Eh bien ! Voilà que le nouveau gouvernement se met en place. Le Ministre qui m'intéresse le plus, c'est à l'évidence celui de l'Éducation nationale, dont on prétend qu'il est précédé d'une flatteuse réputation. Ce que je veux bien, a priori, croire. En tout cas, il porte un nom bien français, doublé d'un prénom français, ce qui nous changera des binationaux. Mais ne nous arrêtons pas à l'écume ! Et à défaut de jauger des actes, qu'il nous soit au moins permis de juger des intentions. Or, à peine était-il désigné, que M. Jean-Michel Blanquer nous assène une énormité - en attendant les autres : il veut "autoriser à nouveau le redoublement". J'ai dressé l'oreille : cet homme-là est compétent, dit-on ? Moi aussi. Et je hais la démagogie. Alors, ressortons de "vieux" textes !

 

 

I. Une querelle oubliée : le duel Martine Aubry - François Hollande

 

Mais auparavant, je pense de la première importance de revenir sur un débat qui eut lieu le mercredi 12 octobre 2011. Il m'apparaît en effet qu'on n'a pas suffisamment porté attention à un moment crucial de ce débat, opposant, comme l'on sait, les deux finalistes de la primaire socialiste.

Qu'on me permette une incidente acerbe : je déteste absolument "la dame des trente-cinq heures" ; mais que les militants socialistes, après le débat, aient tranché, par près de 60 % des voix, en faveur du futur et lamentable Flanby (tous ceux qui s'y connaissaient un peu avaient crié casse-cou, et annoncé que le septennat Hollande serait lamentable), en dit long sur leur maturité politique. Et je me permets de rappeler ici la formule très sulpicienne de Michel Rocard, parlant de "l'excessif simplisme des militants". Bref. Commençons par sourire un peu, mais jaune, avec cette phrase de Hollande : "Vous savez que j'ai fait de l'éducation et de l'école la grande priorité parce que c'est la condition pour nous en sortir"...
Et lisons avec très grande attention l'échange qui suit, François Hollande ayant annoncé la "création" de 60 000 postes supplémentaires dans l'Éducation nationale :

"M. Aubry : [...] Je voudrais juste vérifier, parce que pour qu'on aille au bout des choses, parce que les Français attendent qu'on soit précis effectivement, 60 000 fonctionnaires, c'est donc 2,5 milliards, donc tu mets 2,5 milliards sur le budget ?

F. Hollande : À la fin de l'année.

M. Aubry : À la fin, oui, la dernière année.

F. Hollande : Donc c'est 500 millions. Je rappelle que le budget de l'enseignement scolaire c'est 50 milliards d'euros, donc c'est 1% du budget.

M. Aubry : C'est donc 2,5 milliards ?

F. Hollande : À la fin du quinquennat.

M. Aubry : Et quand tu disais : "Je supprimerai le redoublement, ça coûte 2,5 milliards" ?

F. Hollande : Oui, le redoublement c'est 2,5 milliards à la fin du quinquennat.

M. Aubry : Alors, ça veut dire que tu souhaites créer 60 000 emplois qui coûtent 2,5 milliards, mais tu en supprimes à nouveau 60 000 puisque le redoublement c'est des profs en moins.

F. Hollande : Non, le redoublement c'est des effectifs en plus [sic !]. Je ne dis pas qu'il faut supprimer tous les redoublements, il y a des fois où c'est nécessaire, mais on voit bien qu'il y a une marge. C'est en France, qu'il y a le plus de redoublement. C'est en France qu'on a le rythme scolaire le plus absurde, donc il y a des économies que l'on peut faire dans le système.

M. Aubry : Ça on est d'accord, mais ça veut dire que quand on dit on crée 60 000 emplois, ça coûte 2,5 milliards, on en retire 60 000 parce qu'on supprime les redoublements, ça veut dire que finalement on n'embauche pas d'enseignant complémentaire.

F. Hollande : Oui, pourquoi ? Je ne comprends pas le raisonnement. On peut avoir moins de redoublement et avoir plus d'enseignants pour suivre les élèves. C'est l'objectif. Je préfère qu'il y ait plus d'enseignants pour suivre des élèves qui seront amenés à ne pas redoubler plutôt que d'avoir des redoublements avec des effectifs constants, pour moi c'est plus clair.

M. Aubry : Oui, mais si le redoublement coûte 2,5 milliards, c'est parce qu'il coûte des enseignants.

Journaliste : Si le redoublement coûte 2,5 milliards, vous dites ?

M. Aubry : Ça veut dire que ça coûte 2,5 milliards en professeurs, donc si on veut les retirer. Là, je ne parle pas de l'idée même du redoublement. On redouble beaucoup plus en France qu'ailleurs, ça c'est vrai, c'est la facilité, mais je pense qu'il y a certains redoublements qui sont nécessaires, donc on ne peut pas tous les retirer, loin de là, c'est à peu près 10 % de redoublement dans le secondaire, mais ça veut dire, si on dit : 'Je finance les 2,5 milliards par le non redoublement', ça veut dire qu'on retire des professeurs, que par ailleurs on dit qu'on va ajouter.

F. Hollande : On les mettra dans le suivi des élèves. Je ne comprends pas très bien le raisonnement. Il vaut mieux les mettre dans le service aux élèves plutôt que d'avoir ce système-là, qui est absurde. On a des effectifs beaucoup plus importants avec aussi les redoublements, bien sûr.

M. Aubry : Alors, moi je n'ai pas dit ce que j'allais faire sur l'école, parce que je crois que réellement rajouter des enseignants, c'est absolument nécessaire, on l'a dit, Mais je crois que vraiment on est face à une crise profonde de l'école et il faut la refonder profondément. J'y travaille depuis deux ans Maintenant avec les syndicats d'enseignants et avec les parents d'élèves. Et d'ailleurs je recommencerai dès le lendemain de la primaire, car je veux pouvoir dès l'automne, quand je serai élue Présidente de la République, faire voter un pacte éducatif sur cinq ans qui donne une véritable révolution à l'éducation nationale. Il ne suffit pas de rajouter des enseignants. Il faut changer les pédagogies. Il faut changer les rythmes scolaires. Il faut remettre la formation des enseignants, ça coûte cher. Il faut leur donner la possibilité de travailler en commun et il va falloir payer pour ça. Il faut revaloriser les salaires lorsqu'il y a ces tâches complémentaires qui arrivent et moi je le dis, parce qu'il faudra être courageux pour le dire, je pense que comme on ne pourra pas tout faire en même temps et que certaines choses, celles que je viens de dire sont absolument nécessaires, il faudra mettre moins d'élèves là où il y a des quartiers en difficulté, là où il y a des difficultés et il ne faudra pas hésiter à mettre plus là où les gens vont bien, donc je vais commencer dès le lendemain de la primaire, cette négociation pour que ce pacte éducatif puisse être effectivement en place à l'automne 2012 et entrer en application en 2013 [...]".
[Notons, en incidente, que les "tâches complémentaires" évoquées ci-dessus par Mme Aubry avaient été prudemment abordées en 1981 sous le ministère Savary, par Louis Legrand : et que les syndicats d'enseignants, vent debout, les sabordèrent, s'étant au préalable déclarés "en état de légitime défense"...].

