Voici que notre président achève - ce matin même - son "itinérance mémorielle" pour entretenir, dit-on, le souvenir de la Grande Guerre, ayant parcouru à grandes enjambées la France septentrionale, de Strasbourg à Paris en passant, il est vrai, par Verdun-Les Éparges. Mais était-ce pour "aller à la rencontre de nos ancêtres les Poilus" (selon le cabinet de l’Élysée), ou pour une banale question de com' - hélas (c'est fou à quel point, toujours dans la posture, il copie l'attitude de son ancien patron, le mou Flanby) ! Et s'il est "à la recherche de la vérité historique", que n'a-t-il retenu sa langue à Alger, où il a sali à plusieurs reprises la mémoire de la France, pour glaner quelques voix musulmanes ?
Il a été partout accueilli par des quolibets insupportables à qui respecte, a minima, l'éminente fonction présidentielle (Il tente de parler de la Grande Guerre, on l'enquiquine sur les carburants et on lui rétorque "vous êtes un escroc") ; mais j'estime en revanche que les commentaires écrits souvent fielleux (ce "gringalet théâtral") suscités par son périple, sont loin d'être tous injustifiés :
"Bientôt on ne pourra plus supporter les poses de cet élu qui vit le regard sur les sondages et ajuste son tir à chaque dégringolade".
"Il s'agit de 'renouer avec des racines que nous risquons de perdre'. Mais c'est pas Macron lui-même qui déclarait au Danemark (fin août), 'Le vrai Danois n’existe pas, il est déjà Européen. C’est vrai aussi pour les Français' ?
"
Certes, il est assurément normal de célébrer, partout où cela est possible, le Centenaire du Onze Novembre. Je viens à cet égard de visiter dans une bibliothèque une exposition consacrée aux "autres combattants" qui m'a laissé dubitatif : à lire la litanie, je me suis demandé si vraiment il y avait des souchiens, parmi les combattants : Somalis et Comoriens, Malgaches, Tonkinois, Annamites, Cochinchinois, Algériens, Tunisiens, Marocains, Chinois, Kanaks, Tahitiens, Réunionnais, Spahis et Tirailleurs sénégalais… D'autant qu'on laisse entendre que ces braves gens, qui n'avaient rien demandé, avaient été rudement forcés – et de plus, indignement accueillis en Métropole, comme par exemple à "Fréjus la Noire"… Et soudain, j'ai songé qu'on avait - au moins - oublié de mentionner "l'armée bleue", composée de ces Polonais sans patrie (puisqu'après mille dépeçages, la Pologne avait cessé d'exister, depuis 1795) qui étaient venus combattre volontairement à nos côtés. Mais il est vrai qu'il s'agissait d'Européens blancs, donc sans aucune importance. Mais je m'égare…
Je songe aussi que l'allusion que fit Macron au colonel Pétain a été très mal reçue, à telle enseigne qu'il a dû "rétropédaler". Je rappelle donc ici que Pétain finissait sa carrière comme colonel, lorsque la Grande Guerre le rattrapa, le remit en service et en fit, tout d'abord, un général de brigade. Qui, au rebours de bien d'autres généraux, pourtant polytechniciens, connaissait l'art de la guerre et le respect de ceux qui la font, ce qui, à la fois lui valut un immense prestige parmi les soldats, mais aussi une fulgurante ascension dans les échelons militaires. Ce type-là participa – pas seul, bien entendu – à la victoire ; mais songeons aussi à : "L'histoire placera le général Pétain au premier rang des hommes de guerre qui, au cours de cette longue et terrible bataille de quatre ans, ont commandé les armées alliées" (Georges Clémenceau, le 21 novembre 1918).
Quoi qu'ait donc pu faire par la suite le cacochyme maréchal Pétain, on ne peut oublier le "jeune" général…
D'autres aussi participèrent – fortement, si indirectement – à la victoire finale. Sans minimiser du tout l'importance de l'armistice de Moudros (sur l'île de Lemnos) signé le 30 octobre 1918 entre les Alliés (Français, Italiens, et surtout Anglais !) et l’Empire ottoman, je veux parler des Italiens (qui payèrent un lourd tribut, eux aussi) et finirent, après de sanglants échecs, par enfoncer les troupes austro-hongroises, lesquelles demandèrent l'armistice, qui leur fut accordé et signé à Padoue le 3 novembre 1918. C'est pourquoi l'Italie victorieuse (et ayant fortement agrandi son territoire – au fait, avez-vous jamais entendu parler de "Marche du retour" de la part des populations "spoliées" ?) commémore chaque 4 novembre la "Journée de l’Unité nationale et des forces armées". Hélas, je ne sache pas qu'on en ait dit un mot en France… Je me dois d'ajouter que, contrairement à ses camarades socialistes, le dénommé Benito Mussolini œuvra avec ferveur pour l'entrée en guerre de son pays contre l’Empire austro-hongrois : pourquoi ne retenir de lui que le clown grotesque si bien croqué par Chaplin dans Le Dictateur ?
Mais je m'éloigne, en apparence seulement, de mon sujet. Au vrai, je souhaitais introduire l'extrait qu'on va pouvoir découvrir, et goûter pleinement : le récit poignant, méditatif et inspiré d'un périple effectué sur les champs de bataille par l'excellent Philippe Meyer il y a un quart de siècle, sans tambours ni trompettes, sans le moindre souci de com', mais avec une immense ferveur et une émotion retenue, le tout ciselé dans une prose dont on se demande si on doit davantage admirer la culture qui la sous-tend, ou le style qui la magnifie.

