne veulent pas chanter l'hymne au nouveau régime, qui osent même avouer qu'ils ne se réjouissent pas de son installation ? La polarisation politico-idéologique se recomposera autour de l'héritage des radical sixties et du malaise qu'il suscite dans de grands pans de la population, surtout dans les couches populaires, dont on a souvent noté les dispositions conservatrices.

Généralement, on présente le conservatisme comme une pathologie, à la manière d'un reste traditionnel que la modernité diversitaire peinerait à liquider une fois pour toutes. Le conservatisme sera ainsi présenté comme l'expression d'une fragilité psychologique de populations tentées par le repli sur soi, d'autant plus qu'elles seraient hantées par la "peur de l'autre". Ou encore, on en fera le réflexe idéologico-politique des groupes sociaux déclassés par une vague de modernisation. Le conservatisme serait une pathologie reflétant la permanence de schèmes identitaires prémodernes dans de grands segments de la population. On le reconnaîtra à travers les nombreuses phobies qui le caractériseraient, qu'il s'agisse de la xénophobie, de l'homophobie, de la transphobie, de l'islamophobie ou de l'europhobie. Il faudrait lutter contre lui pour l'éradiquer de la vie publique.

L'entrée dans la conversation démocratique présuppose une reconnaissance du caractère positif de l'héritage de mai 1968. C'est la condition de la respectabilité médiatique et politique. Il faut embrasser la "nouvelle idéologie dominante"(2). On le voit notamment à travers le concept de dérive pour mettre en garde ceux qui s'en éloignent, qui rappelle que l'espace public est balisé et surveillé et qu'en s'éloignant d'une certaine orthodoxie, on s'éloigne aussi des codes de la respectabilité démocratique. La droite a renié sa part conservatrice. C'est dans ce contexte général, par ailleurs, que les préoccupations populaires, souvent abandonnées par les grands partis de gouvernement, sont récupérées par des partis contestataires occupant de facto une fonction tribunitienne, ce qui a pour effet, à bien des égards, de radicaliser leur exclusion de la communauté politique.

[...]

 

 

Une nouvelle légitimité politique

 

Notre époque, loin de consacrer la fin des idéologies, met en scène une querelle idéologique majeure, même si cette querelle est réduite et caricaturée à un conflit entre le progrès et la réaction. Dans ce livre, je retrace l'émergence d'une nouvelle légitimité politique et même d'une nouvelle religion politique. J'ai cru en exhumer les fondements négligés, peut-être oubliés : j'ai cru surtout, du moins je l'espère, montrer à quel point elle transforme radicalement notre rapport à l'expérience démocratique de la modernité en redéfinissant ses concepts fondateurs. La démocratie n'a-t-elle pas radicalement changé de signification ? Nous sommes ainsi reconnectés avec la plus vieille question de la philosophie politique : dans quel régime vivons-nous aujourd'hui ? Une civilisation repose toujours sur une certaine idée de l'homme. À quelles passions humaines sont désormais reliées les institutions de la démocratie diversitaire ? Manière comme une autre de se demander sur quelle idée de l'être humain repose le nouveau régime qui se met en place ? Ce qui nous force à savoir à quelle idée de la modernité nous nous référons. La modernité s'est toujours définie en cherchant à constituer un rapport créateur entre l'héritage et le progrès, entre la mémoire et l'utopie. N'avons-nous pas assisté, à plusieurs égards, depuis une quarantaine d'années, à l'abolition du premier terme au profit exclusif du second ? Et ne nous retrouvons-nous pas, conséquemment, avec une idée atrophiée, diminuée, de l'homme ?

Mais reprenons tout cela depuis le début. Car c'est cette histoire qu'il nous faut raconter.

