ou les prodigieuses tartarinades d'un illustre combattant (3)

 

[Examen critique de l'Expertise, suite 2]

 

"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion"
(Paul Valéry, Mélange, 1939
).

"L'ironie n'est pas encore un délit : c'est déjà presque un crime, en tous cas une faute grave de civilité ou un acte héroïque"
(M. Fumaroli, L'État culturel, p. 36).

"Il est facile de prévoir que les trois défenseurs de Gaston Dominici... mettront en cause, au procès qui s'ouvre à Digne, la valeur judiciaire de ses aveux, qu'ils prétendront "extorqués"
(Alex Ancel , in Le Parisien libéré, 9 nov. 1954).

" Nous ne prétendons pas avoir raison. Nous ne clamons pas que nos ambitions sont les seules valables. Mais ce sont les nôtres. Et nous y tenons"
(Claude Julien, Une certaine manière de voir, Monde diplomatique, octobre 1988).

 

 

Au sujet de Paul

 

Un qui, en revanche, ne fut pas un tardif résistant, c'est bien le Popaul, personne ne le niera ! Or, il faut le lire pour s'en convaincre, alors que Guerrier trouve toutes les excuses du monde au Tave(1), il n'a pas de mots assez durs pour enfoncer Paul Maillet. Il ne fait certes là que suivre une voie ouverte par d'autres. Et, connaissant la musique, il en remet une couche(2).

Disons d'abord que, dans notre système de valeurs inversées, celui qui aide la Police est une balance : Guerrier reprend le terme utilisé par Mossé, et pourquoi s'en priver, puisque Mossé, passé à l'étamine de la Justice, en est sorti indemne, en dépit de grossières diffamations caractérisées - réitérées à l'antenne(3).

Voilà ce qu'il est convenu de nommer une attitude citoyenne : fermer sa gueule, et laisser patauger les flics. Mais Maillet était père de jeunes enfants, et le coup de la petite Élisabeth laissée sans soin lui était resté en travers de la gorge, en dépit de son amitié pour Gustave. Et cette amitié, contrairement à ce que raconte Guerrier, ne remontait pas aux temps de la Résistance : à cette époque-là - Guerrier n'a pas su me lire (mais nous avons déjà mis en doute ses capacités de lecteur), Maillet n'était pas dans la région. Il n'appartenait d'ailleurs pas aux FTP, mais militait dans les rangs FFI : c'est lui qui me l'a dit. Maintenant, on peut gloser autant qu'on le voudra. Mais pour enfoncer le clou, produisons un extrait du PV 20-R du 25 septembre 1952 (GN Forcalquier), que notre auteur semble ne pas connaître. À la suite de la perquisition de ses fermes, Paul Maillet est interrogé et fait, entre autres, la déclaration suivante : "Les deux mitraillettes découvertes à mon domicile lors de la perquisition du 29 août 1952 m'appartiennent. J'avais acquis ces armes alors que j'étais Chef de groupe dans les F.F.I. à Mirabeau (Vaucluse) lors de la libération du sud de la France, en août 1944. En ma qualité de Chef de groupe, ces deux mitraillettes m'avaient été affectées et je les ai conservées comme souvenir. Je n'ai jamais eu de munitions correspondant à ces armes, ou autres.
J'ai dissimulé ces deux mitraillettes dans ma cuisinière après le crime de Lurs
[auparavant, elles étaient dans le poulailler !] de crainte d'une perquisition le cas échéant [sic !]. J'ai eu tort de ne pas les rendre et je demande l'indulgence du tribunal, etc. etc." [Le rapport précise : "ces deux armes sont en très bon état. Elles étaient bien entretenues et fonctionnent normalement"]

Par ailleurs, notre auteur a sorti de derrière les fagots une "technique de détection du mensonge" du plus haut comique. Certes, mesurées selon ce critère, nombre de paroles, et surtout de promesses, de l'ancien président Mitterrand, dont les yeux parpelégeaient d'une façon incroyable, constituaient autant de mensonges. Mais on n'avait pas attendu la fameuse machine pour le savoir avec certitude.

Quoi qu'il en soit, Maillet mentirait, par exemple dans l'interview qu'il donne à J-Cl. Deniau sur son lit d'hôpital (dans la maison de retraite où il achevait une existence qui ne fut pas un long fleuve tranquille, surtout à cause de l'Affaire). Et Guerrier de le traiter à plusieurs reprises de hâbleur (invétéré). Soit.

Mais je suis bien désolé, Maillet n'était pas dans les Basses-Alpes, pendant la guerre. Après avoir, très jeune, travaillé "sur la voie", comme on disait à l'époque, du côté de Ribiers, il avait pris un poste dans le Vaucluse. C'est là qu'il s'était marié, à Pertuis très exactement (lieu de résidence de ses beaux-parents). Après le mariage, le jeune couple vécut dans cette maison de gare (la Caserne SNCF, selon le terme consacré), que l'on peut voir encore en marge (à l'Est) du village de Mirabeau (Mirabeau, Vaucluse, celui du célèbre comte, n'en déplaise à Guerrier, et non Mirabeau, Basses-Alpes ! Il faut se renseigner un peu, avant de prétendre jouer à l'homme universel(4)). C'est là qu'est né son second enfant, c'est là qu'il a participé au fameux dynamitage du Pont de Mirabeau, le 17 août 1944, avec les FFI du coin - j'ai raconté tout cela par ailleurs, inutile d'insister.

Paul a participé au dynamitage, il ne m'a pas dit qu'il en était le chef, pas plus qu'il ne s'occupait de parachutages. J'ai plutôt eu l'impression qu'il était un maquisard lambda, jeune cheminot en charge à l'époque de deux très jeunes enfants. Le maquis FTP, quant à lui, "tenait" le gros bourg de La Tour d'Aigues, à quelques kilomètres. C'est ainsi. Mais quelle triste époque, vraiment, où il est bien plus difficile de dynamiter un préjugé qu'un pont !

Et puis Maillet a changé de région peu après la Libération ; il a été nommé à Lurs, est venu dans un premier temps habiter la Caserne SNCF que l'on sait, il s'est inscrit au P. C., etc. etc. Pour la raison (officielle) que l'on sait(5), il a quitté le P. C.

Oui, c'est lui qui me l'a dit : j'ai été assez malin, je les ai vus venir, j'ai démissionné avant qu'ils me foutent à la porte, ils voulaient m'avoir, mais je les ai bien eus. Bien sûr, c'est un hâbleur, répétera notre auteur. Mais c'est bien ce qu'il m'a dit, Popaul. Et il avait toute sa tête. Et je le voyais revivre des souvenirs encore vivaces, comme lorsqu'il me rapportait le coup des patates (si tu avais vu, si tu avais entendu, je ne savais plus où me mettre, lui avait lancé à peu près le Tave, profitant d'une brève absence d'Yvette).