 

 

"Mais non, camarades, ce n'est pas une fête, avais-je envie de crier, c'est le jour des morts !
Au-dessus de cette foule en liesse, j'imaginais le cortège silencieux des disparus".
Roland Dorgelès

Chacun fera le miel qu'il voudra de ce récit à la première personne. Presque toujours mis en joie par la beauté si diverse des lieux que je traversais, très souvent par l'humanité des gens que je rencontrais, presque jamais par les systèmes qui prétendent les administrer, étonné à bien des reprises, je peux seulement dire que j'ai cheminé, selon les vers d'Aragon "en étrange pays, dans mon pays lui-même" ...
Ph. Meyer

 

 

L'été, il paraît que les autobus se suivent comme les éléphants de Babar, le nez de l'un touchant le cul de l'autre. Mais l'automne et l'hiver, sauf, bien sûr, le Il Novembre, sur la route de Craonne à La Malmaison, il n'y a pas âme qui vive. C'est pourquoi j'ai préféré janvier : je ne viens à la rencontre que de fantômes, le long de ce "Chemin des Dames" aux abords duquel on a découvert les premiers villages néolithiques de France, sentier aussi vieux que la présence des hommes, tracé sur une crête aux versants abrupts pour laquelle on se battit aussi loin que remonte leur mémoire. César, Clovis, Clothaire et ainsi de suite... Napoléon, moins d'un mois avant d'abdiquer, laissa sur le terrain 7 000 des siens et 5 000 des Russes et des Prussiens commandés par Woronzow et Blücher. Une paille, comparée à l'offensive du général Nivelle en 1917 : 270 000 poilus hors de combat, dont plus de 100 000 morts, et 163 000 Allemands ...

Cela semble impossible. Pas seulement parce que de tels chiffres ne correspondent à rien dont nous ayons l'expérience sensible, mais aussi parce que, lorsqu'on y est sur ce ruban qui file presque droit entre l'Est et l'Ouest, il paraît minuscule et banal. "Ce n'était que cela, ce chemin légendaire ? s'écrie Roland Dorgelès. On le passe en une enjambée ! Cinquante mois, on se l'est disputé. On s'y est égorgé, et le monde, anxieux, attendait de savoir si le petit sentier était enfin franchi. Si on creusait tout du long une fosse commune, il la faudrait deux fois plus large pour contenir tous les morts qu'il a coûtés". Oui, mais la terre, à première vue, a cicatrisé. Aujourd'hui, cette "butte rouge", baptisée, selon la chanson de Montehus que chantait si bien Montand, "par le sang des copains", ce serait plutôt une jolie promenade. Celle-là même qu'appréciaient les filles de Louis XVI - les "Dames" pour qui fut pavé le chemin - au cours de leurs visites à leur ancienne gouvernante, devenue châtelaine dans la région. D'ailleurs, avant 14, on y faisait la noce, "comme à Montmartre, où l'champagne coule à flots", dans un coin surnommé pour cette raison "La Californie", à l'extrême Est du chemin et d'où l'on voit la plaine jusqu'à Reims. En partant de cet ancien haut lieu des guinguettes pour aller vers l'Ouest, vers la Picardie, la mélancolie suave des plateaux alterne avec la tranquillité réconfortante des bois, la perspective brisée des ravines ou, au contraire, le sentiment de la perte de vue qui donne envie de s'arrêter longuement et d'essayer de deviner les villages, les hameaux ou les simples fermes que masquent des arbres, un tertre, un reste de brouillard (ou un commencement).

Il me semble que l'enfilade des noms de ces gros et de ces petits bourgs produit des sonorités dont la diversité et les couleurs pourraient traduire en musique les nuances du paysage : Vendresse, Ostel, Chamoilles, Cuissy, Oulches, Hurtebise, Colligis, Soupir, Jumigny, Pont-Arcy, Dhuizel, La Poterie, Filain, Corbény, Blanc-Sablon... L'étendue de la plaine frappe, mais aussi l'arrondi des flancs de coteaux et, plus encore, un sentiment de solidité du paysage. Comme si la terre était, ici, plus dense, plus lourde, plus vieille qu'ailleurs. Comme si cette crête, entre le cours de l'Aisne et celui de l'Ailette, était dotée d'une quille qui lui assurerait une stabilité éternelle, à toute épreuve.

