L'enrichissement du vocabulaire : suite 6 de la mise en ligne

 

 

 

 

D. Propositions

 

 

1. Le Plan Rouchette et le vocabulaire

 

Le Plan dit Rouchette(1), élaboré entre les années 1964 et 1970, estime que trois raisons, au moins, rendent urgente une rénovation de l'enseignement du français :


- la modification des structures de l'école obligatoire, entraînée par le décret du 6 janvier 1959 (prolongation de l'obligation de scolarité jusqu'à seize ans),
- les exigences de la démocratisation, sous-tendant un meilleur rendement de l'école,
- les apports dus aux études théoriques en linguistique et en psychologie.

Ainsi est justifié le Plan de rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire, dont les deux principes fondamentaux sont la notion de communication et celle d'apprentissage de la langue (parlée et écrite).

Ce plan insiste sur la notion de français global, pour "rendre l'enfant apte à s'exprimer oralement et par écrit, et capable de comprendre ce qui est dit et écrit"(2), et sur l'inadéquation du morcellement en domaines, trop souvent autonomes, des ‘parties’ de cet enseignement (lecture, écriture, récitation...). Naturellement, ces domaines ne sont pas exclus de la conquête progressive du langage adulte élaboré. Mais ils doivent se prêter mutuellement appui, pour concourir à l'objectif commun. C'est ainsi que le Plan inclut le vocabulaire au sein des activités ‘décloisonnées’ du français (approches globales, puis analytiques).

Comme le texte du Plan est aujourd'hui difficile d'accès, nous en donnons ci-après quelques extraits(3).

 

a). Pourquoi rénover l'enseignement du français à l'école élémentaire ?

 

[L'enseignement du français à l'école élémentaire a jusqu'ici été régi par différentes ‘Instructions Officielles’. Remarquables par la générosité de l'inspiration, la richesse des conseils pratiques, elles ont rendu les plus grands services. Leur ensemble constituait une somme et reflétait une sagesse pédagogique que la pratique a confirmée durant de nombreuses années. Elles répondaient aux besoins et aux conceptions du moment. Mais il est évident que l'évolution des institutions et des théories avait introduit avec chaque ‘instruction’ nouvelle des éléments se trouvant en contradiction avec certains aspects des instructions précédentes. Le souci de continuité dans la doctrine que les auteurs successifs tentaient de maintenir ne parvenait plus à masquer ces incohérences. De plus et surtout, les années ont passé, fertiles en événements et en mutations de tous ordres. Et il n'est plus possible d'envisager une simple refonte des textes antérieurs. Une nouvelle définition des finalités de l'enseignement du français, et notamment de l'enseignement élémentaire, est donc nécessaire. Une expérimentation, actuellement en cours dans des classes élémentaires, vise à fonder plus scientifiquement la rénovation profonde de cet enseignement que de nombreux pionniers de la pédagogie moderne avaient, il faut le dire, déjà entreprise. Il apparaît possible et indispensable de faire connaître dès maintenant les principes essentiels, les lignes de force du travail ainsi engagé et les données théoriques et pratiques auxquelles devraient pouvoir se référer les maîtres, ceux qui ont pour tâche de les former et de les aider, et tous les responsables de l'Enseignement élémentaire. Ce plan, pour une rénovation du français à l'école élémentaire, se trouve donc substitué à toutes les Instructions antérieures](4).

(1). Une rénovation nécessaire

 

1.1. La vocation actuelle de l'école élémentaire

 

Depuis l'ordonnance et le décret du 6 janvier 1959, la prolongation de la scolarité entraîne une modification profonde des structures et, par conséquent, des finalités de l'école obligatoire. La création d'un premier cycle du second degré, que fréquentent tous les enfants jusqu'à seize ans, conduit à concevoir en particulier de toute autre façon l'enseignement du français au cours de la première étape. Autrefois, le but était double :


- d'une part, il fallait que les enfants quittant l'école à quatorze ans et qui constituaient la plus grande masse, sachent lire et écrire assez bien pour s'insérer sans trop de difficultés dans la vie active.
- d'autre part, le petit nombre de ceux qui entraient dans l'enseignement du second degré à dix ou onze ans devait posséder les connaissances que l'on disait nécessaires à l'acquisition de la culture secondaire et, en particulier, à l'apprentissage du latin et des langues vivantes. Cette double vocation ainsi que le développement, historiquement tardif, de la scolarité obligatoire jusqu'à quatorze ans avaient naturellement conduit à concentrer en cinq années d'études l'ensemble du programme de français. Passé le cours moyen, on ne prévoyait plus que des exploitations ou, au mieux, des approfondissements. Ces perspectives sont aujourd'hui profondément modifiées, et cela d'autant plus que l'évolution rapide des sciences et des techniques oblige à concevoir la formation élémentaire comme la base d'une formation permanente dont la nécessité est admise par tous.

 

1.2. Les exigences de la démocratisation

 

Le nombre important des retards scolaires (plus de 50 % au CM2) montre, ainsi que des études de docimologie, que les programmes actuels ne sont pas assimilés comme ils le devraient. Or, la réussite scolaire est largement conditionnée par la maîtrise de la langue que les enfants ont acquise - et ceci quels que soient les efforts des maîtres. Des recherches sociologiques ont en effet confirmé que les élèves retardés le sont principalement par des déficits de langage, et qu'ils appartiennent le plus souvent à des milieux défavorisés. La plupart sont conduits à aborder prématurément des connaissances qu'ils assimilent mal, et qu'ils ne peuvent que répéter, le plus souvent en les déformant. [Certaines de ces notions sont d'ailleurs inutiles à la pratique de la langue, périmées et même gênantes dans la mesure où elles constituent des obstacles à la prolongation d'études sérieuses](5). Un entraînement plus méthodique à la pratique du français doit tenir compte de ces faits, et donc être adapté au niveau réel des enfants tout en mettant en œuvre les moyens propres à pallier les déficits hérités du milieu.

 

1.3. L'apport de la linguistique

 

Les progrès de la linguistique conduisent à considérer comme nécessaire l'abandon de quelques principes généraux antérieurement admis. C'est ainsi que certaines pratiques pédagogiques traditionnelles se fondent sur l'idée que la maîtrise de la langue part de la réflexion pour aboutir à l'usage. Nous pourrions citer maints exemples :


- d'abord, dans les méthodes 'progressives' d'entraînement à la rédaction (du mot à la phrase, de la phrase au paragraphe, du paragraphe à la 'composition' française), ensuite et surtout, dans un enseignement grammatical qui, faisant construire les fonctions à partir des natures, passant uniformément de la phrase simple (proposition indépendante) à la phrase complexe, cherche à améliorer l'expression en s'appuyant presque exclusivement sur une réflexion abstraite et non sur le fonctionnement réel de la langue. Or, depuis un quart de siècle, la linguistique a montré qu'observer ce fonctionnement est la condition préalable et nécessaire de toute réflexion féconde et de tout perfectionnement. L'exemple de l'enseignement des langues vivantes, qui met en œuvre des démarches plus intuitives que réflexives est, à cet égard, particulièrement probant. Et le moment semble venu d'en faire profiter, dans la mesure où elles peuvent s'adapter à la langue maternelle, de jeunes écoliers qui, sans ignorer la langue française, sont loin de la dominer.

 

1.4. L'apport de la psychologie

 

Le développement de la psychologie, lié à celui des méthodes d'éducation nouvelle, justifie une remise en cause du concept même d'éducation. La psychologie contemporaine tend à dépasser la notion de facultés innées ou de systèmes d'association acquis mécaniquement. Elle pose les problèmes d'apprentissage, de formation et de développement de l'intelligence et de la personnalité en termes de construction continue et dynamique étroitement liée à l'activité créatrice de l'enfant et fondée sur des intérêts, des besoins profonds, individuels ou collectifs. Il s'agit donc d'apprendre à apprendre, d'apprendre à innover, à créer plus qu'à recevoir et retenir des connaissances tout élaborées. La mise au point de notions fondamentales (comme celles d'assimilation, d'intégration), les résultats de nombreuses recherches(6) ouvrent à la pédagogie du français des perspectives d'action éducative plus efficaces, parce que mieux adaptées aux capacités réelles des enfants. La psychologie apporte en particulier à la pédagogie d'indispensables précisions sur les étapes de l'acquisition des connaissances, les phénomènes de maturation, les fonctions de la sensibilité et de l'imaginaire. Elle permet d'éviter les interventions prématurées ou trop tardives. Elle a permis, par exemple, de mieux mesurer l'importance de la période de cinq à sept ans, dans l'acquisition des structures verbales fondamentales, et de souligner le rôle décisif joué à cet égard par l'école maternelle et le cours préparatoire. Telles sont, brièvement résumées, quelques-unes des raisons majeures qui ont conduit à proposer une rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire.