Je n'en finirai pas de relever toute la boue dont il est couvert(6), mais j'entends tout de même m'appesantir sur deux détails. On apprend dans l'Expertise que le 17 décembre (1953), le juge Périès entend Paul Maillet (et le Tave). "Paul Maillet est pressé d'en finir, car sa femme va accoucher, etc. etc" (p. 551). Même si Guerrier ne fait là que reproduire l'ânerie d'un autre (celle de Laborde en l'occurrence : ça arrive, même aux meilleurs), et il faut bien remarquer à nouveau qu'il emprunte beaucoup à ses devanciers, on le sent exulter de rapporter ce fait, avec quelle gourmandise ! Mais peut-être peut-on exiger d'un expert qu'il vérifie ses sources, n'est-ce pas ? Alors, puisqu'il le faut, mais qu'on sache bien que cette besogne ô combien indiscrète me répugne, détaillons les naissances chez les Maillet :

- Pierrette, l'aînée, est née en 1942 (à Pertuis, Vaucluse)

- Nicole, la seconde, est née en 1943 (à Mirabeau, Vaucluse)

Guerrier a inversé leur ordre de naissance (p. 119), ce n'est pas bien grave. Puis :

- Jean-Pierre Gaston Sylvain est né en 1946 (à Digne, Basses-Alpes)

- Paul Gaston Louis est né en 1950 (à Pertuis, Vaucluse).

Guerrier l'oublie, ce n'est pas bien grave. Mais va-t-on dès lors déclarer catégoriquement qu'en l'honneur du père Dominici, Paul Maillet a prénommé comme lui deux de ses enfants ?

- Jean-Louis Fernand Edmond est né début décembre 1953 (à Manosque, Basses-Alpes). Deux semaines avant la fameuse audition au cours de laquelle Paul Maillet est pressé d'en finir, etc. etc.

Faut-il, comme le greffier Émile Barras, vous faire un dessin ?

Il y a plus. Guerrier nous fait aussi trois fois - au moins - le coup d'Edmond (la soi-disant preuve de la connivence Maillet-Sébeille), mais il est vrai que décidément nous sommes sourds. Or il convient de rappeler que, plus d'un demi-siècle avant lui - le samedi 20 novembre 1954 - Me Pollak avait lors du procès essayé de déstabiliser Popaul avec cette histoire, et que son intervention avait fait pschitt. Complètement pschitt. Dont acte. Revenir là-dessus, et avec quelle insistance, ne mérite donc qu'un qualificatif : c'est indigne.

 

 

Une incidente ethno-sociologique...

 

Cependant, en marge du sort réservé à Popaul, il me faut placer une incidente ayant un rapport avec son témoignage (celui délivré en 2004 devant la caméra de J.-C. Deniau). Il s'agit du récit, par Roger Drac et lui-même, de violences infligées par Gaston Dominici à des animaux.

On se souvient peut-être qu'en 1991, le cinéaste Bertrand Tavernier entreprit d'interviewer une trentaine d'anciens appelés ou rappelés de la guerre d'Algérie, tous habitant la région de Grenoble ; cela donna un film assez intéressant, "La Guerre sans Nom". Pour les besoins de mon propos, je relève seulement qu'on y trouve le récit d'un ancien de la JOC (vraisemblablement), rapportant avec émotion contenue quelques scènes de sauvagerie à l'égard de bougnoules sans défense, dans lesquelles étaient impliqués de jeunes appelés agriculteurs. Au bord des sanglots, il se reprochait, ce chrétien, de n'avoir pas alors eu le courage d'intervenir. Mais, hélas, il faut regarder les choses en face : fût-il intervenu, la violence se fût retournée contre lui.

Loin de moi bien évidemment l'idée d'accuser une classe sociale particulière d'être moins policée, moins "civilisée" que d'autres. Encore que... Mais lorsque j'ai lu, bien des années après le triple crime, que des journalistes anglais avaient parlé de bêtes en souliers (Beasts in ), à propos de certains paysans bas-alpins, alors j'ai mesuré, mieux que d'autres, la véracité de l'allusion. Et lorsque j'ai entendu le récit de Drac, me sont revenues en mémoire des scènes enfouies mais bien réelles, au cours desquelles, enfant, j'avais assisté, épouvanté, à des traitements abominables à l'encontre d'animaux (chevaux, chiens, mais également chats et oiseaux), traitements justifiés, si j'ose dire, par d'incroyables poussées de colère ou, parfois, d'insigne méchanceté. Et ces comportements, contrairement à ce qu'affirme, une fois encore sans preuves, notre auteur (p. 102), sont bien, hélas, ceux de "paysans", au moins s'agissant de l'époque dont il est question. Je n'ignore pas qu'en ville, de nos jours, on voit parfois des gens s'entre-tuer pour une place de parking ; à la campagne, c'est pour un mètre carré de terrain, qu'on se menace continûment(7). C'est ainsi. Je ne veux pas par là exonérer Gaston d'une partie de sa responsabilité : je veux simplement souligner que la montée en lui de la violence, telle qu'il l'a d'ailleurs décrite, et de la brève folie qui s'est emparée de lui, sous l'effet de causes fortuites et extérieures, ne peut pas être considérée comme un facteur aggravant. Pour juger avec quelque équité, ici, il faut se remémorer la vie difficile et le caractère rude des agriculteurs de cette époque. Et s'agissant de Gaston, de la vie qui avait été la sienne jusque là(8).

Et me voici revenu à Popaul : soudain, c'est pour songer aux ricanements et aux sarcasmes qui, derrière mon dos, fusaient, tandis qu'à sa sépulture, Yves Thélène rappelait son rôle de grand témoin dans l'Affaire Dominici. À sa manière, Guerrier fait partie de ceux qui ricanent.

Ce qui est assez dire la qualité de ses critiques, et il convient maintenant de dire un mot de celles qu'il oppose à mon travail sans prétention (et gratuit, Monsieur l'expert ! Moi, j'aurais honte de monnayer ce que je délivre sur cette Affaire - qui n'est, bien évidemment, pas tout ce que j'en sais) de mise au point, de mise des points sur les i, et de délogement de la désinformation.

 

 

Apprendre à lire

 

Je laisse d'entrée de jeu le lecteur curieux conduire la tâche fastidieuse qui consiste à opposer les allusions de notre expert à ce que j'ai réellement écrit (il y aura des surprises). Mais, sur un point précis, je suis une fois de plus obligé de me demander si notre auteur sait seulement lire.

C'est une question qui peut légitimement être posée, par exemple lorsque Guerrier, après avoir, avec l'humour fin qu'on lui connaît, tenté de déconsidérer ma capacité à "lire entre les lignes", écrit que mon travail souffre, entre autres, à cause des "coquilles diverses dont il [il s'agit de moi] s'excuse, notamment à propos du copier-coller informatique" (p. 70).

Reprenons mon texte. À quoi l'auteur fait-il allusion ? À un paragraphe appartenant à mon éreintement de Les assassins retrouvés. On y trouve ceci :

"Dans un document de cette ampleur - qui doit, au demeurant, beaucoup au copier-coller (travers moderne qui joue plus d'un tour, dans les répétitions), il est difficile d'éviter les fautes d'orthographe, les cuirs (ex. : "le travail qui échoue à l'Identité judiciaire" [WR p. 235]), ou les erreurs manifestes (la phrase : "ce que vous venez de dire est écrasant pour l'accusé", attribuée au président Bousquet à la suite de la déposition du Dr Dragon le 18 novembre 1954, alors qu'elle fut en fait prononcée comme conclusion du témoignage du Dr Boudouresque, le 24 novembre [WR p. 109]). C'est le lot du genre, et l'inévitable prix à payer de tout écrit un peu étendu. On n'en dira donc pas davantage. En revanche, il faut bien s'attarder sur tout le reste, qui ne relève pas de l'erreur malencontreuse ou de la faute d'inattention, etc. etc. "

Autrement dit, dans mon sévère examen critique du pamphlet de W. Reymond, j'ai commencé par éliminer rapidement le côté forme, en excusant par avance l'auteur d'avoir commis un certain nombre d'erreurs, dont je donne deux exemples. Mais en aucun cas, il ne s'agit de mon propre travail, où ne figure au demeurant aucun copier-coller !

