Cette mise en ligne de textes officiels de longue date périmés, et désormais sans autre objet que la curiosité historique, trouve son origine dans une soirée amicale destinée à célébrer la nouvelle année. J'étais invité chez un couple fort sympathique, devant des cochonnailles et un vin liquoreux du Val de Loire, d'une rare longueur en bouche. Et voici que mon hôte se mit à me parler de sa scolarité - certes fort lointaine -, qu'il avait en partie accomplie au sein des classes dites de transition. Et comme je connais un peu les choses de l'enseignement et même de l’Éducation nationale, je n'en crus pas mes oreilles, tandis que je savais cet ami de parfaite bonne foi. Et l'indignation se mêla tellement à la honte - "tu m'as collé la honte", lui dis-je - que je décidai d'en avoir le cœur net, et de me documenter sur les classes de transition, domaine au sujet duquel j'étais à la vérité fort démuni.

 

"Au point de vue théorique, nous ne pouvons faire mieux que de vous dire : relisez, étudiez la circulaire du 15 juillet 1963. Elle est pédagogiquement parfaite".

(Célestin Freinet, in Dossier pédagogique de l’École Moderne n°3, Supplément au numéro 6 du 1er décembre 1963, "Classes de transition et classes terminales")

 

 

Introduction à la lecture des Instructions officielles qui vont suivre…

 

Qu'appris-je, ce soir-là ? Que mon interlocuteur n'aimait guère l'école, ce que je subodorais déjà. Qu'il n'avait pas été admis dans le cycle d'observation, et avait suivi - si l'on peut dire - la filière des classes de transition. Que son maître était à peu près constamment absent, de même que les remplaçants appelés à le suppléer, et que le Directeur d'établissement le mettait le plus souvent à la porte, lui et ses condisciples. Et qu'il était personnellement fort heureux de cet état de fait, et se précipitait, ayant rapidement déposé son cartable dans l'appartement familial, pour s'en aller passer ses journées à pêcher le long de la rivière locale (dont je tairai le nom). Bref, il m'annonçait qu'il avait vécu, après le CM2, quatre années d'une scolarité toute en pointillés, jusqu'à la déhiscence finale, pour parler comme Pagnol... Soyons plus explicite : jusqu'à ce que les seize ans étant révolus, il soit mis à la porte, avec ses camarades, par une Administration qui devait penser bon débarras, in petto...

J'étais indigné, car si je ne connaissais à peu près rien du système des classes de Transition, en revanche je connais parfaitement le règlement, les règlements si l'on veut, de l’Éducation nationale, et la responsabilité du système envers les apprenants (tiens, je me mets moi aussi à utiliser le langage abscons des pédagogistes, dont le summum fut évidemment, sous la Belkacem, les pavés sortis du cerveau de l'ancien président du CSP, le dénommé M. Lussault) : en gros, accueillir tous les élèves et les conduire aussi loin qu'il est possible compte tenu de leurs dispositions, elles-mêmes devant être le plus possible encouragées et développées. Et pour ne relever qu'une énormité dans ce qui m'était décrit, le Chef d'établissement commettait une lourde faute professionnelle en mettant systématiquement à la porte, durant le temps scolaire, des enfants sans maître. Les "permanences" sont précisément là pour pallier telle ou telle absence, qu'elle soit momentanée ou chronique (je n'insiste pas sur ce dernier point). Il est même indispensable de "donner des devoirs" à des élèves désœuvrés. Il est vrai que déjà, nombre de maîtres, dont certains indignes, ne connaissaient que leurs droits... Et je sais que le cas qui m'était confié, ce soir-là, était loin d'être isolé : "Les enseignants votent très majoritairement à gauche, me rapportait un jour un responsable ; mais seulement à partir de quatre heures et demie. Les élèves en difficulté, ils n'en ont rien à foutre"...

Mais que mon ami se rassure : tous ces braves gens - qui, je le sais, ne constituent pas la majorité de la profession (il est de nombreux maîtres admirables de dévouement) - ont vu leur assiduité à la tâche récompensée comme il se doit, par le pouvoir socialiste : ils ont tous, ou à peu près, été promus professeurs et ont fini par accéder, par équivalence, au statut (et à la paye) des Capésiens. À cette différence près que s'ils avaient quinze ans d'ancienneté - c'était le cas de tous - ils termineraient leur carrière à 55 ans, tandis que les Capésiens authentiques devraient poursuivre, eux, jusqu'à 60...

