Thèse

Présentée à la Faculté de Théologie protestante de Paris
pour obtenir le grade de Bachelier en théologie
et soutenue publiquement le 30 mars 1900, à 16 heures,
par

Léonce GOUNON

[suite]

 

 

SECTION II - PÉDAGOGIE DIVINE DANS LE NOUVEAU TESTAMENT

 

CHAPITRE I - La nouvelle Alliance ou Révélation de Dieu en Jésus-Christ.

 

Nous disions, à propos de l'alliance conclue par Dieu avec son peuple par l'intermédiaire de Moïse au Sinaï, que la reconnaissance de Dieu comme Jahveh était intimement liée à la constitution d'Israël en nation.

"Maintenant, dit l'Éternel à son peuple, si vous écoutez ma voix et si vous gardez mon alliance, vous m'appartiendrez entre tous les peuples, car la terre est à moi ; vous êtes pour moi un peuple de prêtres, une nation sainte" (Exode, 19, 5)(1).

Cette alliance est gratuite ; elle est le fruit de l'initiative divine ; elle revêt en outre un caractère paternel : Dieu est le père, Israël l'enfant(2). Ce lien est représenté encore sous l'image poétique d'une union conjugale. Israël est l'épouse, hélas ! trop souvent infidèle.

Enfin, l'alliance a un caractère collectif ; elle concerne Israël en tant que peuple ; on y participe par droit de naissance.

Tous ces traits, sous lesquels l'alliance nous apparaît, emportent avec eux, de part et d'autre, leurs conséquences.

Du côté de Dieu ils impliquent l'autorité, la toute-puissance. L'alliance suppose la théocratie, mais en même temps ces traits manifestent l'amour de Dieu pour son peuple, sa fidèle et inépuisable bonté, tous les trésors de sa providence et de sa sagesse. Du côté d'Israël la nature et les clauses de ce contrat postulent l'obéissance, la docilité, la reconnaissance, l'amour.

Tout est donc bien prêt, Israël ne saurait être insensible à cette sollicitude que Dieu lui témoigne en préparant ainsi le chemin dans lequel doit marcher le peuple qu'il s'est choisi et en le mettant à part pour être la lumière dont parle le prophète et qui devait consumer les nations rebelles(3).

Il y avait, dans cette dilection toute particulière, la matière et l'occasion d'un développement remarquable qui pouvait conduire, sans heurt et sans secousse, à la nouvelle alliance fondée par l'Évangile.

Mais, là encore, la dureté du cœur humain s'oppose aux plans d'amour du Créateur.

Israël accepte l'alliance ; mais, au lieu de s'en emparer comme d'un moyen suprême de reconnaître la dilection divine dont il est l'objet et de réaliser au sein du monde sa sublime vocation, il s'en fait un privilège dont il tire vanité. L'idée contenue dans cette parole : "Vous êtes pour moi une nation sainte, un royaume de prêtres", devient le prétexte d'un misérable orgueil national et d'un cléricalisme déprimant. La piété se pétrifie, pour ainsi dire, dans un formalisme stérile. Bien plus, l'épouse aimée de Jhaveh se prostitue, oublieuse de sa dignité et de l'insigne faveur dont elle a été l'objet. Par un juste effet de cet affaissement moral, le peuple élu rabaisse à son niveau les intentions paternelles de son Dieu. L'oint de l'Éternel, dont les prophètes ont parlé, n'est plus, pour lui, ce roi divin qui doit gouverner un royaume idéal d'où les imperfections de ce monde auront disparu ; c'est un monarque, issu de la lignée royale de David sans doute, mais revêtu d'une puissance et d'une gloire toute terrestres qui fera triompher, parmi les nations, la cause d'Israël et servira ses ambitions.

Israël orgueilleux, indocile, méconnaissant l'amour et les intentions de l'Éternel infiniment élevées au-dessus de ses rêves de domination terrestre, sort donc des conditions de l'alliance.

Il s'exclut lui-même de ce glorieux privilège dont Dieu voulait le doter.

Le contrat est formel et Dieu, qui n'est pas un homme pour mentir ni un fils d'homme pour se repentir, devant l'ingratitude de cet Israël selon la chair, va tenter le suprême effort que réclame son inépuisable patience et se choisir un Israël selon l'esprit, un peuple de franche volonté : "cette crise était nécessaire pour que de la gangue brisée sortît le diamant pur. Il fallait que la nationalité hébraïque périt, et sans espoir de retour, pour laisser enfin apparaître, sous l'enveloppe juive, la conscience humaine, libre et une devant Dieu. Une fleur divine était dans le prophétisme ; mais la fleur serait une parure stérile s'il ne se formait dans son calice une graine féconde. La transformation de la piété des prophètes en une création purement morale et en une alliance vraiment nouvelle avec Dieu fut l'œuvre du Christ. Voilà pourquoi Jésus était bien celui qui devait venir, celui que les prophètes désiraient et attendaient sans le bien connaître et en qui s'achève, au profit de l'humanité tout entière, le développement religieux d'Israël. Toute cette histoire aboutit à Jésus. Hors de lui, l'inspiration des prophètes se meurt dans le rabbinisme talmudique ou s'égare dans la folie et le délire des apocalypses. Épuisé de toute manière, le judaïsme se dessèche et se flétrit, après avoir enfanté l'Évangile, comme une plante qui a donné son fruit et dont la saison est passée"(4).

