Rocard-Wiesel, in excelsis

On a appris, ce dimanche matin, de façon pratiquement conjointe, deux disparitions survenues samedi : celle de Michel Rocard et celle d’Élie Wiesel, rescapé de la Shoah et prix Nobel de la paix ; tous deux s'étant éteints à peu près au même âge.
Sur le premier de ces défunts, les manchettes journalistiques immédiatement apparues sur la Toile rivalisent de dithyrambes, car les morts, n'est-ce pas, sont tous des braves types : "Michel Rocard, monument de la Ve République", "Michel Rocard, rêveur réaliste", "Michel Rocard, théoricien de la deuxième gauche"...

Théoricien, c'est bien là que le bât blesse...
Car cet homme, certes, était fort lucide, du moins en théorie : il avait d'ailleurs exprimé sa lucidité à l'égard de ses propres "amis politiques", en octobre 2005, dans un véritable brûlot assassin, "Si la gauche savait" (aux Éditions Robert Laffont). Il avait bien auparavant confié à qui voulait l'entendre son désarroi lors de la victoire de la gauche, en mai 81 : il disait avoir été "terrifié" par "l'inculture économique" des socialistes... On put, en effet, juger des résultats... que d'aucuns continuent à vénérer... Un an plus tard, lors des désordres entraînés par l'histoire du C.P.E. (qui ne sont pas sans faire irrésistiblement penser à ce qui se passe actuellement à propos de la loi dite "El-Khomri"), il était allé jusqu'à parler "d'une nation excitée [mais excitée par qui ? Sinon par ses homologues], peu capable de regarder la réalité" en face !
Comme l'on a dit de l'Abbé Pierre qu'il était "l'insurgé de Dieu", on pourrait donc qualifier Rocard "d'insurgé de la gauche".
Mais voilà, n'est pas Jacques Vingtras, je veux dire Jules Vallès qui veut.
Fils d'un père savant d'une insigne valeur, Rocard, qu'on le veuille ou non, était né avec une cuiller d'argent dans la bouche. Et son adolescence ne fut pas celle de Wiesel... Dès lors, comme tant d'autres zozos dits de gauche, il est assez ridicule de prétendre se mettre au service des opprimés, ou qui se croient tels : jusqu'à ambitionner de leur apporter la lumière... Et Rocard, en de trop nombreuses occasions, se montra particulièrement ridicule.
Je songe par exemple lorsqu'il apparut un soir à la télé, poudré à frimas, pour enclencher soi-disant le big-bang en annonçant, depuis Conflans-Sainte-Honorine, sa candidature à la Présidence de la République, petit coup de com et de force qui échoua lamentablement ; ou encore lorsqu'il se pointa aux côtés d'un Mitterrand goguenard, lui enfermé dans un improbable imperméable et chaussé de godillots rubiconds dénichés je ne sais où ; je songe aussi à cette lamentable séquence télévisée, sous la houlette du camé Thierry Ardisson, lequel l'interpella d'un "ma couille" qui fit rougir de honte et de colère tout ce qui demeure de républicain en France ; mais pas Rocard, qui avait, sinon de la poudre, du moins quelques verres de trop dans le pif ; et je ne peux oublier cette incroyable nomination "d’Ambassadeur pour les pôles", géniale trouvaille du capitaine de pédalo. Certes, il se voulait, il se proclamait maître aux pôles, mais tout de même...

Et comme je ne suis pas né de la dernière pluie, je me souviens des affreux et sanglants râles qui accompagnèrent la fin du conflit algérien. À cette époque, naissait le lilliputien PSU. Qui fit placarder des affichettes dans toute la France (métropolitaine) : "Avec le PSU, et contre l'OAS agissez !" Les affichettes présentaient l'OAS écrasé entre une enclume et le marteau du PSU (il n'y avait pas de faucille...). Le PSU prétendant écraser l'OAS ! Laissez-moi rire, si je puis dire. Car en réalité, cette action consista uniquement à transformer les rares militants en autant de "porteurs de valises" ; et cela, qu'on le veuille ou non, porte un nom : cela s'appelle traîtrise envers la Patrie...

Parvenu "aux Affaires", Rocard pondit la très brillante idée du GVT, ou "Glissement Vieillesse Technicité" (sic) : ou l'art de geler le point d'indice, et de supprimer l'échelle mobile (des prix et des salaires) : indiquez-moi à quelle occasion le peuple de France s'est davantage fait enfiler ?
Et je songe aussi à cette obligation - assez irréalisable - pour les communes de créer un taux faramineux de "logements sociaux" dont l'attribution échappe souvent aux "souchiens". Et je ne manquerai pas d'oublier son très intense désir de faire entrer la Turquie et ses cent millions d'habitants, pays musulman d'Asie, au sein de l'Europe, autrement dit de la France ! Comme si nous n'étions pas assez déstabilisés ainsi !
Pour faire court, Rocard avait des idées sur tout. Il avait surtout des idées... Pas souvent lumineuses. Que restera-t-il donc de lui ?
Paix à son âme de protestant, certes. Mais à mon sens, Élie Wiesel était d'une envergure tout autre... Et qu'importe après tout : ces deux disparitions ont disparu assez rapidement et comme par enchantement, ensevelies sous l'autre fait capital du jour, le match entre les "Bleus" et l'Islande. Pauvre France !

Rocard, pas celui qu'ils voudraient qu'on croie. Enfin un portrait post mortem qui recadre la soi-disant "grandeur" proche d'un Léon Blum (sic) de ce politicien intelligent mais qui se conduisait comme un pantin désarticulé dans les ficelles du marionnettiste en chef qu'était Mitterrand. Il nous a refilé le Rsa et la Csg, deux virus aspirateurs de l'assistanat pour tiers monde en recherche de l'hôte intermédiaire et dont le vaccin salvateur n'est pas près d'être mis sur le marché. Merci pour ces toujours pertinents et courageux recadrages ! - Nicolas

Le Canard Enchaîné l'avait surnommé du cruel "Le Gonflant de Ste Honorine" et je pense qu'au-delà du plaisir de faire un bon mot, il devait bien y avoir pour le Canard.... un fond de sauce ! "Méfiez-vous de votre première impression, c'est souvent la bonne" disait Talleyrand... Ceci dit, vivement que je sois mort, qu'on dise du bien de moi ! - Olivier

 

 

[Mon blog redémarre, là où je l'avais abandonné. Et j'y injecte peu à peu mes pages "Actualité", rédigées depuis ce pathétique 7 mai 2012. L'explication de ce revirement est à trouver à la date du 1er décembre 2016, 20:20]

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