Ici, c'est du lourd ! Ce commentaire d'un extrait de la fameuse Aurélia de G. de Nerval est véritablement du niveau de l'ancienne Propédeutique Lettres, et tout à fait à sa place en Lettres-Sup !

 

"Chacun sait que, dans les rêves, on ne voit jamais le soleil, bien qu’on ait souvent la perception d’une clarté beaucoup plus vive. Les objets et les corps sont lumineux par eux-mêmes. Je me vis dans un petit parc où se prolongeaient des treilles en berceaux chargés de lourdes grappes de raisins blancs et noirs..."

G. de Nerval

 

 

 

Explication de texte (classes de Lettres-Sup) : un extrait de Aurélia (G. de Nerval)

 

"… Chacun sait que, dans les rêves, on ne voit jamais le soleil, bien qu’on ait souvent la perception d’une clarté beaucoup plus vive. Les objets et les corps sont lumineux par eux-mêmes. Je me vis dans un petit parc où se prolongeaient des treilles en berceaux chargés de lourdes grappes de raisins blancs et noirs ; à mesure que la dame qui me guidait s’avançait sous ces berceaux, l’ombre des treillis croisés variait pour mes yeux ses formes et ses vêtements. Elle en sortit enfin, et nous nous trouvâmes dans un espace découvert. On y apercevait à peine la trace d’anciennes allées qui l’avaient jadis coupé en croix. La culture était négligée depuis longues années, et des plants épars de clématites, de houblon, de chèvrefeuille, de jasmin, de lierre, d’aristoloche, étendaient entre des arbres d’une croissance vigoureuse leurs longues traînées de lianes. Des branches pliaient jusqu’à terre chargées de fruits, et parmi des touffes d’herbes parasites s’épanouissaient quelques fleurs de jardin revenues à l’état sauvage.

 

De loin en loin s’élevaient des massifs de peupliers, d’acacias et de pins, au sein desquels on entrevoyait des statues noircies par le temps. J’aperçus devant moi un entassement de rochers couverts de lierre d’où jaillissait une source d’eau vive, dont le clapotement harmonieux résonnait sur un bassin d’eau dormante à demi voilée des larges feuilles du nénuphar.

 

La dame que je suivais, développant sa taille élancée dans un mouvement qui faisait miroiter les plis de sa robe en taffetas changeant, entoura gracieusement de son bras nu une longue tige de rose trémière, puis elle se mit à grandir sous un clair rayon de lumière, de telle sorte que peu à peu le jardin prenait sa forme, et les parterres et les arbres devenaient les rosaces et les festons de ses vêtements ; tandis que sa figure et ses bras imprimaient leurs contours aux nuages pourprés du ciel. Je la perdais ainsi de vue à mesure qu’elle se transfigurait, car elle semblait s’évanouir dans sa propre grandeur. "Oh ! ne fuis pas ! m’écriai-je… car la nature meurt avec toi !"

 

Disant ces mots, je marchais péniblement à travers les ronces, comme pour saisir l’ombre agrandie qui m’échappait ; mais je me heurtai à un pan de mur dégradé, au pied duquel gisait un buste de femme. En le relevant, j’eus la persuasion que c’était le sien… Je reconnus des traits chéris, et, portant les yeux autour de moi, je vis que le jardin avait pris l’aspect d’un cimetière. Des voix disaient : "L’Univers est dans la nuit !

CHAPITRE VII

Ce rêve si heureux à son début me jeta dans une grande perplexité. Que signifiait-il ? Je ne le sus que plus tard. Aurélia était morte".

 

 

 

Introduction

 

