[suite 3]

 

1-4. 1968 - Le code d'analyse des altérations graphiques de Bernard Cadet(1).

 

Il s'agit d'une thèse de troisième cycle, non publiée, soutenue à Caen. Le propos de son auteur est d'élaborer et de mettre au point expérimentalement une classification des perturbations graphiques. Mais la recherche est de type universitaire, peu soucieuse de la liaison avec le terrain. Globalement, elle distingue entre trois grandes catégories d'altérations :

 

- sémantèmes (ou mots-clés du message)

- morphèmes (marques grammaticales des sémantèmes)

- mots-outils (relevant à la fois du lexique et de la grammaire)

puis, à l'intérieur de ces catégories, entre les fautes homophones et hétérophones. Enfin, cinq cas exclusifs les uns des autres sont, lors de chaque rubrique, distingués :

- mot bien écrit

- mot non écrit

- mot avec une faute

- mot avec deux fautes

- mot avec plus de deux fautes.

 

Dès lors, si la classification est sans doute exhaustive, elle est aussi d'un maniement délicat, en raison même de son pointillisme.

 

Ainsi, obtient-on, pour la catégorie des mots-outils, les rubriques suivantes :

 

- confusion verbe/mot-outil (et/est ; a/à ; on/ont)

- confusion entre deux mots-outils (ces/ses ; ce/se)

- faute de genre sur mot-outil (auxquels/auxquelles)

- faute de nombre sur mot-outil (ils vient/il vient)

- faute genre/nombre associée sur un mot-outil (le jour auxquelles je pense)

- substitution de lettres dans un mot-outil (pous/tous)

- omission de lettres dans un mot-outil (ca/car)

- addition de lettres dans un mot-outil (poure/pour)

- barbarisme : 50 % de lettres étrangères au mot (qu'aume/comme)

- omission d'un mot-outil.

 

Il ne s'agit donc pas, à proprement parler, d'un outil susceptible de nous éclairer dans notre démarche.

 

1-5. 1969 - La grille de classement Valot(2).

 

Les erreurs recensées sont soit homophones, soit hétérophones, avec cinq sous-rubriques possibles :

 

- addition

- substitution

- omission

- inversion

- accentuation.

 

On retrouve donc, naturellement, les catégories déjà définies par P. Bovet. On distingue entre les erreurs survenues dans :

 

- les lexèmes

- les morphèmes

- les mots-outils

- les syntagmes (structure de l'énoncé) : barbarismes, ponctuation, incorrections et, on peut le supposer, erreurs de segmentation (en corsage/encore sage).

Mais, outre que les erreurs peuvent se retrouver à plusieurs lieux de la même grille, la rubrique mots-outils comprend essentiellement les homophones grammaticaux, ce qui en réduit singulièrement la portée.

 

1-6. 1971 - Les recherches effectuées à l'École Normale de Nîmes(3).

 

Leur premier intérêt, selon nous, est de constituer un outil directement tourné vers l'apprenant, et non vers l'adulte poursuivant des recherches en linguistique(4). L'élève est muni d'une fiche individuelle d'orthographe destinée à l'aider à s'auto-corriger : il travaille seul dans un premier temps, le maître n'intervenant qu'après la première tâche de répartition des erreurs en trois cases :

1 - phonologie : c'est quand on n'écrit pas bien le son, quand on a déformé un mot.

2 - usage/convention.

3 - relations : "c'est deux mots qui marchent ensemble".

Un même mot peut donc figurer dans deux, voire dans trois cases. Soit l'exemple de * bissard :

1. phonologie : * bissard/Bizarre

2. usage/convention : * bissard/Bizarre

3. relations : * bissard/trois colonnes bizarres

Sous un aspect qui peut sembler simple, voire simpliste, nous pensons au contraire que se tient un outil de premier ordre puisque, nous le répétons, le travail actif de l'enfant y est mis au premier plan : il va de soi qu'il ne s'agit là que de l'aboutissement d'une réflexion mêlant la théorie linguistique et la pratique du terrain.

 

2 - ESQUISSE D'UNE TYPOLOGIE SIMPLIFIÉE

 

Nous pouvons maintenant tenter une synthèse en présentant une typologie simplifiée qui réponde aux critères énoncée par J. Simon(5) : pouvoir classer chaque erreur, et dans une seule catégorie ; user, pour ce faire, d'un seul critère, dans toute la mesure du possible (il s'agira ici du critère auditif). Mais cela ne serait rien sans une tentative étiologique, qui s'attache à dresser des hypothèses concernant l'apparition des erreurs, afin d'aider les apprenants à les éviter. Nous pourrions donc obtenir les deux parties suivantes, la première prenant essentiellement appui sur les travaux poursuivis à partir de V. Gak :

 

1. - Typologie.