 

 

 

La grande noirceur occidentale ou l'histoire comme expiation

 

"Or nous savons bien que lorsqu'une nation prend mauvaise conscience, elle est prête à s'effondrer".
(Jacques Ellul, in Trahison de l'Occident)

 

Dans ses Chroniques de guerre, et avec l'admirable lucidité dont il était coutumier, Raymond Aron a déjà noté qu'un "régime nouveau est toujours impatient d'affermir son autorité en détruisant les fondements du régime ancien". Cette réflexion éclaire certainement cette tendance étrange que notre époque a l'habitude d'appeler la manie pénitentielle. C'est désormais un rituel, ou presque : d'une nation à l'autre, on exhume du passé des figures illustres ou oubliées pour les soumettre à un procès implacable ; ils n'anticiperaient pas la société présente, ils ne se seraient pas pliés à l'avance aux valeurs que nous chérissons. Ils témoigneraient même d'un autre rapport au monde, qui nous est absolument incompréhensible. On laisse de côté ce que l'on croit être leurs exploits ou leurs mérites, et on cherche à voir comment ils ont péché d'une manière ou d'une autre contre la diversité. Car c'est finalement la seule question qu'on leur posera : avaient-ils, oui ou non, compris l'importance vitale de la lutte contre les discriminations ? Avaient-ils commencé la lutte au nom des minorités dominées ? C'est ce qu'appelle généralement la repentance, qui a partout la cote, qu'il s'agisse de renoncer à célébrer Austerlitz en France, d'accuser de sexisme le mouvement patriote du XIXe siècle au Bas-Canada ou de déboulonner les statues qui, à Londres, rappellent trop la mémoire de l'empire britannique. C'est la passion morbide de la commémoration négative : nous ne tolérons plus dans l'imaginaire collectif des hommes qui, d'une manière ou d'une autre, contredisent le présent et laissent croire que l'humanité a pu vivre autrement, en vénérant d'autres dieux ou d'autres valeurs. Le nouveau régime diversitaire ne célébrera que ceux qui l'annonçaient, et noircira à outrance ceux qui n'entrent pas naturellement dans son panthéon idéologique.

Cette culture de la repentance est certainement un des principaux héritages de la dynamique idéologique des radical sixties. Dans la mesure où les années 1960 sont perçues comme porteuses d'une mutation identitaire radicale, elles ont généré un récit historique venant fonder cette prétention. Car toute société a besoin d'un récit qui structure son imaginaire et vient concrétiser la nécessité pour l'homme d'appartenir à une communauté qui s'inscrit dans le temps. La singularité de la mémoire contemporaine est toutefois d'être une mémoire de l'arrachement : elle n'entend pas nouer un lien avec le passé, mais justement, le dénouer. Même si elle était déjà présente auparavant, la chose est devenue visible au début des années 1980, comme l'a noté Pascal Bruckner qui en a mené une sévère critique en dénonçant "l'auto-cannibalisme" et la "culture de l'excuse", "le systématisme de l'expiation", "l'avalanche pénitentielle" : "Une partie du monde, la nôtre, est donc occupée de façon obsessionnelle à dresser la liste de ses torts et se forge une hautaine statue de tortionnaire. Dès l'enfance, nous sommes dressés à la pédagogie de l'auto-réprimande. [...] Nous répugnons alors à défendre nos sociétés : plutôt nous abolir que de manifester à leur égard un tant soit peu d'attachement"(3).

Les sociétés occidentales ont appris à avoir honte de leur histoire. Elles la croient entachée par une faute grave, indélébile, comme si la tradition était définitivement souillée. Ces querelles, évidemment, ne concernent pas que les historiens. Cette manie du repentir, que Jean Sévillia a nommé "l'historiquement correct", et que d'autres assimilent à une idéologie pénitentielle a suscité depuis le début des années 2000 l'agacement de plusieurs historiens et intellectuels qui en ont fait la critique, plus souvent qu'autrement en soutenant qu'elle reposait sur une mémoire fantasmée surchargée de griefs revanchards(4). Mais la critique de cette tendance demeure minoritaire et s'inscrit à contre-courant d'un discours hégémonique sur la mémoire collective des sociétés occidentales.