Aurélia, rédigée durant le dernier séjour que Gérard de Nerval fit à Passy, à la clinique du docteur Blanche, d'août à octobre 1854, est le dernier ouvrage qu'ait composé le poète. Ce petit livre a pu être qualifié de "somme nervalienne", car on y trouve condensées toute la pensée, toute la sensibilité de l'auteur. Aussi l'inspiration et la composition en sont d'une complexité qui, ainsi que l'a bien montré M. Pierre Audiat, défie toute analyse unilatérale — historique, occultiste, psychologique ou psychiatrique. Selon l'intention proclamée par son auteur, cette œuvre apparaît d'abord comme un message spirituel : depuis la première crise spectaculaire de démence dont il avait été victime en 1841, et dont précisément il nous donne un récit dans Aurélia, Gérard n'avait cessé d'être tourmenté par le souci de prouver au public et surtout au monde littéraire, — afin de préserver sa réputation, sa carrière d'écrivain et sa subsistance matérielle — qu'il jouissait à nouveau d'une parfaite santé mentale. Or il croit apporter une preuve de sa lucidité et en même temps faire un acte humainement utile, en publiant les rêves qui l'avaient visité dans l'état cataleptique où il se trouvait plongé, parce qu'il nourrit la persuasion que ces rêves constituent une authentique révélation spirituelle, qui lui a notamment apporté la certitude de la survie des âmes. Par cette conviction, Gérard de Nerval annonce Baudelaire qui croira obtenir, grâce aux  "paradis artificiels", la révélation de "correspondances" transcendantes — et Rimbaud qui dans sa fameuse lettre du 15 mai 1871 à Paul Démeny déclarera que "le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens". Ce serait pourtant une grave erreur de considérer Aurélia comme un authentique document clinique contenant un message métaphysique. Il s'agit essentiellement d'une œuvre littéraire dont le caractère psycho-pathologique ne se manifeste guère qu'à l'insu de l'auteur. En un sens, Aurélia est un roman, dans lequel M. Pierre Audiat a montré l'aboutissement de projets et d'esquisses, le Roman à faire, le Roman tragique, et pour la rédaction duquel le poète a même utilisé des lettres et des brouillons antérieurs à sa crise mentale de 1841. Ce roman est l'histoire  des amours déçues, puis brisées par la mort, de Gérard de Nerval avec la cantatrice Jenny Colon, progressivement idéalisée sous le nom d'Aurélia. Mais cette idéalisation s'amalgame — de façon beaucoup plus complexe et plus étrange que jadis, chez Dante ou Pétrarque pour Béatrice ou Laure — avec des réminiscences littéraires, des préoccupations philosophiques et religieuses, condensées en un syncrétisme principalement fondé sur des lectures occultistes, interprétées poétiquement par l'imagination et la sensibilité profonde de l'écrivain. Il est donc aussi vain de prétendre reconstituer d'après Aurélia ou les Chimères une doctrine secrète, cohérente, qu'il est naïf d'y voir une exacte confession, mais il reste indispensable, pour essayer de saisir le mouvement de la pensée et de l'imagination du poète, de repérer les événements personnels, les souvenirs de lectures, les traditions, à partir de quoi s'est opéré un travail artistique, à la fois littéraire et morbide, dont le charme singulier envoûte le lecteur. Ainsi que nous l'avons signalé, la multiplicité de ces composantes rend insuffisante toute explication unilatérale d'Aurélia, même pour une seule phrase ou une simple expression. En réalité, Gérard de Nerval, poète et dément, témoigne doublement de cette mentalité prélogique et magique pour laquelle le principe d'identité n'implique ni contradiction ni exclusion ; lui-même justifie philosophiquement cette régression psychique par son syncrétisme religieux, sa foi occultiste dans l'animisme universel, dans les analogies et les correspondances. Il n'y a donc pas lieu de choisir entre les explications que l'on s'est efforcé de donner des Chimères ou d'Aurélia à l'aide de l'alchimie, des tarots, du pythagorisme, de l'initiation maçonnique, de la symbolique de Creutzer, etc., ainsi que de la biographie de l'écrivain : toutes ces diverses interprétations peuvent être admises simultanément, comme se superposant ou s'amalgamant dans un vers, en une seule expression. Encore faut-il éviter de donner trop de rigueur à ces analyses qui risqueraient d'être décevantes : par étourderie ou défaillance de mémoire, par souci d'harmonie, Gérard a commis de fréquentes inexactitudes dans l'exploitation de ses sources livresques comme de ses souvenirs personnels ; d'autre part, son œuvre, essentiellement lyrique, en dépit de la précision apparente de l'expression, comporte toujours, vu l'extrême complexité de son inspiration, une part d'énigme, une marge d'indétermination, dans laquelle peut s'exercer la rêverie du lecteur, au risque de se laisser entraîner dans les abîmes où a succombé le poète.

 

 

Explication

 

La page qui nous occupe forme la seconde partie et la conclusion du récit d'un rêve qui se trouve être le dernier d'une série amorcée au chapitre IV, rêves qui présentent tous ce caractère de nous montrer le narrateur transporté auprès de ses ancêtres défunts, dans le cadre de leur ancienne existence. Au début du chapitre VI, Gérard se voit d'abord dans une salle d'une maison qu'il dit être la demeure de son aïeul, mais que nous soupçonnons être plutôt celle de son grand-oncle Boucher, à Mortefontaine, où il avait passé son enfance. Dans cette salle, il aperçoit trois femmes en train de travailler — sans doute à ces ouvrages de broderie qui semblent avoir hanté l'imagination du poète, grâce à des souvenirs d'enfance(1) ; elles lui paraissent représenter "sans leur ressembler absolument, des parentes et des amies de (sa) jeunesse". "Les contours de leurs figures variaient comme la flamme d'une lampe, et à tout moment quelque chose de l'une passait dans l'autre...". Soudain, la plus âgée attire l'attention de Gérard sur lui-même, et il se voit "vêtu d'un petit habit de forme ancienne" (donc, redevenu enfant), féériquement confectionné par les "grandes belles dames" auprès de qui il se sent comme "un petit enfant". "Alors l'une d'elles se leva et se dirigea vers le jardin".