Un jour, à la fin de je ne sais plus quelle conférence dans un Lycée bourguignon, je vis un professeur s'approcher de moi : "Monsieur, me dit-il, j'ai été instituteur durant une dizaine d'années ; en travaillant très dur le soir et même la nuit, et sans négliger en rien ma classe, j'ai acquis une licence, puis j'ai été lauréat du concours du Capes. Et que vois-je ? Tous mes anciens condisciples, qui n'ont pas bougé le petit doigt ni fait le moindre effort personnel, sont en train de me rattraper. Pardonnez-moi de vous le dire grossièrement, mais je passe pour un con". Je tairai la réponse que je lui fis, avant de lui serrer vigoureusement la main...

Pour terminer dans cette veine, il me plaît de rapporter également la confidence que me fit un haut responsable, assistant un jour à une classe de merde, dont il interpella la titulaire :

- "Une classe, ça se prépare, Madame !

- Moi, Monsieur l'Inspecteur, j'ai trois enfants, et j'ai d'autres choses à faire (sic) !

- Et moi, Madame, j'ai aussi eu trois enfants, je les ai élevés, j'ai préparé consciencieusement ma classe, je tenais aussi le Secrétariat de Mairie [ah, les SMI ! Temps pas si vieux et pourtant si révolus...], entre midi et deux je surveillais gratuitement la cantine et l'inter-classe, et de plus, le jeudi après-midi, je participais à l'Usep avec mes élèves !

En tout cas, j'espère au moins que vous trouvez le temps d'aller chercher votre chèque à la fin du mois..."

 

C'était un autre temps. 68 allait passer par là. Désormais, il convient de traiter les gens gentiment, et peu importe que le devenir des chères têtes blondes - du moins celles issues des milieux dits modestes - en soit, souvent, fort oblitéré : chacun pour soi !

Mais revenons aux classes de transition, à l'allongement de la scolarité jusqu'à seize ans voulu par de Gaulle (et l'air du temps, le Général n'a rien inventé sur ce plan-là), et aux problèmes du collège unique. Allonger la scolarité obligatoire revenait à créer une école "moyenne" – un collège ( et les nombreux avatars révèlent qu'on tâtonna beaucoup, je me souviens en particulier de la transformation des cours complémentaires et de la création des "groupes d’observation dispersés" – à laquelle devaient accéder tous les enfants ayant atteint onze ans révolus, et donc supprimer, à court terme, les classes de fin d'études des écoles élémentaires.

On s'aperçut rapidement qu'une cohorte d'enfants destinée à gagner le "cycle d'observation" recelait des niveaux fort disparates, et que certains enfants "accusaient un retard scolaire important". D'où l'idée d'ouvrir des classes spéciales, en quelque sorte de rattrapage, pour s'efforcer d'y faire acquérir, par des méthodes résolument "modernes", les connaissances de base que ces élèves n'avaient jusque-là pas acquises. L'idée était si tournée vers l'innovation que Freinet soi-même applaudit sans réserves ! Ces classes devaient être confiées à des maîtres d'élite (ça existe), dont la mission était donc "de renouveler l'intérêt des élèves pour le travail scolaire, de combler, chez la plupart d'entre eux, les lacunes existant dans les connaissances de base", afin de permettre à la majorité de gagner le cycle d'observation (la "minorité" étant alors dirigée vers une formation professionnelle).

Gageons que le système de recrutement de ces maîtres a dû fonctionner durant un an à peu près ; le temps que le Syndicat des  Instituteurs se retourne et y mette le holà en faisant valoir le sacro-saint barême, et par là couper court aux projets du gouvernement. Dès lors, la suite fut moins glorieuse – la mésaventure que vécut mon ami, et tant d'autres – est là pour le prouver.

Mais venons-en à la lecture de ces textes officiels, dont l'inspiration est si généreuse qu'elle l'était manifestement trop pour "cette médiocrité spécifique que secrète trop souvent le syndicalisme enseignant" (Jacques Julliard, in le Nouvel Observateur n° 967, 20 mai 1983, p. 32).

 

 

 

 

I. Circulaire du 4 juillet 1961 : Ouverture, à titre expérimental, de classes pré-terminales

 

Organisation et programmes scolaires, 2e bureau A 1

 

L'ordonnance du 6 Janvier 1959 a prévu la prolongation de la scolarité jusqu'à 16 ans et l’institution d'un cycle terminal. 

