Désiré, Auguste Roustan (1873-1941), ancien élève à l'ENS fut longuement Professeur agrégé (sorti 1er en 1899) de philosophie avant d'être nommé Inspecteur général de l'instruction publique en 1929. Il fut même un temps, dans les années 1934, Directeur du cabinet du ministre de l'éducation nationale Aimé Berthod, dans les gouvernements Daladier puis Doumergue. Et partit à la retraite en 1938. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont La Culture au cours de la vie aux éditions de l'Institut Pelman en 1930.
L'Institut Pelman "de gymnastique mentale" est parfaitement inconnu, de nos jours. Sa dernière adresse le situait boulevard Exelmans, et je me souviens de m'y être rendu en 1978, tandis que demeurant provisoirement à Paris à deux pas de là, je venais d'apprendre le décès du chanteur Claude François. Donc, cet Institut faisait partie de tout un ensemble ayant connu un franc succès entre les deux guerres et un peu au-delà : il s'agissait de l'une des nombreuses offres de "développement personnel" en vue l'amélioration de soi par correspondance, comme la très célèbre École universelle (également sise boulevard Exelmans) prétendant préparer à tous examens et concours, au Certificat d’Études primaires comme au concours d'Inspecteur primaire ou à celui de Commissaire de Police..., ou encore le Dynam Institut (rue d'Astorg), dont l'ambition était de rendre les hommes (et les femmes, à un degré moindre) physiquement et moralement forts, mais aussi les éditions Aubanel (Avignon). Et je passe sous silence les innombrables écoles de TSF, qui promettaient à leurs adhérents l'obtention d'un diplôme de "sous-ingénieur radio"...
Tout cela peut faire sourire, car aujourd'hui point n'est davantage besoin de développement personnel. BFM-TV ("la dernière et la plus efficace des machines à décerveler par l'actualité", comme l'écrit Philippe Lançon, dans Le Lambeau) et autres hautes écoles universelles de bon goût, de sens de la responsabilité, et de respect des utilisateurs suffisent à combler la majorité de nos concitoyens.
Bref, pour en revenir à Roustan, son ouvrage (déniché il y a une dizaine d'années dans une brocante manosquine) est relativement passionnant, et le chapitre que je mets en ligne - où la part belle est faite aux idées exprimées par Proust dans la fameuse préface de Suzanne et les Lys - devrait donner du grain à moudre aux quelques récalcitrants dont la télévision n'est pas l'unique source d'information... et de développement personnel, donc de culture.
"On peut lire, et beaucoup, aller au concert, fréquenter des salons, promener son ignorance sous les climats les plus divers et demeurer sans culture. Il y a façon de lire, si l'on demande à la lecture autre chose qu'amusement, oubli des heures de captivité dans un train ou préparation au sommeil. La lecture profitable est activité de l'esprit, prise de conscience de nos opinions confrontées à celles de l'écrivain, classement de souvenirs, méditation, travail. Les salons multiplient perroquets et perruches. Mais ils cultivent un Marcel Proust qui les explore de son regard pénétrant, note gestes, propos, intrigues mondaines, jeu des passions, y recueille les matériaux de quinze volumes : encore travail, travail de psychologue et d'écrivain."

D. Roustan

 

 

LA LECTURE - COMMENT LIRE POUR SE CULTIVER (1)

- L'éducation, récapitulation abrégée des progrès de l'humanité
- C'est le livre qui abrège la récapitulation
- Diverses espèces de lecture
- Une page de Ruskin sur la lecture
- Le commentaire de Marcel Proust
- Le caractère religieux de la lecture
- Lire les grands livres, boire aux sources
- L'abus des commentaires
- Retarder le moins possible le contact avec l'œuvre originale
- Relire
- Ne pas redouter la difficulté
- Les inévitables ombres des œuvres fortes
- Ne pas lire sans se poser un problème.

 

 

 

L'éducation, récapitulation abrégée des progrès de l'humanité

 

On a dit bien des fois de l'éducation qu'elle a pour objet de faire parcourir à l'enfant, en un temps limité, la route que l 'humanité a suivie au cours des siècles, pour parvenir lentement, au prix de mille déceptions, après des tâtonnements et des erreurs sans nombre, à son état actuel de civilisation. Ainsi l'éducateur demanderait à l'enfant de revivre, selon un rythme accéléré, l'histoire des générations antérieures. La formation intellectuelle de l'individu reproduirait, en l'abrégeant, la formation intellectuelle de l'espèce.