Bien, maintenant que nous avons lu cet échange (et quelle nullité, enfin, que ce Hollande), nous allons traduire en termes clairs l'essence des propos tenus. Le redoublement, en France, occupe des proportions considérables. Ce que ne nous disent pas les deux adversaires, c'est qu'il vise, à 99 %, les enfants classes dites défavorisées : on n'y trouve ni filles et fils de cadres, ni filles et fils d'enseignants (il y a d'ailleurs beaucoup plus de fils que de filles). C'est un bien triste record détenu par notre pays, et lorsque des chercheurs accusèrent, il y a longtemps, les enseignants d'être les "chiens de garde" du capitalisme, comment leur donner tort, quand bien même le propos est outrancier ? Mais il y a plus : le redoublement (toujours puisé au sein des classes populaires) sert de variable d'ajustement au monde enseignant, ici en évitant une fermeture de classe, là en permettant une ouverture. Ce petit jeu, que le débat ci-dessus a tout juste effleuré (certes, ce n'était pas l'objet principal) permet donc, si l'on en croit les débatteurs, semble-t-il bien informés, le maintien de 60 000 postes supplémentaires, ce qui est considérable (Mme Aubry évoque 10 % des effectifs, je lui laisse la responsabilité de son affirmation). Et ce qui est aussi, foncièrement malhonnête... et socialement désastreux pour les "bénéficiaires" des redoublements.

Comme l'écrivirent au début des années 70 les dénommés Baudelot et Establet, non seulement l'école est une machine à perpétuer les inégalités et la hiérarchie entre les classes sociales, mais encore elle tend à les accentuer. Avec la complicité des acteurs du système. Et ça ne va pas s'arrêter ainsi. Surtout avec Jean-Michel Blanquer, vers qui je reviens maintenant.

Ainsi donc, le sémillant ministre commence sa carrière ministérielle en énonçant une énormité, que dis-je, une grossière contre-vérité. En effet, il veut "autoriser à nouveau le redoublement". Ce qui signifie que les redoublements sont jusqu'ici interdits, en France : c'est donc Martine Aubry, qui a menti ? Oh que non ! Mais un peu de démagogie, au passage, pour se faire bien voir du petit personnel, qui n'y a pas eu recours ? En tout cas, si les redoublements mobilisent, en France, 60 000 postes d'enseignants, c'est que le  redoublement, loin d'être interdit, constitue une pratique fort courante. Et nullement un "caractère exceptionnel". Point barre.

Malheureusement, Blanquer, qui n'est pas tout blanc hélas, a poursuivi dans la même veine, soutenu - entre autres - par l'ineffable Le Point (22 juin) titrant "L'homme qui veut arrêter les bêtises" et mettre fin au "pédagogisme qui a démoli l'école" (rien que ça !). De plus, avec le décret Blanquer (publié au JO du 28 juin), la démarche d'augmenter le nombre de jours de classe dans l'année scolaire (une année scolaire bien trop courte, une semaine bien trop courte) devient complètement infructueuse... Et voilà maintenant notre ministre qui annonce les cours de soutien (allo, M. René Haby ?) et 100 % de réussite au CP, en dédoublant les classes des REP : encore de la démagogie, saupoudrage et poudre aux yeux qui n'auront aucun effet (on le sait, depuis longtemps, que l'argent déversé sur les anciennes "zones d'éducation prioritaire" [sic] l'est à peu près en pure perte). Il n'y a pas de corrélation entre la baisse des effectifs et la réussite des élèves : il ne s'agit que d'un confort destiné aux enseignants. Écoutons Mme Aubry, à nouveau : "Il ne suffit pas de rajouter des enseignants. Il faut changer les pédagogies. Il faut changer les rythmes scolaires". Ça mériterait d'être développé, nuancé, précisé, mais bon. Venons-en à la suite !

 

 

II. L'intervention de G. Villars, en... 1973

 


De tous les maux qui frappent notre système scolaire, chacun sait que le redoublement est l'un des plus redoutables.
Non seulement, en effet, il transforme le retard en échec, mais encore il devient une véritable institution et par là même, le symptôme de l'inadaptation de ce système.

Comment en finir avec cette aberration éducative, c'est ce qu'examine ici Guy Villars, auteur d'une importante thèse de doctorat qui vient de paraître sous le titre "Inadaptation scolaire et délinquance juvénile".
Nos lecteurs ont eu l'an dernier les bonnes feuilles de ce travail.
Aujourd'hui, en complément de l'article de Guy Villars, Jacques Maladorno leur en donne le compte-rendu.

 

 

Mercredi 12 septembre, 8 h 10, à l'écoute du bulletin d'informations diffusé par un poste de radio périphérique : entre l'annonce du putsch militaire au Chili et celle de l'inculpation d'un richissime marchand de tableaux pour inexistence fiscale, voici quelques conseils dispensés aux "redoublants" à la veille de la rentrée scolaire, par une haute autorité du ministère de l'Éducation nationale. Reflets, certes, d'une actualité diverse et mouvante ; mais aussi signe des temps...

Pourquoi ces conseils ont-ils quelque chose d'irritant ? Ils sont judicieux, pourtant, frappés au coin du bon sens... Qu'on en juge : "Élèves qui devez redoubler, attention ! En fait, vous appartenez à deux catégories. Il y a parmi vous ceux dont la scolarité s'est trouvée interrompue par la maladie. Ceux-là ne sont pas de vrais redoublants, ils vont effectuer pour la première fois la totalité de l'année scolaire : bonne chance à eux ! Mais il y a aussi ceux qui n'ont pas obtenu l'an dernier des résultats suffisants pour être promus dans la classe supérieure. Mes amis, attention, un danger vous guette : au début de cette années scolaire, vous allez connaître le confort d'être en avance sur vos nouveaux condisciples. Mais ne vous laissez pas aller, faites effort dès le début, sinon vous risquez l'effondrement brutal après quelques semaines ou quelques mois, et un nouvel échec au terme de cette seconde année..."

Voilà qui est vrai, et d'expérience courante. Et pourtant, je proteste. Je proteste contre le principe du redoublement et la généralisation de cette solution de facilité. Je proteste contre le caractère naturel artificiellement donné à cette aberration de notre système éducatif. Je proteste contre la bonne conscience du corps de l'Éducation nationale qui accepte en bloc ce camouflage et la fiction du redoublement comme un mal nécessaire.

 

 

Du retard à l'échec

 

Tout se passe en effet comme si le redoublement était, non pas un palliatif regrettable du ralentissement ou du blocage de la progression éducative, mais une nécessaire institution, régulatrice du flux scolaire et du système pédagogique tout entier. Comment donc en est-on venu là ?

Il est entendu que chaque classe, c'est-à-dire chaque année du cursus scolaire, a ses programmes, qui définissent un niveau scolaire spécifique. Il est entendu également que, pour passer dans la classe supérieure, il faut en fin d'année avoir assimilé la quasi-totalité des connaissances incluses dans les programmes. Dans le cas contraire, une solution et une seule : redoubler, recommencer, dans sa totalité, l'étude desdits programmes, dans les mêmes conditions, c'est-à-dire comme si rien ne s'était passé au cours de l'année scolaire écoulée.