Cette manie pénitentielle est normalement assimilée à une "repentance de la conscience moderne sur elle-même", comme l'a suggéré Alain Renaut dans un travail cherchant à introduire positivement dans la philosophie politique française la question du multiculturalisme(5). Il parlait à ce propos d'un "humanisme de la diversité". D'ailleurs, il décrit bien l'état d'esprit de ceux qui reconnaissent une vertu pédagogique à l'idéologie pénitentielle et qui pratiquent la "culpabilisation rétrospective" : "Il suffit d'apercevoir [que cette repentance] procède à l'évidence du sentiment qu'un certain nombre de choix de valeurs, solidaires de la façon dont les Modernes ont longtemps compris le sens de l'humanisme, se sont au moins en partie retournés dans leur contraire. Là où il s'agissait, en particulier pour la composante républicaine de notre modernité, de faire abstraction des différences pour intégrer toute la variété des profils humains, individuels ou collectifs, dans un monde commun, les représentations qui se sont développées des conditions de possibilité d'un tel monde commun ont contribué et contribuent encore trop souvent à exclure celles et ceux qui ne correspondent pas à certains standards"(6).

La repentance serait inscrite dans le déploiement de l'identité moderne passée de l'altérité substantielle prémoderne à l'égalité indifférenciatrice moderne et qui s'ouvrirait aujourd'hui à l'égalité différenciée liée à un retour de la modernité sur les processus d'exclusion qu'elle aurait légitimés. Autrement dit, l'histoire de l'identité exigerait aujourd'hui une "ouverture à l'autre" indissociable d'un retour sur les conditions et les discours qui avaient légitimé son exclusion. De l'universalisme du même, nous passerions à l'universalisme pluriel. En ce sens, l'apprentissage de la culpabilité serait une manière pour les sociétés modernes d'honorer leur fidélité à leurs idéaux. La repentance serait une forme supérieure de fidélité à soi-même.

Il nous faut pourtant nous éloigner de cette explication convenue, celle d'une société occidentale trouvant dans la repentance une manière de revenir sur son passé avec une modestie inédite, désormais informée de ses crimes et de ses fautes. Évidemment, la sensibilité historique des sociétés évolue, elle se transforme, elle mue, si on préfère, mais un retournement aussi complet du rapport au passé ne saurait s'expliquer de lui-même. Le passé, on le sait, n'apparaît pas sans médiation dans la conscience des hommes : il est l'objet d'interprétations multiples et concurrentes. C'est un enjeu politique, peut-être même le premier. "Qui contrôle le passé contrôle l'avenir", écrivait Orwell. Et "qui contrôle le présent contrôle le passé", complétait-il, dans une formule aussi tranchante qu'exacte. Le récit historique est indispensable à la construction de la légitimité politique. Pour ses promoteurs, qui croient enseigner la vérité enfin dénudée, la "mauvaise conscience" historique aurait la vertu d'une pédagogie nécessaire pour affaiblir le système immunitaire des sociétés occidentales et les amener à consentir à leur transformation radicale. Plus le présent hérite d'un passé coupable, plus il doit être transformé. L'idéologie pénitentielle n'appartient pas seulement à une histoire de la conscience démocratique de la modernité, mais a une fonction stratégique dans le dispositif idéologique du multiculturalisme. Le passé réinterprété est devenu une ressource politique et idéologique dans la lutte en faveur du régime diversitaire, comme le note Shmuel Trigano qui soutient que "les réputés conflits de mémoire ne font que traduire sur le plan idéologique le fait que des groupes sociaux militent sur la scène de l'opinion publique pour se faire une place au soleil"(7). Olivier Mongin parle plutôt d'une "conception pénitentielle et réparatrice de l'histoire"(8). On parle d'historiographie victimaire car c'est d'abord dans sa prétention à dévoiler la société moderne par ses marges qu'elle prend forme, en racontant désormais son histoire "du point de vue de ceux qui l'ont subie", selon la formule d'Alain Touraine, pour prendre leur parti et leur fournir une visibilité historique sans laquelle ils ne pourraient prendre collectivement conscience de leur situation de domination. Ainsi dégagés de l'hégémonie de ce qu'on nomme de plus en plus souvent la mémoire majoritaire, les groupes discriminés, parvenus à se reconstituer une certaine densité existentielle, disposeront des ressources identitaires nécessaires pour justifier leurs griefs, leurs revendications, leurs réclamations.