 

Domaines d'appartenance L'erreur est-elle
phoniquement acceptable ? phoniquement non-acceptable ?
Phonogrammes colonmes
abituellement entirement entierement
coup d'oeuil apytuellmant
Morphogrammes les trois l'été les reffaires
Logogrammes a Pomme
Hors système pomme jusca secon raisol

 

2. - Étiologie.

 

1º. S'agit-il d'une maîtrise insuffisante du système phonologique (sourdes vs sonores. Ex : * proplèmes) ?

2°. S'agit-il d'une difficulté lexicale (c'est-à-dire ressortissant au domaine phonogrammique) ayant empêché l'enfant de se concentrer sur la finale, empêtré qu'il était dans l'encodage d'un "mot" difficile (cas de zigzaguer) ?

3º. S'agit-il d'une "analogie sémantique"(6) ?

En ce cas-là, l'inconnu a été ramené au connu :

- bisard sur hasard

- un coups sur un temps

- cour (cours) sur cour

- devoire sur laboratoire

- fosse (fausse) sur fosse

- imprétion sur attention

- mer (mère) sur mer

- mois (moi) sur mois

4º. S'agit-il d'un phénomène de "contiguïté trompeuse"(7) ? on peut, en effet, relever l'importance numérique de ce type d'erreur :

- elle dut les refaires

- elle dut les refairent

- les trois l'été

- les trois l'était

- les ruses qui lui serve(8).

C'est, selon H. Frey(9), la preuve que "le français spontané tend à faire mécaniquement l'accord avec l'élément qui précède", en liaison avec le fait que, dans notre langue, la séquence est progressive.

Il convient donc d'apprendre à surmonter les "lois" de proximité, souvent trompeuses, et à se référer à la logique syntaxique.

5º. S'agit-il enfin d'une perception défectueuse des rapports entre syntagmes (ex. : jusca secon, et d'une manière générale toutes les segmentations erronées de la chaîne écrite) ?

En ce cas, il convient de prendre en compte l'importance capitale de la compréhension globale et préalable de la phrase à écrire : soit celle-ci, due à la plume de Daudet "Il faut vous dire qu'en Provence, c'est l'usage, quand viennent les chaleurs, d'envoyer le bétail dans les Alpes"(10).

Les frontières entre syntagmes ont posé de nombreux problèmes à des élèves de C.M. 1 - C.M. 2 :

 

- dire : 67 % d'erreurs (dirent, dires, direz, dir)

- qu'en : 50 % d'erreurs

- d'envoyer : 40 % d'erreurs.

En définitive, la mise en œuvre d'une typologie - toujours imparfaite, sans cesse ouverte aux modifications-, devrait permettre de déceler autre chose que la stricte méconnaissance des règles. À travers l'observation des démarches et des erreurs de l'apprenant, elle obligerait le maître à être apprenti en même temps que lui, à l'aider à analyser, d'abord intuitivement, puis de façon de plus en plus réfléchie, le système, enfin à le reconstruire, à réaliser l'adéquation de la tâche donnée aux possibilités réelles : bref, à se donner des stratégies d'apprentissage. Et donc à bannir définitivement le recours à des techniques d'évaluation semblables à celle qu'il nous faut maintenant étudier.

 

III. Pomme et les corrections

 

"Le type actuel de correction orthographique brave les lois de la docimologie"

(Commission Emmanuel - Enseignement de l'orthographe. Inrdp, 1975)

 

- 1 -

 

Il est désormais nécessaire de procéder à l'examen du système de notation (révélateur malgré lui d'une typologie implicite) utilisé dans notre corpus ; disons dès l'abord la difficulté de l'entreprise :

- quelques copies n'ont été corrigées que jusqu'à l'apparition du zéro (soit jusqu'à la dixième faute) : on a donc poursuivi la correction selon le système utilisé au début du devoir.

- pour certaines, on s'est contenté de souligner les fautes, sans indiquer en marge la gravité accordée à chacune : on a alors procédé à la sanction par rapport au "système" utilisé par le jury.

- pour d'autres enfin, les erreurs non relevées sont importantes : on a donc rectifié le nombre signalé en marge de la copie.