 

(2). Les objectifs de l'enseignement du français à l'école élémentaire

 

2.1.

 

Le premier de ces objectifs consiste à mettre l'enfant en possession de sa langue maternelle, en lui donnant la possibilité d'en utiliser toutes les ressources. Il s'agit de lui faire acquérir la maîtrise de la langue française contemporaine, orale et écrite, par l'entraînement à la communication et à l'expression. Cet entraînement devrait permettre l'usage de formes de plus en plus élaborées, de mieux en mieux adaptées au 'registre de langue' qui convient aux situations dans lesquelles l'enfant est amené à parler ou à écrire.

 

2.2.

 

Dans le même temps, est encouragée la libre démarche de création verbale personnelle sans laquelle la sensibilité et l'imagination enfantines ne sauraient pleinement se développer et s'enrichir, démarche qui est nécessaire pour une ouverture à certaines formes de la littérature et particulièrement à la poésie.

 

2.3.

 

Enfin, l'apprentissage et la pratique de la langue écrite, l'apprentissage d'une utilisation constructive de documents divers (parlés, écrits, filmés) permettent de faire de la langue maternelle l'instrument nécessaire et privilégié d'une vraie culture générale. L'enseignement rénové du français devrait donc faciliter l'accès de tous les enfants à une langue qui permette l'enrichissement de la communication avec autrui, l'expression écrite et orale personnalisée, et rende ainsi possible, pour un plus grand nombre d'entre eux, la poursuite d'études secondaires longues.

 

(3). Situation de ce plan de rénovation

 

Un plan de rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire ne saurait actuellement comporter de directives rigides ou des leçons types.

De nombreuses questions restent posées, auxquelles l'état des connaissances théoriques et les recherches expérimentales ne permettent pas encore de répondre. Ce plan représente une étape dans une évolution, un moment dans une création continue, dont le sens et l'orientation se dessinent cependant de manière irréversible.

Il ne s'agit nullement de simplifier, en l'appauvrissant, un enseignement qui serait jugé trop ambitieux, mais de l'ouvrir aux inévitables et nécessaires mutations qu'appelle le développement des connaissances actuelles, notamment en linguistique, en psychologie, et dans toutes les sciences qui se rattachent de près ou de loin à l'éducation. Dans ce domaine des évolutions sont prévisibles, qui imposeront des adaptations périodiques.

Ces mutations - dont il faut dire qu'elles exigeront des maîtres de gros efforts - devront impliquer un certain nombre de mesures et notamment : le développement de la recherche, l'information et la formation des maîtres, l'information des parents, des moyens matériels à la mesure de notre temps, l'harmonisation de l'enseignement du français dans les différents cycles.

L'enseignement du français ne saurait donc se définir comme intangible. Tout donne à penser que, dans les années à venir, il sera en constante évolution. La conjonction d'une rénovation dans ce domaine, dans celui de la mathématique et dans celui des activités d'éveil, ouvre des perspectives qu'il n'est pas encore possible de définir avec rigueur mais dont on peut augurer un enrichissement mutuel et global certain.

 

b). Principes généraux de la rénovation : la notion de communication et celle d'apprentissage de la langue

 

(1). Le français est essentiellement un moyen de communication

 

Un premier point doit être immédiatement précisé : l'objet de l'enseignement du français à l'école élémentaire est l'usage et le développement des moyens linguistiques de la communication ; il s'agit de rendre l'enfant apte à s'exprimer oralement et par écrit et capable de comprendre ce qui est dit et écrit. Il pourrait sembler superflu de rappeler une telle évidence. Pourtant, un examen critique de pratiques très répandues, montre que cet objectif était en partie perdu de vue. L'enseignement du français se morcelait en plusieurs domaines : lecture, écriture, récitation, vocabulaire, grammaire, orthographe, élocution, rédaction.

Ces domaines d'étude, définis par des programmes précis, tendaient par la force des choses à devenir autonomes, d'autant plus facilement que l'entraînement à la communication n'était pas, dans la plupart des classes, la préoccupation essentielle. L'expression - pour elle-même - apparaissait comme le terme d'une construction à laquelle chaque groupe d'exercice apportait sa contribution. Par exemple, une pratique fort répandue au cours moyen, consistait à organiser les leçons, devoirs et exercices autour d'un thème hebdomadaire dit 'centre d'intérêt'. La lecture, la leçon de vocabulaire et d'élocution, la leçon de grammaire et d'orthographe apportaient des matériaux qu'il suffisait d'agencer en fin de semaine pour construire la rédaction.

Cette pratique ne tient pas compte de la véritable démarche de l'enfant. Non qu'il faille renoncer à l'acquisition de connaissances précises. Mais ces connaissances, pour être disponibles, doivent être assimilées de longue date et surtout s'intégrer dans le comportement linguistique, de telle sorte qu'elles apparaissent naturellement dans le courant de la communication.

En outre, la psychologie génétique montre qu'il n'y a pas de progrès durable dans le langage sans besoin de s'exprimer, de comprendre. Les exercices d'élocution et de rédaction ne sauraient donc être des occasions de faire fonctionner le langage à vide - ce qui est toujours possible - mais doivent s'enraciner dans l'affectivité, la sensibilité de l'enfant, dans son besoin de s'exprimer pour les autres, de comprendre ce que les autres disent.

Pour toutes ces raisons, il convient d'affirmer avec force que l'essentiel de l'enseignement du français doit porter sur l'entraînement à la communication orale et écrite.

 

1.1. Démarche pédagogique de l'entraînement à la communication

 

Dans cette perspective, les diverses activités de français sont les éléments indispensables de l'exercice global de communication par la langue maternelle.

L'entraînement à la communication doit précéder et accompagner tout approfondissement analytique de la langue, le 'motiver' et finalement le justifier. Pour cette raison, contrairement à l'habitude, la plus grande partie de l'horaire imparti au français doit par priorité lui être consacré.

Une démarche ternaire paraît susceptible d'être suivie, selon les principes suivants. L'entraînement à la communication :


*. naît et procède des activités de communication orale et écrite (temps 'global').
*. se renforce et se perfectionne par le maniement, puis par l'observation et l'analyse de structures syntaxiques et de formes lexicales de plus en plus complexes, de mieux en mieux adaptées aux registres de langue requis par les diverses situations de communication que rencontre l'enfant (temps 'analytique').
*. débouche sur l'exercice conscient et maîtrisé de la communication orale et écrite (temps 'synthétique' où devrait intervenir un transfert des structures et des formes acquises au niveau de la phase précédente).

 

1.2. Langue parlée, langue écrite.

 

Priorité de l'expression orale : [...] IL CONVIENT DE CONSIDÉRER LA CLASSE NON SEULEMENT COMME UN LIEU OÙ LE MAÎTRE PARLE À SES ÉLÈVES, MAIS ENCORE ET SURTOUT, COMME UN LIEU OÙ S’ÉCHANGENT DES INFORMATIONS D'ÉLÈVES À MAÎTRE ET TOUT PARTICULIÈREMENT D’ÉLÈVE À ÉLÈVE, DE GROUPE À GROUPE [...].

 

(2). Conquête progressive du langage adulte élaboré : libération et structuration

 

La 'liberté de parole' n'est pas un pouvoir inné qu'il suffit d'exercer en situation, pour le maîtriser. On ne saurait se contenter chez l'enfant du simple besoin, spontané ou provoqué, de s'exprimer. [...].