Quelques réserves que justifie cette conception, elle a le mérite de faire entrevoir à l'éducateur son idéal et les obstacles qui l'en séparent. L'idéal serait de conduire l'enfant sur tous les chemins qu'ont foulés ses ancêtres, de l'obliger à refaire les expériences dont l'accumulation a progressivement engendré ce qui constitue aujourd'hui le sens commun, le savoir normal, l'intelligence et la moralité moyennes et tout ce qu'on appelle la mentalité du civilisé. Parce qu'en ces matières les défaites souvent instruisent autant que les conquêtes, on rêverait de le laisser s'égarer dans les mêmes impasses, se heurter aux mêmes rocs, s'égratigner aux mêmes épines... Mais cette ambition est pure chimère. L'enfant n'appartient à l'éducateur que peu d'années. On ne peut lui demander, même en guidant son effort, de redécouvrir le monde. À peine a-t-on le temps de lui en raconter la découverte déjà faite, en simplifiant beaucoup le récit, en s'attachant aux résultats plus qu'à la recherche, en ne retenant que les bulletins de victoire. Il eût été enivrant d'explorer le globe avec Marco Polo, Vasco de Gama et Christophe Colomb, de voir naître la chimie dans les fiévreuses tentatives des alchimistes, de se pencher avec Swammerdam sur les premiers microscopes, d'offrir son regard, après Galilée, à l'éblouissement des premières lunettes astronomiques. Mais il faut brûler les étapes et le livre dispense du voyage trop long.

 

 

C'est le livre qui abrège la récapitulation

 

Pour la même raison, parce que l'économie du temps restreint la possibilité des expériences et des activités, qui veut se cultiver soi-même usera largement de la lecture. Voir de ses yeux vaut mieux que voir dans un livre, mais combien petit est le cercle des réalités directement soumises à notre observation, par comparaison avec les espaces prodigieux où la lecture nous donne accès ! Et comment atteindre le passé autrement que par la lecture ? Nous sommes donc ici au centre de notre sujet. Pour se cultiver au cours de la vie le moyen indispensable, le plus efficace, si nous savons nous en servir, et le plus rapide, c'est la lecture.

Mais ce n'est pas toute lecture et tel lit beaucoup qui se cultive fort peu. II est des gens de petite instruction qu'on ne rencontre que les poches bourrées de journaux, qui à peine assis dans un omnibus se mettent à dévorer un roman policier ou un feuilleton sentimental, qui dévalisent les cabinets de lecture, sans même regarder le nom de l'auteur dont ils emportent les productions. Ils demeurent incultes. Au fond ils ne savent pas lire.

Vers la fin de sa vie, Gœthe disait à son fidèle Eckermann : "Les braves gens ne savent pas ce qu'il en coûte de temps et de peine pour apprendre à lire. J'ai travaillé à cela quatre-vingts ans et je ne peux pas dire encore que j 'y sois arrivé". Quel est donc cet art si difficile ? Quelle est au juste la relation du lecteur à l'auteur ? Quelle doit être l'attitude d'esprit du lecteur, pour que la lecture enrichisse sa personnalité au lieu de l'étouffer ? Que lire et surtout comment lire ? Quelle part faire aux chefs-d'œuvre, quelle part aux œuvres de second ordre, aux ouvrages d'initiation, d'orientation, aux abrégés, aux extraits ? Comment aborder un ouvrage difficile et trouver son bien dans un livre qui d'abord semble nous dépasser ? Où s'arrête le profit qu'on peut attendre de la lecture ? Ce ne sont là que quelques aspects du problème de la lecture considérée comme moyen de formation spirituelle.

 

 

Diverses espèces de lecture

 

Car il est plusieurs espèces de lectures  et il est à propos de déclarer que nous nous proposons d'en étudier une seule. On lit pour se cultiver, on lit pour s'informer, on lit pour se distraire. Nous ne voulons que rechercher ici comment on doit lire pour se cultiver. D'ailleurs nous entendons ce mot dans son sens large. Lire pour se consoler dans l'affliction, lire pour fortifier son courage ou sa foi, lire pour se procurer une excitation intellectuelle, c'est encore lire pour se cultiver, parce que tout ce qui agit profondément sur notre sensibilité nous modifie durablement, contribue vraiment à notre formation, au lieu que telle information requise par une circonstance fortuite et passagère, - la connaissance d'une heure de train, d'un cours de bourse, d'un tarif postal, - n'ajoute rien à notre personnalité.

En peu de mots Descartes nous fait entrevoir le prix de la lecture : "La lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés, qui en ont été les auteurs, et même une conversation étudiée, en laquelle ils ne nous découvrent que les meilleures de leurs pensées". Ruskin, auquel nous devons de belles conférences sur la lecture, excellemment traduites et commentées par Marcel Proust(1) a rencontré la même idée et ne s'est pas contenté de la formule un peu sèche du philosophe français.