On connaît la portée du traumatisme associé à la Shoah. Plusieurs ont noté qu'à partir des années 1970, et plus encore, des années 1980, elle était devenue la référence à partir de laquelle réfléchir plus généralement à la culpabilité occidentale. La mémoire de l'Holocauste joue un rôle central dans l'imaginaire politique de la gauche multiculturelle qui a tendance à associer ses adversaires aux jours les plus sombres du XXe siècle en mobilisant contre eux la rhétorique de l'antifascisme. Cette tendance est renforcée par la dynamique de la concurrence victimaire, dans la mesure où la reconnaissance de l'horreur suprême dans l'Holocauste entraîne désormais chaque groupe victimisé à comparer ses malheurs avec ceux du peuple juif et à réclamer conséquemment une égalité de traitement symbolique. La souffrance des uns valant toujours la souffrance des autres, cela entraîne une assimilation de chaque souffrance ou de chaque discrimination à celle subie par le peuple juif au moment de la Shoah(9). Les crimes du nazisme deviennent rétrospectivement le point de convergence à partir duquel redéployer les histoires nationales et le vocabulaire qui lui est associé est instrumentalisé pour décrire les tensions interethniques ou simplement la défense des identités nationales. Il faut penser l'exclusion à partir du nazisme, et faire de ce dernier le point d'aboutissement de toute exclusion. Comme l'a écrit Jürgen Habermas après la querelle des historiens en RFA, au milieu des années 1980, la Shoah aurait désormais une vocation pédagogique universelle pour des sociétés cherchant le chemin vers la démocratie post-nationale(10). La querelle des historiens avait surtout pour vocation, selon Habermas, de recentrer l'identité allemande sur un patriotisme constitutionnel exclusivement défini par une adhésion à l'universalisme démocratique. Autrement dit, l'objectif était de recentrer la mémoire allemande sur celle de l'Holocauste pour en arriver, par effet de contraste, à la mise en place d'un patriotisme constitutionnel définissant l'appartenance à la société allemande par la seule adhésion aux valeurs universalistes contenues dans sa loi fondamentale. "L'hypermnésie des crimes du nazisme", selon la formule de Stéphane Courtois, permettant ainsi de toujours ramener dans une même trame l'histoire nationale, présentée à la manière d'un nationalisme débordant de ses limites, animé par une pulsion criminelle potentiellement génocidaire, l'exclusion devenant la catégorie fondamentale à partir de laquelle ressaisir l'histoire collective pour faire apparaître les victimes nécessaires à sa mise en accusation(11).

Les crimes du nazisme ne lui seraient aucunement exclusifs mais seraient symptomatiques de l'allergie occidentale à la différence. Le pluralisme identitaire ne surgirait finalement qu'à la manière d'une revanche des dominés rendue possible par une civilisation poussant le crime contre la différence jusqu'au génocide. On voit même de plus en plus d'intellectuels mobiliser la mémoire de l'antisémitisme dans la dénonciation de l'islamophobie qui l'aurait remplacée. Lorsque se pose dans l'espace public la question de l'exclusion, surtout lorsqu'elle concerne des populations issues de l'immigration, la référence au nazisme n'est jamais éloignée, surtout par ailleurs, lorsque vient le temps de désigner la politique proposée par les partis populistes, ou encore lorsque vient le temps de dénoncer les politiques de la droite gouvernementale si elle s'engage dans la mise en place d'une politique de l'identité nationale. Cette mobilisation de la mémoire de la stigmatisation des juifs sous le nazisme était visible lors du débat de la fin de l'année 2009 sur "l'identité nationale" en France, organisé par Éric Besson, lorsque plusieurs intellectuels de grande renommée firent un rapprochement entre la politique française contemporaine et celle menée sous le IIIe Reich : "Ce qui se passe en France depuis l'ouverture du débat sur l'identité nationale est insupportable. Ce qui se dessine, c'est la montée de l'ostracisme à l'encontre de toute population dont la religion, la couleur de peau, le langage ou la tenue vestimentaire, voire l'âge, sont susceptibles d'inquiéter les Français ou du moins une partie d'entre eux qui s'arrogent le monopole de l'identité nationale. [...] En raison même de l'idée que nous nous faisons de la dignité humaine, en raison du fait que la liberté religieuse et la liberté de conscience sont des droits humains fondamentaux, nous demandons que soit mis un terme à tout ce qui peut nourrir ou sembler justifier les dérives actuelles, à commencer par ce "diabolique"débat sur l'identité nationale qui ne sème que la division. Après l'étoile jaune, faudra-t-il un jour porter une étoile verte"(12) ?