 

2.1. Le maître de français libère

 

[...] Il revient au maître d'utiliser ou de susciter des situations éducatives propres à faciliter à l'enfant cette rencontre de lui-même, des autres, du monde et de la connaissance. [...] On parvient ainsi à une motivation seconde par un passage dont l'enfant n'a pas toujours conscience. Sorti d'un univers étroitement personnel, il découvre la curiosité intellectuelle, le goût de l'imaginaire, associant à l'esprit de collaboration avec les autres, l'esprit critique, l'esprit de synthèse et le sens de l'invention, de la création [...].

 

2.2. Le maître de français organise

 

[...] L'expression rencontre à un certain moment une contrainte à laquelle l'enfant doit se soumettre et qui est la condition de ses progrès.

On peut donc considérer dans la conduite de la classe des moments de liberté où l'enfant, à l'oral comme à l'écrit, s'exprime sans contrainte, et d'autres moments de travail systématique où il se soumet à une discipline qui est celle-là même que la langue impose pour une meilleure communication. Cette discipline n'est d'ailleurs en rien une contrainte qui serait imposée arbitrairement de l'extérieur puisqu'elle résulte des conditions de l'échange oral ou écrit, de la nécessité de se faire comprendre d'autrui et d'exclure en conséquence imprécisions et ambiguïtés [...].

 

2.3. Le maître de français observe

 

Seul, dans la classe, le maître domine les composantes fondamentales de la pédagogie du français : la linguistique et la psychologie. Il est, à ce titre, l'observateur privilégié du 'groupe-classe'. On ne saurait trop insister sur le fait que cette observation ne peut, en matière de langage, conduire à porter sur un enfant ou une classe, un jugement définitif ; et cela d'autant plus que les instruments susceptibles d'évaluer objectivement le niveau d'élaboration de la langue orale et de la langue écrite entre 6 et 11 ans restent, pour l'essentiel, à construire. Cependant l'observation attentive de l'évolution des individus, celle des groupes et de la classe sous l'influence du monde extérieur, des relations mêmes dans la classe, de l'apprentissage et de la maturation, est absolument nécessaire. L'efficacité de l'action éducative est largement fonction de son adaptation quotidienne à la vie de la classe, à la vie en général. En matière de langage, il importe davantage d'adapter les activités de communication et d'apprentissage aux besoins, aux lacunes des enfants que de corriger des 'fautes'. [...].

 

c). Lignes de force d'un enseignement plus rigoureux du vocabulaire

 

"Mettre l'enfant en possession de sa langue maternelle, en lui donnant la possibilité d'en utiliser toutes les ressources". S'attacher à créer chez lui "une attitude de tri, de choix devant les mots : aller d'un usage indifférencié à un emploi plus fin et plus circonstancié des mots". Se persuader de la nécessité de compenser l'effet du milieu, et avoir une idée claire de ce qu'on nomme la maîtrise de la langue : non pas dresser un inventaire de ce que l'enfant connaît ou comprend, mais "l'entraîner, par une pratique intensive de la langue orale et de la langue écrite à faire fonctionner les mots et les tournures qui en sont indissociables(7). À partir de là, on pourra lui faire découvrir les mécanismes de ce fonctionnement, mécanismes par lesquels les mots prennent vie et valeur, se chargeant pour tous des significations les plus communes et les plus individuelles"(8).

À partir de ces principes, quatre axes de travail peuvent être définis :

 

(1). Le renforcement de l'apprentissage par imprégnation naturelle

 

Toutes les situations induites par la vie de la classe même sont « sources multiples d'enrichissement » et d'assimilation intuitive. Et la part du maître est ici d'intervenir en fonction des "erreurs de sens ou d'emploi", ou des manques constatés. Dès lors se trouvent justifiés des exercices systématiques de "manipulation intensive des mots dans les diverses constructions où ils peuvent figurer"(9) .

 

(2). L'apprentissage analytique, à partir du CM

 

Pour "répondre aux sollicitations de la classe, à ses besoins, à ses curiosités, à ses intérêts", le Plan suggère aux maîtres plusieurs directions de travail :


* Recherche, exploration et construction, toujours modifiable, d'ensembles de plus en plus structurés(10).
* Élucidation de termes voisins par l'exploration de quelques-uns de leurs éléments sémantiques communs et distinctifs : ici est suggéré le procédé des grilles sémiques(11), qui seront le résultat du cheminement de la recherche active et de la réflexion des enfants, et non de leur contrainte.
* Exploration du vocabulaire commun du français contemporain (recours aux listes de fréquence).
* Travail à partir des constructions les plus usuelles des termes(12).
* Étude des affixes les plus productifs(13), en écartant les considérations étymologiques(14).
* Découverte et utilisation des oppositions de sens simples(15), des séries de synonymes (emploi, valeur, registre de langue : vers une adéquation entre la situation de communication et le vocabulaire utilisé, sans culpabilisation à l'égard du patois ou du langage familier). Mais "on se gardera de systématiquement considérer que le but à atteindre est la langue dite littéraire"(16).

 

(3). La fixation de l'acquis par réemploi fonctionnel, oral ou écrit

 


* On se saisira de toutes les occasions propices à une utilisation (en situation) des termes à assimiler.
* On veillera à organiser une reprise structurée(17) des acquisitions en cours : "l'observation, même approfondie, du fonctionnement d'un mot, ne peut suffire à en assurer la pleine compréhension et l'utilisation spontanée, et appropriée. Mais il est douteux que la mémorisation pure et simple de mots, ou même de phrases, permette une assimilation efficace". Et cette mobilisation de la mémoire doit entraîner d'autres retombées : "la fixation progressive de l'aspect sonore et graphique des mots en relation avec leur sens et leur emploi devrait permettre, en outre, une mémorisation correcte de l'orthographe d'usage".

 

(4). L'usage créateur : les mots ‘en liberté’

 

* On ménagera aussi "quelques moments de totale liberté lexicale... où les mots garderont ce que l'on peut nommer leur mystère" : les productions de "pure fantaisie verbale", les néologismes (dans la mesure où ils revêtent un sens) ne seront alors pas bannis, afin de préserver la fraîcheur des trouvailles enfantines, et de préparer l'enfant aux activités de poésie.

 

 

2. Autres propositions

 

Dans le droit fil de ce que nous venons de lire, le survol d’un texte beaucoup plus récent (1985) - et semi-officiel comme lui - peut s’avérer utile à notre démarche. Il s’agit des Réflexions sur l'enseignement du français, compte-rendu des travaux de la Commission Chevalier(18). Ce texte considère, à raison selon nous, le vocabulaire comme un des deux problèmes transversaux (avec l'orthographe) de l'enseignement du français, car il touche aux domaines sémantique, morphologique, morphographique et syntaxique. Plaidant pour une pédagogie "construite" du lexique, il stigmatise le "caractère marginal du travail sur le vocabulaire", dont on ne s'occupe "qu'au détour d'activités jugées plus fondamentales (lecture expliquée, dictée, préparation et compte-rendu de rédaction...)", et encourage le "travail en situation sur le vocabulaire de haute fréquence et polysémique"(19) d'une part, d'autre part la mise en évidence "[de] l'organisation et [du] mouvement du vocabulaire (combinaisons et transformations au plan syntagmatique, reconnaissance de matrices lexicales au plan paradigmatique) en relation étroite avec les problèmes de sens".

Enfin, à propos du travail sur les dictionnaires de langue, la Commission conseille "d'apprivoiser les dictionnaires", en particulier en recourant à des exercices ludiques à l'aide de l'ordinateur. Elle conclut en montrant qu'il "s'agit moins de donner un vocabulaire à l'élève, que de lui donner les moyens de s'approprier un vocabulaire".