En ceci éclate donc la continuité de l'action divine et se manifeste clairement le lien perçu par la foi entre le Nouveau Testament et l'Ancien, à savoir que le Nouveau Testament nous retrace le tableau du renouvellement de l'alliance antique et périmée en plaçant devant nos yeux le tableau d'une nouvelle alliance établie sur des bases plus larges. Les limites du particularisme juif, déjà singulièrement reculées par les derniers prophètes qui, se fondant sur les clauses mêmes du contrat passé entre Jahveh et son peuple, avaient annoncé que le salut serait offert aux nations(5), ces limites sont décidément franchies, et c'est désormais sur la conscience religieuse individuelle que l'initiative divine va entreprendre.

Le peuple auquel désormais Dieu veut s'unir doit être un peuple de franche volonté, un peuple d'individus, de personnalités libres et personnellement responsables.

Il ne saurait plus être question de se retrancher derrière la collectivité et d'esquiver l'obligation morale en se réclamant d'un privilège national(6).

Non, dans cette économie nouvelle, fondée sur la terre par Jésus-Christ et que les évangiles appellent du beau nom de Royaume des Cieux, on n'entre pas par droit de naissance, ou, du moins et pour employer le langage évangélique, on n'y parvient que par une nouvelle naissance, la naissance d'en haut(7).

C'est la volonté libre qui se trouve maintenant engagée.

L'envoi de Jésus-Christ dans le monde marque donc bien le terme de l'évolution que nous avons suivie dans l'Ancien Testament, car ce n'est plus seulement le résultat de l'action de Dieu que nous saisissons en Jésus-Christ, mais cette action elle-même.

Tandis que dans l'Ancien Testament nous n'avons pu que constater une évolution dont la cause ne nous était connue que par cette évolution elle-même, dans le Nouveau Testament, du moins dans les récits qui nous présentent l'activité et la personne même du Sauveur, nous saisissons la révélation de Dieu elle-même :

"Jésus se sentait avec Dieu dans une relation filiale et il sentait Dieu dans une relation paternelle avec lui. Le nom de père, nom constant, unique, exclusif peut-on dire, qu'il donne à Dieu, et celui de fils qu'il prend pour lui-même, le genre de son adoration, la forme de sa prière, le mobile de son obéissance dévouée et confiante jusque dans la mort, la manière dont il accomplit ses guérisons, salue les premiers succès de sa parole, accepte l'échec apparent de son œuvre et explique l'incrédulité de son peuple, tout dénonce, manifeste et confirme cette relation intime, cette communion et cette union d'esprit par laquelle le père prolonge sa vie dans celle de l'enfant et l'enfant se sent vivre de la vie de son père"(8).

Par cette communion, en effet, Jésus se trouve participer de l'action de Dieu et il s'identifie à tel point avec elle qu'il peut dire : "Celui qui m'a vu a vu le Père, car je suis dans le Père et le Père est en moi". Dans ce sens, et au point de vue auquel nous nous plaçons ici, Jésus est bien le chemin, la vérité et la vie et il peut ajouter : "Nul ne vient au Père que par moi"(9).

 

La question posée à l'humanité en Jésus-Christ.

 

Nous estimons qu'il n'entre pas dans notre sujet de discuter le mode de révélation de Dieu en Jésus-Christ. Il nous suffit de poser que l'œuvre et la vie même du Christ, organe ultime de la révélation(10), sont une question placée devant la conscience humaine(11), question à laquelle celle-ci doit répondre.

Et tout d'abord, nouvelle marque des rapports que soutiennent entre eux l'Ancien et le Nouveau Testament, Jésus déclare expressément qu'il n'a pas que des choses nouvelles à donner : "Je ne suis pas venu pour abolir, dit-il, mais pour accomplir"(12). Il se rattache donc au passé juif. Les prescriptions légales ont été observées à son égard dans son enfance ; il fréquente les synagogues et y prend la parole ; lui-même, dans plusieurs de ses entretiens, présente la loi comme quelque chose de sacré et de bienfaisant(13). Cette expression : "la Loi et les Prophètes", revient souvent sur ses lèvres. Selon lui, la loi subsiste et il n'en disparaîtra pas un seul iota ni un seul trait de lettre que tout ne soit accompli(14).

En associant ainsi ces deux facteurs pédagogiques, la Loi et les Prophètes, qu'il emprunte à un passé auquel il se réfère, Jésus montre qu'il y a en eux des ordres à exécuter et des vues d'avenir. C'est bien, pour lui, l'expression de la révélation de Dieu au sein du peuple d'Israël ; cela, il ne veut pas le détruire.

Mais ce qu'il vient faire, c'est éveiller la perspicacité de ses contemporains, c'est attirer leur attention sur des choses qu'ils ont cru comprendre et dont ils n'ont saisi que la lettre, les contours extérieurs. Ce qu'il vient apporter, c'est un esprit nouveau, des lumières nouvelles, des vues plus élevées.