 

 

Une page de Ruskin sur la lecture

 

 "À supposer, dit-il, que nous ayons et la  volonté, et l'intelligence de bien choisir nos amis, combien peu d'entre nous en ont le pouvoir ! Ou du moins combien est limitée pour la plupart la sphère de ce choix ! À peu près toutes nos liaisons sont déterminées par le hasard ou la nécessité ; et restreintes à un cercle étroit. Nous ne pouvons pas connaître qui nous voudrions ; et ceux que nous connaissons, nous ne pouvons pas les avoir à côté de nous, quand nous aurions le plus besoin d'eux... Nous pouvons, par une bonne fortune, entrevoir un grand poète, et entendre le son de sa voix, ou poser une question à un homme de science qui nous répondra aimablement. Nous pouvons usurper dix minutes d'entretien dans le cabinet d'un ministre, et obtenir des réponses pires que le silence, étant trompeuses, ou attraper une ou deux fois dans notre vie le privilège de jeter un bouquet sur le chemin d'une princesse ou d'arrêter le regard bienveillant d'une reine. Et pourtant ces hasards fugitifs, nous les convoitons ; nous dépensons nos années, nos passions et nos facultés à la poursuite d'un peu moins que cela, tandis que durant ce temps, il y a une société qui nous est continuellement ouverte, de gens qui nous parleraient aussi longtemps que nous le souhaiterions, quels que soient notre rang et notre métier ; nous parleraient dans les termes les meilleurs qu'ils puissent choisir, et des choses les plus proches de leur cœur. Et cette société, parce qu'elle est si nombreuse et si douce et que nous pouvons la faire attendre près de nous toute une journée (rois et hommes d'État attendant patiemment, non pour accorder une audience, mais pour l'obtenir) dans ces antichambres étroites et simplement meublées, les rayons de nos bibliothèques, nous ne tenons aucun compte d'elle ; peut-être dans toute la journée n'écouterons-nous jamais un seul mot de ce qu'elle aurait à nous dire !"(2)

 

 

Le commentaire de Marcel Proust

 

Mais, comme Proust le remarque avec sagacité, la vraie raison de la supériorité de la lecture sur la conversation, n'est pas l'impossibilité de choisir ses amis et la possibilité de choisir ses livres. La vraie raison est la différence entre les deux modes de communication. La conversation nuit à la concentration dans la causerie : nous appartenons à notre interlocuteur plus qu'à nous-même, nous devons surveiller nos réponses, éviter les malentendus, nous efforcer à plaire, à convaincre, forcer la louange, doser l'ironie, et toute cette diplomatie de salon nous éloigne de nous-même et nuit au retentissement profond de l'inspiration qui nous est proposée. Au contraire la lecture réalise ce miracle de nous faire communiquer avec les autres hommes en respectant notre solitude. "Quand on lit, on reçoit une autre pensée, et cependant on est seul, on est en plein travail de pensée, en pleine aspiration, en pleine activité personnelle : on reçoit les idées d'un autre, en esprit, c'est-à-dire en vérité, on peut donc s'unir à elles, on est cet autre et pourtant on ne fait que développer son moi avec plus de variété que si on pensait seul, on est poussé par autrui sur ses propres voies. Dans la conversation, même en laissant de côté les influences morales, sociales, etc., que crée la présence de l'interlocuteur, la communication a lieu par l'intermédiaire des sons, le choc spirituel est affaibli, l'inspiration, la pensée profonde, impossible. Bien plus la pensée, en devenant pensée parlée, se fausse, comme le prouve l'infériorité d'écrivain de ceux qui se complaisent et excellent trop dans la conversation... Une conversation avec Platon serait encore une conversation, c'est-à-dire un exercice infiniment plus superficiel que la lecture, la valeur des choses écoutées ou lues étant de moindre importance que l'état spirituel qu'elles peuvent créer en nous et qui ne peut être profond que dans la solitude peuplée qu'est la lecture"(3).

On peut dire encore avec le même psychologue que, si la lecture est une amitié, c'est une amitié débarrassée de toutes ces conventions, de toutes ces politesses menteuses qui font la laideur des autres. "Dans la lecture, l'amitié est soudain ramenée à sa pureté première. Avec les livres, pas d'amabilité. Ces amis­-là, si nous passons la soirée avec eux, c'est vraiment que nous en avons envie. Eux, du moins, nous ne les quittons souvent qu'à regret. Et quand nous les avons quittés, aucune de ces pensées qui gâtent l'amitié : Qu'ont-ils pensé de nous ? - N'avons-nous pas manqué de tact ? Avons-nous plu ? - et la peur d'être oublié pour tel autre. Toutes ces agitations de l'amitié expirent au seuil de cette amitié pure et calme qu'est la lecture. Pas de déférence non plus ; nous ne rions de ce que dit Molière que dans la mesure exacte où nous le trouvons drôle ; quand il nous ennuie, nous n'avons pas peur d'avoir l'air ennuyé, et quand nous avons décidément assez d'être avec lui, nous le remettons à sa place aussi brusquement que s'il n'avait ni génie ni célébrité. L'atmosphère de cette pure amitié est le silence, plus pur que la parole. Car nous parlons pour les autres, mais nous nous taisons pour nous-mêmes. Aussi le silence ne porte pas, comme la parole, la trace de nos défauts, de nos grimaces"(4).