La partie du rêve qui suit et que nous avons à étudier commence par cette affirmation générale et catégorique : "Chacun sait que dans les rêves on ne voit jamais le soleil...". Ce ton péremptoire paraît indiquer que l'auteur corrobore son expérience personnelle à l'aide d'ouvrages traitant des songes, mais nous ignorons auquel il se réfère plus particulièrement. Pour ce qui est de "la perception d'une clarté beaucoup plus vive", des objets et des corps lumineux par eux-mêmes, notons qu'en évoquant la salle où travaillaient les trois dames, il avait déjà indiqué que "les vieux meubles luisaient d'un poli merveilleux", et qu' "un jour trois fois plus brillant que le jour naturel arrivait par la croisée et par la porte". Probablement faut-il reconnaître dans ces indications un écho de cette théorie chère à Gérard, selon laquelle les êtres sont animés d'un feu intérieur, source de toute vie. Cependant après cette déclaration générale, l'auteur s'abstiendra de toute indication sur le degré de luminosité du paysage qu'il décrit : la lumière n'est suggérée que par l'ombre des treillis croisés variant les formes et les vêtements de la dame, et par le miroitement du "taffetas changeant" de sa robe. Quant au "clair rayon de lumière" sous lequel la dame grandit, il tranche sur le paysage au lieu de l'imprégner.

La narration du rêve, sa conclusion, son interprétation, sont présentées suivant un plan fort simple, et en apparence avec beaucoup de clarté et de logique : dans un petit parc, Gérard suit d'abord la dame sous de longues "treilles en berceaux", au bout desquelles il se trouve dans un espace découvert, ancien jardin au dessin régulier, retourné à l'état sauvage, avec une végétation luxuriante de plantes grimpantes et d'arbres fruitiers ; cet ancien jardin classique est entouré d'une sorte de parc à l'anglaise avec massifs d'arbres, statues, rochers, eaux vives, bassin. Cependant la dame, en grandissant, absorbe dans sa robe tout ce paysage tandis que sa figure et ses bras se confondent avec les nuages. Elle s'évanouit, laissant à sa place un "buste de femme" que Gérard reconnaît pour celui d'Aurélia, tandis que le jardin prend l'aspect d'un cimetière. Ce rêve annonçait au poète la mort d'Aurélia. Pour le lecteur superficiel et non prévenu, cette page peut donc apparaître comme le simple récit assez curieux, mais vraisemblable, d'un de ces rêves dont le caractère prémonitoire reste une énigme pour les psychologues, mais dont la vie courante comme la littérature offre d'assez fréquents exemples.

À première vue encore, il paraît facile de reconnaître dans le paysage évoqué par ce rêve le cadre où s'est écoulée l'enfance de Gérard : Aristide Marie (1862-1938) avait encore contemplé à Mortefontaine "le petit jardin... enclos dans ses anciens murs, un peu inculte et envahi par les fleurs" (cf. Gérard de Nerval, Le poète et l'homme, d'après des manuscrits et documents inédits, Hachette, réédition de 1955). Et ce petit jardin était entouré sur trois côtés par le parc du château, aménagé dans le goût préromantique par Le Peletier de Mortefontaine ; à deux lieues de là, le poète connaissait bien aussi le parc "philosophique" d'Ermenonville, où le marquis de Girardin avait abrité les derniers jours de J.-J. Rousseau, puis lui avait élevé un tombeau... —  Dans les treilles, les raisins blancs et noirs, la mémoire du narrateur semble confondre les souvenirs du Valois, évoqués dans Sylvie (chapitre VI) avec ceux d'Italie, rappelés dans Octavie ; et suggérés dans les Chimères (El Desdichado : "Et la treille où le pampre à la rose s'allie" ; Myrtho : "Aux raisins noirs mêlés avec l'or de ta tresse").

—  L'exclamation entendue dans une hallucination auditive : "L'Univers est dans la nuit !" semble répondre à un phénomène pathologique qui se trouve signalé dans le quatrième chapitre de la seconde partie d'Aurélia, où le poète croit voir les étoiles s'éteindre et se dit : "La nuit éternelle commence, et elle va être terrible". La croissance fantastique de la dame paraît liée elle aussi aux troubles psychiques de l'auteur : dans le récit de la plupart de ses délires, il voit ou lui-même ou ceux qui l'entourent subitement doués d'une taille et d'une vigueur surhumaines.