Le redoublement repose donc sur un constat de retard. Mais il transforme, qu'on le veuille ou non, ce constat de retard en constat d'échec. Et c'est cet échec qui seul est pris en considération, non ses causes, ni son processus constitutif, ni ses résonances diverses, scolaires, psychologiques, familiales : premier paradoxe. Second paradoxe, que masquent à nos yeux les habitudes acquises et les stéréotypes de la société scolaire : cet échec, né d'un déficit de connaissances, est présenté comme une réalité objective, indiscutable dont la froide constatation s'impose par conséquent à tous, avec sa conséquence obligée, le redoublement. Rien de plus faux, en réalité.    

Car c'est la décision de redoublement qui construit l'échec scolaire, en élaborant une image ponctuelle et inexacte de la situation de l'élève. D'abord, comme nous venons de le voir, parce qu'elle transforme un déficit objectif en un jugement de valeur. Mais aussi parce que le déficit réel est toujours inférieur au déficit théorique impliqué par le redoublement, lequel correspond nécessairement à une année scolaire. Quel élève, en dépit de la médiocrité de son travail, de la faiblesse de ses efforts, n'aura pas acquis malgré tout un certain nombre de connaissances, les deux tiers, la moitié, le quart, le dixième du programme de la classe suivie ? La procédure du redoublement considère ces connaissances, quelle que soit leur importance, comme non avenues : c'est la loi du tout ou rien.

 

 

Un symptôme d'inadaptation

 

Pour superficielle qu'elle demeure ici, cette analyse de la situation de redoublement et de sa signification réelle a pour nous, au sens fort du terme, quelque chose d'étonnant. Comment notre système scolaire a-t-il pu se scléroser au point qu'un phénomène aussi énorme puisse être toléré par les administrateurs et les enseignants ? Le fait n'est pourtant pas nouveau : dès 1958, une enquête de l'I. P. N., faisant suite à des enquêtes partielles, révélait qu'environ un tiers des effectifs scolarisés en école primaire avaient au moins une année de retard(1). D'autres enquêtes ont, par la suite, confirmé l'aggravation constante  de la situation : "Au début de la cinquième année de la scolarité primaire, presque un enfant sur deux n'a pu suivre la progression prévue par l'école [...].  À dix ans, un enfant sur six a pris deux ans ou plus de retard et certains même en ont accumulé jusqu'à quatre"(2). Le phénomène se prolonge évidemment dans le second Degré, comme le montre bien la recherche longitudinale de Girard et Bastide : 27 % seulement des enfants entrent en 6e à l'âge considéré comme normal ; 17, 7 % en seconde ;  12,8 % en première, et 10,7 % seulement en terminale...(3). Pour certaines populations scolaires socialement défavorisées, la proportion est beaucoup plus importante encore : nous avons établi que, dans la population des jeunes inadaptés sociaux pris en charge par le ministère de la Justice, 70 % environ avaient un retard d'au moins une année en fin de scolarité primaire, 55 % présentaient un retard égal ou supérieur à trois années(4).

Énormité du phénomène quant à son ampleur, énormité aussi quant à sa nature. Le redoublement se trouve érigé, dans les faits, en institution scolaire : il devient ainsi un symptôme d'inadaptation de notre système scolaire. Alors que nous prétendons affiner nos objectifs pédagogiques dans toutes les directions, nous conservons une organisation archaïque qui est à elle seule un obstacle à tout procès éducatif réel. Nous entretenons pieusement une pédagogie grégarisée dans des structures soigneusement stratifiées. Car tout le problème est là : il n'y a de redoublement que dans la mesure où chaque classe, correspondant à une année scolaire, constitue une structure fermée et monolithique, fermeture et monolithisme engendrant la discontinuité de la progression éducative.

 

 

Une progression continue

 

Pour en finir avec cette aberration éducative, il conviendrait de repenser quelques notions simples et courantes. Et tout d'abord la notion de progression scolaire.

Il faut rappeler que notre conception de la progression scolaire est intimement liée au processus historique d'extension et de démocratisation de l'enseignement. C'est l'arrivée massive de tous les jeunes Français dans les écoles, à la fin du XIXe siècle, qui a nécessité l'invention d'une pédagogie collective, d'une didactique organisée en fonction de groupes nombreux d'élèves considérés, par hypothèse, comme homogènes. On oublie trop souvent que cette pédagogie de la "leçon" collective, inspirée d'Herbart, a représenté dans l'histoire de l'éducation un considérable progrès, dans la mesure où elle a permis une scolarisation rapide et singulièrement efficace de toute la jeunesse française. Et toutes les critiques qu'on peut adresser aujourd'hui à cette pédagogie dite "traditionnelle" n'enlèvent rien à cette évidence. Que cette pédagogie soit aujourd'hui dépassée, qu'elle soit inadaptée aux besoins du monde contemporain, à la psychologie des enfants et des adolescents qui y vivent, nul ne le nie. Mais il serait vain de prétendre "rénover" des méthodes sans réformer les structures qui, dans une large mesure, les Il conditionnent.

Les pédagogues qui fondèrent l'école publique répondaient aux besoins de la masse des enfants ; le chemin parcouru devrait nous permettre de nous préoccuper aujourd'hui des besoins des individus.

Or nous ne le faisons pas. La masse des élèves continue à être répartie, encadrée, dans des structures cloisonnées auxquelles l'usage administratif comme la pratique pédagogique ont donné, au fil des ans, une rigidité croissante. D'où cette stratification en cours et en classes des masses scolaires urbaines : la progression dans l'acquisition des connaissances se trouve ainsi morcelée et rythmée à la cadence des années scolaires. Mais ce qui fut, à un moment donné, une nécessité pédagogique et administrative fondamentale, ne tient nullement à la nature de la progression éducative. Il y a tout intérêt, au contraire, à ce que celle-ci conserve souplesse et continuité dans la durée parce que, précisément, les élèves diffèrent les uns des autres non seulement par leur niveau intellectuel, leurs aptitudes, leurs motivations, mais encore par leur rythme dans l'acquisition des notions nouvelles.

Il faudrait d'ailleurs parler, pour un élève donné, des rythmes, plutôt que du rythme de sa progression. Car chaque sujet n'assimile pas nécessairement de la même manière les connaissances en français, en langue étrangère, en sciences, en mathématiques... Et il nous faut aujourd'hui admettre ce principe de simple bon sens qui condamne le redoublement : à savoir que, pour chaque élève et dans chaque discipline, la progression doit reprendre au début de l'année scolaire, là où elle s'était interrompue avant les vacances...

Dans cette perspective, l'annualité des programmes conserve son utilité ; mais ceux-ci ne sont plus que des références, des repères, dont on tendra seulement à se rapprocher dans la mesure du possible en respectant les rythmes de progression individuels. Le souci essentiel n'est plus la chronologie des acquisitions mais, avec leur solidité, la continuité et la cohérence du processus. C'est dire, en d'autres termes, que la constitution des groupes scolaires n'est plus commandée par l'homogénéité des niveaux scolaires : ainsi se trouve brisé le monolithisme engendré par la solidarité "classe-programmes", ainsi disparaissent les redoublements.