 

 

 Le caractère religieux de la lecture

 

Je crois qu'on ne saurait mieux marquer ce que je serais tenté d'appeler le caractère religieux de la lecture. Écouter dans le silence la voix d'un être éminent par les dons de l'esprit, par sa connaissance de l'humanité et du monde ; s'offrir à l'inspiration dans les dispositions de confiance et de respect indispensables pour qu'elle fructifie, n'est-ce pas une attitude religieuse ? Les auteurs ne sont pas des dieux, mais quand nous leur demandons de nous aider à nous dépasser, quand nous sollicitons leur secours spirituel, comme nous le sollicitons par la lecture sérieuse, la seule que nous considérons ici, ne les abordons-nous pas avec l'état d'âme d'un croyant ? Il serait humiliant et risible de se prosterner devant des idoles de carton.

Puisque nous lisons pour nous exposer à une influence, notre première règle doit être de fuir le médiocre. Il va de soi que nous aurons souvent à consulter des ouvrages de second ou de troisième ordre, à faire une recherche dans un répertoire sans valeur littéraire, à prendre connaissance de documents confus, de publications hâtivement rédigées. Mais, quand nous subissons des nécessités, sachons que nous ne nous cultivons pas, qu'au contraire nous apprenons à mal penser et à mal écrire. Plus se prolongent les fréquentations qui abaissent, plus la cure tonifiante s'impose, et la cure c'est la retraite sous la direction d'un grand esprit.

 

 

Lire les grands livres, boire aux sources

 

Il faut lire les grands livres, et même, s'il se peut, ne lire que ceux-là. Se nourrir des œuvres fortes. Boire aux sources. Dédaigner la grisaille, la vulgarisation qui déforme, les résumés qui décolorent, les bavardages qui dissimulent la pauvreté du fond sous la profusion des images et la fausse éloquence. On peut se donner une culture supérieure sans dévorer des milliers de volumes, mais à la condition de s'adresser à ce qui élève. Un bon étudiant de philosophie fait choix de quelques œuvres d'une exceptionnelle densité de pensée. Il lit le Parménide de Platon, l'Éthique de Spinoza, la Critique de la raison pure de Kant, et son profit est immense. Un homme du monde qui a des ambitions philosophiques lit vingt ouvrages de Fouillée et demeure un profane. Je ne dis point d'ailleurs qu'il faut uniquement choisir des auteurs difficiles. Bien des livres accessibles à quiconque sait un peu discipliner son attention incorporent une expérience humaine d'une incalculable richesse : tels les magnifiques textes sacrés des grandes religions, les poèmes homériques, les tragédies d'Eschyle et de Sophocle, les Confessions de saint Augustin, la Divine Comédie de Dante, les Essais de Montaigne, le Don Quichotte de Cervantes, le théâtre de Shakespeare, les Pensées de Pascal, les comédies de Molière, les mémoires de Gœthe, la Comédie humaine de Balzac et cent autres chefs-d'œuvre.

 

 

À quel signe on reconnaît les grands livres

 

On les reconnaît à un signe certain ; c'est qu'on ne peut les reprendre, après plusieurs lectures attentives, sans y découvrir des idées et des expressions admirables qui avaient échappé aux précédentes explorations. La production, encore honorable, mais de second ordre, ne résiste pas à cette épreuve. Une deuxième lecture d'une page de Spencer ajoute peu de chose à la première, un seul coup de sonde a fait atteindre le tréfonds. Préférons les livres inépuisables.

 

 

L'abus des commentaires

 

Les maladroits se détournent de l'œuvre originale, croyant qu'ils s'assimileront la même substance en la demandant à des ouvrages plus courts et plus faciles. Il n'y a pas de plus faux calcul. Il ne faut pas se lasser de répéter que rien ne supplée à la connaissance des textes fondamentaux, qu'aucun commentaire de l'Énéide ne vaut l'explication de cent vers de Virgile, qu'il importe de rechercher le contact direct des belles œuvres, de ne laisser s'interposer entre elles et nous aucun de ces barbouilleurs qui rapetissent à leur mesure ce dont ils traitent. Même les éditions savantes, trop chargées de notes, si précieuses qu'elles soient pour approfondir le sens d'un passage, ne sont pas sans danger pour nos premières impressions. L'érudition du guide importune et rompt le charme. À peine le poète commençait-il à nous enchanter qu'on nous tire par la manche pour nous signaler une césure exceptionnelle, un tour syntaxique inquiétant, un mot détourné de son sens originel… Autant interrompre à chaque mesure une sonate pour nous faire un cours d'harmonie. Les plus beaux vers ne sont plus que pâture pour métriciens et grammairiens forcenés. Nous voudrions d'abord les sentir.