Notons que le corpus avait été soumis à la sagacité de huit professeurs constituant quatre jurys (système de la "double correction"), ce qui n'entraînait pas, il faut quand même le remarquer, un travail colossal pour chacun d'eux(11) :

 

Jury n° Nombre de copies Moyenne (sur 20)
1 7 0
2 4 1
3 2 5,5
4 3 0

 

Note. Moyenne générale : 0,93/20. On relève 75 % de zéros (J. Guion - B.E.P.C. : 54 %).

 

Un rapide tour d'horizon révèle qu'on a, globalement, utilisé la classique distinction usage (1/2 faute) vs grammaire (1 faute), les homonymes grammaticaux se situant dans cette dernière rubrique(12) ; mais, dans le détail, on relève un certain nombre de dérapages, difficilement imputables, selon nous, à la fatigue des correcteurs :

- l'absence de majuscule à * pomme est sanctionnée une fois dans le jury l (pour une demi-faute), non sanctionnée dans le jury 2, sanctionnée deux fois dans les jurys 3 et 4.

- impression : ce mot mal réussi (87,5 %de graphies erronées) est différemment sanctionné :

 

 

cacographies faute jury
impression
enpression 1 1
inprétion 1/2 1
inpretion 1/2 1
impresion 1 1
impressions 1 2
impressions 1/2 4
impressiont 1 4
entièrement
entièrements 1 1
entierement signalé, non sanctionné
entierrement 1/2 4
ou 1/2 1
" 1 4
à
a 1/2 1 à 3
" 1 4
celle-ci
celle ci signalée, non comptée 1
" comptée pour une demi-faute 4

 

On ne relève cependant pas que des divergences entre jurys ; il existe aussi des dérapages internes, dont on ne donnera que quelques exemples (jury 1).

 

à faire
* à fair Pascal : une faute
* " Marianne : 1/2 faute
celle-ci
* c'elle ci 1/2 faute
* celci 1 faute
* cellcie 1 faute

 

Par ailleurs, la notion de gravité de la faute paraît bien floue (copie de Fred, jury 3) :

- erreur dans les idéogrammes (la barre du "d" de d'une quelque peu tordue) : 1/2 faute.

- erreur dans le morphogramme lexical (elle enploya) : 1 faute.

Enfin, le mode même de correction doit nous interpeller, car :

- ou bien on sanctionne toutes les erreurs, et on les rapporte à l'ensemble des occurrences du texte (ici, 100) : c'est le point de vue que nous adoptons plus loin ;

- ou bien on sanctionne les erreurs absolument, mais dans ce cas chaque type d'erreur ne doit être pris en compte qu'une seule fois, et c'est le contraire qui est fait ici :

 

copie de Jean quatre * a quatre points ôtés jury 1
copie d'Éric deux * a trois points ôtés jury 2
copie de Jean-Louis trois * a trois points ôtés jury 1
copie de Célia six * a douze points ôtés jury 4

 

Pour une seule entrée, donc (à vs a) Célia perd 60 % de ses points.. alors que le texte en comprend 73.

Il est piquant de noter, à cet égard, que ce barème est aussi sévère, sinon davantage, que celui adopté pour la correction de l'épreuve d'orthographe à l'examen du B.E.P.C. ; On peut en effet lire, dans les instructions aux professeurs(13), les consignes suivantes : "Le texte choisi n'offrira pas de difficulté majeure de vocabulaire ou de syntaxe... Il sera lu très distinctement dans son entier, intonations et pauses étant bien marquées, puis dicté lentement. Certains mots, dont l'orthographe prête sans profit à ambiguïté, et qui auront été soulignés d'un trait dans la présentation typographique, seront écrits au tableau... On enlèvera deux points par faute grave, portant sur un accord ou aboutissant à dénaturer le sens par substitution d'un mot à un autre (par exemple, voix au lieu de voie, mètre au lieu de mettre), et un point pour les autres..."