 

 

3. Conclusion : la politique des cycles et le vocabulaire

 

a). Textes officiels

 

Ce tour d’horizon s’achèvera par un bref arrêt auprès des Instructions officielles les plus récentes(20). Selon le législateur, "la maîtrise de la langue conditionne toute la réussite scolaire et constitue le fondement de l’insertion sociale et de la liberté de réflexion"(21). Nous nous permettrons d’ajouter que le maniement aisé du vocabulaire est la pièce essentielle de la maîtrise de la langue, mais qu’il n’est pas toujours facile d’articuler cette maîtrise avec la notion générale de communication. Dans cette perspective, les exercices de vocabulaire sont des « occasions de manier avec rigueur et pertinence [...] une langue dont le fonctionnement sera bien maîtrisé(22)". L’Arrêté recommande aussi de ne pas « négliger les écrits de la vie courante », ce qui, on le mesure maintenant, est une préoccupation constante de la puissance publique.

En définitive, les textes qui précèdent disent assez combien, dans l’enseignement du vocabulaire - et sans doute dans tout autre -, le qualitatif doit l’emporter sur le quantitatif. Nous pourrions donc conclure, avec René Michéa, qu’ "il est pédagogiquement dangereux de considérer un vocabulaire comme une simple somme d'éléments n'ayant de véritable efficacité que par leur nombre, nombre que l'enseignement doit se donner pour tâche d'accroître indéfiniment"(23).

Dès lors, on pourrait synthétiser de la manière suivante un certain nombre de finalités, parmi celles que nous avons déjà rencontrées :

L’enseignement du français n’est pas une fin en soi ; c’est le moyen, adapté aux capacités de l’enfant, de rendre ce dernier capable de communiquer et de s’exprimer, donc de s’ouvrir au monde (échanges avec autrui, curiosité intellectuelle, esprit critique).

Pour développer cette capacité, des moments de structuration sont nécessaires, mais ils s’insèrent toujours dans la vie de la classe, ils naissent de la motivation.

La langue à enseigner en priorité est celle que l’enfant rencontre (est appelé à rencontrer) quotidiennement.

L’apprentissage s’appuiera toujours sur les besoins de s’exprimer et de comprendre de l’enfant.

L’observation du fonctionnement de la langue précédera la réflexion abstraite sur elle.

 

C’est en ayant à l’esprit ces quelques directions, que nous prendrons maintenant connaissance des compétences devant être acquises, dans le domaine qui nous occupe, au cours du cycle III de l'école élémentaire (cycle des approfondissements) :

 

Compétences à acquérir

 

 

Vocabulaire


Distinguer, grâce au contexte, différents sens d'un mot, des homonymes, des mots de sens proche ou de sens contraire, le sens propre et le sens figuré.
Trouver le sens d'un mot, d'une expression dans un dictionnaire courant.
Mémoriser et réutiliser un vocabulaire précis acquis au cours de ses lectures et des activités spécifiques
Donner des définitions précises de mots.

 

On retrouve naturellement ces compétences dans le livret de l'élève du cycle III (Imprimerie nationale) :

 

Vocabulaire


L'enfant est capable de distinguer, grâce au contexte :

1. les différents sens d'un mot
2. des mots homonymes
3. des mots synonymes
4. des mots de sens contraire
5. le sens propre et le sens figuré d'un mot

L'enfant est capable, grâce au contexte, de :

6. donner les définitions précises de mots

L'enfant est capable, grâce à la consultation d'un dictionnaire courant, de :

7. trouver le sens d'un mot

L'enfant est capable de :

8. mémoriser et réutiliser un vocabulaire précis acquis au cours de ses lectures et des activités spécifiques(24).

 

 

Par ailleurs, nous nous arrêterons brièvement sur les nouveaux programmes assignés au cycle d’observation et d’adaptation (mais aussi de consolidation des acquis de l’école primaire) que constitue, désormais, la classe de sixième de Collège(25):

 

Le lexique


* Enrichissement du vocabulaire, en particulier du temps, de l'espace, des sensations.
* Étude du mot : sens général et sens contextuel ; synonymes, doublets, antonymes ; composition des mots (préfixe, radical, suffixe) ; étymologie (racines grecques et latines appartenant notamment aux champs lexicaux du temps et du lieu, locutions empruntées au latin).

 

La lecture de ces programmes laisse clairement apparaître qu’on propose bien aux élèves, selon le mot ministériel, "des apprentissages cohérents". Certes, ces énoncés sont forcément laconiques, et le travail engagé dans les classes nécessite qu’ils soient détaillés. À cet égard, on notera que toutes les dimensions d’une discipline se doivent d’être exercées. Pour renforcer la cohérence de son action pédagogique, le maître prendra conscience de ses propres "zones d’ombre"(26): il ne s’agit pas de restreindre sa liberté, mais, dans une démarche de rationalisation de l’acte pédagogique individuel, de lui rappeler toutes les exigences du programme. "Pour exploiter au mieux les possibilités éducatives offertes par l’enseignement de sa discipline", le maître comprendra le caractère réducteur que peuvent revêtir, souvent, les exercices qu’il a l’habitude de distribuer. Si l’on préfère, pour que les objectifs retenus ne soient pas toujours les mêmes, en fonction des préférences personnelles de l’enseignant, on peut s’appuyer sur les tableaux suivants, très sommaires eux aussi(27).

Ils permettront au moins d’éviter qu’on se borne à des activités de réception, d’une part, et d’autre part qu’on exerce seulement les compétences concernant l’antonymie, la synonymie et l’homonymie :

 

 

Texte étudié Compétences exercées Activités de réception Activités de production et de réinvestissement
       

 

 


Compétences exercées : relevées dans le tableau ci-dessous.
Activités de réception : les apprentissages analytiques (objectifs de maîtrise).
Activités de production et de réinvestissement : tout ce qui exige de l’élève d’aller au-delà de la simple application, pour prouver qu’il est capable de transférer les connaissances acquises (objectifs de transfert, ou d’expression).

 

 

Compétences sens général
  sens contextuel 
à sens propre
  sens figuré
exercer homonymie
  antonymie
au cours synonymie
  définition
du composition
  dictionnaire
Cycle des approfondissements mémorisation

 

 

b). Pistes de travail

 

Et comme selon l’expression de R. Schmitt, "enseigner le vocabulaire, c'est l'organiser", nous dresserons maintenant un inventaire organisé des directions de travail dans le domaine qui nous occupe, et proposerons ensuite un possible catalogue des types d’exercices à poursuivre.

 

(1). Relations fondamentales à l’œuvre dans le lexique

 

Rappelons tout d’abord quelques acquis linguistiques, bien connus, à propos du lexique. Comme l’écrit de Saussure, un terme n’est pas seulement l’union d’un son (Sa) et d’un concept (Sé). Il appartient à un système, et "c’est du tout solidaire qu’il faut partir pour obtenir par analyse les éléments qu’il renferme"(28). La langue est une structure à deux dimensions (deux axes). L’unité lexicale, le ‘mot’ si l’on veut, ou encore le signifiant (Sa) se définit dans les relations entretenues avec ce qui précède et ce qui suit, ce que les IO de 1938 nomment le contexte.

Soient les phrases :


il lit un livre
il livre un lit

Par habitude, par l’intuition de la syntaxe, le sujet parlant attend un verbe après il, et un substantif après un. Les ambiguïtés lit (verbe lire/substantif) et livre (verbe livrer/substantif) sont immédiatement levées : dans le premier cas, il est un liseur (un lecteur) ; dans le deuxième, c’est un livreur.

L’exemple suivant, en revanche, révèle une ambiguïté beaucoup plus importante, qui se situe dans le contexte même du mot(29):

"Il me dit : une maison, ça fait quinze briques ; je lui dis : quinze briques ? Vraiment ? Ça suffira ?".

Ce type d’ambiguïté, qui renvoie à la notion, fondamentale dans la langue, de polysémie, est naturellement exploité par tous les humoristes.

Ainsi, le sens d’un mot (le signifié d’un signifiant) se révèle dans les relations syntagmatiques, sur l’axe de la syntaxe, des combinaisons linéaires, des rapports au sein de la phrase. Si nous considérons le signifiant ‘mousse’, il ne peut trouver son sens que par rapport aux éléments qui l’entourent :

 

 

Le   était en train de couler
La mousse couvrait le tronc des arbres
Ce savon   abondamment

 

Dans cet exemple, le signifiant ‘mousse’ est un mot graphique unique correspondant à plusieurs unités lexicales. C’est le phénomène de l’homonymie. ‘Mousse’ renvoie ici à trois signifiés : substantif masculin (jeune matelot), substantif féminin (plante verte, sans fleurs ni racines, poussant en milieu humide et tapissant le sol et les arbres), verbe à la troisième personne (singulier) du présent de l’Indicatif.