Ce seul contresens en dit long sur la capacité du critique pointilleux, non pas de lire entre les lignes, mais uniquement au premier degré(9) !






Il n'y a donc pas que W. Reymond à avoir "interprété de travers" (p. 418), et la seule "interprétation" dont je viens de détailler le caractère totalement erroné augure fort mal de la pertinence de l'ensemble du travail que constitue l'Expertise. Je dois ajouter, à propos de savoir-lire, que si notre auteur nous annonce d'emblée (p. 33) qu'il fait "une place à part" à Jean Giono(10), vers qui il revient à de nombreuses reprises, il ne cite pas - sauf erreur - le texte essentiel de l'écrivain manosquin, s'agissant de ce dont nous nous occupons, l'intuition véritablement fulgurante qui le saisit vers la fin du procès. Texte qui, naturellement, figure depuis longtemps sur mon site ("Qu'importe ce qu'a pu faire Gustave ?"). Alors, que penser ?

Mais pour en revenir à la critique supposée courtoise que porte Guerrier sur mon écrit sans prétention, je songe, au-delà même des contresens, à ce qui est une bien médiocre mesquinerie : "certains contestent, écrit notre expert (p. 91), ce nombre restreint [les trente-cinq mots de Giono] en se basant sur un comptage des mots dans les comptes rendus d'audience des journalistes, etc. etc.". Je voudrais bien que me fût communiquée la liste complète de ces certains. Car, à ma connaissance, un seul nom s'y trouve, et c'est le mien. Je suis le seul, je n'en tire aucune vaine gloire, à avoir eu l'idée de mettre à l'épreuve des faits l'intuition sacrément erronée de Giono (mais Gaston soi-même n'avait-il pas dit au juge Batigne que Giono n'y connaissait rien ?). Un juge, et pas n'importe lequel, a même cité cette partie de mon travail et s'est appuyé dessus, dans un livre qu'il a fait paraître à propos de la justice (la nôtre et l'anglo-saxonne) telle que représentée au cinéma(11). Vous n'imaginiez tout de même pas qu'un expert allait s'abaisser à procéder de même, à me citer pour de bon ?

Tiens, pour la petite histoire, j'ai renouvelé l'expérience, cette fois à partir de la scène assez extraordinaire qui suivit, le 22 novembre 1954, la déposition de Sébeille. Sans doute profondément bouleversé par la description qu'avait faite le Commissaire du supplice de la petite Élisabeth (c'est du moins ce que l'on est conduit à penser, si l'on en croit le témoignage de la journaliste communiste Madeleine Jacob, peu suspecte d'une attitude anti-Gaston, qui rapporte le fait), Gaston, lorsque le président Bousquet lui donna la parole, se lança dans une sorte de soliloque tout en posant des questions à Sébeille ("vous vous souvenez... vous vous souvenez ?" - curieuses expressions dans la bouche de quelqu'un qui soutenait ne se souvenir de rien), et cela donne, pour moins d'un quart d'heure de parole :

 

Soliloque du 22 novembre 1954 Nombre Dont différents
Mots-outils 574 94
Mots pleins 266 175
840 269

 

Dès lors, on voudra bien prendre comme venant de la part de son auteur le jugement qui fait de moi un "farouche partisan s'il en est de la thèse de l'accusation…à la limite de la diffamation voire de l'insulte" (p. 70) : il n'a strictement rien compris à mon texte ; d'ailleurs, il est vrai que je n'écris pas pour les experts, mais pour les gens ordinaires, disposant d'une once de bon sens, et d'un minimum d'humanité. Je tonne contre le mensonge organisé, je ne me dresse pas contre l'erreur de bonne foi. Il est assez remarquable de noter qu'avant notre censeur en chef, un seul lecteur s'est manifesté (un citoyen, si j'ai bonne mémoire de la Confédération helvétique) pour me reprocher le caractère polémique de mon écrit. Au contraire, fort nombreux sont ceux qui ont chaudement approuvé, et partagé, l'indignation que j'avais éprouvée devant des textes uniquement destinés à tromper le lecteur (qui, il faut le reconnaître, constitue trop souvent une proie facile pour les fripons, et tend le bâton pour se faire battre) et à faire du fric.

Il existait même un site consacré à l'assassinat de JFK (je ne vérifie pas sa pérennité) sur lequel un lien avait été inscrit en direction de mes pages, qui étaient dès lors recommandées, au motif que "Reymond y reçoit le traitement qu'il mérite". Car, qu'on ne s'y trompe pas : la diffamation ne naît que de la volonté délibérée de mentir - ou de salir, et ce délit me paraît constitué dans les trois ouvrages dont j'ai stigmatisé non les auteurs, mais le contenu. Parmi la masse de mes lecteurs, l'un d'eux, un universitaire (un vrai) m'avait adressé une lettre si longue et si explicite, dénonçant des aspects de la prose reymondienne dont le caractère affabulateur m'avait échappé, que je lui avais demandé l'autorisation de la mettre en ligne. Les lecteurs curieux n'ont qu'à s'y reporter(12).

Bref, j'ai voulu pointer mon index sur l'effarante inanité d'une société tout entière dirigée par le pouvoir de l'argent (et le profit immédiat), les comportements de m'as-tu-vu, et les manipulations de toutes sortes ; un peu à la manière, si l'on veut, et toutes proportions gardées, du Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? cicéronien. Et notre censeur, lui, n'a rien trouvé de mieux que de regarder mon doigt. C'est un expert, vous dis-je !

Quoi qu'il en soit, certains lecteurs ont eu l'amabilité de me remercier pour ce que je leur offrais, et de me dire à quel point ils pensaient justifié mon examen critique de Les assassins retrouvés. Je crois en effet avoir jugé comme il le fallait l'écrit d'un jeune homme présomptueux ; qu'on ne pense pas une seule seconde que je suis près dès lors de me laisser emmerder par un post-septuagénaire, qui confond, je frémis en le rapportant, la locution prépositive près de avec le qualifiant prêt à (p. 579)...







Je pourrais poursuivre, mais cela me paraît inutile : loin de moi l'idée de présenter, ici, un plaidoyer pro domo. Et puis, je pourrais faire mien l'adage Tant plus à me frapper l'on s'amuse, tant plus de marteaux l'on y use. J'ai le cuir épais et, sans être un foudre de guerre, je n'ai pas peur de l'odeur de la poudre ; au besoin, je sais la faire parler. Il me faut pourtant rendre les armes sur un point.

À la page 250 (note 60), il est rapporté, et pour une fois c'est vrai, que je "cite un gendarme Raymond, etc. etc.". Évidemment que je me suis trompé, il s'agit là du prénom du gendarme Bouchier. J'ai donc par inattention ajouté un troisième pandore. D'ailleurs, je suis retourné à mon brouillon, sur lequel les choses étaient claires. Je fais donc, très volontiers, mon mea culpa : lorsque j'ai écrit cette sottise, j'avais dû trop appuyer sur un Rosé de Provence, voire sur du Château-Simone. Bon, d'accord, mais était-il besoin d'en faire tout un plat ? Et Guerrier, qui a seulement lu la lettre, mais pas l'esprit de mon texte, aurait pu, par pure courtoisie, me signaler cette erreur manifeste au long des nombreux échanges qui furent les nôtres. Il ne l'a pas fait, c'est son affaire. J'ai donc immédiatement rectifié cette "coquille" (preuve que je ne suis moi-même pas à l'abri).