 

 

Rythmes et durées

 

Seconde notion à repenser : la durée-type d'un cursus scolaire donné. Il n'est plus possible de poser aujourd'hui comme un principe fondamental que tous les élèves doivent    acquérir les mêmes notions dans le même temps : l'élargissement de la population scolarisée, l'allongement de la période de scolarité soulignent les différences psychologiques individuelles et surtout les différences socioculturelles. Comme on a admis que se diversifient les voies d'orientation, il faut admettre que se diversifient autant que de besoin les temps d'acquisition. Aussi bien les faits nous contraignent-ils, même si on les déplore, à accepter ce qui est une réalité. Le phénomène concerne aussi bien le premier que le second degré, et il n'est d'ailleurs pas spécifique à notre pays. Mais, s'agissant des écoliers français, Reuchlin a pu mettre en évidence ce fait caractéristique : "Tout se passe comme si chaque enfant était caractérisé par une vitesse d'apprentissage relativement stable, les plus rapides accroissant leur avance avec le temps, les plus lents accroissant leur retard"(5).

De ce fait, c'est la notion même de retard qui est en question, et son utilité, et surtout l'usage qui en est fait. Le retard n'est en réalité qu'un indice de repérage par rapport à une norme, laquelle résulte elle-même d'une mise en rapport d'un ensemble de connaissances (programme) et d'une durée d'acquisition standard. Un retard peut d'ailleurs s'exprimer de deux manières : qualitativement - ce qui est rarement le cas - par l'énumération des connaissances manquantes quand arrive l'échéance temporelle prévue ; quantitativement, par l'énoncé d'une durée exprimée en années scolaires entières : une année, deux années scolaires de retard... Et on a vu que, par son manque de sensibilité, ce mode d'appréciation, qui est généralisé, entraînait un accroissement systématique du retard réel.    

La réalité psychologique et pédagogique qu'il conviendrait aujourd'hui d'intégrer dans la conception de nos méthodes, mais aussi dans la conception de nos structures d'accueil, c'est donc celle de temps d'acquisition ou, ce qui revient à peu de près au même, de vitesse d'acquisition, rapportée à chaque élève. Du même coup pourrait disparaître le jugement péjoratif qui s'abat sur l'élève "en retard" avec le sentiment de culpabilité qui l'accompagne, et peut-être aussi ce manichéisme scolaire qui fait que, souvent à notre corps défendant d'ailleurs, nous opposons constamment "ceux qui suivent" à "ceux qui ne suivent pas".

Résumons-nous. Dans l'état actuel des choses, la variabilité des rythmes d'acquisition entraîne ce qu'il est convenu d'appeler des retards scolaires. Or cette notion de retard est inadéquate : d'une part, parce qu'elle implique davantage un jugement de valeur culpabilisant qu'une évaluation réelle, point de départ d'une action pédagogique adaptée. Mais aussi parce qu'elle se trouve amplifiée de façon systématique par notre organisation scolaire où le redoublement devient une véritable institution. Toute volonté de réforme scolaire devrait poser parmi ses objectifs majeurs la suppression radicale du redoublement de classe.

Il n'entre pas dans notre propos de parler ici des solutions possibles. Nous nous contenterons de rappeler qu'elles existent, qu'il ne s'agit nullement d'utopies pédagogiques, et que certaines sont d'ailleurs connues depuis longtemps. Des chercheurs, des praticiens, encore qu'en trop petit nombre, se penchent sur ce problème. Dans le premier degré, une recherche est en cours, depuis plusieurs années, sous le contrôle du Service des études et recherches pédagogiques de l'I.N.R.D.P. Nous avons nous-même, dans ces mêmes colonnes et dans notre ouvrage déjà cité, proposé un type de solution original(6). Dans le second degré, quelques établissements expérimentaux fonctionnent déjà par groupes de niveau. Mais disons-le tout net : le mouvement n'est pas lancé, ces efforts demeurent confidentiels et insuffisants, eu égard aux nécessités. Devant la gravité de la situation, il faut mobiliser le monde pédagogique contre le redoublement. Il faut donner à ce thème une publicité au moins égale à celle qui a été faite au tiers temps pédagogique, ou à la "rénovation" de l'enseignement des mathématiques et du français, il faut développer une semblable campagne d'incitation.

Si le redoublement est le symptôme de l'inadaptation de notre enseignement à la situation actuelle, toute mesure prise pour le faire disparaître pourra être accueillie comme le critère d'une volonté efficace de changement. Aux autorités responsables de promouvoir de telles mesures, mais aussi aux éducateurs de les susciter par leur prise de conscience et par leurs initiatives.

Notes

(1) "Une enquête sur les retards scolaires", publication de l'Institut pédagogique national, brochure n° 140/EP, mars 1958.
(2) M. Gilly : "Influence du milieu social et de l'âge sur la progression scolaire à l'école primaire", Bulletin de psychologie, n° spécial,  "Psychologie et éducation", XX, 10-15, 1967.
(3) A. Girard et H. Bastide : "De la fin des études élémentaires à l'entrée dans la vie professionnelle ou à l'Université : la marche d'une promotion de 1962 à 1972", Population, 28, 3, mai-juin 1973.
(4) G Villars : Inadaptation scolaire et délinquance juvénile, T 1 (pp. 108 et suiv.), Armand Colin, 1973 [Thèse d’État de Lettres, préparée sous la direction du professeur Maurice Debesse, et soutenue en février 1972 devant l'Université Paris V (René Descartes].
(5) M. Reuchlin et J. Savy : "La variabilité des âges à niveau scolaire constant", BINOP, 18, sept-oct.; 1962.
(6) G. Villars : "Réorganiser la Communale" - I : Adaptation scolaire et orientation continue, l'Éducation n° 146, 21.09.1972 - II. : "Des structures d'accueil à la structure éducative", l'Éducation n° 147, 28.09.1972.

 

 

© Guy Villars (1920-1997), in L’Éducation du 29 novembre 1973, pp. 10-12.

 

 

III. Des écoliers perdus à l'organisation du désordre (J. Maladorno)

 

 

Après le livre de Pierre Voirin(7) où cet enseignant, devenu directeur de l'École d'État d'éducateurs du ministère de la Justice, étudiait les problèmes de la vocation, de la vérification des aptitudes et de la formation des futurs rééducateurs dans des perspectives que nous n'avons guère l'habitude d'envisager à l'Éducation nationale, c'est une thèse d'État qui vient de naître du contact d'un autre enseignant avec l'Éducation surveillée. L'on se prend à rêver aux résultats fructueux de collaborations plus nombreuses entre ces deux catégories de pédagogues qui se fréquentent si peu !