Mais les mots ont aussi des emplois, des valeurs. La valeur d’un signifiant se traduit sur l’axe paradigmatique, de sélection (ou de substitution), par rapport à d’autres termes absents, par opposition ou contraste :


sauter
s’élancer
bondir...

 

Cependant, cette valeur est aussi fonction du contexte, donc s’analyse également sur le plan syntagmatique. Si nous reprenons l’exemple précédent, nous remarquons que :

* la mousse au chocolat couvrait le tronc des arbres

n’est pas acceptable (sauf cas de bagarre généralisée entre potaches, au cours d’un pique-nique...).

C’est assez dire que la distinction entre les deux axes, l’axe horizontal des rapports syntagmatiques et l’axe vertical, de substitution paradigmatique, si elle est opératoire et commode (pour l’adulte), est dans la réalité moins tranchée qu’il n’y paraît : les interférences sont constantes. Naturellement, ces termes spécialisés ne seront pas utilisés avec les élèves. L’axe horizontal et l’axe vertical, ou encore l’axe de la grammaire et celui du vocabulaire, conviennent parfaitement. Il suffit que l’enfant se rende compte que les deux axes sont en réalité très liés.

 

Nous pourrions d’ailleurs reprendre la même analyse à propos de la synonymie, ou plutôt de la para-synonymie, car il est bien rare que deux termes aient strictement le même sens et des emplois identiques. Ainsi, danger et péril sont deux termes synonymes. Mais tandis que l’on peut écrire : ‘péril jaune’ (ou péril jeune, ou encore péril jeûne lorsqu’on commet des jeux de mots), on ne peut, en revanche, parler de ’danger jaune’. De la même façon, dire d’un tireur qu’il est habile, ou adroit, n’est pas la même chose que d’user de ces qualifiants à propos d’un avocat. On peut encore constater le même phénomène à propos du verbe prendre, si fréquent qu’il fait partie des mots-outils(30). Prendre, s’emparer de, emprunter sont des termes voisins, synonymes.

Et pourtant, si j’écris :

Il prend le train
Il prend la fuite
Il prend un bain,
il est aisé de constater que je ne puis impunément remplacer ‘prendre’ par un des termes synonymes :


Il prend le train (il emprunte, * il s’empare de)
Il prend la fuite (* il emprunte)
Il prend un bain (* il s’empare de)

Prenons aussi un exemple littéraire, emprunté à Victor Hugo :


"Le lendemain, Aymery prit la ville"(31)


Prit peut être remplacé par s’empara de, mais pas par emprunta. C’est pourquoi on parle davantage de para-synonymie, que de synonymie.

Soit encore la phrase : "la fillette a jeté la petite glace". Il s’agit d’un énoncé ambigu ; la levée de cette ambiguïté ne peut s’effectuer qu’en examinant le système (syntagmatique et paradigmatique) dans lequel s’insère cette phrase.

‘La fillette’ renvoie au signifié ‘enfant’, mais encore, éventuellement, à celui de ‘petite bouteille de vin d’Anjou’. Cependant l’observation de l’axe syntagmatique nous montre que le verbe jeter, dans le contexte où il est employé, demande un sujet animé, et un objet matériel(32) : le substantif bouteille ne peut convenir. De même pour ce qui concerne le qualifiant ‘petite’. Le contexte ‘glace’ interdit de donner ‘très jeune’ comme équivalent à petite. On pourrait ainsi, sur le plan paradigmatique, examiner la pertinence de chacune des substitutions ci-après, au regard des contraintes imposées sur l’axe syntagmatique.

 

 

axe syntagmatique ➔  
La fillette a jeté  la petite
glace
axe paradigmatique 🡳
enfant lancé peu de volume  eau congelée
bouteille se débarrasser de  peu de surface id. + parfumée
gamine   peu d'importance miroir
    très jeune vitre

 

 

Un mot se définit donc doublement. D’abord par sa distribution (son environnement), sur le plan syntagmatique. Ainsi, dans les exemples :


- Les poules du couvent couvent
- Mes fils bien-aimés, apportez-moi mes fils à coudre
- Nous avions très peu d’avions au début de la guerre
- Nous sommes en train de perdre de grosses sommes d’argent dans cette affaire(33),

l’analyse et la compréhension des homographes ne peuvent s’effectuer que par rapport à leur distribution dans l’énoncé où ils sont employés.

Un mot se définit ensuite par les relations d’opposition ou d’équivalence, sur l’axe paradigmatique (ou des substitutions). Dans l’exemple précédent, il y a équivalence pertinente entre fillette, gamine, enfant, etc.

Si l’on veut que l’élève soit actif, et construise son savoir, il convient de multiplier avec lui ce type d’exercice. Ainsi expérimentera-t-il des règles (dont il n’aura qu’une connaissance intuitive), qu’il maîtrisera (sans avoir besoin de les formuler ou de les apprendre) en les intégrant dans son comportement de sujet parlant et écrivant.

 

C’est ainsi que nous pouvons, maintenant, résumer ce que signifie connaître un mot, pour un enfant qui apprend.

Connaître un mot, c’est l’avoir isolé dans la chaîne parlée, et être capable de le repérer dans l’énoncé écrit : illitunlivre/il|lit|un|livre ; un livre/un lit.

C’est aussi avoir intuitivement conscience de la classe grammaticale à laquelle il appartient, dans le contexte où il apparaît, et de sa construction grammaticale : il livre, verbe livrer ; un livre, substantif.

C’est pouvoir le distinguer de termes voisins :


il lit un livre    il livre un lit
il le feuillette    il l’apporte
il le parcourt    il le remet

 

Connaître un mot, c’est enfin être capable de repérer la situation de communication qui le voit apparaître (éventuellement, quel est son emploi expressif). Dans les exemples suivants, qui sont synonymes, ce qui diffère, c’est la situation de communication(34):


- Les informations contenues dans ce texte me paraissent obscures et impénétrables
- Je ne comprends rien à ce texte
- Qu’est-ce que ça raconte, ce truc ?
- J’pige que dalle à ces conneries !"

 

Connaître un mot, c’est donc développer des compétences phonologiques, syntaxiques, sémantiques et orthographiques. Cela doit être présent à l’esprit de l’enseignant.

 

On peut d’ailleurs reprendre d’une autre manière cette explication, s’agissant des ‘mots’ et des contextes dans lesquels ils s’insèrent. On n’utilisera plus les deux axes dont il vient d’être question, mais les deux faces du signe, savoir le Sa ou le . Il s’agit soit du point de vue sémasiologique, soit du point de vue onomasiologique. Sémasiologie et onomasiologie sont les deux ‘mouvements’ caractérisant les rapports Sa/Sé. Dans un dictionnaire ordinaire, le point de vue est sémasiologique : un Sa (une entrée de dictionnaire) se donne des , on va donc du mot au(x) sens. Au contraire, dans un dictionnaire des idées (analogique, par exemple), on va du au(x) Sa : le sens (l’idée exprimée) va à la rencontre des mots qui l’expriment. Dans l’étude du lexique, ces deux mouvements, qu’on trouvera résumés dans le tableau suivant(35), doivent être conduits parallèlement.