Mais il est assurément plus sévère que celui mis en oeuvre dans la correction de l'orthographe au concours d'entrée à l'École normale de Grenoble (pour lequel, certes, une faute entière retire quatre points, et non deux, mais à propos d'un texte rédigé par le candidat lui-même(14) et non imposé de l'extérieur) :

 

accents aigus ou graves : 1/4 de faute jusqu'à quatre accents
accents circonflexes :
° grammaticaux (du/dû) : une faute
° autres accents : tolérance quand l'accent n'est pas nécessaire phonétiquement (* hopital)
sinon, un quart de faute (* fenetre)

 

Les résultats, nous l'avions annoncé au début de ce travail, sont particulièrement mauvais, ou plus exactement désastreux, comme le montre le tableau ci-dessous, de même que les différents types de tris :

 

Fautes indiquées Erreurs relevées par nous 1 erreur U + P + 2 erreurs R

%

 

Notes réelles Not. expon. .96 Not. expon. .98 Jury n°
R U P
Corinne 5,5 12 16 33 33 33 9 15 14
3
Frédéric 9 12 16 50 33 17 2 13 14
3
Éric 9 13 19 62 30 8 2 13 13
2
Alain 9 12 15 25 33 42 2 13 14
2
Jean-Louis 11,5 18 22 61 39 0 0 12 12
1
Hervé 14,5 41 55 37 31 32 0 10 6
1
Marianne 14,5 23 31 39 57 4 0 10 10
1
Marc 15 24 35 58 34 8 0 10 10
2
Pascal 18 25 34 56 28 16 0 9 10
1
Anne-Flo. 18,5 30 42 53 20 27 0 9 9
1
Célia 20 26 31 46 31 23 0 18 10
4
Josiane 23,5 35 49 69 23 8 0 7 8
1
Serge 24 37 46 46 22 32 0 7 8
2
Jean B. 25 48 57 35 50 15 0 7 6
1
François 26 35 42 51 38 11 0 6 9
4
Véronique 27,5 36 50 50 42 8 0 6 7
4
Totaux 270 427 562
Moyennes 16,87 26,68 35,12 48 34 18 0,93 9,68 10

 

Figure n° 9 - Données numériques à propos de Pomme

 

Nom Sexe Âge Erreurs Note
Corinne 2 1008 5,5 9
Alain 1 1111 9 2
Éric 1 1005 9 2
Frédéric 1 1204 9 2
Jean-Louis 1 1111 11,5 0
Hervé 1 1107 14,5 0
Marianne 2 1110 14,5 0
Marc 1 1203 15 0
Pascal 1 1205 18 0
Anne-Flo. 2 1106 18,5 0
Célia 2 1007 20 0
Josiane 2 1210 23,5 0
Serge 1 1303 24 0
Jean B. 1 1203 25 0
François 1 1107 26 0
Véronique 2 1106 27,5 0

 

Pomme : tri par erreurs commises (officiellement)

 

Nom Sexe Âge Erreurs Note
Éric 1 1005 9 2
Célia 2 1007 20 0
Corinne 2 1008 5,5 9
Anne-Flo. 2 1106 18,5 0
Véronique 2 1106 27,5 0
François 1 1107 26 0
Hervé 1 1107 14,5 0
Marianne 2 1110 14,5 0
Alain 1 1111 9 2
Jean-Louis 1 1111 11,5 0
Jean B. 1 1203 25 0
Marc 1 1203 15 0
Frédéric 1 1204 9 2
Pascal 1 1205 18 0
Josiane 2 1210 23,5 0
Serge 1 1303 24 0

 

Pomme : tri par âge

 

Nom Sexe Âge Erreurs Note
Alain 1 1111 9 2
Éric 1 1005 9 2
François 1 1107 26 0
Frédéric 1 1204 9 2
Hervé 1 1107 14,5 0
Jean B. 1 1203 25 0
Jean-Louis 1 1111 11,5 0
Marc 1 1203 15 0
Pascal 1 1205 18 0
Serge 1 1303 24 0
Anne-Flo. 2 1106 18,5 0
Célia 2 1007 20 0
Corinne 2 1008 5,5 9
Josiane 2 1210 23,5 0
Marianne 2 1110 14,5 0
Véronique 2 1106 27,5 0

 

Pomme : tri par sexe Figures n°10 - Pomme et ses scripteurs : divers tris

La population, certes, apparaît, elle aussi, bien particulière : la distribution des notes est à l'inverse des constatations faites par tous les auteurs que nous avons cités : le nombre d'erreurs, ici, s'accroît avec l'âge des candidats :



- un an d'avance : moyenne des erreurs : 9
- âge "normal"' : moyenne des erreurs : 12,75
- un an de retard : moyenne des erreurs : 17,13
- deux ans de retard : moyenne des erreurs : 23,75



Et par année civile, on obtient :

 

- moyenne des 10 ans : 11,5 erreurs
- moyenne des 11 ans : 17,35 erreurs
- moyenne des 12 ans : 18,1 erreurs
- moyenne des 13 ans : 24 erreurs

D'autre part, la supériorité des fillettes sur les garçons est en défaut : 18,25 erreurs en moyenne chez les premières, contre 16,1 chez les seconds. La différence est même accusée au sein des "onze ans" :

 

- moyenne des erreurs commises par les filles : 24,8
- moyenne des erreurs commises par les garçons : 16

Plus les élèves sont en retard à l'école élémentaire, et plus ils sont en difficulté : ceci n'est pas une tautologie. La tâche de l'école n'est pas tellement de constater ce fait, que de mettre en oeuvre des processus de compensation(15).