Cette nazification implicite de l'adversaire à partir de la mobilisation de la mémoire du IIIe Reich montre bien, par ailleurs, comment la mémoire occupe ici une fonction d'intimidation idéologique qui délimite les contours du pensable dans la démocratie multiculturelle – il y aurait au cœur de la civilisation occidentale un désir de persécution du minoritaire qui se serait porté sur les juifs hier et qui se reporterait sur les musulmans aujourd'hui. Le monde d'hier a culminé dans le nazisme, se porter à la défense du premier consistera donc à se présenter comme un collaborateur conscient ou inconscient du second. Même en Israël, les nouveaux historiens ont ainsi revisité de manière hypercritique la guerre d'indépendance en créant un certain effet de miroir entre la destruction des juifs d'Europe et "l'expulsion" des populations arabes qu'elle a entraînée, en laissant entendre par là qu'à un génocide en aurait répondu un autre ne portant toutefois pas ce nom, histoire des vainqueurs oblige. L'histoire de l'État juif représenterait ici la dernière manifestation d'un colonialisme occidental conquérant au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale(13). L'essentiel est d'avoir les mêmes choses à se reprocher que les autres.

Aux États-Unis, c'est la mémoire de l'esclavage qui joue le rôle de souvenir fondateur à partir duquel penser une mémoire de la diversité. Au moment du mois de l'histoire des Noirs, en février 2009, Éric Holder, procureur général de l'administration Obama, invitait ainsi l'Amérique à revisiter l'histoire de ses relations interraciales en reconnaissant dans l'esclavage le péché originel de la nation américaine, qui devrait aujourd'hui l'amener à s'ouvrir à la diversité, pour éviter de commettre à nouveau un crime exclusionnaire(14). C'est en intériorisant pleinement dans la conscience historique américaine le crime esclavagiste que l'Amérique apprendra véritablement la nécessité d'une société multiculturelle, susceptible d'inspirer les autres sociétés occidentales à réaménager leurs propres institutions pour s'ouvrir à leurs minorités. L'originalité de la situation américaine, selon Michael Lind, sera de transformer la communauté noire en équivalent moral pour l'Amérique du Nord de la communauté juive d'Europe, pour ensuite en faire l'étalon de mesure de toutes les situations discriminatoires que la société américaine a pu engendrer, chaque groupe culturel ou sexuel revendiquant finalement sa part de stigmates héritée du péché originel américain(15) – chaque fois, on abolit ainsi l'originalité de chaque persécution pour n'en faire qu'une manifestation plus ou moins brutale du système exclusionnaire occidental. De manière plus générale, c'est toute l'histoire de l'expansion européenne qui est réécrite pour faire du racisme sa trame dominante. L'histoire de l'État-nation serait celle d'une communauté politique institutionnalisée sur le fait même du racisme, dans la mesure où elle distinguerait entre un intérieur et un extérieur de la communauté politique, la distinction entre citoyens et étrangers en découlant entraînant nécessairement une criminalisation de la diversité culminant encore une fois, à les lire, dans la Shoah.