Il vient au temps marqué par Dieu(15) et son attitude vis-à-vis des cérémonies et des usages prescrits par la piété juive (le sabbat : Luc, 6, 5, et parall., - le jeûne : Math., 6, 6, 17, 18, - la pureté légale), la manière dont il parle de sa propre autorité (Math., 5, 39, 44), tout cela constitue essentiellement un appel, une question posée à la conscience de ses contemporains comme à celle de tous ceux qui, dans tous les temps, se trouvent placés en face de sa propre conscience.

Nous le voyons donc maintenant, la révélation de Dieu en Jésus-Christ surpasse, en les continuant, c'est-à-dire conduit à leur terme le plus élevé, les révélations précédentes, car dans la personne de Jésus-Christ, en regard de la révélation parfaite de Dieu, l'homme idéal, l'homme normal, avec toutes les puissances qui sont en lui, actuellement réalisées dans un type, se révèle aussi à l'homme.

C'était déjà beaucoup que Dieu eût manifesté à son peuple, par l'organe de ses saints et de ses prophètes, les voies de la justice et de la sainteté, et qu'il eût déroulé devant ses yeux les perspectives de ses destinées glorieuses. Son infinie sagesse y pouvait trouver une légitime satisfaction. Mais c'était trop peu pour son profond amour. II faut que l'homme, dont le regard ne peut plus, du sein de l'abîme où l'ont plongé ses fautes, rencontrer le regard de son Créateur et embrasser, du même coup, ces hauteurs vertigineuses vers lesquelles tout en lui devait le pousser, il faut que l'homme puisse encore contempler, comme face à face et à sa portée, réalisées dans un être semblable à lui en tout, hormis le péché, cette justice et cette sainteté pour lesquelles il était fait.

Bien plus ! il faut que cet homme type, cet être idéal, par un amour incommensurable entre en contact avec l'humanité égarée, vive de sa vie, souffre ses souffrances, connaisse, sans en être diminué, ses abaissements et ses tentations, meure enfin d'une mort humaine, pour que, comme point de départ et comme ressort secret de cette ascension à laquelle l'homme est enfin personnellement sollicité, se pose une force nouvelle, victorieuse de l'inertie héréditaire des fils d'Adam, la communion de l'homme avec Dieu son père en Jésus-Christ.

Maintenant que nous avons vu et saisi la question posée à la conscience religieuse de l'humanité par Dieu en Jésus-Christ, voyons l'impression produite par la rencontre de la personnalité du Maître avec la conscience de ses contemporains, la réponse qui est faite à cette question vivante.

Nous aurons ainsi un schéma exact et complet de ce qui doit se passer dans toute âme d'homme placée dans les mêmes conditions. Ce sera l'objet de notre dernier chapitre.

 

CHAPITRE II - Réponse des témoins de Jésus-Christ.

 

Avant la venue du Christ, les notions de justice et de Royaume de Dieu sont déjà des notions courantes, mais distinctes et séparées. Il en était ainsi pour Paul alors qu'il était encore Paul de Tarse(16) ; or, rien ne nous dit qu'il fût une exception ; il devait y avoir des Juifs dans les mêmes conditions que lui.

La justice était envisagée surtout comme la justice qui vient de la Loi. Or on sait à combien de minuties et d'observances cette loi astreignait ceux qui voulaient en être les fidèles observateurs ; d'où le danger, presque inévitable, du formalisme le plus étroit.

Quant au Royaume de Dieu, c'était, pour la plupart des Juifs de cette époque, quelque chose qui ne dépendait en rien des hommes, du moins quant à son avènement. Il devait arriver du ciel par quelque crise éclatante ; c'était l'affaire de Dieu ; il n'y avait qu'à attendre !

Jésus paraît. Le fond de son enseignement est de montrer qu'il y a, entre la justice et le Royaume de Dieu, un lien étroit. C'est par la justice que ce Royaume doit être réalisé(17).

Et ce terme de justice représente pour nous, dans l'esprit de Jésus, la moralité absolue, désintéressée, l'amour de ce qui est bien, vrai, indépendamment de toute considération extérieure qui en diminuerait la valeur. De la Loi, qui est un moyen d'éducation en vue de cette justice, Jésus fait surgir le devoir et dépasse ainsi la notion juive d'une transaction en dehors de laquelle l'homme ne devrait plus rien à Dieu.

Ce devoir est illimité, c'est-à-dire qu'il engage la responsabilité de chacun et intéresse toutes les activités supérieures de l'être. Le reconnaître pour ce qu'il est véritablement doit être la préoccupation principale.

L'attitude des contemporains de Jésus est celle de gens qui ne veulent pas être importunés par une vue nouvelle des choses qui solliciterait leur activité la plus profonde et la plus soutenue. Jésus constate cette hostilité et la fixe en de nombreuses figures : il représente le mauvais vouloir et l'incapacité morale d'Israël sous l'image du figuier stérile, du serviteur qui n'attend plus son maître, des vierges folles, etc.

Mais Jésus est mis en quelque sorte au défi ; on lui demande des signes de la grandeur de son rôle. Il refuse, et ce refus est encore un appel au discernement, une incitation à voir en lui, dans sa personne, dans son caractère, le signe par excellence.

Tous ses actes, toutes ses paroles ont ce sens profond : éveiller la perspicacité de ses contemporains, les pousser à discerner en lui celui qui est le terme de la révélation de Dieu dans l'humanité, le fondateur véritable du Royaume de Dieu ici-bas, l'initiateur d'une économie nouvelle, d'une religion en esprit et en vérité.