Mais je vais à mon tour, cela me paraît équitable, renvoyer l'ascenseur : si j'ajoute un gendarme, Guerrier, lui, ajoute un nouvel intervenant, le juge Carrais. Il nous parle aussi du Congrès de Tour (de France ?).

Allez, je ne suis pas chien, je vais lui fournir une troisième coquille, pour la route (car, reconnaissons-le, Lurs, ça n'est pas à côté de l'Évêché), et pour soigner la transition : il s'agit de Reymond, "enfant de Digue" (dondaine, dondon ?)...

 

 

D'un enfant de Digne

 

S'agissant de Reymond, je me permets tout de même de rappeler qu'il y a environ cinq années, lors de l'émission Arrêt sur image produite par Arte/La Cinq, Jean-Charles Deniau, en dépit des lamentables brocards que lui lançait sans arrêt, pour l'empêcher de s'exprimer, le dénommé Charret, a eu le courage d'affirmer, entre autres, "Dominici innocent - les assassins retrouvés est le livre d'un mythomane" ; "William Reymond a écrit un livre qui est une imposture, une supercherie" ; "ce livre bourré d'erreurs, de faux témoignages et de mauvaises références est une imposture du début à la fin".

Où l'on voit que je ne suis pas seul à prononcer des philippiques… Mais peut-être que notre expert n'avait pas lu (entendu) l'intervention de Deniau, sinon il se serait à l'évidence tenu à l'écart de ce faussaire totalement déconsidéré (même s'il a bénéficié, en son temps, d'une surprenante critique favorable dans les colonnes du Monde), de cet imposteur démasqué.

Prétendument armé, donc, du dossier et de lui seul, Guerrier entend le passer au crible de la méthode expertale. Ce qui est un objectif hautement louable, auquel on se doit de souscrire sans réserves. Il va donc examiner les pistes, même les plus rocambolesques. En réalité, on peut se demander pourquoi il se cantonne essentiellement à la déposition Bartkowski(13). La raison en est simple : Guerrier, malgré qu'il en ait, est fasciné par Reymond, par sa jeunesse, par son culot, par son incontestable succès de librairie. Il a beau relever, comme un maniaque, la moindre erreur commise par son jeune devancier (et en vertu de quel rapport avec l'Affaire, se livre-t-il, entre autres, à un recensement exhaustif concernant la méconnaissance, de la part du free-lance, du système judiciaire, de la magistrature debout et assise, etc. ?), ainsi que ses "inventions", on le sent d'une mansuétude infinie à l'égard de l'auteur de Les assassins retrouvés : ainsi, par exemple, lui reproche-t-il simplement - p. 65 - d'être "emporté par son esprit polémique, notamment à l'encontre du commissaire Sébeille", alors qu'il s'agit en réalité de diffamations caractérisées.

Inexplicablement, Guerrier tonne contre Dumarcet (autre faussaire), en invoquant comme pièce à charge la différence de niveau (deux fois mise en avant - nous sommes sourds, vous l'ai-je déjà dit ?) entre thèse de 3e cycle et thèse d'État (il existe d'ailleurs d'autres types de thèses). Et il tire argument du relatif faible niveau universitaire de Dumarcet pour invalider des pans entiers de son écrit. Mais il est totalement muet sur ce point, s'agissant de Reymond, dont l'éditeur nous parle (sauf erreur) d'études d'histoire qu'il aurait suivies en Sorbonne. Quelle est donc la raison de ce silence ? Et pourquoi, faisant référence à une brochure écrite par l'autre Reymond (le père), ne s'inquiète-t-il même pas de connaître le niveau d'études atteint ?

Tout cela sent l'enfantillage et la mauvaise foi, sinon l'inculture. Car je me permets de rappeler par exemple le cas de Philippe Ariès, cet "historien du dimanche", qui a révolutionné, entre autres, l'approche des mentalités de la période médiévale : il ne disposait d'aucun diplôme universitaire, autant qu'il m'en souvienne. L'argument de la thèse de 3e cycle est donc parfaitement fallacieux et déplacé, puisqu'il n'est pas opposé à tous les "historiens" ayant traité de l'Affaire.

Reste à expliquer pour quelles raisons sont décortiquées - avec quel sérieux cuistre - des dépositions destinées à tromper les enquêteurs et, partant, à embrouiller les lecteurs d'aujourd'hui. C'est tout bonnement qu'il convient de surenchérir, si l'on veut espérer être lu. Une "nouveauté", scandaleuse ou pas, cela fait vendre ! On est donc confondu, si l'on est attentif, par le sort particulier que notre auteur réserve au free-lance W. Reymond. Et quand on lit, sous sa plume, que l'instruction est bancale, et le dossier vide de preuves, il faut se frotter les yeux : on jurerait du Reymond ! Parce que c'est du Reymond !

Il n'est pas jusqu'à la tendre dédicace à Madame son épouse qui n'aille plagier celle que le jeune Reymond avait fait figurer en tête de Les assassins retrouvés ! Reconnaissons que si cette fort aimable personne mérite une médaille pour avoir supporté son expert d'époux, en revanche on lui décernera la cuillère de bois pour son aptitude à la correction ortho-typographique...(14).


carbine and Lady D


Ayant écrit, à la page 12, "son mauvais état rafistolé [de la carabine] prouve [...] qu'elle doit appartenir à quelqu'un du coin", Guerrier pouvait s'arrêter là, la messe ayant été dite. Oui mais alors, comment viser avec un si maigre butin un succès de librairie ? "Quand il s'agit d'argent, tout le monde est de la même religion", affirmait Voltaire. D'où la surenchère permanente, sur Reymond naturellement, mais aussi, et sans concessions cette fois, sur des auteurs autrement solides ; d'où, en particulier la descente en flèche, et sans ménagements, de C'était une histoire de famille, de Deniau-Sultan. Et là, il y a vraiment de quoi sourire.

 

 

D'une histoire de famille...

 

Il y a vraiment de quoi sourire, par exemple lorsqu'on lit, à la suite du jugement porté sur l'expert (le vrai, celui commis en 1952), qui se serait "trompé grossièrement", que les spécialistes convoqués par Deniau effectuent "une interprétation erronée des rapports d'autopsie et de balistique".

Experts contres experts, donc. Cela nous fait penser aux batailles homériques grâce auxquelles Marie Besnard tira les marrons du feu... et trouva la porte de sortie...

Mais en vertu de quoi les experts auxquels a fait appel Guerrier seraient-ils les seuls à savoir interpréter, avec justesse et pertinence, des traces aussi anciennes que ténues ?




Je dois dire que s'agissant des rapports d'autopsie des infortunés Drummond, j'ai moi-même pensé depuis longtemps qu'il s'agissait d'un travail du mois d'août, rapidement expédié par des non-spécialistes avant le départ en vacances. Médecins à qui on avait apporté, sans aucune précaution, trois cadavres. Car, ayant pu accéder à de nombreux dossiers judiciaires (de plus de cent ans), je n'ai pas manqué d'être frappé par la précision et le sérieux dont firent preuve, quasiment toujours, de fort lointains prédécesseurs des docteurs Girard et Nalin.