C'est la distinction entre le citoyen et celui qui ne l'est pas qui est remise en question par la réécriture culpabilisante de l'histoire sous le signe de ce que Finkielkraut appelle "la religion de l'humanité", qui consiste à chercher à renouer avec l'unité primordiale de l'humanité. Ce procès est aussi mené contre la civilisation occidentale dans son ensemble, principalement par un retour hypercritique sur la colonisation et le déploiement des empires européens. Le bilan de la colonisation s'écrirait avec la même encre que celui du communisme ou du nazisme – c'est à partir d'une telle lecture de la colonisation qu'on a pu tenir la conférence de Durban, 1 et 2, en faisant de la configuration stato-nationale le résultat d'un colonialisme raciste qui exigerait aussi des réparations massives à l'endroit des peuples du tiers-monde. La nation se serait constituée dans le cadre de l'histoire de la colonisation, de l'expansion européenne. La décolonisation des sociétés occidentales ne sera complétée qu'au moment où elles se seront culturellement et institutionnellement converties au multiculturalisme. On en trouvera même, à partir de l'historiographie victimaire, pour criminaliser la découverte de l'Amérique par les navigateurs et explorateurs européens, le plus célèbre d'entre eux, Christophe Colomb étant de temps en temps présenté comme le premier des génocidaires occidentaux(16). En fait, la question de la découverte de l'Amérique, si elle est un peu défraîchie et n'occupe plus les commémorations, est au cœur de l'imaginaire multiculturaliste, dans la mesure où elle serait l'acte génocidaire inaugural de l'impérialisme occidental. L'expansion occidentale est transformée en entreprise prédatrice dépourvue de toute légitimité, les génocides s'accumulant dans une expérience meurtrière radicalisée d'un siècle à l'autre. C'est l'histoire même du déploiement de la civilisation occidentale qui est désormais classée dans la catégorie des crimes contre l'humanité. La civilisation occidentale aurait organisé le monde autour d'elle en le hiérarchisant à son avantage. Elle devrait conséquemment se dissoudre la première. La repentance représenterait le rituel expiatoire par lequel elle se délivrerait d'une tradition écrasante et renaîtrait dans l'ouverture à l'autre et le culte de l'humanité réconciliée. Elle devrait montrer l'exemple, en quelque sorte, d'une civilisation cherchant désormais à s'identifier à l'humanité dans son ensemble, en renonçant aux frontières culturelles et politiques qui la définiraient.

Le débat public français autour de l'histoire a permis d'apercevoir, depuis le début des années 2000, la portée de cette reconstruction de la mémoire occidentale autour des crimes du nazisme, devenus à la fois révélateur de l'expérience historique occidentale et point de comparaison auquel ramener de manière assez générale les tensions interethniques ou intercommunautaires. On le sait, par le génie politique du général de Gaulle, la France est sortie de la Deuxième Guerre mondiale du côté des vainqueurs, avec une mémoire centrée sur l'épopée de la France libre et de la Résistance(17). Cette mémoire, malgré ses exagérations et ses limites, n'en correspondait pas moins à la disposition identitaire la plus naturelle qui soit dans une nation : tisser, dans le tumulte des événements, un récit victorieux et édifiant. Mais la mémoire glorieuse du relèvement national a cédé la place à une mémoire reconstruite dans l'intériorisation du mythe de "l'idéologie française", qui prétendait retrouver dans l'histoire française du XXe siècle une profonde tentation fasciste, faite de nostalgie communautaire et de désir de pureté raciale(18). Alors que le général de Gaulle avait relevé la France du désastre avec un culte indéniable de la nation, dont il n'avait à aucun moment contesté le particularisme identitaire(19), en la définissant comme réalité historique enracinée irréductible aux autres nations, le patriotisme ordinaire sera de plus en plus associé à la mémoire exclusive de Vichy, l'accusation de pétainisme qualifiant désormais une proposition visant à reconnaître à l'identité française une densité historique et culturelle ne se limitant pas à la sacralisation de l'universalisme républicain. Mais si la mémoire de la deuxième guerre a déterminé les années 1980 et 1990, c'est plutôt celle de la colonisation qui s'est imposée depuis le début des années 2000 et cela d'autant plus que des mouvements sociaux issus de l'immigration, comme les Indigènes de la République, se sont réclamés de l'histoire coloniale pour fonder leurs attaques les plus virulentes contre la société française en la réinterprétant justement dans la matrice de l'antifascisme, comme si la colonisation préfigurait le nazisme et l'extermination des juifs d'Europe – Paul Yonnet a sévèrement parlé "d'une gauche pour laquelle la colonisation est devenue une sorte de nuit absolue dont l'identité française devrait indélébilement porter la marque et payer les dettes"(20). L'aventure coloniale française, principalement en Algérie, a ainsi été présentée comme une entreprise d'"extermination"qui anticiperait le totalitarisme nazi et la solution finale(21). C'est toute une historiographie de la "fracture coloniale" qui se déploiera pour ainsi dévoiler la dimension criminelle de l'histoire française, d'autant que la fracture coloniale se reproduirait aujourd'hui dans la crise des banlieues françaises. Les historiens à la tête de cette mouvance pratiquant le révisionnisme victimaire affirment ainsi que "[l]'histoire coloniale et les mémoires qui socialement la construisent touchent la France dans sa propre identité collective, remettant en question les manières dont est représentée notre histoire nationale ; mais aussi, en partie, la mythologie de la supposée spécificité du “génie français”, composé de valeurs révolutionnaires et de mission universelle, de droiture républicaine et de tolérance indifférenciée à l'Autre, de “mission civilisatrice” et de peur de la différence"(22).