 

 

La sémasiologie, ou du Sa au
 Un mot  un Sa, un  monosémie
Plusieurs mots un Sa, plusieurs polysémie
homonymie
familles de mots
     
L’onomasiologie, ou du au Sa
Plusieurs mots un , plusieurs Sa champs lexicaux
synonymie/antonymie
hyponymie

 

 


- monosémie : l’angle droit, la poliomyélite. Peu de mots de la langue sont réellement monosémiques. On rencontre là un principe général, dit d’économie : si tous les mots étaient monosémiques, c’est-à-dire si à chaque signifiant ne correspondait qu’un seul signifié, les dictionnaires seraient démesurés.
- polysémie, lorsqu’existe (ou a existé) un principe quelconque d’unité sémantique. La polysémie "est un caractère absolument fondamental du lexique"(36).
- homonymie, lorsqu’il n’y a pas d’unité sémantique : l’homonymie peut être homographie (le bon sens, les cinq sens ; la bière ; la baie...), et/ou homophonie (sot, sceau, seau).
- ‘familles’ (communauté de lexème) de mots, étymologiques ou dérivationnelles
- champs lexicaux (communauté de notion, d’idée).
- synonymie (ou équivalence partielle) et antonymie (contradiction - lever, ne pas se lever - ou opposition - lever/baisser) : même structure grammaticale.
- hyponymie (ou hiérarchie, ou inclusion). Le mot ‘rouge’ est un hypéronyme, tandis que vermillon, carmin, etc. sont des hyponymes de ‘rouge’.

 

(2). Principes généraux de l’action magistrale

 

De tout ce que nous avons présenté jusqu’ici découlent un certain nombre de principes qu’il convient de garder à l’esprit. On peut les synthétiser comme ci-après :


1. Pratiquer l’approche du vocabulaire occasionnel dans toutes les circonstances de la vie scolaire, et utiliser les séquences systématiques pour "passer de la connaissance à la mise en œuvre"(37), en évitant d’intégrer des mots nouveaux en dehors de tout contexte.
2. Avoir à l’esprit la difficulté spécifique du vocabulaire utilisé dans les anciennes disciplines d’éveil, surtout peut-être en Histoire. Nombre de tournures et mots posent souvent problème aux élèves : noms propres, termes techniques, abondance des métaphores(38). Ils devront être l’objet d’une attention particulière.
3. Considérer le langage de la presse (écrite et parlée) comme "un outil efficace d'imprégnation et d'unification linguistique" : partir, le plus souvent possible, de textes proches de la langue commune. Explorer la langue d’aujourd’hui doit être un souci constant.
4. Faire prendre conscience aux élèves des différents niveaux (registres) de communication, et de la valeur expressive des mots (un brave homme, un homme brave ; un grand homme, un homme grand)(39).
5. L’accroissement du bagage lexical de l’élève doit beaucoup à l'entraînement, à la pratique et à la mémorisation. Les répétitions seront donc étalées dans le temps, de façon dégressive.
6. Développer l'habileté du jeune lecteur(40):
- mots incongrus,
- textes ‘brouillés’, à compléter, puzzles (reconstitution d’un texte dans sa cohérence chronologique et/ou ses liaisons logiques).
7. Familiariser l’élève avec l’usage du dictionnaire(41), afin qu’il conquière peu à peu son autonomie dans le domaine de l’information :
- recherche de synonymes ou d’antonymes dans un texte, élaboration de champs lexicaux, jeux sur le "mot le plus long",
- entraînement à la créativité :
* compléter une phrase avec tous les mots qui lui donnent un sens,
* donner trois mots et faire écrire le plus de phrases possible (dont on peut limiter la longueur),
* demander d'écrire des phrases de quatre mots (on peut fournir l'initiale de l'un des mots),
* donner trois préfixes, faire rechercher trois radicaux acceptables,
* donner trois suffixes, faire rechercher trois radicaux acceptables,
* rechercher des définitions humoristiques de mots (usage ‘ludique’ du dictionnaire)(42).

8. Dans la classe traditionnelle, l’organisation en grand groupe est très fréquente. Les exercices que nous suggérons permettent éventuellement de la combattre, lorsque les tâches sont distribuées par groupes de besoin, ou d’affinités, et si l’on veille à une réelle alternance écrit/oral. Ainsi peut-on espérer parvenir à un compromis acceptable et réaliste entre la centration sur le contenu (l’apprentissage dit analytique) et celle sur l’apprenant (les conditions d’apprentissage).

 

(3). Relevé des exercices possibles

 

L’accroissement des connaissances (et des compétences, au premier chef) lexicales passe immanquablement par l’exercice, qui fait partie intégrante de ce que le plan Rouchette nomme "la pratique intensive de la langue". L’exercice prolonge et amplifie l’effort de structuration engagé par le maître. C’est en proposant à l’élève des exercices de manipulation que le maître lui fait acquérir, par la pratique, les mécanismes de la langue. Il convient donc de multiplier les exercices mais, pour ne pas lasser l’apprenant, de les diversifier le plus possible. D’où cette sorte de catalogue que nous faisons figurer ci-après, et dans lequel nous puiserons ensuite lorsque nous développerons nos exemples.

 

3.1. Relations sur l'axe horizontal(43)


3.1.1 - Composition et dérivation (réussir, réussite ; grand, grandir ; juste, justice/justesse) ; préfixes et suffixes (découverte de la dérivation par les affixes)(44).

3.1.2 - Collocations (exemple : la vache, le lion, le cochon, le chevreuil - grogner, rugir, meugler, réer).

3.1.3 - Champs sémantiques (emplois d'un mot, ou ensemble plus ou moins complet de ses significations, recherche des différents sens selon le contexte) : il s’agit ici d’enrichir en qualité (et précision ; exemple : faire feu, faire du feu, prendre feu) les connaissances lexicales. Mais aussi de faire naître une première prise de conscience de la notion de polysémie.

3.1.4 - Énoncés ambigus :

* Il est ailleurs/tailleur
* Il est ouvert/tout vert
* Quand vois-tu.../qu’envoies-tu ?
* De longs gants gris/de l’onguent gris
* Vous mendierez/vous m’en direz des nouvelles
* Ces tunnels/C’est une aile
* Laure Denoël/L’or de Noël
* Éduquons ! C’est une insulte ?(45)
* Mon père et ses verres(46)
* Je le loue (locare, ou laudare ?)
* L’hôpital rend les enfants malades
* J’ai pris le train à la gare de Lyon
* J’ai acheté une voiture à mon fils
* La pie vole(47)
* Si vous ne supportez pas votre bébé qui pleure, changez-le(48)

3.1.5 - Grilles lexico-syntagmatiques(49).


3.1.6 - Grilles étymologiques(50) (ou ‘étoiles’ d’un mot), ou familles de mots "riches"(51) : ce sont les champs dérivationnels(52).


3.1.7 - Néologismes(53)

* soit de forme :

- emprunts étrangers : bivouac, flirt
- emprunts langues mortes : amnésie, stimulus
- siglaison : CGT, SMIC, RADAR (RAdio Detecting And Ranging)
- troncation : mini (voiture, jupe). Avec l’apocope (géo[graphie]) et l’aphérèse (le [ca]pitaine)

* soit de sens :

- spécialisation : faire un bœuf (jazz)
- banalisation : poubelle, frigidaire

3.1.8 - Paronymes (exemples : agoniser/agonir, enduire/induire, éruption/irruption, décrocher/dé-cocher, allocution/allocation, attitude/aptitude, accident/incident, désaffecté/désinfecté...)(54).

 

3.2. Relations sur l'axe vertical

 


3.2.1 - Champs lexicaux, ou notionnels, ou encore vocabulaire analogique (vocabulaire d'un métier, relations d'un mot avec d'autres mots). Il s’agit ici d’enrichir ‘en quantité’ le vocabulaire.

3.2.2 - Grilles sémiques : confection de tableaux à double entrée, à compléter à partir du dictionnaire, spécialement pour étudier le système textuel des oppositions entre termes voisins, éléments d’un même énoncé(55).

3.2.3 - Substitutions, transformations(56) :

Les lignes téléphoniques ont été interrompues/L’interruption des lignes téléphoniques.
Des fortunes scandaleuses édifiées sur les misères humaines/ L’édification de fortunes scandaleuses sur les misères humaines.
Mon Papy est mort/Le décès (la mort) de mon Papy, etc.
La maîtresse allumait le feu de très bonne heure/Le feu était allumé de très bonne heure par la maîtresse.
À la fin de son numéro, on lui donna les cadeaux/À la fin de son numéro, il reçut les cadeaux.

