XVI. Pense avant d'agir
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- Publication : vendredi 1 mars 2002
- Écrit par A. Tuillerie
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- Je comprends bien cela, dit Francinet ; mais quand j'allais à l'école, et que j'avais mon livre devant moi, je ne songeais jamais qu'à l'ennui d'étudier, et cela me décourageait tout de suite.
- Je faisais de même dans le commencement ; aussi mon grand-père m'a défendu de jamais me mettre au travail sans avoir auparavant réfléchi quelques minutes au chagrin que je me préparais en me livrant à la paresse.
- Et vous pensez toujours à faire cette réflexion ?
- Je tâche de ne pas oublier. Mon grand-père tient beaucoup à ce que je n'agisse jamais étourdiment. Il est toujours possible, dit-il, de prendre les habitudes qu'on veut ; celui qui s'habitue à penser avant d'agir, et cherche à faire bien tout ce qu'il fait, atteint très vite une grande supériorité.
- Je le crois ; mais c'est, il me semble, une habitude bien difficile à prendre.
- Pas plus qu'une autre, je t'assure, Francinet. Ainsi, le matin, après ma prière, je songe quelques minutes aux choses que j'ai à faire dans la journée ; d'un coup d'œil je les vois toutes, et je me promets de les faire le mieux possible. Je me dis : "Je vais d'abord souhaiter le bonjour à mon grand-père et l'embrasser bien fort, bien fort ; puis je vais déjeuner en m'amusant bien". Jusqu'à présent voilà qui est tout à fait facile, comme tu vois ; mais les leçons viennent après. Ah ! elles seront peut-être très difficiles ?... Bah ! Je ne perdrai pas une minute, je m'appliquerai tant, tant, que je les saurai. Mon grand-père me tapera gaiement sur la joue; je serai bien fière, et le soir, intérieurement, la voix de ma conscience me dira : "Petite Aimée, c'est bien, vous n'avez pas manqué à vos devoirs, et Dieu vous bénit".
- Oh ! mademoiselle Aimée, je veux, moi aussi, faire comme cela tous les matins. C'est bien plus simple que je ne m'imaginais de trouver le courage de remplir son devoir.
- N'est-ce pas ? dit Aimée, on se fait des montagnes à l'idée du travai1, et quand on y réfléchit, c'est si facile ! Pour commencer, petit Francinet, je vais te quitter, car je crains que ma récréation ne soit écoulée, et il ne faut pas que j'oublie l'heure de ma leçon.
- Mon Dieu ! dit Francinet, vous avez manqué pour moi d'aller vous amuser, et vous avez là perdu le temps de votre récréation !
- Bon, voilà, une sottise ! Tu trouves donc que nous aurions eu plus de plaisir à faire une partie de balle qu'à causer raison tous les deux, toi en travaillant, moi sans jouer ?
- Oh ! bien sûr non, dit Francinet.
- Tu vois donc bien qu'il y a quelquefois plus de plaisir à être raisonnable qu'à perdre son temps.
Et sur cette sage conduction, la petite fille, pour se dégourdir les jambes avant d'ouvrir son livre, fit faire quelques exercices à Phanor, en présence de Francinet.
- Hop, hop, Phanor ! s'écriait-elle en riant, sautez un grand saut pour Monsieur Francinet.
Elle tendait son livre à Phanor, qui ne se fit pas prier et sauta plusieurs fois par-dessus, de la meilleure grâce du monde. Aimée courut ensuite à la pendule voir si l'heure du travail était venue.