La mission de l'historiographie victimaire à la française ne laisse pas vraiment de place au doute : elle doit affaiblir l'identité française, faire tomber ses mythes, déboulonner ses statues. On l'a vu avec la mise en scène d'un procès systématique contre Napoléon qui sera réduit à sa décision de restaurer l'esclavage, au point même où on ne tolérera plus les commémorations nationales célébrant ses victoires, notamment celle d'Austerlitz : Claude Ribbe, dans une stratégie rhétorique désormais bien connue, nazifiant l'empereur en le présentant comme un expérimentateur précoce de la solution finale(23). Il n'est évidemment pas nécessaire de s'attarder trop longtemps à l'exemple français pour comprendre la dynamique de nazification rétrospective de la mémoire à laquelle nous assistons, d'autant plus qu'elle est reconnaissable dans toutes les sociétés occidentales, avec quelques variantes, cela va de soi. [...]

 

 

Notes

 

(1) Guglielmo Ferrero, Pouvoir. Les génies invisibles de la cité, Paris, Plon, 1943.
(2) Shmuel Trigano, La nouvelle idéologie dominante, Paris, Herman, 2012.
(3) Pascal Bruckner, Le sanglot de l'homme blanc, Paris, Seuil, 1983 ; La tyrannie de la pénitence. Essai sur le masochisme occidental, Paris, Grasset-Fasquelle, 2006.
(4) 190} Jean Sévillia, Historiquement correct, Pour en finir avec le passé unique, Paris, Perrin, 2003. Dans le cadre du débat français sur la mémoire de la colonisation, qui a pris forme à travers la perspective propre au paradigme postcolonial, Daniel Lefeuvre a mené une critique très sévère de la criminalisation de la colonisation. Lefeuvre a notamment soutenu que la mythologie du repentir colonial reposait sur une mémoire artificielle, fantasmée. "Tout comme les saignées de Diafoirus témoignaient de l'incapacité du bon docteur à formuler un diagnostic exact de la maladie, le prêche des sectateurs de la repentance coloniale repose sur une suite d'ignorances, d'occultations et d'erreurs, voire de contrevérités. Le devoir de mémoire qu'ils cherchent à imposer est celui d'une mémoire artificielle, construite pour les besoins de leur cause et qui produit, en réalité, une perte de savoir réel, tout en témoignant d'un déni de l'Histoire [..]". Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale, Paris, Flammarion, 2006, p. 12. Olivier Petré-Grenouillot a rappelé quant à lui que la civilisation occidentale n'avait pas eu le monopole de l'esclavage et de la traite négrière, cette dernière ne pouvant se penser qu'au pluriel et dans la perspective plus vaste d'une histoire monde. Olivier Petré-Grenouillot, Les traites négrières. Essai d'histoire globale, Paris, Éditions Gallimard, 2004. Évoquons enfin Sylvain Gouguenheim qui a remis en question le rôle de la science musulmane dans la fondation intellectuelle de l'Europe moderne en rappelant que cette dernière ne devait pas exclusivement à des sources extérieures à sa propre dynamique historique la transmission de l'héritage de l'Antiquité. Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont Saint-Michel. Les racines grecques de l'Europe chrétienne, Paris, Seuil, 2008.
(5) Alain Renaut, Un humanisme de la diversité. Essai sur la décolonisation des identités, Paris, Flammarion, 2009, p. 15 (et plus généralement, p. 14-19).
(6) Ibid., p. 14-16.
(7) Shmuel Trigano, "Abus de mémoire" et "concurrence des victimes", une dépolitisation des problèmes, Controverses, N° 2, juin 2006, p. 41.