 

- 2 -

 

Mais il convient maintenant de revenir sur le problème de la notation exponentielle(16) : les principes en sont :

 

- le zéro est exclu
- la sanction des erreurs diminue en fonction de leur nombre
- la moyenne est accordée aux copies qui ont réalisé un nombre d'erreurs égal à la moyenne du corpus, soit, pour Pomme, 27. Le coefficient exponentiel de sanction (ou d'indulgence, si on veut, mais le terme est connoté tout autant que celui de faute, et dans le même sens) est alors de : 96 (figure 9, 6e colonne)

Il est également possible de sanctionner diversement les types d'erreurs, c'est-à-dire de conserver la traditionnelle notion de gravité, dont le degré est moindre s'agissant de l'usage. Il va de soi que nous ne partageons pas ce point de vue, et qu'il nous paraît que la notion de gravité ne devrait s'utiliser que pour la distinction entre les graphies phonétiques et celles qui ne le sont pas. Dans ce cas, le coefficient est de .98 (figure 9, colonne 7). Quoi qu'il en soit, et dans tous les cas, on retrouve une distribution des notes certes plus ou moins gaussienne, mais en aucun cas la "courbe d'accidents" de la colonne 5 (cf. aussi figures 11), qui fait irrésistiblement penser, en plus accusée, à celles tracées par J. Guion(17).

En ce qui concerne le détail des erreurs, (R, U, P), les pourcentages constatés se rapprochent, en moyenne, de ceux recensés par les divers chercheurs suisses (colonne 4).

Au regard de ces résultats, et puisque nous avons mentionné le barème en usage dans la correction de l'épreuve d'orthographe au concours d'entrée (externe) à l'École normale de Grenoble, il nous paraît intéressant de jeter un coup d'œil sur les performances orthographiques des 610 candidates à la dernière session, c'est-à-dire en septembre 1984 :

- Âge moyen des candidates, le jour du concours : 20 ; 02 ; la plus jeune avait 16 ; 09, l'aînée 33 ; 00.
- Note moyenne : 9,09 / 20.
- 24 % des copies obtiennent 0, mais 8 % reçoivent 20.

 

Les résultats complets sont les suivants :

 

Notes 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
Effectif 148 5 11 13 47 4 16 19 44 9 12 12 72 4 14 24 72 4 13 26 50

 

C'est assez montrer que nous sommes fort éloignés d'une courbe d'accidents ! Et ceci peut contribuer à atténuer quelque peu le sentiment d'injustice à la lecture du compte-rendu de J. Guion, concernant la distribution des notes au concours d'entrée à l'École normale d'institutrices de Lyon(18)..

La déception personnelle, toute relative, est qu'il ne paraît pas y avoir de corrélation fortement établie entre l'âge des candidates et leurs résultats :

 

Âge 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 30 33
Effectif 2 40 152 141 111 70 32 23 26 5 4 1 1 1 1
Moyenne 14 9,9 9,67 8,45 8,3 7,34 10,84 11,47 9,5 15,2 11 20 16 0 8

 

- Moyenne en orthographe des candidates définitivement admises : 16,31/20.
- Moyenne en orthographe des candidates recalées après la 1ère série : 7,62/20.

 

On se doit tout de même d'ajouter qu'un regard sur les examens de ce type proposés aux candidats, à la même session, à travers la France, révèle fort peu de situations différentes de celle que nous décrivons ; détaillons-en deux, cependant :

Le premier introduit la notion de sanction positive, recommandée par le Plan Rouchette, et le fait est assez rare pour mériter d'être mentionné.

Orthographe [Org. : Seine Maritime, mai 1976].

Je prends les assiettes que tu as lavées pour les ranger.

Un des élèves distribue les cahiers qui ont été corrigés.

Christophe, Martine et moi quitterons l'école lorsque toutes les tables auront été nettoyées.

Elle a acheté ces quelques fruits sucrés que dégustent mes parents.