Professeur d'école normale, Guy Villars, formateur de maîtres de l'enseignement élémentaire, a exploré la surface de l'institution scolaire ; devenu responsable de la formation d'éducateurs du ministère de la Justice, il en a fréquenté les abysses. Du choc ressenti au carrefour de ces deux réalités éducatives, est née l'idée d'une recherche, d'une thèse dont la substance est réunie dans deux volumes récemment parus (8). Frappé par "la similitude qui existe entre les enfants et les adolescents en difficulté à l'école, appartenant surtout aux niveaux socio-économiques les plus bas, et ceux que nous rencontrions dans les établissements de l'Éducation surveillée, très généralement issus des mêmes milieux. Similitude soulignée par le fait que, chez nombre de scolaires en rupture de ban plus ou moins prononcée, on constate des comportements pré-délictuels... et que chez les sujets pris en charge par le ministère de la Justice, on retrouve l'inadaptation scolaire parmi les caractéristiques des enfances difficiles...", il a pu, grâce à sa double appartenance, mesurer l'ignorance réciproque du monde scolaire et de celui de la rééducation sociale, chacun replié sur lui-même et séparé de l'autre autant par l'incuriosité et les a priori que par les barrières administratives, et a voulu rapprocher pour les étudier et tenter de les expliquer ensemble, des faits trop souvent isolés : les phénomènes d'inadaptation scolaire et de délinquance.

Une thèse d'État est un travail de très longue haleine qui réclame à la fois de la rigueur dans la méthode et un volume de documents — "le corpus" — suffisamment complet pour garantir la valeur scientifique et statistique de la recherche. Il n'est pas étonnant dans ces conditions que, même réduite en vue de l'édition, elle remplisse encore deux tomes et six cent vingt trois pages... ce qui exige, aussi, une grande disponibilité de la part du lecteur. Bien sûr, réduire à deux ou trois cents pages un travail de quelque dix années n'est pas facile, ni matériellement, ni intellectuellement, et Guy Villars a dû se poser la question. Je souhaite que le choix qu'il a. fait ne nuise pas à la diffusion que mérite son travail, non seulement par son ampleur et sa minutie, mais surtout par les conclusions auxquelles il parvient et par les remèdes qu'il propose.

Cinq cent soixante six cas, cinq cent soixante six dossiers d'enfants et d'adolescents confiés pour les raisons les plus diverses à l'Éducation surveillée, sont minutieusement analysés au long du premier tome. Nous les suivons dans leur cheminement pénible à travers l'institution éducative. Certains traits se marquent précocement : sous-scolarisation maternelle, scolarisation tardive (par refus ou impossibilité de fréquenter régulièrement l'école dès l'âge de six ans). Une infime minorité de la population étudiée a amorcé des études secondaires, 92 % de ceux qui ont dépassé le cours moyen 2e année n'ont connu que la classe de fin d'études (l'enquête s'étant déroulée avant la disparition de ces sections). La quasi totalité de ces adolescents quitte l'école dès la fin de la scolarité obligatoire, en état d'échec, d'abandon ou de rejet, toujours en situation d'infériorité, après des carrières scolaires hésitantes, marquées de redoublements ou de changements d'orientations dévalorisantes. Dans leur ensemble, ils n'ont pas pu "s'adapter" aux exigences de la pédagogie collective de notre enseignement, et le décalage patent entre leur situation personnelle et la "norme" exigée par le système socio-pédagogique n'est pratiquement jamais surmonté.

Le retard scolaire est général. Il dépasse de plus du double la proportion des retards constatés dans la population de référence (enquête IPN 1958). Les normes de pensées, des familles aussi bien que celles des maîtres, font que l'inadaptation scolaire, traduite par le retard, est ressentie comme une forme d'inadaptation sociale, et donc déjà comme une pré-condamnation. D'autres observations le confirment : un retard de deux années scolaires à quatorze ans correspond à un échec irréversible et quasiment insurmontable. Je livre aux méditations des fanatiques du redoublement - s'il en existe encore - les pages 130 et 131. L'auteur y dépeint la situation de ces malheureux, en pleine poussée pubertaire, maintenus dans le milieu frustrant et humiliant de classes fréquentées par beaucoup plus jeunes qu'eux. Qu'on ne s'étonne pas alors de leur agressivité réactionnelle, et de leur rejet de l'école qui les a rejetés. Liée à leur relation à la vie scolaire, aussi bien qu'à la fragilité de leur milieu familial, on constate que l'irrégularité de la fréquentation scolaire caractérise aussi tous les mineurs délinquants ; pour 40 % d'entre eux s'ajoute une forte mobilité avec son corollaire, la non adaptation aux groupes des condisciples (60 %).

Dans 86 % des cas, le milieu familial est plus ou moins totalement défaillant, même si les stricts besoins matériels sont satisfaits pour 55 % des sujets. Guy Villars fait alors toucher du doigt l'inadaptation fréquente de la famille à l'enfant, et nous constatons avec lui que 50 % des mineurs étudiés appartiennent à des familles très nombreuses de niveau socio-économique qui les situent dans les couches inférieures de la classe ouvrière, habitant des logements surpeuplés et peu salubres.

Le tome deux s'ouvre sur une "analyse structurale" de l'inadaptation scolaire, qui confirme en tous points les observations précédentes, et l'auteur est convaincu que "l'inadaptation scolaire n'est pas un problème circonscrit dans ce lieu qu'est l'école et limité à cette période qu'est la scolarité. Mettant en question la totalité psychique ouverte qu'est la personnalité dans le temps même où s'élaborent ses structures fondamentales, elle relève du processus psychogénétique".

Et il annonce sa conclusion en faisant remarquer que "Prévenir l'inadaptation scolaire, c'est protéger la personnalité en devenir ; traiter l'inadaptation scolaire constituée c'est permettre à une personnalité perturbée de retrouver son équilibre psycho-social".

La suite des études des dossiers individuels montre avec quelle facilité se structure l'inadaptation scolaire même chez les individus d'intelligence normale ou supérieure. L'imbrication des problèmes familiaux et des difficultés scolaires, le renforcement des caractéristiques négatives de la personnalité par les échecs scolaires se cumulent et aboutissent au ralentissement de l'activité intellectuelle et à l'affaiblissement des motivations. Et c'est très vite irréversible !

L'auteur étude alors comment s'élabore une véritable structure d'inadaptation scolaire puis les phénomènes qui lient le processus de dyssocialisation à la "structure latente d'inadaptation", et peut affirmer que c'est "le milieu scolaire [...] qui est le creuset où s'opère l'amalgame des déficiences personnelles et des facteurs familiaux pathogènes". Terrible responsabilité pour les enseignants.

L'auteur consacre enfin les cent dernières pages de son travail à dénoncer "le scandale encore étouffé de la paupérisation culturelle d'une partie de la nation ; il faut dire que l'école produit une masse d'inadaptations scolaires qui sont déjà en elles-mêmes des inadaptations sociales", et à esquisser un plan de lutte efficace contre la prédétermination de l'échec scolaire, pour une pédagogie de l'adaptation et de la prévention grâce à une éducation qui cesserait de viser un individu standard - qui n'existe pas - mais conduirait chaque sujet considéré dans son individualité et son originalité, au plus haut niveau scolaire qui lui soit permis d'atteindre, son optimum pédagogique.

Il ne s'agit pas là de vœux pieux, ni de généreuse utopie. L'an passé les lecteurs de l'Éducation (9) ont eu la primeur de quelques-unes des propositions développées ; leur application demanderait surtout une prise de conscience à tous les niveaux.

S'adressant à tous les responsables, Guy Villars conclut : "Faut-il davantage insister sur la nécessité de développer l'école maternelle et de lui donner des conditions raisonnables de fonctionnement ? Faut-il davantage insister sur la nécessité d'une pédagogie de base de l'adaptation à l'école primaire ? Faut-il davantage insister sur hi non moins indispensable formation de maîtres qualifiés ? [...] Plus qu'un procès, c'est un appel. Mais aussi un avertissement".