(8) Olivier Mongin, "Une précipitation à retardement : quelques perplexités sur le consensus historien"», Esprit, février 2006, p. 149
(9) Jean-Michel Chaumont, La concurrence des victimes, Paris, La Découverte, 2002.
(10) Jürgen Habermas, L'intégration républicaine, Paris, Fayard, 1999. Sur la querelle des historiens, on consultera l'ouvrage collectif Devant l'histoire, Paris, Cerf, 1988. Pour une critique de la diabolisation de l'Allemagne par la nazification substantielle de son expérience historique, on consultera Alexander J. Groth, "Demonizing the Germans : Goldhagen and Gellately on Nazism", Political Science Reviewer, Fall 2003, Vol.32, no1, p. 118-158
(11) Stéphane Courtois, Communisme et totalitarisme, Paris, Tempus, 2009.
(12) Collectif, "Après l'étoile jaune, faudra-t-il un jour porter l'étoile verte", Le Monde, 22 décembre 2009.
(13) Ilan Greilsammer, La nouvelle histoire d'Israël. Essai sur une identité nationale, Paris, Gallimard, 1998.
(14) Éric Holder, "Attorney General Eric Holder at the Department of Justice African American History Month Program", discours prononcé le 18 février 2009, Lien sans doute inopérant. Cf aussi celui-ci.
(15) Très critique de cette historiographie multiculturelle, qui dans le contexte américain repose sur un universalisme victimaire paradoxal qui fonctionne à la comparaison avec l'histoire de la communauté noire, désormais victime exemplaire à partir de laquelle penser la condition des autres groupes marginalisés, Michael Lind a ainsi critiqué "the perversion of our political culture by victimology" en affirmant qu'elle serait causée par "this effort to deny uniqueness of the black experience with segregation, and to generalize it as a model for all struggles of value or interest, no matter how minor". Michael Lind, The Next American Revolution, New York, The Free Press, 1995, p. 351. On consultera plus généralement tout son chapitre consacré à la réécriture de l'histoire américaine : p. 349-388.
(16) Robert Royal, "1492 and Multiculturalism", The Intercollegiate Review, Spring 1992, p. 3-10.
(17) Régis Debray, À demain de Gaulle, Paris, Gallimard, 1996
(18) Bernard-Henri Lévy, L'idéologie française, Paris, Grasset, 1981
(19) Daniel Mahoney, De Gaulle : statemanship, Grandeur and Modern democracy, Westport, Praeger, 1996.
(20) Paul Yonnet, François Mitterand le Phénix, Paris, De Fallois, 2003, p. 54.
(21) Olivier LeCour Grandmaison, Coloniser, exterminer. Sur la guerre et l'État colonial, Paris, Fayard, 2005.
(22) Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Sandrine Lemaire, "La fracture coloniale, une crise française" dans Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Sandrine Lemaire (dir.), La fracture coloniale, Paris, La Découverte, 2006, p. 11.
(23) C'est dans ces mots que Ribbe résumait l'œuvre historique de Napoléon : "Cent quarante ans avant la Shoah, Napoléon a utilisé les gaz pour exterminer la population civile des Antilles. Il a livré vivants des milliers d'Antillais en pâture à des chiens. Napoléon a créé des camps de concentration en Corse et à l'île d'Elbe où sont morts des milliers de Français d'Outre-mer". Claude Ribbe, Le crime de Napoléon, Paris, Éditions Privé, 2005.

 

 

© M. Bock-Côté, in Le multiculturalisme comme religion politique, Les Éditions du Cerf, 2016.

 

 


 

 

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