Est-ce à dire que nous puissions sans initiation préalable, sans secours étranger, aborder ·les chefs-d'œuvre ? - Oui, vraiment, en beaucoup de cas nous le pouvons. Des milliers de spectateurs qui ne savaient rien de la tragédie antique ont éprouvé les plus vives émotions que leur ait jamais procurées le théâtre en écoutant Antigone et Œdipe roi. Aucun cours de littérature grecque n'est indispensable pour goûter les grandes scènes de l'Iliade et de l'Odyssée. II va de soi que notre plaisir s'affinera quand nous disposerons de plus de savoir, quand nous discernerons mieux le génie de Sophocle de celui d'Euripide, quand nous connaîtrons d'autres épopées que celles d'Homère. Les émotions esthétiques peuvent toujours s'enrichir, mais l'essentiel est de les éprouver le plus tôt possible à quelque degré. Celui qui ne lit point Œdipe roi, mais absorbe un lourd in-octavo sur Sophocle, ne sent rien, et n'acquiert qu'une science verbale, antipode de la vraie culture. On lira les commentateurs si l'on peut, quand on pourra, avec discrétion et selon les nécessités, mais qu'on se garde de la méthode du cancre qui prépare son baccalauréat en surchargeant sa mémoire de résumés d'auteurs qu'il n'a pas lus et qui échappe à Ronsard, à Racine, à La Fontaine, à Rousseau, à vingt maîtres délicieux, pour se confier aux industriels du quartier de la Sorbonne.

Cette erreur une fois dénoncée, nous ne ferons pas difficulté d'admettre qu'il est beaucoup de chefs-d'œuvre moins directement accessibles que l'Iliade ou qu'Œdipe roi. Dans un prochain chapitre intitulé Ce qu'on pourrait lire pour se cultiver, nous descendrons à plus de détail et indiquerons à propos de plusieurs grands livres les moyens que nous estimons les plus sûrs et les plus rapides pour aborder avec fruit chacun d'eux. Présentement nous ne voulons que formuler quelques préceptes généraux qui nous paraissent dominer l'art de se cultiver par la lecture et répondre aux préoccupations de l'étudiant intimidé par son inexpérience.

 

 

Retarder le moins possible le contact avec l'œuvre originale

 

De ces préceptes nous connaissons déjà le premier qui est de s'abreuver aux sources. Le second, dicté par le même souci, sera de retarder le moins possible notre contact avec l'œuvre originale. Supposons que vous vouliez lire Pascal et que rien jusqu'ici ne vous y ait préparé. Certes les secours ne manquent pas. Autour de chaque œuvre importante se dresse une forêt de commentaires. Il en est de toutes qualités. Les sept volumes du Port-Royal de Sainte-Beuve peuvent être considérés comme l'un des innombrables commentaires de Pascal et ce commentaire est lui-même un chef-d'œuvre. Commencerez-vous par Sainte-Beuve ? Accepterez-vous de lire trois mille pages, avant d'ouvrir les Pensées ? Vous ne perdriez certes pas votre peine, le Port-Royal étant l'une des. plus riches études d'ensemble sur l'histoire de la pensée et des lettres françaises au XVIIe siècle. Mais c'est un bien long détour pour atteindre Pascal, et, si votre labeur s'interrompt, vous aurez étudié, non point Pascal, mais Sainte-Beuve. Le plus grand des deux est tout de même Pascal. Sainte-Beuve est un critique d'une extrême pénétration, mais il n'est pas comme Pascal l'un des génies les plus profonds et les plus universels dont s'honore l'humanité. Abordez donc Pascal sans tarder, non pas toutefois sans l'avoir situé à son époque et dans son milieu, sans avoir entendu parler du mouvement janséniste, sans connaître les principales circonstances de sa vie. Mais tout ce dont vous avez besoin peut vous être dit en trente pages, que vous lirez en deux heures. Ces trente pages vous les trouverez dans un bon manuel d'histoire littéraire, comme celui de M. Lanson, ou celui de MM. Bédier et Hazard(5), ou encore dans l'introduction d'une édition bien faite des Pensées. J'hésiterais à vous conseiller de plus longues études sur Pascal, encore qu'il en soit d'excellentes, avant que vous vous soyez présenté à Pascal lui-même. Si je faisais une exception, ce serait pour la vie de Pascal écrite par sa sœur, Madame Périer, ou pour l'exquise et brève histoire de Port-Royal par Racine, deux petits chefs-d'œuvre qui nous font respirer le parfum de l'époque où vécut Pascal et nous introduisent dans son intimité. Plus tard, les Pensées lues et relues, nous pourrons, si bon nous semble, recourir à Sainte-Beuve, aux précieuses notes de la grande édition de Pascal publiée par M. Brunschvicg, aux belles études de Ravaisson, de Rauh, de M. F. Strowski, du R. P. Petitot, de M. Jacques Chevalier et de vingt autres pascalisants de distinction. Mais Pascal doit avoir le pas sur les pascalisants.