À toutes épreuves serait plus exact. Quand on pénètre dans les bois, on en aperçoit les traces : le sol est comme vérolé. Des cratères, plus ou moins larges, entre soixante centimètres et deux mètres, plus ou moins comblés par le temps, avec, entre eux, de minces langues de terre à peu près planes : on appelait ici "secteur calme" celui qui ne recevait que de 100 à 130 obus par jour. Quand il en tombait 5 000, comme le 1er mars 1918, ou 10 000, comme le 7 avril suivant, les communiqués militaires ne comportaient pas de mention spéciale. Chaque "secteur" était tenu par un bataillon : 800 hommes. La première nuit de l'offensive Nivelle ("Il n'y aura pas d'ennemi", confiait-il à Fayolle), des régiments entiers furent anéantis. ("La victoire est toujours plus certaine", commenta, au matin, le général qui était sorti de Polytechnique). Ce jour-là, le 16 avril 1917, il faisait un vrai temps de janvier : il neigeait.

Adieu, la vie ! Adieu, l'amour !
Adieu, toutes les femmes ...

On devrait apprendre la Chanson de Craonne dans les écoles :

C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés,
Nous sommes les sacrifiés.

Parmi ceux qui la chantaient, en mai, 3 426 soldats passèrent en jugement ; 554 furent condamnés à mort. On n'en fusilla que 45. Un film raconte l'une de  ces mutineries : Les Sentiers de la gloire, tourné en 1957 par Stanley Kubrick, grâce aux pressions de Kirk Douglas sur les Artistes associés. On ne put le voir en France qu'en 1975. Je ne crois pas que ce soit le spectacle des exécutions qui dérangeait, mais celui de la stupidité des généraux et de la veulerie de certains officiers. ("Il y a toujours pire que le bourreau, disait Mirabeau, c'est son valet"). Lyautey avait démissionné du ministère de la Guerre pour protester contre cette offensive. Elle s'étira jusqu'en août, bien que Nivelle ait été limogé le 30 avril.

L'un des endroits où j'ai cru saisir le mieux ce que vécurent ceux du Chemin des Dames n'est ni sur le plateau, ni dans les bois, ni au pied des falaises. Il est sous terre. Les Allemands l'avaient baptisé la "Caverne du dragon". Presque jusqu'à la fin de la guerre, ils logèrent trois régiments dans ces salles et ces boyaux creusés jadis par des carriers pour approvisionner en pierres les bâtisseurs de cathédrales. "Le Dragon" est aujourd'hui un musée et un sanctuaire. Des collectionneurs l'ont surabondamment pillé et appauvri. Le gardien était vieux : un ancien poilu. Aujourd'hui, il est jeune. Il a le cheveu ras, la coupe parachutiste : "Pour l'hygiène", m'explique-t-il. Tout à l'heure, il sera rejoint par un copain, civil comme lui, qui partage sa conception capillaire de cette vertu.

On descend un escalier de fer, on aperçoit une vaste grotte et le départ d'un large boyau. L'humidité vous tombe dessus, vous prend à la gorge ; dans la salle, à gauche, où le gardien-guide vous entraîne, elle est régulée par des appareils. C'est le musée à proprement parler. Y sont conservés toutes sortes d'uniformes, y compris les fameux à pantalons garance qui se détachaient si bien dans le paysage qu'ils faisaient les beaux jours des tireurs allemands. On les utilisa jusqu'à épuisement des stocks. Des fusils, des mortiers, des grenades, des masques, un autel portatif, des lettres dans une vitrine, des ordres du jour. Ce ne sont pas tant ces reliques qui impressionnent que l'idée que l'on ait pu vivre ici. Les tranchées - dont les conditions étaient pires -, c'est abstrait. Il faut imaginer l'immobilité, les pieds dans la boue ou dans l'eau, le froid, les obus, la nuit, la relève, le rata. Si l'on réussit à concevoir ce mélange, à le ressentir, il faut encore saisir la durée de cette géhenne, sa répétition, son absence d'horizon, son effrayante banalité et les habitudes de souffrance, d'humiliation, de précarité qui s'y installent. La grotte, elle, déclenche tout de suite le sentiment du piège, l'impression d'une réduction à l'état animal, la peur de l'enfermement, la conscience de ne rien savoir, d'être coupé de tout, d'avoir les yeux bandés. Sans compter l'odeur. "Ça sent les morts", a griffonné, sur le livre d'or placé à la sortie de la salle, une main d'adolescent en voyage scolaire. Ça sent plutôt la mort.

