Madame,

 

Je n'ai pas appris, sans le plus vif chagrin, la triste nouvelle de la mort de votre époux ; encore jeune, il vous promettait un bonheur dont son mérite, ses qualités et son excellent cœur vous donnaient la garantie. D'ailleurs celui que vous venez de perdre ne m'était-il pas uni par les liens d'une sincère amitié qui s'est noblement montrée de son côté par plusieurs services ? Je ne vous offre pas de consolations, Madame, elles seraient indiscrètes, elles seraient déplacées en ce moment ; je ne vous rappellerai pas une vérité qui a frappé souvent votre oreille, nous sommes tous mortels, et destinés à nous dire les uns aux autres un éternel adieu... Que pourraient sur une épouse privée de ce qu'elle a de plus cher ces vérités communes, insuffisantes, pour guérir le premier coup dont elle a été frappée ! Non, je mêlerai mes larmes sincères aux vôtres. La religion surtout fournira .à ma pensée des consolations d'un ordre supérieur, et que l'excès de vos chagrins pourra encore entendre. Votre époux. Madame, était rempli de vertus et de piété, il ne peut donc en ce moment que jouir de la félicité réservée aux gens de bien. Rappelons-nous, quand nous sommes atteints par quelque catastrophe, que nous ne devons jouer sur ce bas monde qu'un rôle très-fugitif, très-court ; dès le berceau la douleur nous avertit que chaque pas nous achemine vers notre néant. Mais il est une autre vie pour l'homme vertueux, qui le récompense éternellement de ses bonnes actions ; c'est dans ce séjour céleste que les justes se retrouveront ; déjà, Madame, votre époux vous y garde sous ses auspices ; il vous engage principalement à supporter votre douleur avec courage, avec une résignation chrétienne ; vos enfants ne vous imposent-ils pas la loi sacrée de vivre ? Ces innocentes créatures n'ont plus que vous pour appui : en eux retrouvant les traits de leur père, ils en deviennent plus précieux à votre tendresse maternelle. Recevez à cet égard l'assurance que je me ferai un devoir religieux de. vous continuer les sentiments d'attachement et d'estime que vous m'avez toujours inspirés, et que, dans cette circonstance, vous et vos enfants pouvez réclamer de moi tous les bons offices qu'il sera en mon pouvoir de vous rendre.

J'ai l'honneur d'être, en partageant votre affliction,

Madame,

Votre très-humble et très-affectionné serviteur

 

(Date)  (Signature).