Il n'est pas surprenant que l'évocation d'un paysage rappelant les parcs préromantiques jadis aménagés suivant les préceptes et les goûts de Jean-Jacques Rousseau nous fasse songer à cet illustre devancier de Gérard, mais nous pouvons constater que cette influence se manifeste ici plus directement, par une évidente réminiscence littéraire : la description du jardin vu en rêve par l'amant d'Aurélia semble condenser en quelques lignes celle que dans la onzième lettre de la quatrième partie de la Nouvelle Héloïse, Saint-Preux fait en plusieurs pages à Mylord Édouard de l' "Élysée" de Julie. Le parallèle s'impose : l' "Élysée" de Julie est un lieu secret, dont on fait mystère à Saint-Preux, qui s'y trouve "comme tombé des nues" — Gérard nous dit : "Je me vis dans un petit parc" sans indiquer comment il est sorti de la salle. L'entrée de l' "Élysée" est masquée par des "aunes et des coudriers qui ne laissent que deux étroits passages sur les côtés" —  à quoi font pendant "les treilles en berceaux" que traverse Gérard à la suite de la dame avant de se retrouver "dans un espace découvert" —  (Notons que Saint-Preux est guidé lui aussi par Julie dans son "Élysée" ; il est vrai que M. de Wolmar les accompagne, mais ne peut-on assimiler l'époux de Julie à ce "double", rival de Gérard auprès d'Aurélia qu'il épouse...). Le lieu découvert où croit se trouver le poète est un ancien jardin dont "la culture était négligée depuis de longues années" ; or Julie avait révélé à Saint-Preux que son "Élysée" était un verger où il s'était promené autrefois. Ce verger, où l'herbe "était assez aride", et les arbres clairsemés, Mme de Wolmar l'a doté d'une végétation luxuriante en y dérivant un ruisseau ; l'impression de luxuriance y est obtenue surtout grâce à des herbes, où brillent des fleurs des champs, "parmi lesquelles l'œil en démêlait avec surprise quelques-unes de jardin" ; on a formé "des touffes obscures", en recourbant les branches des arbres du bois le plus flexible, et en les faisant prendre racine en terre. "Dans les lieux plus découverts", Saint-Preux aperçoit des broussailles et des fourrés d'arbustes dont il détaille les essences, — "des allées... bordées de ces bocages fleuris, et couvertes de mille guirlandes de vigne de Judée, de vigne vierge, de houblon, de liseron, de couleuvrée, de clématite et d'autres plantes de cette espèce, parmi lesquelles le chèvrefeuille et le jasmin daignaient se confondre". Les "ombrages verts et touffus... n'étaient formés que de ces plantes rampantes et parasites qui, guidées le long des arbres, environnaient leur tête du plus épais feuillage et leur pied d'ombre et de fraîcheur". Julie explique que ce parasitisme nuit à la fécondité des arbres fruitiers, mais que néanmoins on trouve encore "dans ce désert artificiel des fruits excellents et mûrs, quoique clairsemés et de mauvaise mine". Cette description de l' "Élysée", déjà prolixe en elle-même, est alourdie par des dialogues et des indications techniques, des appréciations moralisantes. Il est à peine besoin de souligner comment Gérard de Nerval en a repris tous les traits essentiels, en les modifiant à peine, mais en les condensant en trois phrases : "On y apercevait à peine... revenues à l'état sauvage".

Cette "source" littéraire d'Aurélia paraît avoir échappé à M. Pierre Audiat, mais il note que la vision et la disparition de la dame dans un jardin de féerie peuvent avoir été suggérées à Gérard par un Conte d'Hoffmann, le Pot d'or, où le héros, Anselme, dans une prison de verre, aperçoit une forêt enchantée, pleine de couleurs merveilleuses et de formes évanescentes. C'est d'ailleurs à un autre Conte d'Hoffmann, le Vampire, que, nous indique encore M. Audiat, notre poète a emprunté le nom d'Aurélia pour idéaliser sa bien-aimée ; mais l'héroïne du conte germanique, fille d'une femme-vampire, était à la fois innocente et criminelle : par ce choix, Gérard aurait tout d'abord voulu suggérer que Jenny avait été l'instrument inconscient, mais fatal de sa ruine.

Cependant, cette influence littéraire du conteur fantastique se confond déjà avec les préoccupations occultistes qui obsèdent le poète des Chimères. Le rêve qui nous est ici conté permet de saisir l'amalgame que nous avons signalé de l'idéalisation de la femme aimée avec le syncrétisme religieux et le spiritualisme ésotérique. On sait comment, s'aidant des lumières de la science psychiatrique, M. L. H. Sébillotte a pu déceler "le secret de Gérard de Nerval" [Librairie José Corti, 1948, 276 pages ; Préface par le Dr Albert Brousseau] - déjà entrevu par Aristide Marie - dans une psychose de refus d'identification avec un père rendu responsable de la privation de la tendresse d'une mère morte prématurément par sa faute. De là, l'idéalisation par Gérard de Nerval de cette mère qu'il n'avait pas connue, et la projection, aboutissant à un tabou d'inceste, de ce fantôme (conçu sur un type de femme "bionda e grassotta" d'après une gravure "La Modestie" qu'on avait dit à l'enfant ressembler à sa maman...) sur la personne des femmes qu'il croira aimer, et dans lesquelles il poursuivra toujours et croira retrouver un même être à travers des images analogues. Dans le songe qui nous occupe, il est très caractéristique à cet égard que la dame qui guide le poète dans le jardin nous ait d'abord été présentée comme faisant partie d'un groupe de trois femmes semblant appartenir à la famille maternelle du narrateur ou à l'entourage de celle-ci : c'est seulement lorsque cette dame a disparu après s'être confondue avec le paysage que Gérard reconnaît que le buste de femme laissé à sa place est celui d'Aurélia.