Il semble que Jésus ait échoué, et cet échec apparent peut faire croire à ses ennemis que son œuvre a été vaine. Il s'est trouvé des hommes qui ont pris en pitié ce rêveur inoffensif, ce généreux utopiste. Mais qu'importe tout cela pour Jésus ? Il sait au nom de qui il a agi et parlé ; il sait que le germe vivant qu'il a déposé au sein de l'humanité porte en lui la puissance qui doit briser les cœurs les plus rebelles ; que le devoir de rentrer dans l'ordre, de renoncer à soi-même et à sa propre justice, malgré son caractère austère, ou plutôt en vertu même de ce caractère, n'a besoin que de se présenter une fois aux regards dessillés de l'homme intérieur pour se faire accepter et pour devenir un principe d'activité, de vie supérieure.

II accepte donc comme une nécessité, issue de l'attitude même de ses contemporains, les souffrances et la mort, afin que, par l'exemple de sa fidélité et de son obéissance parfaite, par son triomphe définitif sur le péché, l'humanité rebelle connaisse qu'en lui se réalisent les vues paternelles que Dieu avait permis à ses prophètes d'entrevoir.

Cependant, du sein de la multitude hostile, quelques hommes au cœur droit et revêtu d'humilité sont sortis. Ils ne se sont pas laissés arrêter par les difficultés premières, ils ne sont pas entrés, avec Jésus, dans des discussions subtiles et oiseuses ; ils se sont simplement laissés toucher par la douceur, l'urbanité du Maître et aussi par ce quelque chose d'ineffable qui se dégageait de sa personne. Ils l'ont suivi, s'en remettant à lui et aux expériences à intervenir pour faire jaillir, sur leurs impressions premières, la lumière éclatante de la foi dont ils avaient déjà en eux comme l'aurore et les promesses.

Puis, lorsque, par une expérience suprême, ils ont senti grandir en eux, selon la mesure de leur foi, le lien filial qui les unissait à Dieu en Jésus-Christ ; lorsque "des régions basses de l'égoïsme et de l'orgueil ils se sont élevés à la région supérieure de l'amour et de la vie en Dieu ; lorsqu'ils eurent trouvé, dans cette conversion profonde, avec le pardon et l'oubli de leur vie passée, le germe et l'espoir d'une vie plus haute et plus parfaite"(18), ils ont éprouvé l'impérieux besoin de rendre témoignage à Jésus-Christ, le promoteur de cette œuvre de salut.

Ceux-là sont donc véritablement les témoins de Jésus-Christ qui, à la question posée à la conscience humaine par Dieu en Jésus-Christ, ont répondu par des témoignages inégaux en valeur sans doute, mais enfin ont répondu, comptant sur l'Esprit Saint dont le Sauveur leur avait promis une abondante mesure, pour achever en eux, et par eux dans le monde, l'œuvre salvatrice commencée par l'initiative divine.

II nous est impossible d'entrer dans l'examen détaillé des témoignages qui nous ont été conservés dans le corps des écrits du Nouveau Testament. Il nous faudrait faire appel à l'exégèse et aux questions d'introduction, constituer toute une étude ressortissant à la théologie du Nouveau Testament, en un mot nous entourer de toutes les lumières et de toutes les garanties dont l'ensemble excéderait, et de beaucoup, les limites de notre travail et peut-être de nos forces.

Aussi bien, ce travail a été fait, et nous ne ferons qu'invoquer, en leur donnant, autant que possible, une tournure personnelle, les résultats des travaux d'hommes plus autorisés que nous en la matière.

Tous les écrits du Nouveau Testament sont, à quelque degré, des témoignages rendus à la personne et à l'œuvre de Jésus-Christ. C'est même là la raison première de leur composition et ce qui en fonde pour nous la valeur religieuse.

Mais ici encore nous nous heurtons à une grave difficulté. À moins, en effet, de fermer obstinément les yeux devant l'évidence, il nous faut bien reconnaître que ces écrits n'ont pas tous la même valeur religieuse, ou plutôt, pour ne pas préjuger la question, qu'il y a, entre les témoignages qu'ils renferment, des différences considérables et incontestables. La réponse des premiers disciples de Jésus, par exemple, n'est pas la même que celle que nous a laissée l'apôtre Paul et celle-ci, à son tour, la même que celle qui nous a été conservée dans les écrits johanniques. Comment expliquer cette diversité ?

Pour l'Ancien Testament nous avons bien pu invoquer le caractère évolutif de l'action de Dieu et admettre que, si les réponses n'avaient pas la même valeur, c'était que la question elle-même variait selon une gradation voulue ; mais ici nous ne saurions faire appel à une telle explication, puisque nous avons constaté nous-mêmes que désormais l'action divine est immuable, que Dieu a posé définitivement la question suprême à l'humanité en Jésus-Christ.

Il nous faut chercher ailleurs l'agent qui nous rendra compte à la fois de l'unité et de la diversité des témoignages évangéliques, le critère qui nous servira à en contrôler la valeur.