Encore faut-il avoir du nez. Ou du cœur. "Sommes passés ici. Agréablement surpris", écrit un couple de visiteurs qui croit utile de donner son adresse. "Une page de tourner [sic]", note un Perrichon. "Non à la guerre, oui à l'autodéfense !" Celui-là a cru penser et serait bien surpris si on lui disait la tournure obscène que prend sa proclamation dans un endroit pareil. Venue officiellement le 11 novembre 1992, la présidente écologiste de la Région Nord-Pas-de-Calais n'a pas débordé d'humanité : "14-18 : une boucherie", signé Marie-Christine Blandin. Au hasard des pages, des maladresses de gens sensibles, dont la plume paraît s'être étranglée : "Je ne dis rien pour le respect des hommes qui ont vécu ici. Je tiens juste à remercier les personnes qui entretiennent ce site". Ou ces quelques mots, comme un éclair de deuil et de pitié : "A la mémoire du soldat Mauguier."

Sorti de ce musée - et de nouveau happé par l'humidité -, on s'enfonce, "salle" après "salle", dans la profondeur de cette caserne-caverne jusqu'à perdre le sens de l'orientation et des distances. Des projecteurs de moyenne puissance éclairent les parois des grottes et le chemin. Soudain, le noir complet. La voix du guide avertit que c'est lui qui vient d'éteindre. C'est pour faire comprendre ce que ressentirent les poilus et les casques à pointe lors qu'ils se battirent à la baïonnette trois jours et trois nuits, dans l'obscurité, pour la conquête de cette tanière stratégique. La lumière revient. Le gardien, pas mécontent de son effet, en a profité pour prendre un air de chef et un masque grave. Il va faire la leçon aux deux visiteurs que nous sommes. Lui, mon colon, celle qu'il préfère, c'est la guerre de 14-18. Chaque fois que ce garçon de vingt-quatre ans livre un détail des conditions de vie au "Dragon", on sent qu'il pense que, dans ce temps-là, au moins, c'étaient des hommes. Nous voilà à la baignoire creusée dans la roche - la seule pour tous les occupants. La surface de son eau était couverte d'une épaisseur de plusieurs centimètres de poux, précise-t-il en surveillant si nos physionomies expriment le sentiment adéquat. Il ne cesse de débiter son commentaire, alors que tout, autour de nous, réclame le silence. Agacé, je lui laisse prendre de l'avance et je bourre ma pipe. La voix du gardien-­guide s'enfle et gronde: "On ne fume pas ici, monsieur ! Le respect, s'il vous plaît !" J'abdique et je rentre en moi-même...

Pourquoi cette visite aux morts, cette remontée dans l'Histoire ? Pourquoi cette étape dans le temps s'est-elle imposée à moi dès que j'ai commencé à songer à l'itinéraire de ce voyage ? "Parce que, me répondra demain le père Courtois à l'abbaye voisine dé Vauclair, parce qu'il y a davantage de parenté entre le mode de vie de l'homme du néolithique et celui du Français d'avant 14 qu'il n'y a de points communs entre la façon de vivre avant 14 et la nôtre. Et, plus encore, celle de vos enfants". Il a raison: je suis venu au Chemin des Dames m'imprégner de la conscience de cette étrangeté. Je suis venu voir l'un des endroits où a fini l'autre siècle, mais surtout où a disparu pour toujours "l'ancien temps", comme j'entendais nommer dans mon enfance le passé indistinct mais ininterrompu. "Dans l'ancien temps, on ne se lavait presque jamais", m'expliquait-on en me racontant le château de Versailles et sa faune de courtisans crasseux sous la poudre. "Léontine a fait une compote de lapin comme dans l'ancien temps", me promettait-­on, et je comprenais bien que cela voulait dire, dans la bouche de ma grand-mère, "comme je l'ai toujours vu faire", et non selon des règles remontant à Dagobert, qui, lui-même, occupait cette part de "l'ancien temps" où l'on mangeait avec ses doigts. Le temps de ma grand-mère, c'était un wagon accroché aux wagons de l'ancien.

Un temps où l'on commençait, sous la République, à goudronner des routes dont le tracé avait été inventé par les tribus de l'âge de la pierre, terrassé par les Gaulois et pavé sous un roi Capet, comme ce Chemin des Dames. Une telle continuité avait des raisons simples : le sentier de crête est sec plus tôt et plus longtemps, les brouillards l'abandonnent plus vite et il ne rencontre presque pas d'obstacles. Pendant des millénaires, les routes ont dû composer avec ce genre de données. Aujourd'hui, on construit une autoroute dont le parcours sort tout armé du crâne des aménageurs, des hommes politiques et, à un moindre degré, des ingénieurs. Leur tracé obéit à une logique économique et non géographique ; il se moque de presque tous les obstacles, sauf des vraies montagnes et, quelquefois, des associations d'habitants.