Si l'appel et l'avertissement sont entendus, ce ne seront pas les collègues de l'Éducation surveillée qui nous reprocheront de tenter de réduire leur clientèle, bien au contraire !

 

Notes

 

(7) De la solitude à la présence, Privat éd., 1971.
(8) Guy Villars, Inadaptation scolaire et délinquance juvénile (Tome 1 "Des écoliers perdus", 320 p. — Tome II "L'Organisation du désordre", 303 p. - Armand Colin-Bourrelier, 1972-1973.
(9) l'Éducation n° 146 et 147 des 21 et 28 septembre 1972.

 

[Compte-rendu, par Jacques Maladorno, de la thèse de Guy Villars - L’Éducation du 29 novembre 1973, pp. 12-13]

 

 

IV. Réactions de lecteurs

 

4.1. M. Claeyssen, IDEN

 

 J'ai lu avec un immense intérêt l'article de Guy Villars sur le redoublement, dans votre numéro du 29.11.73, faisant suite à ceux des 21 et 28 septembre 1972. Les congés de Noël me permettent d'y revenir et de mieux analyser en quoi cet article m'a à la fois plu et déplu. Je n'hésite pas à vous faire part de mes réflexions car il y a au moins un point auquel je souscris sans réserve c'est que le problème est d'une gravité extrême et "qu'il faut mobiliser le monde pédagogique contre le redoublement".

Bien sûr, je ne puis que partager les vues de Guy Villars quand il proteste contre le principe même du redoublement. Le caractère absurde, scandaleux et criminel de cette "institution" devrait être évident pour tous.

Mes réserves portent sur la solution préconisée. Après avoir reconnu que le redoublement n'est que le symptôme d'un mal dont les causes sont plus profondes, socio-culturelles surtout, l'auteur se contente de supprimer le choc en retour du redoublement sur l'élève, c'est-à-dire le sentiment de l'échec, en proposant d'instituer un cursus variable (de cinq ans ou de six ans) respectant ainsi les "temps d'acquisition". N'y a-t-il pas une contradiction à vouloir fonder une pédagogie sur "les temps d'acquisition" quand on sait que ces "temps" sont fonction du milieu socio-culturel ? N'est-ce pas accepter un peu vite, sous couvert du réalisme, les inégalités sociales ? Certes on pourrait espérer que le système proposé par Guy Villars permettra de combler les "déficits" socio-culturels, dans la mesure notamment où le fait d'entrer en 6e à douze ans ne sera plus un handicap conduisant quasi obligatoirement vers les filières II ou III.

Toutefois un rapprochement, pour le moins malencontreux s'il est involontaire, inquiétant dans le cas contraire, nous oblige à y regarder de plus près. Il est écrit en effet ceci : "Comme on a admis que se diversifient les voies d'orientation, il faut admettre que se diversifient autant que de besoin les temps d'acquisition". Quand on sait que les voies d'orientation (instituées dès le cycle d'observation !...) permettent de reproduire les handicaps socio-culturels, on ne peut qu'être perplexe sur les chances réelles du système proposé. La pesanteur est si forte que l'on peut parier, hélas ! que cette mesure serait, à elle seule, largement insuffisante.

En fait, le vrai problème n'est-il pas d'instaurer une pédagogie de la réussite en luttant, autant que faire se peut, contre les causes mêmes de l'échec scolaire ? Sans "pénaliser", même moralement, l'enfant qui accomplirait le cursus en six ans au lieu de cinq, ne faut-il pas tendre à ce que chaque enfant l'effectue en cinq ans ? Et puisque les différences constatées entre les élèves sont "surtout socio-culturelles", il faut poser clairement que les "potentialités" sont les mêmes pour chacun, sauf cas pathologiques marqués, que les "circonstances", l'histoire de l'individu, les "stimuli" auxquels il est soumis, sont déterminants. Cette idée commence à devenir une banalité. Elle ne devrait pas devenir un prétexte. Certes, il ne nous est pas possible, de l'intérieur de notre profession, de modifier les conditions sociales et politiques. Mais il nous est possible de lutter contre les effets de ces conditions, non pas en masquant seulement le symptôme du mal (ici le redoublement), non pas en "baissant le niveau" (encore que dans ce domaine un tri soit encore à faire entre l'essentiel et l'accessoire) mais en apportant une aide réelle, positive, aux "handicapés socio-culturels". D'où l'idée assez simple, mais non pas simpliste, d'une pédagogie de soutien pour les élèves en difficulté, pédagogie de soutien d'autant plus bénéfique qu'elle intervient plus tôt et qu'elle ne nécessite aucune mesure ségrégative.

Pratiquement cela peut consister à décharger un maître d'une classe de telle sorte qu'il puisse recevoir, à tour de rôle, et par petits groupes de 4 ou 5, des enfants qui lui sont signalés par les maîtres chargés de classe. Selon les cas, on y pratique des activités scolaires de "rattrapage", on y fait du travail manuel, des jeux divers ou plus simplement on y parle.

Ce mode d'organisation pédagogique a déjà été tenté ça et là. Reposant sur les présupposés évoqués ci-dessus, il semble les confirmer pleinement. D'ores et déjà on peut en tirer quelques conclusions provisoires toutes très positives et qui incitent à poursuivre dans ce sens. Surtout, plus que les cas de "déblocage" souvent très spectaculaires, c'est le type nouveau des relations entre maîtres et de maîtres à élèves qui mérite attention. Voici les maîtres associés à la réussite de ces élèves pour lesquels le pronostic était le plus défavorable, les voici confrontés au problème pédagogique essentiel, et il va de soi que la relation entretenue avec ces élèves est radicalement différente : on recherche surtout les indices qui viendront étayer le pronostic d'espoir... et peu à peu on les découvre ! Pygmalion est passé par là. Les élèves eux-mêmes trouvent dans la relation triangulaire ainsi établie une possibilité de valorisation d'eux-mêmes, et d'eux-mêmes dans le travail scolaire, qu'ils ne rencontrent que rarement chez eux.

Si les maîtres étaient ainsi encouragés à s'attaquer aux causes mêmes de l'inadaptation scolaire, sans doute verrait-on diminuer le taux scandaleux des redoublements. Je crois beaucoup plus en ce type d'action, car il repose sur la démarche propre des enseignants attelés à la démocratisation réelle de l'école, qu'en l'application plus ou moins bien comprise de structures qui risqueraient de créer dès l'école élémentaire deux filières : la "5" et la "6" !Mais je ne prétends pas détenir la vérité. je suis au contraire persuadé que le débat ouvert à nouveau par Guy Villars peut apporter beaucoup à chacun de nous. c'est pourquoi je serais heureux de lire dans vos colonnes les réactions de nombreux enseignants

 

© M. Claessen (1934- ), IDEN, in L’Éducation du 10 janvier 1974.