Et d'abord, que réclame Jésus de ses disciples ? Est-ce un enseignement tout fait dont il importait que les moindres détails fussent reproduits dans leur enchaînement logique qu'il est venu apporter ? A-t-il jamais, comme un catéchiste moderne, donné une formule invariable pour répondre à la question qu'il posait lui-même ? Écoutez plutôt ce qu'il dit au jeune homme riche qui lui demandait ce qu'il devait faire pour avoir la vie éternelle !

Ce qu'il veut, ce n'est pas une réponse mécanique et stéréotypée, ce n'est pas une adhésion à une doctrine quelconque ; c'est susciter une initiative, une activité de la conscience, c'est amener à la confiance en lui ; en un mot, faire naître la foi dans le cœur de ses auditeurs.

Mais qui dit foi dit phénomène essentiellement subjectif. C'est une erreur trop commune hélas ! que de s'imaginer que la foi est l'adhésion à une doctrine quelconque, voire même à une tradition, si vénérable soit-elle. Elle est quelque chose d'autrement profond et d'autrement vital que tout cela, elle est le rapport lui-même qui unit le croyant à Christ et par lui à Dieu(19). Mais ce rapport suppose au moins trois états antérieurs et successifs qui le conditionnent et par lesquels seuls nous pouvons le constater chez les autres : 1° Une certaine connaissance de l'objet par le sujet ; 2° la conviction profonde que cet objet possède la vérité ; 3° une absolue confiance en lui.

Dès lors nous pouvons comprendre facilement les inégalités de valeur des écrits du Nouveau Testament par le degré plus ou moins grand, non pas de conviction ou de confiance, mais de connaissance qu'a eu l'écrivain sacré.

Pourquoi se le dissimuler ? La foi, elle aussi, comme d'ailleurs tout ce qui est vivant, est soumise à une sorte d'évolution(20).

Mais cette évolution a ceci de particulier qu'elle embrasse non le fond, mais la forme de la foi : en d'autres termes, la connaissance de l'objet peut évoluer, mais la confiance qui lui est accordée demeure immuable, car, à moins de tomber au rang de simple croyance intellectuelle, elle est absolument ou elle n'est pas du tout. Nous devons toutefois à la vérité de dire que, bien que toujours identique à elle-même quant à sa substance, cette confiance peut néanmoins, lorsqu'on l'examine du dehors, varier de qualité. Supposons, en effet, un homme qui a confiance à un de ses semblables qu'il connaît peu ou qu'il connaît mal. Il est évident qu'une telle confiance sera de qualité inférieure à celle qui sera accordée en parfaite connaissance de cause à un objet parfaitement connu.

Eh bien ! nous croyons que tous les auteurs évangéliques ont eu la même confiance absolue en Jésus. Ce qui a varié chez eux et ce qui les différencie, c'est la connaissance qu'ils ont eue de la personne du Maître, c'est la compréhension de la question qui leur était posée.

Mais la constatation des faits nous montrera, bien mieux que toutes nos affirmations, ce genre particulier d'évolution de la foi qui va des premiers disciples du Christ à saint Jean en passant par saint Paul.

C'est le livre des Actes qui nous fait assister à la naissance de la foi. Ou plutôt, non ; car, avant l'effusion du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte et la fondation de l'Église, des hommes s'étaient déjà trouvés en présence de Jésus et avaient cru en lui.

C'est l'écho de leur foi que nous ont conservé, en même temps que la personne historique du Maître, les trois premiers évangélistes.

Le but de ces auteurs, il est vrai, est bien plus de nous présenter Jésus tel qu'ils l'ont vu que tel qu'ils l'ont senti, en sorte que leur intérêt est beaucoup plus historique que didactique ou apologétique. Néanmoins, l'histoire n'étant, comme on l'a dit avec raison, qu'une traduction des faits par l'historien, nous pouvons, dans une certaine mesure, nous rendre compte de l'impression que produisit Jésus sur ses premiers disciples.

Ce qui nous frappe tout d'abord, c'est leur caractère foncièrement juif qui les a toujours empêchés de voir Jésus autrement qu'à travers leurs préjugés populaires. C'est ainsi que la principale cause, sinon la seule, qui les a amenés à croire en lui, c'est la persuasion qu'ils ont eue qu'il était bien le Messie attendu par Israël.

De ce point de vue ils n'ont jamais pu admettre que la croix infamante du Calvaire avait terminé sa carrière terrestre et ils ont attendu avec confiance, bien que dans une sorte de fièvre, sa seconde venue qui, à leur sens, devait être infiniment plus glorieuse que la première. Rien d'étonnant dès lors qu'ils n'aient pas toujours bien compris celui dont ils nous rapportent les paroles et les actes et qu'ils aient pu commettre les erreurs de jugement que nous relevons dans la protestation de Pierre (Math., 16, 22), la demande des fils de Zébédée (Marc, 10, 35-41)(21), etc.

Mais, s'ils se sont parfois mépris sur le sens des paroles et les intentions de Jésus, ils n'en ont pas moins saisi l'essentiel de son enseignement, car ils ont senti qu'ils devaient avoir une confiance absolue en lui.

Ce qui nous le prouve, c'est la peinture même qu'ils nous ont laissée de sa personne, c'est l'unanimité avec laquelle ils font ressortir sa puissance en nous racontant ses guérisons et ses miracles. Que veulent-ils en effet, sinon que nous voyions en lui un être supérieur, capable de plier les lois de la nature à ses desseins d'amour ? Bien plus, en nous rapportant sa tentation, ils veulent que nous sentions qu'il était absolument maître de lui-même et qu'il a employé sa liberté parfaite à se soumettre pleinement à la volonté de Dieu.