Mais j'ajoute aussitôt, en guise de bémol, qu'une autopsie plus récente, effectuée par d'authentiques spécialistes de la médecine légale, n'en a pas, pour autant, échappé à des polémiques sans fin. Je songe bien entendu à l'Affaire de la Vologne : certaines précisions du rapport d'autopsie sont stupéfiantes, si certains manques, qu'il ne m'appartient pas de juger (d'autant que j'en suis bien incapable), ont été vertement reprochés aux médecins. Je n'en parle pas plus avant, car alors je serais obligé de faire allusion à l'ouvrage d'un journaliste communiste (dans cette affaire aussi, on a fait jouer droite contre gauche, ce qui est évidemment lamentable), saisi sur plainte des parents et détruit sur ordre de la justice (la France, pays des libertés, c'est bien connu. Ce n'est pas le Docteur Gubler qui me démentira).

Il y a donc toujours matière à contestation, et pour revenir à notre sujet on ne voit pas en vertu de quelles supériorités techniques les conclusions (les conjectures, pour dire le vrai) des spécialistes appelés par l'auteur de l'Expertise seraient définitives, en tout cas moins sujettes à caution que celles qu'on peut trouver dans C'était une histoire de famille.

Mais nonobstant cela, qu'on se le dise, seul Guerrier peut apporter la vérité vraie. Déjà, il avait consenti du bout des lèvres a reconnaître qu'il n'était pas le premier à prendre connaissance du dossier : Laborde, écrit-il par exemple, "semble l'avoir eu en main" (p. 590). Et à l'en croire, son cher Reymond n'a pas lu le dossier (vraisemblablement, celui de Me Bottaï) avec suffisamment d'attention. Alors qu'au contraire, le free-lance y a recherché minutieusement la moindre zone d'ombre pouvant faire apparaître du mystère là où il n'y avait que de l'imprécision (du type : témoignage Marcel Comte), et a excellé dans l'art de les mettre en lumière - si je puis dire. Sans compter tous les autres, à qui Guerrier reproche, bien à tort, de ne pas révéler leurs sources.

Parvenu à ce point, je me dois à nouveau d'ouvrir une parenthèse. J'estime qu'il y a quelque chose de profondément malsain, de la part des passionnés de bonne foi de l'Affaire, quelles que soient d'ailleurs leurs hypothèses ou leurs certitudes, à vouloir cerner le moindre détail et la moindre seconde des faits et gestes des divers protagonistes. Notre auteur, hélas, les caresse dans le sens du poil, et le voyeurisme se donne libre cours. C'est une tendance qui nous guette tous : elle n'en est pas moins particulièrement glauque. Je songe à un détail sordide, connu de beaucoup (la culotte - ou plus exactement le morceau de culotte - de fillette souillée de fèces), mais que personne, jusqu'ici, n'avait jugé bon de publier. Voilà, c'est fait. Avec pareille révélation l'enquête, c'est sûr, vient d'effectuer un sacré bond en avant. Et quand je pense que le même ajoute du mystère jusque dans un trou sans doute suspect, la veille du triple crime, dans l'emploi du temps de Gaston, pendant exact de celui concernant, l'avant-veille, une promenade digestive des Drummond ! Tout cela est assez vain, de mon point de vue, sinon répugnant. Qu'on veuille bien y songer. Car derrière ces discussions sans fin et maladives, il y a des malins qui ne songent qu'à faire du pognon avec des curiosités illégitimes. Fermons la parenthèse, et venons-en à un roi des menteurs particulièrement gratiné.

 

 

D'un ouvrier agricole dénommé W. Bartkowski

 

Là où W. Reymond se contentait d'appâter son lecteur, notre expert en conspirations en fait, à nouveau, des tonnes (40 pages consacrées à ce sujet, contre 25 seulement au rapport Chenevier : cela révèle beaucoup de choses). Il apprend à ses lecteurs sans doute indignés que je ne cite même pas la mission Gillard - ce qui est avéré, pour une fois. Et je m'en étais expliqué, voici cinq ans, lors de la mise en ligne de mon examen critique de l'intéressant ouvrage de Jean-Loup Charrier en hommage à son père disparu (Le dernier témoin, 2003). J'écrivais alors que l'auteur "produit une critique serrée des "preuves" du premier policier de France, et en particulier il met en pièces le témoignage Bartkowski (ce que je ne me suis même pas donné la peine de faire, tant les aveux du personnage m'avaient paru indignes de quelque examen que ce soit), tout en se révoltant contre les procédés médiatiques utilisés par Reymond/Dominici pour faire avancer de façon "populaire", pourrait-on dire, leur incroyable thèse (et que c'est tout bonnement incroyable et piquant, ce massacre de l'épisode Bartkowski, par un partisan de l'innocence du vieux Gaston !)".

Et l'expert remet le couvert à plusieurs reprises, selon son habitude, en marquant sa stupéfaction devant le général et parfait black-out sur la mission Gillard. Il ne se demande même pas s'il peut y avoir des raisons objectives à cela. Car le nombre de personnes selon lui impliquées dans ce black-out, et possédant des intérêts parfaitement divergents est tout de même considérable. Il faudrait supposer en effet une connivence unanime allant des avocats de Gaston au président Bousquet, en passant par les juges et les enquêteurs (sans omettre la présence de deux clans assez opposés parmi les policiers, marseillais et parisiens, et l'intervention fort active des militaires sous la conduite du capitaine Albert et de ses chefs dignois). Si personne n'a fait allusion à cette "mission", c'est que chacun aurait été "tenu" par la raison d'État. Peut-on alors envisager que depuis cinquante ans et plus, ce mystère n'aurait pas été éventé, que des témoins n'auraient pas parlé ? C'est invraisemblable. Il y a une seconde raison possible, et qui tombe sous le sens. Si les avocats, pour ne prendre que leur exemple, ne se sont pas servis de l'argument Bartkowski - eux qui ont accompli des trésors d'imagination en faveur de leur client - c'est tout bonnement qu'il ne valait rien, pas davantage que le coup du café "drogué", que Gaston avait servi - devant ses conseils fort embarrassés - après l'audition de Sébeille.

Dès lors, l'annonce redondante de la présence du commissaire Gillard au procès (p. 452), comme l'explication qui en est donnée (p. 588)(15), de même que l'hypothèse envisagée d'une Grand'Terre avertie de l'arrivée du commando (p. 439) constituent des fariboles aussi extravagantes et rocambolesques (j'emprunte ces qualifiants à la page 425 de l'Expertise) que le soi-disant périple de notre ouvrier agricole faisant suite à son évasion de la Légion. Et on peut en gros penser de ce témoignage ce qu'écrivait le commissaire Constant au sujet de la prestation de Panayotou : "son témoignage est tellement sujet à caution, que je n'hésite pas à dire qu'il est faux et simplement imaginé". D'ailleurs, dans son rapport du 5 mars 1953, Constant ajoutait qu'à son avis, Panayotou criblé de dettes, souhaitait probablement être confronté avec Gustave, dans l'espoir de voir celui-ci s'effondrer, auquel cas il aurait pu toucher la prime (la fameuse prime d'un million). Le Commissaire parle aussi (mais oui !), de Bartkowski Wilhelm, 26 ans, dont il rappelle son audition par son collègue Gillard. "Quelques jours plus tard", conclut-il, il confondait Bartkowski qui, pour s'excuser, assurait qu'il avait eu l'intention de passer pour un déséquilibré mental". La manœuvre est la même dans les deux cas, Panayotou et Bartkowski : essayer de tirer un avantage personnel d'une occasion inespérée.