 

 

4.2. Réaction d'un directeur d'école

 

Thèse de doctorat ou pas, j'espère que Guy Villars a, au moins pendant quelques années, été en prise directe avec les enfants en qualité d'instituteur, et que son article, paru dans l’Éducation n° 192 du 29 novembre 1973, n'est pas une compilation intelligente certes, d'ouvrages plus ou moins éclairés, portant sur le redoublement en cours de scolarité.

Ainsi donc, le redoublement : "cet échec, né d'un déficit de connaissances", est une aberration pédagogique ! Autant dire que l'échec n'est pas toléré pour ces chers petits. Mais voyons, de quoi donc est faite la vie d'un homme, sinon de nombreux échecs et de quelques réussites. Et au nom de quoi, épargner aux enfants l'amertume de l'échec ? C'est l'échec qui est source de dépassement de soi et qui provoque les plus belles réussites chez un enfant comme chez un adulte courageux.

En fait, votre "aberration pédagogique", et les sondages qui l'attestent, sont une preuve irréfutable que les enfants actuels sont d'une paresse incroyable, sans aucun goût pour l'effort, ne s'accrochant à aucune difficulté avec ténacité, encouragés en cela par des adultes démissionnaires.

L'exemple du sport est typique (et je ne fais ici aucune allusion aux événements actuels). Quand un enfant de dix ans, normalement constitué, bien nourri, vitaminé à souhait, sain d'esprit et de corps, ne saute pas un mètre en hauteur, il subit un échec. Il restera avec les filles de son âge qui ne sautent que 90 cm : il redouble. Nous sommes au cœur de l'aberration pédagogique ! Le cher petit a, alors, deux solutions : ou bien il "redouble" d'efforts, et il passera la barre ; ou bien il "redouble" d'indifférence, et il prendra du retard. Et la "progression scolaire intimement liée au processus historique d'extension et de démocratisation de l'enseignement" chère à Guy Villars, est du vent. L'homme naît berger ou mouton : le mouton suivra ses congénères avec plus ou moins de retard selon ses aptitudes naturelles et son degré de paresse ; le berger, quel que soit son milieu social, s'accrochera à ses échecs et réussira.

Naturellement, comme Ponce Pilate, Guy Villars précise "qu'il n'entre pas dans son propos de parler ici de solutions possibles". Il assène des énormités à la mode, du haut de sa thèse de doctorat, et se lave les mains, bien sûr, du trouble qu'il jette dans l'âme des instituteurs qui ont, eux, la charge effective des enfants de ce temps.

Et devant de si brillants exemples, je termine à mon tour, en ouvrant le parapluie de l'irresponsabilité, en précisant que mes propos ne visaient que les enfants non-inadaptés (mais quand le sont-ils ?), en bonne santé (sic), bien insérés dans leur milieu (re-sic) et non-engourdis dans "les stéréotypes de la société scolaire". [Alain Armagnac, Directeur d'école]

1. — Pour l'information de M. Armagnac : je suis un ancien instituteur (EN de Besançon, promo 37-40). Toute ma carrière s'est déroulée dans l'école primaire. Je sais donc de quoi je parle.
2. — "Et au nom de quoi épargner aux enfants l'amertume de l'échec ?" demande M. Armagnac. Simplement, lui dirai-je, pour n'en pas faire des adultes aigris et agressifs... Car il arrive que l'homme ne naisse ni mouton ni berger, mais loup. Ou plutôt qu'il le devienne, à force d'accumuler les échecs, notamment.
3. — N'était son allergie à la recherche, je dirais à M. Armagnac qu'il a déniché un excellent sujet de thèse : "De la vertu éducative de l'échec". En approfondissant son propos, il s'apercevrait qu'il s'insère parfaitement dans la tradition de l'intégrisme réactionnaire, du fascisme et du racisme.
G. V.

 

© A. Armagnac, directeur d'école, in L’Éducation du 10 janvier 1974.

 

4.3. Redoublement, pour ou contre : un autre point de vue, dans le Secondaire

 

Des opinions très diverses ont été émises sur ce problème pédagogique vieux comme l'école, mais qui, la passion aidant, a mené aux conclusions les plus contradictoires. Il me souvient d'avoir lu en même temps sur les murs du lycée côté cour : "Contre le redoublement, ce gâchis de l'Éducation nationale", côté rue : "Manifestons pour le droit au redoublement". Il y a, bien sûr, du vrai dans les deux slogans, mais, comme en toute chose humaine, il faut faire la balance et ne point juger a priori.

Certes on pourra toujours trouver des cas de redoublements inutiles ; parfois par incapacité confirmée, parfois par braquage ou réaction caractérielle ; mais il en est tellement de fructueux que l'opération, vieille comme l'institution, vaut qu'on ne la condamne pas sur des présomptions ou de subites "découvertes pédagogiques" peut-être condamnées dans les dix ans à venir.

Pour certains, le redoublement est une inadmissible brimade, et de citer tel cas d'élève en butte avec tel ou tel professeur ou chef d'établissement.

Pour autant qu'on puisse en apporter la preuve, il y faudrait, ne l'oublions pas, l'accord de la majorité du conseil, sous l'œil vigilant des délégués parents et élèves. Combien de cas trouverait-on ? 1 ou 2 % peut-être et ceci serait bien navrant.

Que, par contre, pour un adolescent un peu impertinent et sûr de lui, la sanction de fin d'année soit ressentie comme une punition n'est point une mauvaise chose car il faut savoir que dans la vie un certain effort est nécessaire et que, sauf cas d'espèce, le dilettantisme ne paie pas. Pour celui-là et sans en faire une humiliation ou une inavouable faute, il se peut que la leçon soit salutaire : chacun ne vit que de sa propre expérience.

C'est, nous le pensons, le cas pour la moitié des redoublements au niveau de la seconde ou de la troisième correspondant à cet âge difficile et que bien peu franchissent sans encombre. Que les donneurs de leçons d'aujourd'hui cherchent si dans leur "cursus scolaire" il n'y aurait pas eu par hasard semblable aléa ?

Peut-on qualifier de brimade une mesure destinée, si le niveau n'est pas atteint, à rappeler à quelques présomptueux la nécessité d'un certain travail ? Il n'y a là ni méchanceté ni vengeance.

Mais pour une large fraction, sans doute la plus importante, le redoublement est le moyen de consolider des acquisitions insuffisantes. C'est en effet au niveau des classes de base, sixième, quatrième, seconde, que les redoublements sont les plus fréquents. Cela s'explique fort bien : entrée dans un cycle avec maîtres et méthodes différentes, disciplines nouvelles : langues, mathématiques modernes, physique -, parfois changement de cadre et d'établissement.

Ce sont des facteurs de difficulté et une certaine capacité d'adaptation est nécessaire. Que les premiers contacts soient manqués, qu'une absence malencontreuse survienne et il est parfois difficile de refaire surface. Cela est particulièrement net au niveau de la seconde, classe où le redoublement atteint couramment 20 %, parfois 25 % des effectifs.

Mais l'essentiel est de voir ce que deviennent les redoublants : or, bilan réconfortant, les trois quarts d'entre eux repartent d'un bon pied et finissent pratiquement leur cycle d'études. Après tout, il y a parmi la masse des élèves, maintenant du "tout venant", et nous nous en réjouissons, des gens qui ont besoin de quatre ans, voire de cinq pour assimiler le programme du second cycle de trois ans. Y a-t-il scandale à cela ? Vaut-il mieux ralentir tout le monde ? C'est là que nous verrions un gâchis ! Car si scolariser un an de plus 20 % des jeunes est un gâchis, que dire pour 100 % et quel retard inutile !