 

 

Relire

 

Troisième conseil : ne pas se contenter d'une lecture. Ce n'est pas seulement pour mieux retenir qu'il faut relire. Dès qu'il s'agit d'une œuvre de quelque difficulté, on ne comprend passablement qu'à la seconde lecture. Un lecteur, avide de s'instruire, consciencieux, mais inexpérimenté, se promet de ne laisser derrière lui aucune obscurité non dissipée. Rencontre-t-il une phrase dont le sens lui échappe, il refuse d'aller plus avant, il concentre sur elle son attention, il' croirait presque malhonnête de continuer sa lecture sans avoir déchiffré l'énigme. Avec cette méthode, personne n'atteindrait la dixième page d'un ouvrage de Kant ou de Hegel. C'est une erreur de s'immobiliser avec obstination devant l'obstacle. II faut passer. II faut aller jusqu'à la fin du chapitre, ou du groupe de chapitres, peut-être jusqu'à la fin de l'ouvrage. Il faut se faire une idée de l'ensemble, savoir où l'auteur veut en venir, et par l'ensemble éclairer le détail, par la conclusion éclairer ce qui précède. II est donc à propos que la première lecture, tout en étant attentive, soit relativement rapide et laisse subsister bien des obscurités. II ne s'agit d'abord que de reconnaître le pays, d'en dresser la carte sommaire, d'apercevoir les grandes lignes. C'est la seconde lecture qui triomphe des obstacles. On est alors tout surpris de voir s'évanouir des difficultés jugées d'abord insurmontables. La suite des idées n'échappe plus parce qu'on sait où l'on est conduit. Donc une lecture pour s'orienter, une autre pour vraiment comprendre.

S'il s'agit d'un texte difficile, il se peut que des obscurités subsistent, même après cette seconde lecture. Mais, puisqu'on possédera une idée de l'ensemble, ces obscurités seront localisées, circonscrites, elles ne diminueront pas sensiblement notre profit intellectuel. L'erreur est de croire, qu'en nous, seule la notion claire fructifie. Les grands penseurs nous proposent des formules chargées de sens, dont la richesse ne se découvre que lentement. Ils laissent à deviner. Non qu'ils aient volontairement entouré leur pensée d'un voile. Mais ils avaient trop à dire et ils ne disposaient que du langage commun. Nous savons tous combien il est ardu d'écrire, de faire descendre sur le papier l'expression de tout ce bouillonnement d'idées et de sentiments qu'est la vie intérieure. Écrire est un perpétuel sacrifice, car la plus pauvre conscience est plus complexe et plus souple que le discours le plus nuancé. Le meilleur de nous-même demeure inexprimé et l'habileté de l'écrivain le plus maître de son art ne suffit pas à restituer autour d'un mot le contexte qui dans sa conscience grossissait sa signification. Comprendre, c'est précisément retrouver ce contexte, dans la mesure du possible. C'est, par un effort de pénétration, d'information et de sympathie, s'essayer à une reconstitution psychologique, se représenter l'état d'âme de l'écrivain, revivre l'instant de sa vie intérieure où la phrase a coulé de sa plume, la phrase toujours misérable à côté des intentions, mais incitation pour d'autres pensées à vibrer à leur tour, prétexte à de nouvelles fermentations de sentiments et de souvenirs. Ne croyons donc pas que toute la pensée d'un auteur est comme étalée dans son livre et qu'il n'y a point de milieu entre la comprendre et ne pas la comprendre. On comprend à des degrés très divers et il y a plus de profit à comprendre imparfaitement Pascal ou Spinoza qu'à pleinement entendre Georges Ohnet.

 

 

Ne pas redouter la difficulté

 