Pour conclure ce point, donnons la parole, une fois n'est pas coutume, au commissaire Sébeille. Dans le Dauphiné libéré précédant le premier jour du procès, on pouvait lire ces quelques lignes :

"Avant de refermer le dossier, nous avons posé au commissaire Sébeille une dernière question :

- Vous avez suivi d'autres pistes, souvent lointaines et confuses. Avez-vous pensé que le vérité pouvait être ailleurs qu'à La Grand'Terre ?

- Non. Nous eûmes [je fais toutes réserves sur ce passé simple, qui n'a certainement pas été prononcé par le Commissaire] même des renseignements dont la presse n'eut pas l'écho. Celui d'un crime hitlérien, par exemple, sir Jack Drummond ayant été parachuté en Hollande [ce qui n'est pas exact]. Celui d'une guerre des trusts pharmaceutiques en Grande-Bretagne ; la piste d'un drame familial, le savant ayant, en Italie, un frère avec lequel il était brouillé...

Sans oublier, bien sûr, la piste du vannier [le vannier ambulant Paul Derink, 36 ans, dit Colombo], celle de la seconde Hillman ; celle du motard suisse ; de l'Allemand qui s'accusait au fond de sa prison; celle du trafiquant d'or messin [Un dénommé Marcel Lutz, électricien à Metz, qui se trouvait dans la région, en 40, sur le tournage de La fille du puisatier, avait accusé, fin octobre 1952, notre ami Gustave de lui avoir dérobé 200 pièces d'or. Accusations fantaisistes, selon l'enquête] ; les histoires de maquis, la recherche des Anglais ayant abandonné leur voiture à Lyon [deux jeunes Canadiens avaient largué leur Triumph dans un garage lyonnais]...

Non. Dès que je quittais Lurs et la rive de la Durance, je sentais que je perdais du temps et surtout je perdais pied.

La Grand'Terre... Le reste n'est que roman. Des histoires que je n'ai jamais crues !"

Que faut-il ajouter ?

 

 

De la créativité sémantique...

 

Enfin notre expert, lorsqu'il s'avise de nous en remontrer question langue française, ne se rend manifestement pas compte qu'il donne dans la désinformation, autre vocable qu'il affectionne particulièrement. Mais préférons, pour la circonstance, faire usage de l'expression interprétation abusive, ou erronée.

Ainsi lorsqu'il prête un sens mystérieux à une phrase paraît-il jetée en l'air par le Tave : "Je paie toujours pour les autres" (p. 403) ; pourquoi triturer la phrase pour en faire surgir des faits cachés ?

De même lorsqu'il disserte doctement sur le sens d'une expression, bien authentique celle-là, puisqu'elle figure noir sur blanc dans le procès-verbal d'une déposition. Mais rappelons les faits. Donnant suite à l'une des nombreuses auditions du Tave, le 13 novembre 1953, et au procès-verbal qui l'objectiva, le juge Périès demande à son greffier de faire figurer, in fine, une notule :

Note du Juge. - après clôture définitive du procès-verbal, le sieur Gustave Dominici nous a fait la déclaration que nous rapportons ci-dessous :
"je ne voudrais pas que vous disiez à mon père que c'est moi qui l'ai dénoncé. Faites-le venir de plus loin..."

Il faut tout de même que notre sémanticien prenne la peine de citer cinq fois l'expression "de plus loin" pour en arriver, de proche en proche, à la transformer en "de plus haut". Entendez que Gustave aurait souhaité mettre en cause l'ombre tutélaire du Parti communiste. C'est comique, ou pitoyable, comme on voudra(16).

 

 

Se parlavian un pau prouvençau ?

 

Mais comment qualifier son attitude, lorsque ce même auteur se mue en gardien vigilant de la lenguo nostro ? Je n'irai pas jusqu'à dire, comme il le fait si élégamment pour un autre, qu'il s'agit d'un domaine dont il ignore tout (un de plus). Et je n'ai pas à défendre quiconque, pas plus Deniau qu'un autre. Mais comment n'être pas révolté lorsque Guerrier se permet de faire la leçon - et sur quel ton ! - à l'auteur de C'était une histoire de famille, gratifié d'un zéro pointé (notre expert s'est transformé sans crier gare en professeur acariâtre), pour une traduction certes bien boiteuse (mais l'essentiel était dit), avant d'être proprement et méchamment assassiné, au motif de centraliste parisien tenant la province profonde pour arriérée (p. 502). Cet individu passe la mesure, et ce n'est pas la première fois. Mais d'où lui vient cette étrange et sourde acrimonie envers le couple Deniau-Sultan ? Il n'est pas jusqu'à Yves Thélène qui ne se fasse clouer le bec, avec plus de douceur, dans ce cas... Quelle mouche a donc piqué notre expert ?

 

Alors, il se trouve, je l'ai déjà raconté il y a bien longtemps, que le "patois" (mais oui, mais oui) avait été ma langue première, en concurrence, certes, avec un français d'une grande correction. Si j'ai beaucoup "perdu", il me reste du moins, à l'oreille, les sonorités. Je n'ai jamais entendu dire : nous parlons provençal, mais toujours : nous parlons patois. C'est un mot très répandu, et le terme dialecte était (est), bien entendu, complètement ignoré de l'immense majorité des locuteurs provençaux. Fustiger, par conséquent, un auteur qui a utilisé le terme "patois" et l'accuser, lui le centraliste parisien, de mépriser la province, relève à mes yeux d'un comportement aberrant. Et que dire de la leçon d'accord infligée à tort à Yves Thélène (aquelo/aqueue) ? Toutes ces incidentes me paraissent plus qu'étranges, et les conclusions tirées davantage encore. Mais je n'irai pas au-delà(17). L'essentiel étant que la communication passe - ou soit passée. Et ce point n'est pas douteux.

 

Car le plat de résistance, c'est évidemment le fameux "es iou qu'ai fa peta". Et d'abord, pourquoi est-ce du patois, sans aucune nuance péjorative ? Car la langue de Gaston n'est pas écrite ; car la langue de Gaston présente plus d'une nuance avec celle d'un habitant d'Avignon ; parce que l'Occitanie n'a jamais existé ; parce que l'effort colossal de Frédéric Mistral pour fixer une orthographe ne peut être valable que pour les intellectuels, qui ont appris le provençal dans les livres ; parce qu'enfin vouloir figer, unifier les patois reviendrait à appauvrir les nuances de la lenguo nostro...

 

Pour revenir à notre phrase, on devrait en réalité l'écrire phonétiquement : * "ez you", la consonne étant sonorisée par la présence postérieure de la semi-consonne (le yod)(18). De même, dans "prouvençau", la dernière syllabe ne se prononce pas comme "sot", (comme je l'ai entendu faire, si souvent) mais en réalisant une diphtongue qui n'existe plus dans notre langue française aseptisée (donc, comme dans le "miaou" du chat). Et cela ne s'apprend pas dans les livres : il suffit d'y être tombé dedans, à la naissance.