Ces routes-là n'ont pas d'histoire : elles ne recouvrent rien. Elles n'en auront jamais, puisqu'elles ne servent pas au voyage, activité pleine d'aléas et d'échanges, mais au transport, qui est tout de raison, de calcul et d'égocentrisme. Elles ne servent pas à pénétrer l'espace, mais à comprimer le temps. Elles ont si peu de rapports avec les pays, les terroirs qu'elles parcourent que les sociétés qui les gèrent adornent de plus en plus souvent leurs bas-côtés de vastes panneaux recouverts de pictogrammes. Ils informent le conducteur et ses passagers qu'ils traversent une région fruitière, qu'ils se trouvent dans une zone riche en monuments du passé ou même qu'un massif occupe l'horizon. Il ne s'agit ni d'une indication routière ni d'une incitation touristique : la distance à laquelle on se trouve de ce lieu vague n'est pas précisée, ni la sortie qui permettrait de l'atteindre ; son nom n'est plus mentionné. Il s'agit d'une information synthétique de substitution : ce que le contact avec le "pays" aurait pu nous enseigner - que l'on y cultive des mombrins, et que les mombrins sont des prunes, que l'on y faisait un pèlerinage à saint Polycarpe, qui est le patron des fondés de pouvoir, ou que La Fontaine y vécut un peu et y rêva souvent -, les panneaux nous l'indiquent, réduit à sa plus simple expression, dans cette novlangue internationale constituée de hiéroglyphes enfantins, pauvres comme des phrases types. Un contact de moins, un media de plus. Voilà l'un des abîmes qui nous séparent de l'homme de 14, dont il est encore possible de rencontrer quelques spécimens ou de les voir, le 11 Novembre, à la télévision : nous nous déplaçons beaucoup, mais nous savons rarement où nous sommes (Je ne m'énerve pas, je cherche à comprendre).

Un autre abîme, un gouffre plutôt, s'étend entre lui et nous : c'est ce qu'il a enduré. Nous en serions incapables. Physiquement. Il suffit de se planter aux bords de ce Chemin des Dames, par un après-midi de janvier sec et lumineux, couvert d'un équipement douillet, acheté naguère au Canada pour un voyage à la baie d'Hudson, et, en une demi-heure, l'évidence vous en saisit : nous mourrions d'épuisement s'il nous fallait supporter non pendant des jours, mais pendant des mois les conditions de vie qu'ont connues ces hommes. Les nôtres, celles que nous devons aux progrès fulgurants du confort et de l'hygiène, et à l'enrichissement de nos "trente glorieuses", les nôtres sont aussi incompatibles avec les leurs que si l'on nous envoyait sur Mars. Et si une inévitable nécessité nous obligeait à replonger dans ce monde où le froid empêchait que l'on lave le linge, car il gelait tout de suite, où l'on se frictionnait à l'essence pour éliminer le gros des poux, où l'on marchait les pieds à vif, chacun ne formant plus qu'une seule engelure, et le sac sur le dos, où l'on dormait dans des tranchées noyées, où l'on mangeait froid, mal et pas toujours, où l'on s'allongeait pour un peu de repos aux côtés de cadavres de plusieurs jours... si nous devions, hommes de cette fin de siècle, être tout à coup immergés dans un tel univers, nous ne trouverions pas en nous assez d'endurance pour lui résister. Ce que l'on appelait dans l'ancien temps "la peine", ce à quoi il convenait d'être dur, cela s'est infiniment éloigné de nous, et nous avons même du mal à imaginer de quoi il s'agissait. Les mineurs russes, les Roumains, les Albanais qui courent en vain après un salaire mensuel de 12 dollars, ceux-là comptent parmi ceux qui nous donnent une idée de ce que fut "la peine", mais, grâce à Dieu, nous n'en avons pas l'expérience et nous ne nous y sommes pas endurcis comme s'y était endurci ce peuple de paysans et d'ouvriers du début du siècle. Nous sommes un autre homme...

Je ne suis pas venu au Chemin des Dames seulement pour prendre la mesure de ce changement, je voulais aussi tourner autour d'un mystère que l'on nous enseignait au lycée : le jour de la mobilisation générale, le 1er août 1914, fut celui où l'unité nationale et la conscience de cette unité atteignirent le point le plus haut et le plus intense de toute l'histoire de France. Nous étions déroutés par cette affirmation, gênés. D'autant que notre professeur d'histoire, Michel Winock, ne pouvait passer ni pour un militariste, ni pour un patriotard, ni même pour un nationaliste. Nous étions heureux et fiers, à Versailles, ma bande de copains et moi, qu'il vienne de s'illustrer par la publication d'un livre sur la Commune, plein de sympathie pour ses acteurs. Si l'on nous avait demandé de choisir un nouvel hymne national, nous aurions sûrement élu Le Temps des cerises... Pourtant, nous qui ne nous privions pas de chercher dans Jules Romains l'inspiration du plus possible de facéties, nous qui admirions tout ce qui se moquait des corps constitués, nous - Daniel, le très antimilitariste fils d'adjudant, Henri, qui ne rêvait que d'amour et de montagne, Jacques, qui aurait voulu être Boris Vian, et moi, qui savais que je ne pourrais jamais être l'un des Frères Jacques -, nous, les quatre turlupins, au moment du rassemblement dans la cour d'honneur pour la cérémonie du 11 Novembre avec préfet, musique militaire et tout le tremblement, nous conspuions les "cornichons", tout fiers de préparer Saint-Cyr avec leur calot rouge et gris posé droit sur leur crâne passé à la tondeuse, mais, au moment de l'appel des morts, nous fermions nos grandes gueules. Et moi, je pensais au capitaine de chasseurs alpins Arsène Laurens, disparu à la bataille de Guise, le 29 août 1914, mon arrière-grand-père, le mari de la vieille dame qui aimait tant la lecture et qui, à l'époque où je passais mon bac, était veuve depuis un demi-siècle...

