Celui qu'on nommait affectueusement "Ponia", lui le descendant - entre autres prestigieuses généalogies - d'un maréchal de Napoléon Ier, avait commis en 1983, avec sa fougue et son panache habituels, un pamphlet contre Mitterrand et sa politique. En 1983 ! Deux ans seulement après l'accession au pouvoir du Florentin de Château-Chinon, il avait tout compris et tout anticipé (depuis, c'était hier, la France est passée de 54 millions d'habitants à 68, on se demande bien comment et pourquoi). Quel souffle et quels accents prémonitoires, quelle justesse de ton et quelle intelligence clairvoyante lui ayant permis d'embrasser en si peu de mots l'essentiel des éléments de la décadence française, ouverte avec l'arrivée des socialistes (?) au pouvoir !
Je le dis avec d'autant plus d'assurance que vient de paraître "L’Étrange suicide de l'Europe" de Douglas Murray qui décrit, entre autres, les dérives de l'anti-racisme et de la complaisance envers l'islamisme - encore un ouvrage à méditer ! - mais aussi parce qu'à l'instant même (30 avril, huit heures quinze), je viens d'entendre sur RTL un éditorial du dénommé Nicolas Domenach (qui ne serait guère plus que ce qu'il est, s'il n'était le fils de Jean-Marie Domenach), dénonçant d'une manière qui se voulait plaisante, mais en réalité infamante davantage que grinçante et insolente, la ZAD, la "zone à défendre" (la France) pour laquelle s'enflammeraient à tort les Zemmour, Finkielkraut, Polony, Rioufol et quelques autres, tous nommément accusés, sinon d'appartenir à la France rancie (autre saloperie que j'ai déjà entendue), du moins de sonner (à tort, bien entendu) le tocsin contre l'Islam [En réalité, Domenach entendait répondre ainsi au bloc-notes d'Ivan Rioufol qui, dans Le Figaro de vendredi 27, et sous le titre "La France est devenue une zone à défendre", commentait le livre d'Hervé Juvin "France, le moment politique", qui venait de paraître]. Alors, vais-je le traiter de "reptile répugnant" (joyeuseté de Thorez lancée à Léon Blum), ou de "conardissime" (amabilité de Vaillant-Couturier à l'égard du même Blum), ou encore de "chancre" (épithète d'André Marty - du fameux duo comique Marty-Tillon - pour gratifier le grand socialiste Jules Moch) ? Non, je me contenterai de le voir comme un méprisable clown, infect et médiocre.
Quant à Michel Poniatowski (1922-2002) : quel grand esprit intègre, intransigeant et courageux ! À (re)découvrir de toute urgence !

 

 

"Vous êtes Président des Français depuis assez longtemps pour, que l'on puisse déterminer le lieu géométrique de vos actes et de vos paroles, de vos démarches et de vos tentatives, de vos trouvailles et de vos expériences. Vous avez écrit, il y a vingt ans, contre le général de Gaulle, un livre que vous intituliez Le Coup d'État permanent. Ces termes sont de vous, on peut déjà vous les appliquer. C'est qu'en politique comme en économie, dans les affaires sociales comme dans la Défense nationale, dans vos rapports avec les corps de l'ֹtat comme dans la philosophie qui vous inspire, vous personnifiez l'erreur permanente.
Je vais démontrer tout cela, et que l'erreur, dans les affaires publiques, se dissimule sous les voiles du mensonge, et que l'écart constant qui vous sépare des réalités vous fait suivre un itinéraire divagateur. Si vous passez à l'Histoire, elle n'aura pas de peine à vous caractériser, comme elle sait le faire d'un trait : après Jean le Bon, Philippe le Hardi, Louis le Bien-aimé, nous aurons François le Sophiste". (Michel Poniatovski)

 

 

La France comprend un peu plus de 54 millions d'habitants, dont 450 0000 étrangers, sans compter les irréguliers et avec une évaluation très approximative des enfants qui leur naissent chaque année. Autrement dit un Français sur dix ne l'est pas.