Ainsi suis-je conduit à reproduire un dialogue que j'eusse pu entendre, dans ma prime enfance :

 

- Maï mounte erias passa ? [Mais où étiez-vous passés - provençalisme]

- Erian sus la coulino [nous étions sur la colline]

- Diguès mè un paoù, quant n'avès fa péta, dé lèbro ? [Dites-moi un peu - provençalisme - vous en avez tué combien, de lièvres ?]

- Sian escagassa, n'aven fa péta très [on est fourbus, on en a tué trois]

 

C'est assez dire, si on veut bien me suivre, que les arguties guerrières à propos de ce qu'a dit ou pas dit Gaston, comme à propos de ce qu'il a voulu dire par là, ressortissent à un procédé jésuitique - pour ne pas dire plus.

D'ailleurs, Gaston soi-même (qui, en gros, parlait en rhodanien), le fameux soir "Guérino", avait répété sa phrase, non plus de façon menaçante, mais sur le mode neutre, affirmatif :

 

Es iou qu'ai fa péta lei très Inglès.

Avant de s'effondrer : Oh cette petite, cette petite !

 

Il n'y a pas d'autre sens de la locution verbale faïre peta. Vous pouvez consulter tous les experts provençaux que vous voudrez.

Si vous ne m'en croyez pas, faites donc un détour par Le trésor du félibrige, de Frédéric Mistral (tome II, p. 557) :


Faïre péta quaucun
: tuer quelqu'un
Faù que te fague péta, il faut que je te tue.

Gaston s'est dénoncé lui-même, en français comme en "patois". Il est donc parfaitement vain d'écrire 734 pages d'un ouvrage souvent prétentieux, sinon arrogant, pour tenter de nous en faire accroire.

 

 

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Notes

 