Mais ces morts de la der des ders ne nous émouvaient qu'une fois l'an. Ce n'est pas avec les questions qu'ils nous ont laissées que ma génération s'est dépatouillée. C'est avec celles de la guerre d'après, qui ne fut pas, à nos yeux, affaire de batailles, de stratégie, d'endurance, d'arbitraire hiérarchique et de fraternité dans la mouise, mais affaire de résistance, de choix, d'occupation, de secret, de torture, de délation, de persécution, d'idéologie. L'inventeur des Lieux de mémoire, Pierre Nora, marque en quelques mots la différence : la Seconde Guerre nous renvoie à des divisions entre Français ; la Première évoque l'union nationale autour de "la guerre du Droit" et de la reconquête des provinces perdues, d'abord, puis autour du deuil et de la souffrance de tous, mêlés, quand même, à la victoire.

En 14, on se savait Français. Quelques-uns pouvaient s'en ficher; d'autres, anarchistes, conchiaient l'idée de patrie, mais, en la mettant au premier rang de leurs cibles, ils reconnaissaient son importance. D'autres encore se déclaraient internationalistes prolétariens, mais, le jour venu de la guerre, tous se retrouvèrent à porter le drapeau. Madeleine Rebérioux, historienne très à gauche, l'écrit avec une tristesse visible : "Un vif amour, entretenu par l'école, pour la République porteuse de toutes les vertus avait préparé de longue date la perversion de la conscience de classe par la conscience d'appartenir à une nation si digne d'être défendue". La CGT accepte la mobilisation : "La classe ouvrière, dira le secrétaire de la Fédération des métaux, soulevée par une formidable vague de nationalisme, n'aurait pas laissé aux agents de la force publique le soin de nous fusiller ; elle nous aurait fusillés elle-même". Le secrétaire général du plus puissant syndicat se rallie à la guerre, et, à la Chambre, le communard Vaillant embrasse le versaillais de Mun. Ils ne s'adressaient plus la parole depuis quarante ans... Cela s'est appelé "l'Union sacrée".

À peine atteignait-il son apogée que ce sentiment national entamait sa disqualification et son effacement en engendrant mort et souffrance à une échelle inconcevable. Si nous sommes un autre homme que celui de 1914, nous sommes aussi une autre nation, ou plutôt nous sommes de moins en moins une nation. Le monde a changé de bases. La nation ni l'industrie n'en sont plus, et nous ne parvenons pas encore à comprendre, à deviner, à vouloir, à savoir ce qui va arriver et à en commencer les fondations. Avons-nous même une idée de ce que nous attendons ? Chacun vit replié sur son clan, sur sa petite patrie ou, parfois, sur lui-même. Nous éprouvons comme une sorte de mal de mer...

Peut-être, au fond, suis-je venu au Chemin des Dames faire (tardivement) mon deuil d'un univers auquel tant de liens, tant de réflexes même, m'attachent encore, et beaucoup d'autres avec moi. Arracher à ce qui n'est plus la permission d'en finir avec lui, lui payer le tribut de l'hommage pour m'en déprendre ...

Drôle de mouvement du cœur et de l'esprit, dans une société où les cimetières sont devenus aussi tabous et aussi infréquentables que les bordels du temps de la reine Victoria (Et ils sont plutôt moins fréquentés...). L'adieu aux morts, c'est une pratique de l'ancien temps. Peut-elle aider à s'en défaire, à en commencer un autre ? Encore faudrait-il savoir quel est mon dû à l'égard de tous ces jeunes disparus, et comment le leur rendre...