On peut en effet considérer le gâchis sous deux angles : psychologique et économique.

Psychologique si l'on veut y voir une sorte de vexation inutile et une brimade. Nous croyons que là il faudrait dédramatiser les choses. L'administration et les professeurs doivent être assez perspicaces et humains pour annoncer dans les formes adéquates une décision finalement favorable à l'élève et qui n'a rien de déshonorant. Les formules qui tempèrent les choses ne manquant pas, à nous de les rechercher.

Gâchis économique : on pourrait le considérer avec inquiétude si tous les redoublements étaient infructueux. Or ce n'est pas le cas. Dans le second cycle "traditionnel", 90 % des jeunes aboutissent en fin de compte en terminale, un peu moins pour les filières de techniciens peut-être. Là dessus près de 80 % obtiennent en trois, quatre ou cinq ans le baccalauréat. Qu'y a-t-il de scandaleux dans ce "rendement" ? C'est le prix que peut et doit payer la collectivité pour la démocratisation.

Pourrait-on le réduire un peu par des cours de soutien ou de rattrapage ? Oui, pour le cas de maladie et de difficultés passagères, non pour les grandes masses ou les "victimes de la crise de l'adolescence".

Par contre et sur le plan humain, nous aimerions en tant qu'administrateur disposer d'un contingent d'heures de rattrapage attribuées gratuitement à de petits groupes d'élèves après absence ou maladie. Ce serait préférable aux leçons particulières, dispendieuses et peu démocratiques, et quelques enfants sérieux pourraient être "récupérés" à temps.

[NB : 20 % des jeunes ! Quelle monstrueuse aberration ! Pourquoi ne pas les faire tous redoubler ? - SH]

 

© Y. Dauriac, proviseur, in L’Éducation du 14 octobre 1976, pp. 23-24.

 

 

V. L'échec scolaire, ça coûte

 

Pour achever ce petit dossier une réflexion de mon ami Pierre Yvin, trop tôt disparu (+ 2006)

 

L'échec scolaire coûte 100 milliards de francs par an (titre du Monde du 14/10/87).

Le redoublement à l'école coûte 25 milliards (Le Matin du 14/10/87).

L'école déclarée d'intérêt national (École Libératrice du 24/10/87)

Le gâchis de l'école (article écrit par P. Beneton, dans le Figaro).

Ainsi, à propos du rapport du Conseil Économique et social du 13 et 14 octobre 87, la presse n'a retenu le plus souvent de l'échec scolaire qu'il est le coût public n° 1, et, pour celui-ci, ce n'est pas le prix du savoir qui est trop élevé, mais c'est bien celui de l'échec.

Mais, moins ordinaire, la plupart des organisations qui composent le Conseil Économique et social partagent une conception d'ensemble de l'éducation et de la formation pour la réussite des jeunes. Il s'agit des organisations professionnelles des salariés, des entreprises industrielles, commerciales, artisanales, agricoles, de la Mutualité, de la Coopération et des associations familiales. Le document intitulé "Les perspectives d'évolution des rapports de l'école et du monde économique, face à la nouvelle révolution industrielle" est complété par un projet d'avis qui formule une série de propositions.

Il propose qu'une "charte éducation" fixant les grands objectifs nationaux de formation considérés comme "priorité absolue" soit arrêtée dans le cadre d'une loi de programmation et de plan, après une large concertation. Pour mener à bien cette "mission de salut public" qui est la lutte contre l'échec scolaire, le CES propose, outre les moyens financiers nécessaires, la mise en place progressive de quatre enseignants pour les trois niveaux : grande section de maternelle, CP, CE1, ce qui nécessitera 30 000 postes d'instituteurs nouveaux ; ceci pour renforcer les premières acquisitions et assurer leur continuité.

Le CES préconise aussi une pédagogie différenciée, qui tienne compte, dès l'école élémentaire, de la diversité des élèves et de leur rythme de progression en rompant avec la gestion uniforme des classes par âge, et en généralisant une stratégie précoce qui permette à terme, de bannir le redoublement.

Les enseignants coopérateurs reconnaîtront ici non seulement des thèmes de leurs réflexions, mais des démarches qui leur sont propres, depuis de nombreuses années. Rappelons l'affirmation du Congrès pédagogique OCCE de Lille en novembre 1982 : la pédagogie coopérative, une pédagogie de la réussite. Rappelons les numéros d' "A et E" : Réussir à l'école (N° 50 et 51). On peut s'étonner de la découverte aujourd'hui de l' "échec à l'école". Mais sans doute qu'aujourd'hui, cet échec est de plus en plus massif, et il suscite les réactions de milieux les plus divers.

Mais rompre avec l'échec scolaire ne doit pas constituer un nouveau slogan. Car il n'y a pas de solution miracle. Au-delà des rapports, il est surtout besoin d'une transformation des pratiques éducatives, adaptées aux cas particuliers. Notre conception de la coopération scolaire aide, aujourd'hui, à une transformation réelle de l'école, et non pas idéale. Les maîtres coopérateurs ne sont-ils pas plus que d'autres en mesure de mener à bien cette mission "d'intérêt national" de lutte contre l'échec scolaire ? La classe coopérative, qui donne aux enfants le sens de l'effort collectif, est à même de porter secours aux jeunes en difficulté.

Il faudrait citer longuement notre Projet Coopératif d'Éducation : "il est vain et dangereux de prétendre uniformiser des êtres divers. La vie sociale - et d'abord la vie scolaire - ne doit pas avoir pour but ni pour effet d'aligner tous les individus sur les mêmes normes. Elle doit renoncer à la prétention de faire progresser d'un même pas, selon un même programme d'acquisition. Cela remet en question toute notion de classe homogène. Tout groupe est inévitablement et normalement hétérogène. Le rôle de l'éducation est plutôt de faire bénéficier chacun de la diversité des autres".

Nous ne pensons certes pas que la coopération scolaire suffise à lutter contre l'échec scolaire. L'école serait-elle seule responsable des "manques" ? Mais si elle n'est pas responsable directement des inégalités socio-économiques et culturelles, elle n'en est pas moins une institution au service du système social et politique, et qui vise à perpétuer les inégalités sociales. Il faut nous méfier de l'illusion coopérativiste ou pédagogisante et des actions de replâtrage qui ne visent qu'à adapter l'enfant à un système qui exclut de ses objectifs un grand nombre d'entre eux par la sélection, le tri et la hiérarchie du savoir.

Changer l'école ne doit plus être un simple slogan, mais doit devenir le support des actions éducatives à mener dans l'école et déboucher sur une stratégie éducative visant à la mise en place de nos pratiques coopératives.

Encore faut-il ne pas rester au niveau des convictions. Montrons que cette structure vivante, productrice et éducative, favorise la réussite des enfants par des documents, recherches, comptes rendus de travaux, monographies, témoignages d'élèves...

 

© Pierre Yvin, in Animation & Éducation n° 83, mars-avril 1988, p. 27

 

 

 


 

 

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