Dans la seconde partie de l'ouvrage, au chapitre V, un autre songe, semblable à celui-ci, nous est conté, mais la vision du "verger délicieux" y est opportunément interrompue par le réveil, et ne comporte pas de dénouement funèbre. C'est une "déesse" (évidemment Isis) qui cette fois est apparue au poète, et lui déclare : "Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la même aussi que sous toutes les formes tu as toujours aimée. À chacune de tes épreuves, j'ai quitté l'un des masques dont je voile mes traits, et bientôt tu me verras telle que je suis". Dans Isis, comme dans Marie, c'est la Vierge Mère que Gérard adore. Au culte d'Isis, il a consacré un opuscule, inspiré d'une étude de l'archéologue allemand Böttiger, Die Isis Vesper(2) auquel il a donné pour titre le nom de la déesse. Or celle-ci est aussi le symbole de la Nature, considérée dans son aspect femelle. Ainsi s'explique dans le songe que nous étudions l'identification de la dame avec le paysage ambiant, et l'exclamation désespérée du poète : "Oh ! ne fuis pas — car la nature meurt avec toi !" D'autre part, selon une tradition qui pour l'auteur d'Aurélia remontait surtout aux Métamorphoses d'Apulée (livre XI, chapitre IX) qu'il a souvent méditées, Isis était assimilée à la fois à la Proserpine infernale et à l'Hécate au triple visage ; sous cette dernière hypostase, elle était donc une divinité lunaire : c'est évidemment à cet aspect lunaire de la Dame, identifiée avec Isis et la Nature, qu'il faut imputer le "clair rayon de lumière" sous lequel "elle se mit à grandir". Mais la suite de cette métamorphose paraît s'inspirer d'une image par laquelle Diderot, dans son Paradoxe sur le Comédien (édition Nord-Sud, 1949, p. 17) essaie de définir le rêve au cours duquel la Clairon  s'efforce de s'identifier avec le fantôme idéal d'elle-même qu'elle a conçu pour son rôle : "Comme il nous arrive quelquefois dans le rêve, sa tête touche aux nues, ses mains vont chercher les deux  confins de l'horizon ; elle est l'âme d'un grand  mannequin qui l'enveloppe ; ses essais l'ont fixé sur elle". On comprend que l'amant inconsolé de Jenny ait été séduit par une image concernant une "étoile de théâtre", et que l'auteur d'Aurélia,  en proie à la hantise de son double, ait été frappé par cette suggestion de Diderot.

Outre ce syncrétisme sentimental et religieux,  M. Jean Richer a cru pouvoir déceler dans ce  passage d'Aurélia un symbolisme spirituel ;  grâce à des analogies verbales : "berceaux" (répété) ; "la trace d'anciennes allées qui l'avaient jadis coupé en croix", une source d'eau vive,  le poète suggérerait plus ou moins la foi de son enfance, le baptême, tandis que l'abandon du jardin, les longues traînées de lianes, les "touffes  d'herbes parasites" (où) s'épanouissent "quelques fleurs de jardin revenues à l'état sauvage" symboliseraient le détachement de l'orthodoxie, les doctrines hétérodoxes et occultistes qu'il lui avait substituées et qui avaient étouffé la vraie foi ou en avaient ramené les données au paganisme primitif. L'assomption d'Aurélia serait celle de son âme immortelle, et le "buste de femme" représenterait sa dépouille mortelle ; les ronces à travers lesquelles marche péniblement le narrateur,  le "pan de mur dégradé" auquel il se heurte, exprimeraient les vains efforts de l'amant coupable pour rejoindre la bien-aimée dans l'au-delà.