Dès lors, joignant à sa puissance son infinie bonté, ils ont compris comment un pareil être pouvait dire avec autorité : "Venez à moi et je vous soulagerai" - "Tes péchés te sont pardonnés".

En résumé leur foi a été profonde ; mais la connaissance de son objet est demeurée toujours un peu confuse et voilée.

Ce n'est qu'après la mort du Christ que la foi se dégage peu à peu de son enveloppe juive, et c'est le commencement du livre des Actes qui nous fait assister à cette transformation.

C'est d'abord l'apôtre Pierre qui, dans un élan enthousiaste, se lève à Jérusalem et témoigne que ce Jésus qui a été méconnu, ce Jésus qui a été cloué au bois comme un malfaiteur et que Dieu a ressuscité est bien décidément le Messie authentique attendu par Israël. Aussi invite-t-il tous ses frères à venir se jeter à ses pieds en lui confessant leurs péchés et ils seront pardonnés.

C'est ensuite le diacre Étienne qui, se faisant franchement l'accusateur du peuple israélite, oppose, aux préjugés de la masse orgueilleuse et intéressée, l'humble soumission du croyant à l'action du Saint-Esprit.

C'est enfin l'apôtre Paul qui nous fait assister à une transformation nouvelle, à une manifestation supérieure de la foi.

Sans doute lui aussi est imbu des idées messianiques juives et il croit bien qu'il ne mourra pas avant d'avoir vu le retour du Christ ; mais pour lui ce n'est pas là le point capital ; il est trop profondément religieux et trop véritablement chrétien pour subordonner sa foi à un événement extérieur quelconque. Paul est l'homme de l'expérience religieuse et c'est sur son expérience seule qu'est édifiée sa foi tout entière.

D'ailleurs, la nature même de sa conversion, la droiture de son caractère, tout le portait à rendre à son Sauveur un témoignage puissant.

Le fait saillant dans la conscience de Paul, c'est un immense besoin de justice, de moralité absolue. Et ce besoin l'amène à constater un premier fait : l'impuissance morale de l'homme à réaliser cette justice. Mais il aperçoit en même temps que cette impuissance n'est pas essentielle en l'homme, qu'elle est le produit du péché.

De cette constatation, qui est une expérience, Paul fait alors jaillir l'opposition entre l'homme ancien, soumis aux puissances inférieures, et l'homme nouveau, sensible à l'attrait du bien. Cet antagonisme, cette lutte intérieure dans laquelle le péché a le dessus si l'homme reste livré à ses seules forces, fait naître nécessairement, chez qui en ressent les effets, une sorte de désespoir. C'est alors qu'au sein des ténèbres qui environnent de toutes parts le pécheur, Jésus paraît, offrant la justice et la paix par la foi en lui.

Nous arrivons ainsi à cette affirmation fondamentale : "Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ"(22).

Cette expérience, spécifiquement chrétienne, du salut offert par Dieu en Jésus-Christ, qui se trouve avoir été faite par Paul et proposée dans ses écrits, est restée dans l'histoire comme un type. Une étude du paulinisme à travers les âges montrerait sans doute, à la base de tous les réveils religieux, depuis Marcion jusqu'à nos jours, en passant par saint Augustin, la Réforme et le Jansénisme, cette reconnaissance de l'impuissance morale de l'homme ancien qui pousse l'âme et la conscience à se tourner vers Jésus-Christ.

Nous avons donc assisté à la naissance et à l'expansion de la foi dans les synoptiques et dans les Actes, à ses expériences dans les Épîtres ; "maintenant nous allons la voir, fortement constituée, rendre un témoignage réfléchi et enthousiaste à celui qui est l'inspirateur de ses expériences.

Le Jésus du quatrième évangile, dit-on, est différent de celui des trois premiers. Sans doute, mais il ne diffère que par la qualité du témoin. Les synoptiques, quoique remplis d'admiration et de respect, ressemblent à ces femmes dont ils parlent en racontant la crucifixion, ils regardent ce qui se passe en se tenant à distance. Jean s'est approché, il a cru et il est né de nouveau ; aussi, quand il raconte, met-il dans son récit toute sa foi, et la personne du Sauveur grandit à nos yeux comme elle avait grandi dans son âme, elle resplendit de toute sa gloire de fils unique venu du Père"(23).

Qu'il voie son Christ, l'objet de son expérience personnelle, au travers d'idées judéo-chrétiennes, c'est ce que nous ne contesterons pas. Nous ne contesterons pas non plus que, de ce point de vue spécial, il ait transformé le langage de Jésus, négligé ou déplacé certains traits de l'histoire de sa vie ; mais nous estimons que cette manière d'exposer peut s'expliquer par le fait de la date tardive de la composition du quatrième évangile : son auteur a dû travailler sur les données de la tradition au moins autant que sur ses souvenirs et, supposant les détails des faits connus du lecteur, il peut s'élever au-dessus de l'ordre historique et mettre dans son écrit quelque chose de vécu qui donne précisément à son témoignage la valeur que lui reconnaît la foi.