Il ne s'agit pas là bien évidemment d'une remarque relevant du racisme propre à la gauche réactionnaire(1). Tous ceux qui connaissent la source et les origines de l'humanité savent à quel point les êtres humains sont unis et égaux dans leur commune origine. Mais ils sont divers aussi et le monde est riche de cette diversité. Chaque nation porte en elle une culture et une civilisation qu'elle a pour vocation de transmettre. Lorsque viennent se greffer sur elle d'autres cultures et d'autres civilisations en trop grand nombre, elle perd son identité, son originalité et, au lieu de s'enrichir, elle s'affaiblit et se paralyse au point de ne plus rien exprimer. La France, depuis un siècle, a reçu une constante immigration qui lui était nécessaire pour compenser la chute de sa natalité et les grandes pertes de ses guerres. Mais il s'agissait de populations européennes, proches d'elle par leur civilisation, leur religion et leurs origines : des Polonais, Italiens, Espagnols, Portugais, etc., qui se sont intégrés à sa culture sans problème devenant aussi bons Français que les descendants des Celtes, et de leurs envahisseurs, Latins, Francs, Goths, Wisigoths, Basques, Normands et Germains, auxquels ils se sont unis génération après génération.

Cette immigration séculaire compensait notre faiblesse démographique, sans créer de situation conflictuelle et en confortant notre héritage. De même que s'y intègrent sans vrai problème les populations des départements de la Réunion et des Antilles, dont les traditions, la religion, la culture sont, depuis trois siècles, marquées par celles de la France.

Mais, en revanche, depuis vingt ans et pour des motifs économiques qui n'existent plus(2), s'est développée une immigration africaine et maghrébine, notamment algérienne, dont la civilisation et la religion nous sont étrangères. Un peu, c'est bien, trop, c'est trop. Lorsque les mosquées commencent à pousser comme des champignons et que des populations entières ne parlent plus le français en France, c'est qu'il se passe quelque chose de malsain et qu'il y a là un problème. Le choc extérieur est trop fort, il ébranle. Les limites quantitatives sont atteintes au-delà desquelles la communauté est touchée dans sa nature.

Ce n'est ni l'Algérie, ni les Algériens qui sont en cause, mais l'existence en France d'une population étrangère non assimilable(3). La loi coranique est un code de vie, de morale, et aussi un code social et même sanitaire. Il interdit en pratique le mariage avec des non-musulmans. Les risques sont réels de voir se développer des conflits de plus en plus graves entre cette catégorie d'étrangers, la seule qui pose véritablement un problème, et la collectivité nationale. Dans dix ans le danger sera plus grand encore d'affrontement avec une minorité agissante et importante, psychologiquement barricadée en elle-même. Le gouvernement Barre avait sagement pris des mesures pour réduire le nombre des Algériens. Cela consistait à ne pas en admettre de nouveaux et à inciter au départ, dans des conditions avantageuses d'ailleurs, une partie de ceux qui se trouvaient en France. Ces mesures fondées sur une logique simple avaient été acceptées par l'Algérie lors de l'accord du 18 septembre 1980 : 35 000 Algériens devaient rentrer chez eux chaque année.

Le gouvernement Mauroy négligeant cet accord a régularisé la situation de 150 000 travailleurs(4) entrés illégalement en France. Le résultat est que de nouveaux irréguliers sont venus en foule se faire régulariser. Manque de jugement caractérisé. Vous avez rendu inopérant l'accord du 18 septembre 1980, et les départs prévus n'ont pas eu lieu. Puis vous vous êtes aperçu que le chômage augmentait et que les Français toléraient de plus en plus mal l'excès d'immigrés non européens. L'on a alors brusquement réglementé leur entrée en exigeant, pour les Maghrébins en visite, la présentation du billet de retour et un certificat d'hébergement.

Enfin on se décidait à agir avec bon sens ! C'était trop beau pour être vrai. Le certificat d'hébergement a été supprimé pour ne pas faire de peine au président Chadli. Ces temps derniers, vous venez de nouveau et encore de changer de politique. Vous contrôlez la porte d'entrée mais sans montrer la porte de sortie.

Monsieur le Président, ce faisant vous prenez une grande responsabilité. Le monde, dans vingt ans, comptera 6 milliards 200 millions d'êtres, soit 2 milliards de plus. La population de l'Europe sera stable. Toute l'expansion démographique mondiale se fera dans les pays en voie de développement, et nous serons à côté d'une des zones de plus forte pression, de plus forte progression des naissances : l'Afrique. Si des mesures ne sont pas prises maintenant, immanquablement par la force, le chantage, la violence, nous serons infiltrés, pénétrés, envahis et nous aurons perdu la seconde bataille de Poitiers. Voulez-vous laisser s'organiser en France une minorité de type palestinien ? Treize siècles de guerre, la puissance, la gloire, une des plus grandes civilisations de l'histoire n'auraient donc servi de rien et s'en iront avec les cendres de l'histoire et le corps mutilé de la France ?