Peut-être pouvons-nous encore dans le détail du texte, soupçonner l'intention symbolique de plusieurs traits. Les treilles qui se prolongent en berceaux et sous l'ombre desquelles la dame commence par guider Gérard, peuvent évoquer ces sentiers symboliques, ces longs couloirs par lesquels, selon M. Carcopino, les pythagoriciens accédaient à leurs sanctuaires ; placés sous le signe de Jupiter et consacrés à Hercule, les peupliers ressortissent aussi à la symbolique pythagoricienne, dont les adeptes se faisaient ensevelir sur un lit de feuilles de myrte, d'olivier et de peuplier noir  (cf. J. Carcopino,  La basilique pythagoricienne de la Porte Majeure, 1926, pp. 223-225 ; Virgile et le mystère de la IVe Églogue, 1930, p. 35). L'acacia figurait déjà dans l' "Élysée" de Julie, mais pour l'auteur du Voyage en Orient, c'est l'arbre maçonnique par excellence, planté sur le tombeau d'Adoniram. Le pin est consacré à Cybèle, déesse de la Terre, aux entrailles de laquelle est voué le poète d'Antéros, né sous le signe de Pluton ; et Cybèle, c'est aussi la Magna Mater... Gérard de Nerval ne semble pas s'être appliqué de façon aussi méthodique que Senancour à un langage symbolique des fleurs. Cependant, ici comme dans le sonnet d'Artémis, la rose trémière constitue manifestement un symbole. Les fleurs qui s'échelonnent vers la cime de sa haute tige symboliseraient les diverses incarnations de l'idéal féminin — maternel, amoureux et divin — du poète. D'autre part, on admet communément que l'épithète trémière est une corruption de l'expression d'outre-mer ; pour Gérard, la rose trémière représente Cythère, la Grèce, l'Orient et le culte de rite grec, tout cela grâce à une allusion aux roses trémières de Palekastro, près de Navarin, faite par Bory de Saint-Vincent dans une Relation de voyage parue en 1836... Elle se confond encore pour lui avec la rose mystique des chrétiens (sans doute aussi avec celle du Roman de la Rose et surtout celle des Rose-Croix...) ; elle représente sainte Philomène (Philoumène = Aimée) et par suite elle est l'emblème d'Aurélia (cf. Artémis : "la rose qu'elle tient c'est la rose trémière"), liée à des souvenirs de Naples (cf. Octavie) et de Bruxelles, elle est consacrée à sainte Rosalie ; elle est la "Rose au cœur violet, fleur de sainte Gudule".

La couleur de la rose trémière s'apparente donc au miroitement du taffetas changeant dont est vêtue la dame dont la figure et les bras impriment  "leurs contours aux nuages pourprés du ciel". Déjà Sylvie, à Othys, après avoir cueilli en chemin un énorme bouquet de digitale pourprée, avait revêtu chez sa tante une "grande robe en taffetas flambé" (cf. Sylvie, chapitre VI). À une époque où les critiques ne s'étaient pas encore évertués à déchiffrer le symbolisme occultiste de l'œuvre nervalienne, Marcel Proust (cf. Contre Sainte-Beuve, Gérard de Nerval) réagissant contre l'interprétation aimable et superficielle, faussement classique, alors à la mode pour cette œuvre, avait bien montré que Sylvie était une vraie fille du feu, et que sa couleur était une couleur pourpre. Nous sommes ainsi conduit à nous demander si dans ce passage d'Aurélia, d'une inspiration très voisine, il ne convient pas de soupçonner, pour les notations de couleur, un symbolisme alchimique, analogue à celui que M. Le Breton a révélé pour les sonnets des Chimères, et pour l'hymne des pâtres de l'Auvergne qui ouvre les Mémorables placés avant la conclusion d'Aurélia [Georges Le Breton, Nerval poète alchimique, la clé des "Chimères" et des "Mémorables" d'"Aurélia", le "Dictionnaire mytho-hermétique" de Dom Antoine-Joseph Pernety, 1945]. On peut certes observer que dans le passage qui nous occupe les notations directes et pittoresques de couleurs sont presque absentes ; les teintes ne sont suggérées que par l'énumération des végétaux ; comme chez Victor Hugo, les couleurs indiquées : raisins blancs et noirs, nuages pourprés, se résolvent  en réalité en effets de lumière et d'ombre. Si, comme l'a fait M. Le Breton, on transpose ces jeux de lumière, d'ombre et de couleurs sur le plan alchimique, on peut admettre que, comme dans El Desdichado, la treille chargée de raisins mûrs suggère par son feuillage la couleur rouille revêtue par la matière en cours de transmutation (On pourrait objecter qu'au début du rêve, dans la salle, Gérard sentait "dans l'air une fraîcheur et un parfum des premières matinées tièdes du printemps" — et que la mort de Jenny Colon-Aurélia, dont ce songe est la prémonition, est intervenue le 5 juin 1842 — mais dans le jardin, les lourdes grappes de raisins, les branches pliant "jusqu'à terre chargées de fruits" ne peuvent guère se situer qu'en automne). Les trois couleurs des treilles en berceaux d'abord traversées par la dame et Gérard : noir, blanc rouille, suggèreraient donc le premier état de la matière, et les premières phases ou l'espoir de la transmutation. Selon le Dictionnaire mytho-hermétique de Dom Pernety, "Robe est un des noms que les Philosophes ont donné aux couleurs qui surviennent à la matière pendant les opérations". Dans le sonnet d'Horus, Gérard fait dire à Isis : "J'ai revêtu pour lui la robe de Cybèle" ; et l'on peut constater que la robe en taffetas flambé de Sylvie, celle de la dame, dont le "mouvement fait miroiter les plis du taffetas changeant", répondent bien à la définition alchimique de Dom Pernety ; l'impression des contours de la figure et des bras de la dame sur les nuages pourprés du ciel, pourrait signifier la fixation par les couches superficielles de la matière des éléments volatilisés dans le ciel, c'est-à-dire sous la voûte de l'athanor. Notons enfin que le rêve est l'expression générale employée par les alchimistes pour désigner leurs allégories ; cette acception du mot n'est probablement pas étrangère à la conception d'Aurélia. Nous n'avançons naturellement que sous toutes réserves ces interprétations ici purement personnelles, comme un simple jeu de l'esprit. Observons d'ailleurs que cette suggestion alchimique concorde avec le symbolisme spirituel ; Gérard de Nerval n'a jamais possédé de laboratoire ni allumé d'athanor ; pour lui comme au demeurant pour la plupart des "Philosophes", l'alchimie reste purement spéculative et allégorique : elle est l'allégorie morale d'une transmutation spirituelle ; or, dans Aurélia, il a conté l'histoire d'une transmutation intérieure, d'une expiation aboutissant au pardon, à la réconciliation avec la femme bien-aimée et avec Dieu.