Nous pouvons donc affirmer que ce livre est bien l'organe de la foi dans sa maturité. Il nous montre le croyant, enfin débarrassé de l'obsession des idées messianiques juives, saisir en Jésus-Christ un Messie infiniment plus glorieux que celui qu'avaient rêvé les Juifs(24). Jésus n'est pas venu pour "réparer l'humiliation méritée d'un peuple, mais le mal, cette injustice commise par lui et par tous les autres envers le Maître commun ; il est venu apporter Dieu au monde qui l'avait oublié ou défiguré"(25)). Dès lors, qu'importe maintenant le développement historique des événements ! Ce qui importe, c'est de pénétrer leur sens intime et profond. Aussi tout l'évangile se concentre dans cette idée : croire. Jean a décidément compris que Jésus voulait, par lui-même, indépendamment de toute considération extérieure à lui, gagner la confiance absolue de ses auditeurs. Croire est donc le devoir par excellence et il a pour corollaire immédiat cet autre devoir : vivre par la foi.

Il nous paraît inutile d'examiner en détail les autres témoignages que renferme le Nouveau Testament, car tous peuvent, en quelque mesure, se ramener aux trois grands types que nous avons rapidement esquissés.

Ainsi, la vérité de ce que nous affirmions au début nous apparaît maintenant clairement : il y a diversité dans les écrits évangéliques, mais il y a aussi unité. Ce qui a varié, ce n'est pas le fond, c'est la forme, ce n'est pas le contenu, c'est le contenant ; en d'autres termes, ce qui a évolué, c'est la théologie des divers témoins ; mais la base de cette théologie, l'expérience constitutive, la confiance absolue au Christ sauveur est demeurée identique à elle-même, immuable.

En somme, tous les témoignages que renferme l'Évangile, comme toute expérience chrétienne, pourraient se résumer par ces mots : "Mon âme s'est trouvée en présence du Christ et elle a été vivifiée".

 

 

Conclusion

 

Nous voici arrivés au terme de notre étude. Nous avons essayé de montrer que, malgré la diversité très réelle des documents bibliques, un lien, non moins réel - la révélation de Dieu - les unit fortement entre eux.

Qu'importent maintenant à notre foi les manipulations que la critique pourra leur faire subir ?

Ce ne sont pas les documents eux-mêmes, en effet, pas plus d'ailleurs que ceux qui les ont composés qui la nourrissent, c'est l'Esprit qui les a inspirés, c'est la parole de Dieu qu'ils renferment.

On pourra peut-être encore nous prouver que tel écrit n'est pas de l'auteur ni de l'époque auxquels nous l'avions attribué ; mais nous défions que désormais on nous prouve que l'Esprit qui l'a inspiré n'est pas l'Esprit de notre Dieu.

Au-dessus de la critique, il y a la conscience chrétienne qui prononce en dernier appel. Laissons donc la première contrôler les documents et les faits ; mais ne lui abandonnons jamais notre appréciation sur les événements capitaux et sur les personnes.

Et d'ailleurs, cette critique si redoutable, n'est-elle pas elle-même une arme à deux tranchants ? À ceux qui, sous prétexte qu'il y a de la légende dans la Bible, voudraient prétendre que tout est légendaire, ne peut-elle nous servir à démontrer la réalité objective de ce qui est essentiel ? "Faisons comme les peuples sauvages qui, après avoir été épouvantés par les armes à feu, ont compris qu'ils pouvaient s'en servir à leur tour pour se défendre contre leurs ennemis et pour se procurer leur nourriture"(26).

Eh ! sans doute, dans la Bible il y a de la légende, plus que cela, il y a des choses choquantes qui, à l'heure actuelle, nous paraissent incompatibles avec notre foi de chrétiens éclairés ; mais après ce que nous avons vu nous en étonnerions-nous encore ?

Quelquefois, en effet, nous aurions lieu d'être surpris si la critique elle-même ne venait à notre secours. Supposez, par exemple, que le Pentateuque soit réellement l'œuvre de Moïse. Comment comprendre dès lors la fidélité de Dieu à l'égard d'un peuple qui viole si ouvertement et si effrontément la loi qu'il a si explicitement énoncée Lui-même ?

Mais si, au contraire, nous admettons que Dieu a voulu instruire progressivement son peuple, nous comprendrons que ce peuple, dans son enfance, parle et agisse comme un enfant ; et non seulement rien dans la Bible ne nous scandalisera plus, mais tout nous édifiera en faisant éclater devant notre conscience l'infinie puissance, l'infinie sagesse et l'infinie bonté de celui qui, par sa miséricorde toute-puissante, d'une créature révoltée et indigne, a fait un enfant soumis et repentant qui tombe à genoux et qui dit: "mon Père !".

Une dernière question nous préoccupe sur laquelle nous nous expliquerons brièvement :

Puisque Dieu a envoyé son Fils pour agir, non seulement sur ceux qui nous ont laissé un témoignage, mais sur l'humanité tout entière, le fait de la clôture arbitraire du Canon du Nouveau Testament ne risque-t-il pas de porter atteinte à notre thèse ?

Nous répondrons hardiment que non.