Pour expliquer votre hésitation, que j'espère provisoire, vous avez prétexté la baisse démographique que j'ai évoquée. Mais qui porte la responsabilité de cette baisse précipitée ? Votre désastreuse politique familiale ! Elle n'a pas été longue à porter ses fruits négatifs : remboursement de l'avortement, suppression de la prime à la troisième naissance, plafonnement du quotient familial, et puis les incitations antinatalistes diffusées à la télévision, placardées dans le métro, sur les murs des villes, ont eu pour conséquence le baby-plouf de 1983. Le taux de natalité baissait de 3,6 % en janvier, de 6 % en février, et de 11 % en mars. Obéissant ainsi à Pierre Mauroy qui déplorait que les femmes eussent fait trop d'enfants dans la période d'après-guerre.

Le socialisme international ne peut, c'est vrai, avoir le même sens des responsabilités que des partis politiques attachés à faire de la France un beau et grand pays, mais la seule considération du bourbier économique, où vous nous avez jetés, aurait dû vous dissuader d'en faire un pays sous-peuplé. Comment vos successeurs paieront-ils les retraites dont vous avez avancé l'âge ? C'est l'un de vos plus parfaits chefs-d'œuvre d'incohérence. Vous qui prétendiez incarner les idées de progrès et de jeunesse, vous faites de la France un pays de vieux et de vieux nécessiteux, que les générations à venir ne seront plus capables de nourrir, auxquels il ne restera ni la paille ni le grain.

Nous avions, jusqu'ici, un des systèmes de soins les meilleurs du monde. Puis Ralite vint, un communiste, inutile parasite de votre système politique, dont nous reparlerons plus loin. Il a eu le temps de faire d'innombrables dégâts avant de passer dans un autre stand de tir : suppression du secteur privé des hôpitaux, menaces sur l'Ordre des médecins, menaces sur les cliniques privées, diplôme octroyé aux étudiants en médecine à l'ancienneté, trois examens ratés valant un examen réussi, professeurs de médecine désignés au suffrage et non à l'excellence du savoir... Ce Diafoirus marxiste a réglementé la santé à coups de clystère de telle façon que les malades soient soignés dans les formes socialistes. Ralite était allé trop vite, il a fallu reculer sur plusieurs des réformes qu'il proposait. Mais la confiance est sérieusement entamée. Vos ministres vivent tous avec une illusion d'optique. Un de ces mirages d'eau sur le sable où viennent se dessécher et mourir les espérances abusées et les ignorances trop confiantes.

 

Notes

 

(1) Au parti communiste, par exemple, qui à la Noël 1980, détruisait le foyer d'immigrés de Vitry-sur-Seine.
(2) Ces motifs ont existé un temps afin de soutenir notre compétitivité à l'égard de nos grands concurrents étrangers.
(3) Proportionnellement à sa population, la colonie algérienne est le plus important fournisseur des prisons et des hôpitaux.
(4) Chiffre officieux, le gouvernement se refusant à publier les chiffres réels.

 

"Il y a des règnes ou des présidences dont il faut attendre l'achèvement pour les juger. Je ne pense pas que, dans votre cas, ce soit nécessaire. Pour économiser ma peine, je préfère, dès maintenant, me livrer au dénombrement de vos erreurs car, si j'attends encore, il me faudra un ordinateur.
Mais voici que je m'interroge : ce grand ravage des structures de notre pays n'est-il qu'une erreur, n'est-il pas aussi volonté de détruire, pour imposer le songe fiévreux qui vous possède de passer à l'Histoire contre le goût et contre la volonté de la majorité des Français ? À partir d'un certain âge, la gloire s'appelle revanche [Georges Bernanos, in Le chemin de la croix des âmes]. N'en êtes-vous pas là ?"

 

© Michel Poniatovski, in Lettre ouverte au président de la République, Albin Michel, 1983, chapitre XIII.

 

 


 

 

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