Dans ses Promenades et Souvenirs, qui sont avec Aurélia les dernières pages qu'il ait composées, Gérard déclare : "J'ai appris le style en écrivant des lettres de tendresse et d'amitié, et quand je relis celles qui ont été conservées, j'y retrouve fortement tracée l'empreinte de mes maîtres d'alors, surtout de Diderot, de Rousseau et de Senancourt (sic)" (III - Une Société chantante). Cette confidence de l'écrivain sur son style confirme d'abord implicitement l'utilisation qu'il a faite dans la plupart de ses ouvrages, et notamment pour Aurélia, de "lettres de tendresse et d'amitié", dont il est souvent difficile de savoir si elles ont réellement été écrites dans l'intention d'être envoyées à leur destinataire... Quant à l'influence sur son style des trois maîtres qu'il donne ici comme ceux de sa jeunesse, elle reste sensible jusqu'à la fin dans toute son œuvre en prose. Chez Diderot, ce n'est pas l'encyclopédiste mais le libre conteur du Neveu de Rameau, de Jacques le Fataliste surtout qui a inspiré à l'auteur de la Bohème galante, de Sylvie et plus encore d'Angélique l'aisance, la bonhomie teintée d'ironie envers soi-même comme envers les autres, le tour alerte dans la narration et le dialogue, la désinvolture nonchalante dans les digressions et les reprises. Ici, l'évocation fantastique lui doit une image curieuse et saisissante. Nous avons montré que le souvenir de J.-J. Rousseau s'imposait ici avec évidence, cependant on a pu constater qu'à la Nouvelle Héloïse, Gérard avait emprunté les lignes générales, les éléments et le vocabulaire botanique de l'évocation d'un paysage, mais non pas vraiment le style à la fois technique et prédicant, périodique et déclamatoire, de son devancier. C'est beaucoup plutôt au style de ce que le poète appelle dans ses Illuminés "le premier livre de Senancour", c'est-à-dire les Rêveries sur la nature primitive de l'homme, que nous fait songer cette page par sa composition, par le mouvement et le rythme des phrases, par le souci de la musicalité de l'expression, comme par l'intime association du paysage évoqué aux sentiments les plus secrets de l'écrivain. Au début de sa Huitième Rêverie, Senancour médite tendrement sur la violette, il évoque une promenade entreprise avec enthousiasme à sa recherche, mais dont le charme est brusquement rompu par le spectacle de la cruauté et de la misère des hommes, ainsi que par la lecture d'une inscription désenchantée empruntée à l'Émile. Nous retrouvons ici la jouissance paradisiaque de la nature, brusquement suivie d'un funèbre désenchantement. La Première Rêverie contient une évocation d'un "espace inculte et désert", où se mêlent à la mer de sable d'Ermenonville des réminiscences des sites de la forêt de Fontainebleau, et qui avec les "bouleaux sans feuilles et la bruyère desséchée", la confusion des troupeaux de brebis avec le sable et les grès, semble échappée d'un rêve, plus désolé que ceux d'Aurélia. Toutefois, le style de Gérard évite l'abstraction, les gaucheries, les élégances surannées, qui à côté d'admirables pages, rendent souvent pénible la lecture de Senancour.