Dans le choix de l'Église qui aboutit à la canonisation du recueil du Nouveau Testament, deux principes entraient en ligne de compte :

A. Un principe historiquement faux, celui de l'apostolicité des écrits, qui a le tort d'enfermer la révélation chrétienne dans les limites de la période apostolique, d'exagérer, en la consacrant, la supériorité réelle des écrivains de cette époque, et enfin d'élever leur christianisme à une hauteur que l'on déclarait désormais inaccessible, sans autre raison que la raison ecclésiastique ;

B. À côté de ce premier principe travaillait un autre principe, réel, psychologiquement vrai, celui par lequel les croyants, reconnaissant aux écrits du Nouveau Testament la valeur religieuse d'aliment spirituel de leur foi, y percevaient "soit une expérience identique à la leur, soit l'objet d'une expérience identique à l'objet dont ils faisaient une expérience identique"(27).

Au fond, ce dernier principe, ce critère, basé sur un jugement d'identité, seul vrai fondement de toute certitude, fut le critère dominant dans le choix de l'Église. Or, ce principe, qui fonde la valeur religieuse du Nouveau Testament, garantit, du même coup, l'unité religieuse de tout le corps des écrits bibliques. En d'autres termes, le jugement par lequel les croyants attribuent, après expérience faite, à la substance des écrits du Nouveau Testament la qualité d'aliment spirituel dont leur âme a besoin, implique cet autre jugement, à savoir que cet aliment spirituel apporté par Jésus-Christ est bien cet aliment gratuit auquel le prophète fait allusion quand il dit au nom (1) de l'Éternel : "Écoutez-moi et vous mangerez ce qui est bon"(28).

Ainsi donc, le fait de la clôture arbitraire, au point de vue historique, du canon biblique ne saurait porter atteinte à l'unité religieuse que nous avons reconnue au corps des écrits qui le composent, en ce sens que rien d'essentiel n'a été laissé de côté dans ce choix où dominait un principe dû à l'Église des vrais croyants, et cela en vertu même de la nature de ce principe.

Et maintenant, avant de poser la plume, nous dirons ceci : nous nous sommes efforcé, dans cette étude, d'exprimer aussi clairement que possible notre sentiment sur le problème que nous nous étions proposé. Nous sentons cependant, au moment où nous jetons un regard en arrière, les déficits réels de notre tentative ; mais nous estimons que nous n'avons rien perdu dans cet effort. Nous avons fortifié sur certains points notre conviction première, et notre pensée a vu s'ouvrir devant elle de nouvelles voies.

Dieu veuille achever lui-même ce qu'il Lui a plu de commencer en nous par cet effort même !

Lu et approuvé :
Le Président du jury,
A. Sabatier.
Vu :
Le Doyen,
Président de la soutenance,

A. Sabatier
Vu et permis d'imprimer :
Le Vice-Recteur de l'Académie de Paris,
O. Gréard.

 

Notes

 

(1) Comp. Deuter., 7, 6,8 ; 8, 17 ; 10, 14.
(2) Deut., 32, 6 ; Jér., 3, 4 et 19.
(3) Ésaïe, 42, 6 ; 49, 6 ; 51, 4.
(4) Aug. Sabatier, Esquisse d'une Philosophie de la religion d'après la psychologie et l'histoire, p. 170.
(5) Comp. Ésaïe, 55, 5 ; 56, 6.
(6) Comp. : Luc, 3, 8 ; 4, 24-28 ; 13, 23-30 ; 10, 30-37 ; Math., 23, etc.
(7) Jean, 3, 3.
(8) Aug. Sabatier, Esquisse, p. 184.
(9) Jean, 14.
(10) Actes, 4, 12.
(11) Comp. Introduction.
(12) Math., 5, 17.
(13) Luc, 18, 20.
(14) Math., 5, 18.
(15) Marc, 1, 15.
(16) Comp. Gal., 2, 19 ; 3, 23 ; 4, 12.
(17) Luc, 12, 31 ; Math., 5 19, 20.
(18) Aug. Sabatier, Esquisse, p. 185.
(19) Éph., 3, 17-20.
(20) Luc, 18, 5 ; II Cor., 10, 15 ; I Thes., 3, 10, etc.
(21) Voir encore Luc, 9, 44-50.
(22) Rom., 5, 1.
(23) E. Martin, La valeur du Nouveau Testament, p. 103.
(24) Jean, 7, 31 ; 18, 36.
(25) E. Martin, ouvrage cité, p. 90.
(26) E. Martin, ouvrage cité.
(27) G. Frommel, Cours inédit d'histoire des dogmes.
(28) Ésaïe, 55, 1-7.

 

[Léonce Gounon, pasteur de l'Église réformée de France, naquit à Bourdeaux (Drôme) en 1874, où son père était Pasteur - et sa mère, institutrice publique. Fut Lycéen à Nîmes. Suivit des études de théologie à Paris (il y fut dreyfusard !) et à Genève (condisciple du célèbre Louis Segond). Fut aumônier des forçats, à Cayenne. En dépit de son âge, fut ensuite "volontaire au front" durant toute la Grande Guerre. À la fin du conflit, se rapprochant de sa famille (vivant à Lourmarin), il exerça son ministère pastoral à Cabrières d'Aigues (Vaucluse), où il se maria et prit sa retraite. Et où il repose, depuis 1942].