Ouvrage reçu en 1910 par F. G., récompensant un premier prix de style. Texte 189, extrait du Chapitre XVI, Vases brisés. Mis en ligne en affectueux souvenir. Et gratitude immense.
"Toi seule me parus ce qu'on cherche toujours" (Vigny).
"Je reçus un coup qui retentit encore dans ma vie, car à chaque heure il trouve un écho" (Balzac).
De la dépouille de nos bois
L’automne avait jonché la terre ;
Le bocage était sans mystère,
Le rossignol était sans voix.
Triste, et mourant à son aurore,
Un jeune malade, à pas lents,
Parcourait une fois encore
Le bois cher à ses premiers ans :
"Bois que j’aime, adieu, je succombe.
Votre deuil a prédit mon sort,
Et dans chaque feuille qui tombe
Je lis un présage de mort.
Fatal oracle d’Épidaure,
Tu m’as dit : Les feuilles des bois
À tes yeux jauniront encore,
Et c’est pour la dernière fois.
La nuit du trépas t’environne ;
Plus pâle que la pâle automne,
Tu t’inclines vers le tombeau.
Ta jeunesse sera flétrie
Avant l’herbe de la prairie,
Avant les pampres du coteau.
Et je meurs ! De leur froide haleine
M’ont touché les sombres autans ;
Et j'ai vu comme une ombre vaine
S’évanouir mon beau printemps.
Tombe, tombe, feuille éphémère !
Voile aux yeux ce triste chemin,
Cache au désespoir de ma mère
La place où je serai demain.
Mais vers la solitaire allée
Si mon amante désolée
Venait pleurer quand le jour fuit,
Éveille par un léger bruit
Mon ombre un instant consolée".
Il dit, s’éloigne… et sans retour !
La dernière feuille qui tombe
A signalé son dernier jour.
Sous le chêne on creusa sa tombe.
Mais celle qu’il aimait ne vint pas
Visiter la pierre isolée :
Et le pâtre de la vallée
Troubla seul du bruit de ses pas
Le silence du mausolée.
[Cette Élégie avait, en son temps, obtenu le prix de l’Académie des Jeux-Floraux - Toulouse]