Comme toujours chez Gérard, même lorsqu'il traduit ou démarque autrui, la qualité la plus apparente de ce passage est une simplicité aisée, qui donne l'illusion de la clarté à l'expression de pensées et de sentiments d'une extrême complexité, et d'un pouvoir vertigineux de suggestion. Mais ici, l'art de l'écrivain se révèle de façon plus particulière par le mouvement où il entraîne son lecteur, l'associant au déroulement de la métamorphose de la dame et du jardin. Saint-Preux tout en parcourant l' "Élysée" de Julie, nous en détaillait et commentait une description statique ; ici, c'est la position ou la marche de Gérard, les mouvements de la dame qui semblent au fur et à mesure créer et modifier les objets de la vision ; dans des propositions simples, dans des phrases à la syntaxe élémentaire, les verbes sont animés de ce pouvoir créateur en paraissant susciter leurs compléments : "Je me vis dans un petit parc, où se prolongeaient des treilles en berceaux... l'ombre des treillis croisés variait encore pour mes yeux ses formes et ses vêtements, etc...". Dans toute cette page au style narratif le plus sobre, aux phrases brèves et unies, une admirable période se détache dont le rythme épouse le progrès de la métamorphose d'Aurélia. La première proposition : "La dame que je suivais" attire simplement l'attention sur le récit ; mais la proposition participe qui suit, complétée par une relative, traduit à merveille le double développement en hauteur de la taille svelte et en largeur, de la robe, avec l'incidence lumineuse marquée par miroiter :  "développant sa taille élancée dans un mouvement qui faisait miroiter les plis de sa robe en taffetas changeant". La majesté périodique de la phrase est accentuée par cette longue incidente qui sépare le sujet (la dame) et le verbe (entoure) de la proposition principale. Dans la seconde partie de cette proposition, les coupes traduisent le mouvement de spirale indiqué par les mots : "entoura / gracieusement / de son bras nu / / une longue tige / de rose trémière". Ensuite, les phases successives de la métamorphose sont suivies dans quatre membres de phrase répartis en deux groupes symétriques, les deux derniers membres étant un peu plus amples que les deux premiers, la progression se trouvant d'une part assurée par les particules de liaison, et ainsi que nous l'avons déjà montré, par les verbes : "puis, / elle se mit à grandir / sous un clair rayon de lumière, / / de telle sorte que peu à peu le jardin prenait sa forme, / / et les parterres et les arbres devenaient les rosaces et les festons de ses vêtements ; / / tandis que sa figure et ses bras / imprimaient leurs contours aux nuages pourprés du ciel". Si poétique que soit cette page, on peut constater que son style reste spécifiquement celui de la prose, l'auteur distinguant très nettement le rythme de sa prose de celui de ses vers ; — même dans la période que nous venons d'analyser on trouverait difficilement des vers blancs, voire de simples éléments métriques ; si musicale que soit cette période, elle est par là très différente de la prose des Rêveries de Senancour, dont la mélodie est produite par l'amorce et l'effacement continu de vers ébauchés, grâce à l'imbrication d'éléments métriques. — L'effusion sentimentale évite la déclamation et la rhétorique : les deux exclamations, celle de Gérard lui-même : "Oh, ne fuis pas !... car la nature meurt avec toi" — et celle qu'il prête à des voix : "L'Univers est dans la nuit" tirent leur intensité dramatique de leur concision. L'émotion se voile sous une narration dont le ton uni est marqué par des membres de phrase assez courts, mais elle se trahit parce qu'exceptionnellement dans cette page, on peut déceler en ces membres des éléments métriques : "Je reconnus des traits chéris / /, et, / / portant les yeux autour de moi, / je vis que le jardin / avait pris / l'aspect d'un cimetière".

Rappelons donc simplement que nous avons essayé de montrer combien la page proposée était caractéristique de l'inspiration générale et de l'art du poète des Chimères et d'Aurélia : pour traduire "l'épanchement du rêve dans la réalité", Gérard de Nerval n'enregistre pas avec une exactitude et une précision scientifiques ses expériences psycho-pathologiques ; il en donne une expression artistique : à des souvenirs personnels arrangés, il mêle des réminiscences littéraires (dans cette page, surtout de J.-J. Rousseau, de Diderot et d'Hoffmann) — en les associant intimement à des notions occultistes symboliquement exprimées, à un syncrétisme religieux confondu avec son tourment affectif le plus profond ; pour rendre sensibles des impressions aussi complexes, et suggérer de multiples perspectives spirituelles, l'écrivain parle une langue d'une aisance exquise, qui procure le charme d'une limpidité illusoire aux suggestions les plus obscures et les plus mouvantes. Cette langue emprunte ici en partie son vocabulaire à la Nouvelle Héloïse ; la composition et le rythme de cette page doivent sans doute quelque chose aux Rêveries de Senancour ; mais la variété des tons porte la marque du talent original de l'écrivain : sur la simplicité narrative de l'évocation d'un paysage se détache l'ample mouvement ascendant de la période évoquant la fantastique métamorphose d'Aurélia ; puis l'angoisse, l'abattement et la perplexité du poète sont marqués par la coupe métrique des phrases.

 

Notes

(1) Parmi les Filles du Feu, Émilie, comme la bohémienne d'Octavie, sont des brodeuses (cf. Jean GAULMIER : Gérard de Nerval et les Filles du Feu, Paris, Niget, 1956, p. 114.
(2) Étude de Karl August Böttiger sur les fresques d'Herculanum, Die Isis Vesper, publiée en 1809 dans la revue Minerva.

 

© Roland Derche (1898-1979), agrégé 1924, in l'Information littéraire, 10e année, 1958, IV, septembre-octobre.

 


 

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Roland Derche. Professeur agrégé au Lycée de Metz, puis Chargé d'Enseignement à la Sorbonne (en 1966). De lui, on pourra consulter : Études de textes français, nouvelle série, V, XIXe siècle (Des Mémoires d'Outre-Tombe aux Contemplations). - SEDES, 1966. - (Gérard de Nerval, p. 147-214).