3.2.4 - Synonymie (para-synonymie)

3.2.5 - Antonymie

3.2.6 - Polysémie/homonymie :

la couleur grise (entre le blanc et le noir)
un vin gris (variété de rosé)
un ciel gris (un ciel couvert ≠ un ciel lumineux)
il est gris (éméché, gai)
des cheveux gris (≃ argentés)
un travail gris (sans intérêt)
la carte grise (délivrée par l’administration des Mines)
du tabac gris
la matière grise (l’intelligence, la réflexion)


3.2.7 - Liaison grammaire-vocabulaire : elle s’effectue constamment, par exemple à propos des constructions d’un verbe


Il prit la ville
Il s’empara de la ville

mais aussi à de nombreuses autres occasions, comme dans l’usage des superlatifs :
- lexical : minuscule, énorme
- grammatical : très petit, très gros

 

Notes

(1) Dont l'intitulé exact est "Plan de rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire. Principes de l'expérience en cours". Ce plan n'a jamais été publié in extenso, si ce n'est par le canal syndical de la F.E.N. (in Enseignement public, de février 1971, désormais FEN71). La version officielle (Recherches pédagogiques n° 47, janvier 1971) comporte des modifications ou des suppressions touchant 42 des 62 pages originelles. Ce plan a été rédigé à l'initiative de la Commission de Rénovation du français à l'école élémentaire, et a finalement pris le nom de son président, l'Inspecteur général Marcel Rouchette (1913-1977).
(2) FEN71, p. 89.
(3) Principes généraux, et propositions avancées à propos de l'enseignement du vocabulaire. Nous soulignons, à l’intérieur de ces extraits, ce qui nous semble devoir être plus précisément retenu, et médité.
(4) Ce paragraphe, qui n'apparaît plus dans le plan définitif, est extrait du Texte provisoire (Repères, janvier 1970, fascicule 2 spécial). Un texte assez voisin se trouve dans le Projet d'Instructions de 1966 (Recherches Pédagogiques n° 38, p. 58).
(5) Cet extrait du Texte provisoire a été écarté de la rédaction définitive.
(6) Sur les lois de la perception, de l'apprentissage, sur la fonction symbolique, les mécanismes d'acquisition de la langue, la dynamique du groupe-classe, etc. [note intégrée au Plan].
(7) On rappellera ici qu'un exercice à trous ne fait pas fonctionner les mots.
(8) On notera par exemple que, selon Bachelard, le mot clignoter est l’un des mots les plus tremblés de la langue française (Cité par P. Sansot, La France sensible, Payot, 1995, p. 64). Cf. aussi : "Chaque mot est, dans notre mémoire, une maille d'un réseau aux fils ténus et innombrables ; dans chaque mot viennent aboutir, pour en repartir ensuite, mille associations diverses. Ainsi, d'une part, les mots, s'appelant les uns les autres, se retiennent plus facilement ; d'autre part, la variété des associations nous donne une grande liberté dans leur emploi, parce qu'elles offrent non pas une, mais de nombreuses possibilités dans la reproduction de ces mots" (Ch. Bally, Traité de stylistique française, tome 1, § 79 p. 67).
(9) Le Plan propose l'exemple du mot maison : construire, acheter, vendre, etc. une grande, belle, vieille, etc. maison. Cf. aussi R. Galisson et son Inventaire thématique et syntagmatique du français fondamental, pp. 22-29, et la collection publiée sous la direction de R. Schmitt (Activités de vocabulaire, CM2, pp. 34 sq.)
Les auteurs du Plan suggèrent aussi des exercices de type structural ou de reconstitution de textes d'auteurs.
(10) "Sans viser l'exhaustivité, d'ailleurs illusoire". Le Plan propose l'exemple du qualifiant vert :
- une robe verte/une robe rouge
- être vert de peur/être blanc de rage
- feu vert/feu rouge/feu orange..., etc.
(11)  Exemples fournis : cueillette/récolte, fixer/attacher, rond/circulaire, chaise/fauteuil/banc.          
Personnellement, nous n'encourageons pas la multiplication de ce type d'exercice, partageant à cet égard, complètement, l'opinion d’Émile Genouvrier, selon qui, si la grille sémique "conduit à une réflexion serrée sur les synonymes, et écarte ainsi le flou qui règne habituellement en ce domaine", elle est aussi "une grande mangeuse de temps, souvent sans commune mesure avec le bénéfice obtenu" (in Bref, Larousse, n° 2, mai 1975, p. 50). Les rédacteurs de la Commission Emmanuel avaient exprimé de semblables réserves, s’agissant d’un exercice "qui demande beaucoup de temps au regard des résultats obtenus" (ouvr. cit., p. 220).
(12) Voir/faire voir/laisser voir/se voir              
un homme brave/un brave homme..., etc.
(13) À cet égard, le Dictionnaire du Français Contemporain (Larousse) constitue un outil indispensable.
(14) Cf. aussi  : "Toute étymologie vraie est sans valeur si elle est perdue ; inversement, une étymologie fausse peut entrer en ligne de compte, si elle est sentie spontanément : il s'agit de l'étymologie dite 'populaire'... Un jour ouvrable, c'est pour beaucoup... un jour où l'on ouvre les magasins ; grossière erreur, mais qui a plus de valeur que la véritable étymologie (operare) qui est perdue" (Ch. Bally, ouvr. cit., § 69, p. 58).
(15) Baie/golfe/crique//fleuve/rivière..., etc.
(16) Cf. : "La propriété de langage, la pureté de l'expression ne s'acquièrent pas avant tout au contact de la langue du passé, mais dans l'étude intelligente de la langue d'aujourd'hui, dans ses manifestations les plus vivantes, les plus voisines de la pensée spontanée" (Ch. Bally, ouvr. cit. , avant-propos, p. IX). Souligné par nous.
(17) Cf. l'échelle d'intervalles de révision proposée par R. Galisson, dont nous parlons infra [en attente], p. 133
(18) Chevalier J. Cl. [Commission -], Réflexions sur l'enseignement du français, CNDP, (CDDP d'Angers) 1990, 187 p. Ces Réflexions concernent le Second degré, mais l'école élémentaire a beaucoup à tirer de leur méditation. Les citations sont extraites des pages 101-103, 107 et 125.
(19) Le texte critique la tendance traditionnelle à "privilégier l’ordre écrit littéraire, le registre soutenu, les mots rares et monosémiques". Trente ans auparavant, la Commission Emmanuel ne disait pas autre chose lorsqu’elle affirmait : "L’enseignement du français vise essentiellement à faire connaître et pratiquer notre langue, c’est-à-dire une langue vivante, langue qu’on écoute, parle, lit, écrit ici et maintenant. Une telle conception ne traduit pas le refus de la langue du passé, mais la volonté de donner à l’enfant et à l’adolescent les moyens de se situer dans le monde d’aujourd’hui et d’en dominer la complexité" (Commission de réforme de l’enseignement du français, texte d’orientation, INRDP, brochure n° 29 MS, 1972, page 11).
(20) Arrêté du 22 février 1995, B.O. spécial n° 5, 9 mars 1995.
(21) Ibid., p. 24
(22) Id., p. 32. D’ailleurs, dès les Instructions de 1938, il était question de sortir du souci du quantitatif, et d’aller vers une "connaissance efficace et qualitative".
(23) R. Michéa, "Le vocabulaire comme structure et comme expérience", in Revue philosophique, avril-juin 1952, pp. 223.
(24) Ce qui renvoie à la compétence transversale : mémoire, et annonce les activités de transfert : l’actualisation des connaissances dans des situations nouvelles.
(25) Ministère de l’Éducation nationale, Direction des Lycées et Collèges, Programmes de 6e, 1996, CNDP.
(26) Nous reprenons ici à notre compte les réflexions autour de la notion d'objectif pédagogique (et de zone d'ombre), présentées dans le n° 55 des Recherches pédagogiques, 1972, pp. 15-23.