D'où notre quatrième conseil : s'il faut lire ce qu'on sent à son niveau, préférer cependant ce qui est un peu au-dessus de ce niveau à ce qui est au-dessous. C'est l'application à la lecture de cette loi énoncée au début de notre premier chapitre, qu'en matière d'éducation, cela seul est réellement profitable qui coûte de l'effort. Ce précepte est méconnu par d'excellents pro­fesseurs qui s'interdisent de proposer à leurs élèves l'étude d'un beau texte parce que tel passage, si bref qu'il soit, risque de les dérouter. J'ai rencontré un maître de classe élémentaire qui refusait de faire apprendre aux enfants la poésie très connue de Victor Hugo : "Dors-tu ? Réveille-toi, mère de notre mère" … parce qu'il s'y trouve un mot, un seul mot, qu'il ne savait comment expliquer : "La jeune aube parut sans réveiller l'aïeule". Il ne lui semblait pas possible de faire entendre à des garçons de dix ans pourquoi le poète a choisi cette épithète. En quoi d'ailleurs il s'exagérait la difficulté de sa tâche, car il lui eût suffi de remarquer que l'aube est la naissance et la jeunesse du jour, comme le crépuscule en représente la vieillesse. Mais je lui en veux moins de son embarras que de son hérésie pédagogique : n'est-il pas absurde de priver les enfants de la connaissance d'une belle œuvre parce qu'un mot demeurera inexpliqué ? D'abord il n'est pas dit que les enfants ne sentent pas la valeur de ce mot, même s'ils sont incapables d'en justifier l'emploi en termes clairs. Et puis qu'importe ? Ils comprendront dans un an, dans deux ans. Et même s'ils ne devaient jamais comprendre cet unique adjectif, ils n'en auraient pas moins confié à leur mémoire un peu de vraie poésie. L'hérésie que nous dénonçons est plus malfaisante qu'il ne paraît : c'est parce qu'on redoute un mot obscur chez Victor Hugo qu'on se rejette sur Ratisbonne, sur Eugène Manuel, sur de Laprade, sur Joséphin Soulary, qu'on écarte de nos classes les poètes pour y introduire des versificateurs, des scribes dont tout l'art est d'ajouter des rimes à de la prose. La Fontaine, dont la charmante fantaisie inquiète, cède la place au terne et plus explicable Florian.

Évitons cette erreur, osons courir le risque de ne pas tout comprendre. Une bonne partie du profit de la lecture vient de la lutte soutenue avec une pensée qui déborde la nôtre, qui la surprend, l'égare, la heurte, l'oblige à se replier sur elle-même, à revenir à l'assaut. Que sert d'ouvrir le livre qui nous apporte le seul écho de nos propres opinions ? Si l'auteur ne nous dépasse en aucune façon, qu'attendrions-nous de lui ? Mais s'il nous dépasse, il nous échappera par instant, peut-être nous choquera ; nous lui céderons sur quelques points, lui résisterons sur d'autres. Quand nous le quitterons, sa pensée ne nous aura pas livré tout son mystère, mais dans la nôtre quelque chose se trouvera changé : une certaine obscurité est tonique. Je ne parle pas, bien entendu, de l'obscurité des médiocres, qui est inconsistance, faiblesse d'expression, affectation de profondeur.

 

 

Les inévitables ombres des œuvres fortes

 

Je pense aux inévitables ombres d'une œuvre drue et forte, où se condensent beaucoup de richesses proposées sans ostentation, plutôt même dissimulées par la pudeur de l'artiste. Le grand écrivain n'est pas un courtisan. Il se sent plus de devoirs envers sa pensée qu'envers son public. Il obéit à une idée, qu'il s'efforce de réaliser, sans la trahir, en une œuvre qu'il abandonnera à son destin. Parce que l'habile se soucie d'abord de ce destin, il s'applique à dispenser le lecteur de toute peine. Le grand écrivain lui laisse faire une partie du chemin. Non par système, non par fierté, non par goût de la solitude, mais parce que les sacrifices qu'impose toute réalisation lui suffisent. En consentir d'autres encore pour abaisser son œuvre jusqu'aux prises indolentes d'esprits communs et sans curiosité répugne au respect qu'il porte à sa vocation.

"Cette sorte de brume, dit Proust, qui enveloppe la splendeur des beaux livres comme celle des belles matinées est une brume naturelle, l'haleine en quelque sorte du génie, qu'il exhale sans le savoir, et non un voile artificiel dont il entourerait volontairement son œuvre pour la cacher au vulgaire… L'écrivain de premier ordre est celui qui emploie les mots mêmes que lui dicte une nécessité intérieure, la vision de sa pensée à laquelle il ne peut rien changer, - et sans se demander si ces mots plairont au vulgaire ou 'l'écarteront'. Parfois le grand écrivain sent qu'au lieu de ces phrases au fond desquelles tremble une lueur incertaine que tant de regards n'apercevront pas, il pourrait (rien qu'en juxtaposant et en exhibant les métaux charmants qu'il fait fondre sans pitié et disparaître pour composer ce sombre émail), se faire reconnaître grand homme par la foule… Alors il fera un livre de second ordre avec tout ce qui est tu dans un beau livre et qui compose sa noble atmosphère de silence, ce merveilleux vernis, qui brille du sacrifice de tout ce qu'on n'a pas dit. Au lieu d'écrire l'Éducation sentimentale il écrira Fort comme la mort. Et ce n'est pas le désir d'écrire plutôt l'Éducation sentimentale qui doit le faire renoncer à toutes ces vaines beautés, ce n'est aucune considération étrangère à son œuvre, aucun raisonnement où il dise : "je". Il n'est que le lieu où se forment ces pensées qui élisent elles-mêmes à tout moment, fabriquent et retouchent la forme nécessaire et unique où elles vont s'incarner"(6).