(1) Il a le front de signaler par euphémisme - p. 77 - ses "maladresses" ! Alors même que, dès le début de l'Affaire, le commissaire Harzic parlait, lui, à plusieurs reprises, de son comportement anormal (il est vrai que Georges Harzic n'est pas un grand flic, n'est-ce pas ? Parole d'expert) . Et que le commissaire Chenevier, trois ans plus tard, stigmatisait, lui, une attitude invraisemblable !On sent que notre expert a visionné avec le plus grand intérêt l'émission Dominici, quarante ans de rumeurs, présentée sur TF1 en 1993 : on y parlait, avec une fausse candeur, des "explications maladroites de Gustave"...
(2) La description que fait notre auteur de P. Maillet : volubile, embrouillé, usant et abusant d'images, de descriptions inutiles, de digressions... m'a fait irrésistiblement penser à quelqu'un, pas vous ?
(3) "L'affaire Dominici, un secret en Provence (1)", France-Culture, 14 octobre 2003.
Au sujet des qualités d'historien de Mossé, il me paraît nécessaire, même si apparemment cela nous éloigne de notre sujet, d'effectuer le copier-coller d'une opinion autorisée. Elle se suffit parfaitement à elle-même et se passe, il me semble, de tout commentaire (il s'agit de l'examen critique d'un bouquin de Mossé intitulé Les impostures de l'Histoire) : "Bourré d'erreurs historiques et d'approximations.
On reste rêveur à la lecture du "mot de l'éditeur" (la quatrième de couverture) ! Je n'ai pas eu le courage d'aller au-delà du premier chapitre, tellement celui-ci accumule les erreurs de chronologie, les incohérences, les approximations, les formules dignes d'une mauvaise fiction historique mais non d'un ouvrage d'histoire, sans parler des fautes de latin. Quelques exemples d'anachronismes : Cicéron (mort en 43 avant J.-C.) présenté comme participant au conseil privé de Néron, en 64 ap. J.-C. (soit plus de cent après sa mort) et manifestant son opposition aux chrétiens (alors qu'il est mort bien avant la naissance du Christ). Ce n'est pas un lapsus : la même absurdité apparaît deux fois ! Autre exemple : Saint Pierre arrive à Rome "probablement en 39 ou 40", dit l'auteur lui-même, et y contemple le Colisée (dont la construction a dû commencer en 69 ou 70). Vous en voulez encore ? "Sénèque le Vieux" (ainsi l'auteur appelle-t-il apparemment le père de Sénèque) a, nous dit-on, raconté la première nuit de l'incendie de Rome qui a eu lieu en 64 ; or il est lui-même mort autour de 40. L'auteur ne donne pas les références précises de ses sources, auxquelles il fait ainsi dire ce qu'il veut. De la part de quelqu'un qui se veut redresseur d' "impostures de l'histoire", des erreurs aussi grossières me semblent révéler un mépris du lecteur. Je le répète, je n'ai lu que le premier chapitre ; on peut espérer que les autres sont moins catastrophiques, mais l'attitude anhistorique que révèle celui-ci laisse bien mal augurer de la suite. Je laisse à d'autres le soin d'aller plus loin. D'autant que les dites "impostures" sont depuis longtemps reconnues comme telles..."
.
(4) Décidément, notre auteur est un bien médiocre lecteur, dont la fiabilité ne laisse pas d'être inquiétante. Car L'Huma, qu'il a lu(e), a donné dès le début de l'Affaire le bon renseignement.
(5) Il était parfaitement inutile d'aller interroger la mère Buffet pour faire semblant d'apprendre des faits que tout le monde connaissait de longue date, et cela vaut aussi pour Roger Autheville.
(6) Guerrier parle d'un mauvais ragot, mais il le reprend quand même, pour noircir encore sa peinture : Maillet serait allé jouer au Casino d'Aix ! Mais vous le voyez, sur son cyclomoteur Manufrance, marque Hirondelle, le Popaul, se rendre en costume trois pièces au Casino d'Aix ? Avez-vous surveillé les entrées, avez-vous même essayé d'y entrer, au dit Casino, dans les années cinquante ? Moi oui ! J'étais alors pensionnaire du Lycée situé à 165 mètres du Casino - non, je rigole, j'ai pas mesuré.
Puis il ajoute un autre "ragot" selon lequel Sébeille se serait servi du million de la prime pour "acheter" en quelque sorte Maillet, aux prises avec des difficultés financières. Ragot, certes, mais qui est rapporté. Et pourquoi, sinon dans l'intention de nuire ?
Pour estimer à leur juste valeur les remarques de Guerrier sur Popaul, il n'est que de se souvenir de l'appréciation du commissaire Chenevier : "La franchise de Paul Maillet ne saurait... être mise en cause, et même ceux qui ont cherché à amoindrir la force de son témoignage en portant atteinte à son honnêteté ont dû se rétracter au cours d'un procès en diffamation qu'il a intenté" (De la Combe aux Fées à Lurs, p. 200). Il est vrai que ce n'est là que le témoignage d'un flic, après tout...
(7) Et je rappelle qu'il est exceptionnel qu'une manifestation ouvrière se termine par de la casse, ou des dégradations volontaires. Tandis qu'il est exceptionnel, malheureusement, qu'une manifestation agricole, une démonstration de force et de colère d'agriculteurs ne se termine pas par de la violence et de la casse.
(8) Personne, selon moi, n'a mieux remis les choses à leur place, à propos du triple crime, que Gabriel Domenech, justement, écrivant par empathie :
On a dit à ce vieillard : "Rendez-vous compte de l'horreur de votre crime ?"
Il pourrait répondre : Rendez-vous compte de l'horreur de ma situation après ce coup de fusil
[sic], lorsque j'ai vu devant moi un homme plié en deux et une femme et une enfant hurlant ! Je venais, en tuant bêtement, de sacrifier une vie, la mienne. Soixante-seize ans d'une vie de labeur, d'une vie de souffrance et de sueur à l'issue de laquelle j'étais devenu quelqu'un, j'étais devenu un fermier respecté, moi qui suis un enfant de l'Assistance publique ! (in Le Méridional-La France du 1er décembre 1954).
(9) Et quand je songe qu'il reproche "à un certain Duralex sur le forum de William Reymond" de ne pas savoir lire (une carte) ! J'ajoute (après avoir affirmé que ce Duralex m'est parfaitement inconnu) que dans une seconde allusion (Allo Ranucci, p. 442), notre auteur, d'une part révèle qu'il est totalement incapable d'apprécier le moindre trait d'humour, mais encore nous refait le coup de l'hôpital se moquant de la charité : ses propres allusions intempestives à des affaires criminelles n'ayant rien à voir avec celle de Lurs auraient dû l'inciter à un peu plus de modestie - ou de bienveillance. Mais n'est-ce pas parce que le dénommé Duralex avait exécuté le témoignage Bartkowski avec une précision confondante ?
Un autre exemple de "lecture rapide" incongrue peut être trouvé à la page 395 de l'Expertise : selon l'auteur, Jean Laborde rapporte une confidence que lui aurait faite Andrée Sébeille, la femme du Commissaire ; reportez-vous à la page 140 de Un matin d'été à Lurs, vous serez bien en peine d'y dénicher une confidence personnelle d'Andrée à Jean !
(10) Yves Thélène, me contant ses souvenirs concernant le suivi du procès - auquel il fut admis, me dit-il, avec la complicité de Sébeille - m'a parlé des incroyables sottises que pouvaient proférer sur l'Affaire, lors des interruptions pour le repas de midi, Giono et les autres écrivains présents (Salacrou, par exemple).
(11) Christian Guery, Justices à l'écran, PUF, 2007, 302 p.
(12) Cerise sur le gâteau, ils y trouveront ce qu'il convient de penser du marxiste puis structuraliste R. Barthes.
(13) Il traite aussi, rapidement, du cas Llorca (qui, à mon sens, relève de la psychiatrie), pour se rallier ici, et pour une fois, aux conclusions "officielles". Pourtant, si on se donne la peine de fouiller ce témoignage tordu, il doit bien y avoir quelques zones d'ombre à se mettre sous la dent, non ?
(14) Il convient d'ajouter que le téléfilm produit par TF1 en 2003 est l'objet, de la part de Guerrier, d'une discrétion exemplaire (alors que j'y ai relevé plus de deux cents "erreurs")... Il est vrai qu'il s'agit d'un scénario issu de Les assassins retrouvés.
(15) Je me permets de reproduire ici (par copier-coller) la note 6 du fichier "horresco1". Elle ne va hélas pas dans le sens de ce qu'allègue notre expert, qui lui-même n'a fait que copier les insinuations fielleuses de Reymond.
"L'auteur [W. Reymond] croit tirer argument de la présence de Gillard au procès, comme signe de la suspicion (de la piètre estime) en laquelle Sébeille était tenu par la hiérarchie. Il écrit, en effet [WR p. 177], "Gillard a assisté, incognito, à l'ensemble du procès". Incognito ! Tout d'abord, sauf erreur de ma part, la présence de Gillard a été signalée par les journaux. Ensuite, peut-on imaginer une seconde que ce flic parisien aurait pu passer inaperçu aux yeux de ses collègues marseillais, les Constant, Harzic, Mével et autres Sébeille ? Enfin, et Reymond manifeste là une nouvelle fois son inculture, la tradition jacobine du système français fait que le "sommet" aime bien savoir ce qui se fait à la "base", et ne dédaigne pas, à l'occasion, de participer directement au travail de la "base". C'est ce que l'on appelle (assez improprement) le parisianisme. Ainsi, en septembre 1953, Chenevier en personne s'est déplacé sur la Côte d'Azur (avec son "grand ami", l'inspecteur principal Borniche) pour tenter d'élucider un sensationnel vol de bijoux. Personne n'a dit à cette époque que le commissaire Mattéi, chargé de l'affaire, était tenu en laisse par Paris, n'est-ce pas ?"
(16) Dans un ordre d'idée voisin, celui de la créativité lexicale, notre auteur me reproche (dans une note de la page 82) d'utiliser ce qui est, à ses yeux du moins, et s'agissant de l'époque considérée (1944), un néologisme, le qualifiant humanitaire ("il trouve normal d'utiliser le concept d'humanitaire, qui n'existait pourtant pas, à l'époque"). Dans ces conditions, on se demande pourquoi notre sourcilleux censeur utilise le même vocable, une demi-page plus loin, sans le coiffer des guillemets destinés à moquer ma prétendue incorrection. Il est d'autre part curieux de remarquer qu'il n'oppose pas la même objection, alors qu'il se montre si pointilleux, à Jean-Loup Charrier, qui utilise le terme à deux reprises, au moins. Mais il est piquant de noter que pour mieux asseoir son jugement, il fait appel à l'autorité linguistique supposée du commissaire Sébeille, lui le tant honni, lui le tant brocardé ("D'ailleurs, l'adjectif n'apparaît pas chez Sébeille, par exemple") ! Alors, rassurons notre "cher ami" : dans le Nouveau petit Larousse illustré, édition de 1937, page 503, on peut lire : "humanitaire : qui intéresse l'humanité : institutions humanitaires ; qui s'occupe des intérêts de l'humanité : un philosophe humanitaire". À trop vouloir prouver...
(17) On peut aussi se demander pourquoi Jean-Loup Charrier (Le dernier témoin) qui utilise, lui aussi, le terme patois, n'est pas traité de centraliste parisien... Pour la petite histoire, à propos de "Parisien" complètement ignorant, on rappellera cette réflexion trouvée sous la plume du commissaire Chenevier : "Après avoir repris le contrôle de lui-même, [Gaston] prononça quelques mots rapides dans un idiome que seul son fils parut comprendre..." (L'Affaire Dominici, p. 114). C'est amusant, instructif (Chenevier avait oublié sa naissance à Montélimar), mais nullement péjoratif ou méprisant.
Quoi qu'il en soit, je renvoie à un bel article dû à la plume experte du grand linguiste provençal Charles Rostaing, autrefois président de l'association "Lou Prouvençau à l'escolo", paru dans la revue Les cahiers pédagogiques, livraison n° 153 d'avril 1977, sous le titre "Langue et dialecte".
(18) On peut trouver un exemple amusant de variation dans Bienvenue chez les Ch'tis : le ça est réalisé cha, la sifflante devient chuintante, passant d'une réalisation alvéolaire à une réalisation palato-alvéolaire. Ce qui entraîne les quiproquos que l'on sait, et les interrogations douloureusement dubitatives du postier marseillais.
On ajoutera qu'une célèbre marque de pastaga a usé, pour sa publicité, du même mécanisme. Après avoir, en effet, risqué une métathèse (anis étoilé/anis étiolé), la dite marque opposait le Pastis au Pastiche...