C'est Yves Gibeau qui me mettra sur la voie et me tendra de quoi éclairer mon chemin. Il est venu prendre sa retraite à trois pas du Chemin des Dames, lui dont la gloire littéraire, amplifiée par le cinéma, tient à un roman d'un antimilitarisme d'une précision clinique : Allons z'enfants. Nous sommes devenus camarades lorsque, après avoir connu trente-six métiers et un peu plus de misères, il terminait sa vie professionnelle comme correcteur de presse dans le journal où je débutais. Cet anarchiste mélancolique faisait respecter avec une intraitable douceur la seule loi qui ait jamais remporté son suffrage et recueilli son adhésion : la grammaire. J'aimais sa façon d'entrer dans mon bureau, ma copie à la main, affligé par une impropriété, ou pire, et empressé à me proposer une tournure irréprochable ou à m'en suggérer délicatement une autre, plus élégante. La langue était sa seule vraie patrie, son aimable religion. Je m'attendais toujours à l'entendre me parler comme la mère supérieure du Dialogue des carmélites à la novice Blanche de La Force : "Ce n'est pas la règle qui nous garde, c'est nous qui gardons la règle". Je filais doux : Gibeau est de ces instituteurs qui ne vous grondent jamais sans vous apprendre quelque chose, et il a tant vu, tant lu, tant entendu, tant connu de monde, de la NRF au music-hall, de la Série noire à l'Institut, du jazz aux plateaux de cinéma... "Des flâneurs salariés", disaient d'eux-mêmes les journalistes de son espèce... Pas très longtemps après sa retraite, il a mélangé du whisky, du bon, avec un tube de somnifères. Il devait avoir l'impression d'en avoir trop vu, trop lu, trop entendu, trop connu. Réchappé de justesse, il écrivit à ses amis un livre poignant, Mourir idiot, que ses lecteurs lurent comme on le fait d'une lettre.

Bien sûr, c'est Yves Gibeau qui m'a accompagné à la Caverne du Dragon, à Hurtebise, à l'ancien emplacement de Craonne, dont il ne reste rien, à son vieux cimetière, bouffé par une végétation rampante et grimpante. C'est lui qui m'a guidé à travers les champs de croix de bois ou de pierre, ou de dalles ovales fichées en terre et frappées du croissant islamique ou de l'étoile juive ("ici reposent 7 519 militaires..."). C'est lui qui m'a conduit jusqu'aux ossuaires ("ici reposent 2 354 inconnus..."). Tous ces morts, Gibeau en est inconsolable au point d'être venu leur tenir compagnie. À ses frais, près de La Ville-aux-Bois, il a fait ériger un monument à un seul d'entre eux, mais la perte de ce seul-là et le ton de l'inscription rendent sensible la perte de tous les autres et la jeunesse de ces vies brisées:

EN CE LIEUDIT

LE BOIS DES BUTTES

LE 17 MARS 1916 FUT BLESSÉ

GUILLAUME

APOLLINAIRE

1880-1918.

DIS, L'AS-TU VU GUI, AU GALOP

DU TEMPS QU'IL ÉTAIT MILITAIRE ?

DIS, L'AS-TU VU, GUI AU GALOP

DU TEMPS QU'IL ÉTAIT ARTIFLOT

À LA GUERRE.

Quand il a inauguré ce bloc de marbre gris avec le maire de la commune et quelques copains écrivains, Gibeau a cru devoir avertir une autorité départementale. L'autorité lui a répondu qu'elle le remerciait, mais qu'à son grand regret son emploi du temps ne lui permettait pas d'assister à l'inauguration de ce monument à Charles Baudelaire...

Pour soulever un poids si lourd,
Sisyphe, il faudrait ton courage !
Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage,
L'Art est long et le Temps est court.

Ces vers de l'auteur de Spleen pourraient figurer sur un monument à la victime inconnue de la sottise officielle. Ils pourraient aussi bien être inscrits au fronton du vieux presbytère où Gibeau accumule et classe méthodiquement tout ce qui peut rendre compte de la vie et de la mort des soldats du Chemin des Dames, pas seulement parce qu'il est inconsolable, comme je l'ai dit, mais aussi et surtout parce qu'il ne décolère pas.

Il ne décolère pas de la connerie étoilée des généraux qui, jusqu'en 1917, pendant près de trois ans, "dilapidèrent avec une folle prodigalité les ressources en hommes", selon l'expression de l'historien Philippe Bernard. Autant que la mémoire de ceux qui "tombèrent au champ d'honneur", c'est le souvenir de cette apothéose de l'idiotie arrogante et assassine que Gibeau veut conserver et transmettre. Pour un Gallieni, un Lyautey, un colonel Driant, combien de Nivelle, de Mangin, de Joffre ? "cette tête pensante de 'l'offensive à tout prix', imbécilement vénérée", s'exclame le vieil Yves. Agnostique, facilement anticlérical (le réflexe devant l'uniforme), Gibeau a un complice jésuite. Chaussé de Pataugas, vêtu d'une épaisse tenue qui pourrait être celle d'un chasseur, coiffé d'une casquette à oreillettes, le père Courtois déboule d'une baraque de chantier chauffée par un poêle à bois. Il habite ici depuis plus de vingt ans qu'il s'est consacré à dégager d'abord, puis à mettre en valeur les ruines de l'abbaye cistercienne de Vauclair. Pas de télévision, bien sûr, et pas non plus de téléphone. On lui laisse des messages au bistrot du bourg voisin. C'est son chien qui va les chercher. Autant de temps gagné pour se consacrer à l'histoire de l'ordre de Cîteaux, de son extrémisme bénédictin et de l'architecture à laquelle il donna naissance. Autant de temps pour raconter, par oral ou par écrit, ce que fut le Chemin des Dames. "Je veux absolument que vous le rencontriez", n'avait cessé de me dire Yves. "Entrez boire un coup", nous invite le père. Le côté droit de son visage est anormalement creusé. De l'un de ses yeux, sanguinolent, coule un liquide qu'il éponge de temps en temps avec un immense mouchoir à carreaux. "Il a eu un cancer, m'avait prévenu Gibeau, on doit le réopérer". Visiblement, il en faudrait davantage pour entamer la vitalité du jésuite ou pour tarir sa cordialité et sa verve. En un moment, il débarrasse sa table d'une profusion de papiers, de livres, de documents, de photos, jette deux bûches dans le poêle ("Ça pince, hein ?"), tire des chaises, dégage une bouteille de vin de derrière un carton d'archives, déniche trois verres, s'essuie l'œil, nous installe, remplit nos godets, lance la conversation ...