(27) On peut les considérer comme simples outils de régulation permettant d’échapper à l’improvisation. Il reste naturellement à passer des finalités aux objectifs opérationnels.
(28) F. De Saussure, Cours de linguistique générale, Payot, 1968, p. 157.
(29) Extrait d’un sketch de Raymond Devos (Bric à brac).
(30) Comme on l’a vu supra, c’est le 61e mot de l’index hiérarchique d’Henmon.
(31) On se souvient qu’il s’agit de Narbonne (La Légende des siècles, Pléiade, p. 151).
(32) Aux nuances près relevées dans la leçon "Sur le chemin de l'école", VI, Grilles étymologiques.
(33) Exemples empruntés à D. Estival (Université de Genève) "La quête du GRAAL", in Informatique-Informations n° 25, décembre 1994, pp. 17-20.
(34) Exemple emprunté aux Cahiers pédagogiques, n° 226, septembre 1984, page de couverture.
(35) Inspiré librement de J. Picoche, Précis de lexicologie française, Nathan, 1977, p. 67. À propos du Sa et du , nous renvoyons le lecteur à la note 23 du second fichier de la mise en ligne de L'Enrichissement du vocabulaire.
(36) J. Picoche, Structures sémantiques du lexique français, Nathan, 1986, p. 3. Par exemple, il existait, à l’origine, une unité sémantique entre la grève, bords de Seine où se rassemblaient les chômeurs parisiens, et les grèves, bords de mer ou d’océan. Ainsi naissent, souvent, les histoires dites drôles. Comme celle du cannibale qui, arrivé au dessert, s’écrie : "J’en ai assez des petits suisses. Demain, je veux un esquimau".
(37) Expression de J. Dubois.
(38) Cf. par exemple L. Verdier in Cahiers pédagogiques n° 7, 1951, pp. 381 sq. Cf. aussi Introduction de la mise en ligne de L'Enrichissement du vocabulaire, note 1.
(39) Cf. aussi les remarques de G. Gougenheim à propos des registres laudatif et dépréciatif : économe/parcimonieux ; disert/verbeux ; doux/doucereux, douceâtre ; aimable, affable/mielleux ; prévenant, poli/obséquieux ; consciencieux, méticuleux/vétilleux, tatillon ; élancé, svelte/efflanqué, etc. On pourrait ici citer l’art de la litote : elle n’est pas laide, etc.
(40) L’ouvrage déjà ancien de G. Rémond, Je deviens un vrai lecteur (Ed. Retz, 1e éd. 1978), présente à cet égard d’intéressantes suggestions, toujours valables.
(41) Nous n’insisterons pas sur ce point, cependant capital. Car de nombreux ouvrages spécifiques, très estimables et dont on peut donc s’inspirer, existent dans le commerce (cf. en particulier les brochures publiées chez Larousse, sous la direction de S. Roller, ou encore le petit opuscule de A. Maujean, Vocabulaire cycle III, chez Magnard, 1991).
(42) Roucouler : prendre son élan. Exemple : roucouler pour mieux sauter. Opium : sorte de pantoufle. Exemple : le chausson opium. Parmentier : introducteur de la drogue en France. Exemple : le haschich Parmentier. Gitane : cigarette pouvant prédire l’avenir (en lisant dans les cendres)... Lagune : chanson pour enfants. Exemple : Au clair de lagune. Pieuvre : animal vivant en groupe. Exemple : la pieuvre par 9. [Exemples tirés de Ouest-France, 18 et 19 août 1986]. On pourrait aussi songer au désopilant Un mot pour un autre, de Jean Tardieu.
(43) Aux nuances près exprimées supra, savoir que l’interférence entre les deux axes est constante.
(44) On pourrait distinguer ( mais à notre avis cela n’est pas utile avant le Collège) entre mot simple (un radical), mot dérivé (un radical + un suffixe), mot composé (préfixe, + radical, + ...) et mot fléchi (pourrait, donnerons). Par ailleurs, il faudrait insister sur la dérivation factitive (de l’adjectif au verbe, du type grand, agrandir) et sur les suffixes nominalisateurs (du verbe au nom, de l’adjectif au nom).
(45) Publicité pour la Cinquième chaîne.
(46) Titre d’une chanson de Boby Lapointe. Signalons que l’œuvre de cet auteur constitue une mine inépuisable, et très divertissante pour qui s’intéresse à tous les types de jeux de mots (souvent, d’ailleurs, des calembours de potache).
(47) Certains de ces exemples ont été empruntés à J. Bonnet, L’École II, n° 9, 1972-1973, p. 7. Cf. aussi :     
"J’ai perdu mon ami". Ai-je causé sa perte (sa ruine, son déshonneur) ? Est-il mort ? A-t-il cessé d’être mon ami ? L’ai-je perdu dans la foule ? Et encore : "Il va passer". Un homme agonise ? Le café est bientôt prêt ? Le train n’est pas encore là ?
Pour terminer sur un exemple plus littéraire, nous avons chez Lautréamont (Chant premier, 1869, des Chants de Maldoror) la phrase suivante : "Ta grandeur morale [...] est immense [...] comme l’amour de la femme". Est-ce l’amour qu’éprouve la femme, ou celui qu’elle inspire ? Les latinistes auront ici reconnu la différence entre génitif objectif et génitif subjectif !
(48) Publicité Total. S’agit-il de changer de bébé, ou de ‘changer’ le bébé ?.
(49) Cf. l’exemple de voler, à propos de la leçon de vocabulaire "Elle avait préféré...", pp. 215 sq.
(50) Cf. le travail sur le lexème ject par exemple (à propos de la leçon de vocabulaire "Sur le chemin de l’école", VI.). À l’expression plus ou moins consacrée, ‘grille étymologique’, nous préférons, de beaucoup, celle ‘d’étoile d’un mot’, que nous empruntons à Y. Grégoire, À la conquête de la langue écrite, CRDP Rennes, 1978, p. 45.
(51) L’efficacité d’un mot, selon l’expression de L. Verlée, étant sa richesse plus ou moins grande en composés et dérivés (Cité d’après N. Catach, Les listes orthographiques de base du français (LOB), Nathan, 1984, p. 12).
(52) Appelés aussi, pour cette raison, séries morphologiques (et s’opposant donc aux séries sémantiques, rapprochant des synonymes). On notera en passant que tout travail sur la formation des mots vient éclairer l’étude orthographique.
(53) Nous suivons ici la classification présentée par D. Corbin, "La notion de néologisme et ses rapports avec l’enseignement du lexique", in Bref n° 4, 1975, pp. 41-57.
(54) Ce point nous conduit, inévitablement, à l’usage de la langue comme objet d’humour, domaine dans lequel certain hebdomadaire satirique paraissant le mercredi est passé maître. On signalera par exemple qu’Antoine Blondin avait surnommé la fameuse Marthe Richard, "la Veuve Quiclôt". Et Henri Jeanson, qui n’était jamais en reste, passait allègrement de Sacha Guitry à "Sacha qui triche". Ce qui nous entraînerait aussi vers le barbarisme (l’infractus du myocarde, l’aréoplane, la rénumération), le pataquès (la caserne d’Ali-Baba, la liqueur à pioncer, la congestion sous les bras), la contrepèterie (Métropolitain/Pétain mollit trop) et l’anagramme (Révolution française/Un veto corse la finira).
Et nous ne pouvons pas ne pas mentionner aussi ce que nous nommerions des images audacieuses, et que Ch. Bally, à qui nous les empruntons, (ouvr. cit., tome II, p. 153) qualifie d’incohérentes :

- le char de l’État navigue sur un volcan.
- Il a reçu le jour dans la nuit du 5 au 6 juin.
- L’affaire ne marche que d’une aile.
"... Et d’un grand coup de pied,
Porté d’une main sûre,
Il lui fit dans le flanc
Une longue blessure".
(55) Cf. un exemple dans la leçon de vocabulaire Mon Papy est mort, pp. 179 sq.
(56) Les exemples sont pour la plupart empruntés aux textes que nous proposons supra (dans la partie E. Exemples développés).

 

(© Emprunté à SH,  L'enrichissement du vocabulaire, CRDP de Grenoble, 1997, pp. 97-128)

 

 

 

 


 

 

 

À suivre 

 À suivre : L'enrichissement du vocabulaire : III Exemples développés