 

Notation : mettre un demi-point pour l'accord souligné réussi (-).
Retirer 1/2 point pour la faute à l'endroit indiqué en gras.
Total maximum : 9 points.
Total minimum : 0 point.

Le second s'appuie résolument sur la cacographie, et donne le contexte, afin que l'attention du jeune scripteur ne se disperse pas :

Orthographe-conjugaison. [Org. : Côte d'Or, juin 1977]

1. Cherche l'erreur et écris correctement le mot mal orthographié (4 points) :

. char, charrette, charrio, charron.
. couramment, fréquemment, vaillamment, insolamment.
. marée, nichée, fermetée, volonté.
. désarmé, déservir, désossé, désolé.

2. Transforme les phrases ci-dessous (6 points) :

. Le garçon qui trie les jetons est attentif. Les garçons...
. Vous qui attendez le journal, guettez le facteur. Toi qui...
. Pierre et Paul jouent dans la cour de récréation. Demain après-midi, Pierre et Paul...

3. Écris correctement le mot, ou le groupe de mots, s'il est mal orthographié (5 points) :

. On a plus assez de temps pour recommencer la partie.
. Nous leur avons donné des renseignements.
. J'ai pu prété un livre à un camarade.
. Goûtez les cerises que j'ai cueilli.
. J'ai vu le chat manger la souris.
. Les girafes dressaient leur cou au-dessus de la foule.
. Vous donnez du pain à l'éléphant.

Mais il ne s'agit que d'exceptions dans l'ensemble des annales : Pomme représente bien la norme.


Notes

(1) La thèse de B. Cadet n'étant pas imprimée, on pourra trouver les rubriques de son code in Les Sciences de l'Éducation pour l'ère nouvelle, nº 4, 1972 pp. 148-151.
(2) J. Vial, Pédagogie de l'orthographe française, pp. 166-167.
(3) In Repères nº 12, sept. 1971. Reproduites dans l'ouvrage collectif coordonné par M. Chaumont (Bibl. nº 6 , document Z, page 158).
(4) Songeons, en effet, à la réflexion si pertinente de J. Vial (ouvr. cité, pp. 66-7) : "Une grille ne peut être en fait qu'une hypothèse de travail modifiée au fur et à mesure des recensements".
(5) J. Simon, ouvr. cit., p. 13.
(6) L'expression est de H. Frei (Bibl. nº 9, p. 45), qui donne les exemples suivants : essort (de sortir) sur effort ; "les allemands me long enlevés" (lettre d'une femme de prisonnier, 1914-1918).
(7) L'expression est de Jean Vial (ouvr. cit., p. 137).
(8) Et encore : je vous écrirez ; il les voient ; ils nous chanterons (exemples empruntés à J. Vial).
(9) H. Frey, ouvr. cit., p. 56.
(10) Exemple extrait d'une étude conduite à l'École Normale de Nîmes, et publiée dans Repères nº 12, septembre 1971 (p. 71).
<11) Mais il convient de préciser que la dictée n'était pas la seule épreuve à corriger.
(12) Personnellement, nous ne voyons aucune justification à une telle hiérarchie dans le caractère de gravité des erreurs (les erreurs les plus "graves" étant celles qui font obstacle à la communication).
(13) B. 0. nº 7, 1975, p. 693. Souligné par nous.
(14) R. Dottrens a démontré, il est vrai, à l'aide du test de Bravais-Pearson, qu'il était aussi légitime de mesurer le niveau orthographique d'un sujet dans une dictée que dans une production personnelle (cf. l'Éducateur Suisse, nº 12, du 11 juin 1921, page 201). Demeure bien entendu le problème de la longueur des textes, qui peut varier assez considérablement en fonction de l'écriture du candidat.
(15) Ce qui devrait relever de la pédagogie de soutien, bien oubliée- ou dévoyée - aujourd'hui.
(16) Cf. première partie de cette étude, note 15. En annexe IV, le listing du programme permettant soit le calcul du coefficient, soit directement la construction du barème.
(17) Cf. supra première partie de cette étude (Taxer les fautes), chapitre 1 (Études antérieures), & 2.
(18) Cf. supra première partie de cette étude (taxer les fautes), chapitre 1 (Études antérieures), & 2. Signalons une autre étude de ce type, d'un grand intérêt : J.-Cl. Pintiaux, "Réflexions sur un concours", in Le Français aujourd'hui, nº 19, nov. 1972, pp. 45-49.

 

S. H., mai 1986

 

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