 

 

Ne pas lire sans se poser un problème

 

Le meilleur moyen pour comprendre une pensée profonde, c'est de s'être placé soi-même dans les dispositions d'esprit où cette pensée a pu jaillir, c'est-à-dire de s'être posé le problème dont traite l'écrivain ou tout au moins un problème apparenté. Il ne faut pas s'approcher d'un grand livre sans désir. Dans un précédent chapitre nous nous sommes approchés du Wilhelm Meister de Gœthe. C'est un ouvrage considérable, dans tous les sens du mot, une forêt touffue où l'on risque fort de s'égarer : anecdotes sentimentales, discours moraux, considérations sur l'art du comédien et le théâtre de Shakespeare, réflexions de tout genre sur la vie, précisions encombrantes sur une infinité de professions, aventures qui introduisent sur la scène des personnages en grand nombre et parfois vaguement dessinés, descriptions de milieux étranges et de sociétés secrètes, tout s'y rencontre, tout s'y juxtapose, tout s'y développe sans aucun souci apparent de mesure ni de composition. Demandez à une vingtaine de personnes cultivées si elles ont lu jusqu'au bout les Années d'apprentissage et les Années de voyage, je ne dis pas dans le texte, mais simplement dans une traduction, et je serais surpris si vous obteniez plus de deux ou trois réponses affirmatives.

C'est pourtant un grand livre, mais il faut l'aborder en se posant une question. Nous l'avons plus haut consulté pour répondre à celle-ci : faut-il se cultiver par la spécialisation et le métier ? Quiconque feuillettera Wilhelm Meister avec une curiosité analogue reconnaîtra bien vite qu'il a sous les yeux un "roman de formation" et que Gœthe s'offre à l'aider dans sa recherche. L'espoir de trouver une solution au problème dont il s'inquiète soutiendra son attention et rien de ce qui prépare de près ou de loin cette solution ne passera inaperçu. Sans doute une œuvre riche ne répond pas à une seule question et il n'est pas toujours facile de découvrir la préoccupation dominante d'un auteur. Son ambition d'ailleurs a pu se déplacer, surtout si la réalisation a été longue, comme c'est le cas, nous l'avons dit, pour Wilhelm Meister, dont l'élaboration s'étend sur un demi-siècle. Mais une grande œuvre n'a pas une seule clef. Il serait fécond de lire Wilhelm Meister avec d'autres centres d'intérêt, pour y recueillir par exemple les opinions de Gœthe sur l'art dramatique, ou pour comparer le héros à l'auteur, ou pour étudier l'art de Gœthe en confrontant la rédaction définitive à la première version. L'essentiel est d'avoir choisi un point de vue, justifié à quelque degré par le caractère de l'œuvre, et de ne pas lire en restant passif.

Tel sera donc notre cinquième conseil : lire avec une question posée dans l'esprit. C'est la condition du profit, parce que c'est le moyen de choisir, de ne pas tout apercevoir sur le même plan, de laisser tomber ce qui surchargerait la mémoire et de s'attacher fortement à quelques idées qui répondent à notre appétit. Si vous lisez un critique avant de vous attaquer à une œuvre notable, attendez surtout de lui qu'il vous fournisse cette question, laquelle sera votre point de perspective

 

Notes

(1) John Ruskin, Sésame et les Lys, traduction, notes et préface de Marcel Proust, Paris, Mercure de France, 1906, in-12. L'importante préface de Proust sur la lecture est reproduite presque intégralement sous le titre de Journée de lecture dans "Pastiches et Mélanges", Paris, Nouvelle Revue française, 1921 [Ce texte se trouve aussi dans Marcel Proust, Contre Sainte-Beuve précédé de Pastiches et mélanges suivi de Essais et articles, Bibliothèque de la Pléiade, n° 229, Édition de Pierre Clarac avec la collaboration d'Yves Sandre, Septembre 1971, pp. 160-194] .
(2) Sésame et les Lys, pp. 70-72. [Cet ouvrage se trouve sur la toile : https://fr.wikisource.org/wiki/S%C3%A9same_et_les_lys].
(3) Ibid., note de la p. 70.
(4) Id. Préface, p. 47.
(5) Dans ce dernier ouvrage, j'ai précisément rédigé les chapitres sur Port-­Royal, sur Pascal, sur Descartes et sur Malebranche avec l'intention d'offrir au lecteur le moins informé toute l'information nécessaire pour absorber sans autre initiation l'étude directe des textes.
(6) Note de la page 85 à la traduction de Sésame et les Lys, de Ruskin.

 

 

© Désiré Roustan, in La Culture au cours de la vie (Collection Psychologie et Culture générale), Éditions de l'Institut Pelman, Paris, 1930 [chapitre V]

 

 

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