Sa colère prend une forme plus évangélique que celle de son compère. Son sujet de prédilection, c'est la vie et les souffrances des obscurs et des sans-grade. Il n'est pas jusqu'aux chevaux, dont 50 000 furent rassemblés au Chemin des Dames au moment de l'offensive Nivelle, auxquels n'aille sa pitié. Tantôt son érudition embrasse, tantôt elle détaille. Dreyfus, celui de l'Affaire, s'est battu ici. Et Teilhard de Chardin. De Gaulle également, pendant un an. Le jésuite aussi est plus que sévère pour les généraux et leurs séides. "Le 16 avril 1917, un colonel avait donné ordre qu'on emporte les instruments de musique pour jouer La Marseillaise de l'autre côté du Chemin des Dames, ce qui, selon lui, devait se produire avant midi". Son plus ferme plaidoyer est pour les mutins :

"Jamais les troupes de première ligne ne refusèrent de repousser un assaut allemand. Tout simplement, certains groupes ne voulaient plus monter en ligne pour des offensives nouvelles. 70 divisions, presque toutes d'infanterie, furent touchées. Les premières réactions de l'état-major furent typiques : au lieu de se remettre en cause eux-mêmes, dans leurs méthodes et leurs comportements à l'égard des hommes, certains généraux accusèrent d'abord la propagande politique, pacifiste ou socialiste, venant de l'arrière.

"Les vrais motifs étaient aussi évidents que simples : les hommes du Chemin des Dames en avaient assez des boucheries, des attaques improvisées et sans préparation qui ne servaient qu'à masquer l'absence de stratégie sérieuse. Leur révolte était le cri normal d'êtres humains que l'on avait poussés à bout, sacrifiés sans scrupule et traités comme du bétail. C'était un cri de dignité humaine poussé par des hommes qui furent tous de bons soldats et dont beaucoup avaient été héroïques au combat".

Gibeau aussi bien que le père Courtois, le père Courtois aussi bien que Gibeau collectionnent et font connaître les témoignages, les Mémoires, la correspondance, les thèses, les ouvrages d'historiens, les romans, les films qui mettent en lumière tout ce que des soldats, des sous-officiers, des officiers, des médecins-majors, des aumôniers militaires imaginèrent, osèrent, improvisèrent à leurs risques et périls pour atténuer les conséquences des décisions d'état-major. Un état-major de technocrates en uniforme, opposant aux rares hommes politiques qui prétendaient mollement les contrôler que nul ne saurait mieux savoir qu'un spécialiste. Des technocrates en uniforme se protégeant de la critique en invoquant l'héroïsme - des autres -, le sacrifice - des autres -, les souffrances - des autres. Il fallut quarante mois pour que l'on croie enfin que "la guerre est une chose trop sérieuse pour la laisser aux militaires" et pour qu'avec Clemenceau la conduite des affaires fût confiée à un "responsable" qui tienne la dragée haute aux joueurs de Kriegspiel. Ceux-là même dont les successeurs devaient se montrer incapables de voir venir et de préparer le conflit suivant, non par sympathie pour le national-socialisme, mais par les effets d'une incompétence cuirassée d'irresponsabilité.

À entendre cet incroyant et ce jésuite évoquer la mémoire de ceux qui ont été écrasés comme de ceux qui ne se sont pas laissé faire, on se prend à se demander si notre dette envers ces morts ne serait pas de commencer un siècle où cette incompétence irresponsable ne tienne plus le haut du pavé.

 

© Philippe Meyer, in Dans mon pays lui-même, Flammarion, 1993.

 

 

 


 

 

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Yves Gibeau (1916-1994)

 

 

Il me paraît utile, après ce moment de recueillement et d'émotion vraie, de proposer au lecteur un texte beaucoup moins grave, mais tout aussi percutant, du même auteur : le portrait terriblement acide mais si vrai de Dame Flocon, alias Marie-Ségolène....