Cette mesure, qui ne doit être généralisée qu'à partir de 1967, correspond à une tendance qui se manifeste dans tous les pays évolués  et elle répondra à une nécessite nationale avec l'arrivée des adolescents  de  la "vague démographique" à l'âge de la productivité. Son application entraînera la disparition ou tout au moins la réorganisation des classes de fin d'études. Il sera donc nécessaire de rechercher, dans un proche avenir, les formules susceptibles de préparer les enfants qui fréquenteront ces classes d'abord à tirer le maximum de profit de l’enseignement terminal, ensuite à recevoir, dans les meilleures conditions, la formation professionnelle qui leur sera dispensée dans les écoles, les entreprises, ou les établissements, conformément à l'article 31 de l'ordonnance citée plus haut.

Dans l'immédiat, nous devons nous préoccuper du sort des enfants qui n'ont pu accéder au cycle d'observation et qui, presque toujours, entrent purement et simplement dans le cours de fin d’études. Il apparaît que les horaires et les programmes de cette section, établis pour des élèves d'intelligence normale, ne répondent plus exactement aux aptitudes d'écoliers médiocrement doués et qui accusent un retard scolaire important. C’est pourquoi on a déjà éprouvé le besoin, dans plusieurs départements, d'organiser à l'intention de ces élèves des classes qui suivent des horaires assez différents de ceux du C. F. E. Ces classes qui ne peuvent être rangées dans aucune des catégories officielles actuellement existantes, amorcent une expérience qu'il serait souhaitable  d'étendre à tous les départements en restant toutefois dans les limites imposées par les impératifs budgétaires. 

Dès la rentrée de septembre 1961, vous voudrez donc bien ouvrir quelques-unes de ces classes pré-terminales à l'intention des élèves qui, faute d’avoir acquis les connaissances de base nécessaires, n'ont pu être admis dans le cycle d'observation. Afin que ces ouvertures n'entraînent aucune création de poste, vous mettrez à profit les remaniements de l'organisation pédagogique ou les transferts rendus possibles par la diminution des effectifs du cours de fin d'études. Chacune de ces classes réunira de 25 à 30 enfants âgés de plus de 12 ans et de moins de 13 ans au 15 septembre 1961 et venant soit d'un C.M. 2, soit  d'un C.M.1, à l’exclusion de ceux qui relèveraient d’une classe de perfectionnement. On pourra envisager de créer ainsi dans chaque département, deux ou trois classes expérimentales urbaines et, grâce aux services de ramassage existants, deux ou trois classes rurales du même type.

Les classes pré-terminales seront confiées à des instituteurs ou à des institutrices de valeur qui accepteront de modifier, avec l'accord et suivant les conseils de leur Inspecteur de l'Enseignement Primaire, les horaires et les programmes du cours de fin d'études 1e année, de manière à tenir compte des possibilités réduites de leurs élèves et des lacunes de leurs connaissances. Ces maîtres devront porter tout particulièrement leur effort sur l'enseignement de la langue française (lecture, orthographe et rédaction) et sur celui du calcul. Mais ils s'efforceront en  outre d'éveiller, chez les enfants qui leur seront confiés, la curiosité  intellectuelle et le désir de savoir. Ils procéderont enfin à une certaine  individualisation de l’enseignement, en répartissant leurs élèves en plusieurs équipes de travail ou, tout au moins, en deux divisions. 

L'horaire hebdomadaire comportera 10 heures de français, 5 heures de calcul, 3 heures d'exercices d'observation. 4 heures d'histoire, géographie, dessin et musique, 3 heures d'éducation physique, 3 heures d'activités dirigées et 2 heures de récréation.

Dans le cadre ainsi défini. il conviendra de laisser aux maîtres la liberté d'initiative que suppose une classe expérimentale. Mais il n'est sans doute pas inutile d'indiquer dans quelles voies les principales activités pourront être orientées.

- L'enseignement du français accordera une prépondérance marquée à la lecture sous toutes ses formes : lecture expressive à haute voix et surtout lecture silencieuse avec contrôle rapide et précis de la compréhension du sens général du texte. L'enseignement de la grammaire sera réduit à l'essentiel du programme du C.M., mais on apportera une attention particulière à la conjugaison et à l'orthographe.  

- En calcul, le maître s'assurera, par des exercices quotidiens, de la connaissance des tables ainsi que de celle du mécanisme et du sens des opérations. Les problèmes seront simples et motivés le plus souvent par des activités scolaires. Le programme suivra de près celui du C.M. 

Parallèlement à ces activités de rattrapage qui tendront à monter des automatismes sûrs et qui, sans négliger compréhension et réflexion, feront un large appel à la mémoire, on accordera une place importante aux activités d'éveil mentionnées ci-après :

- les exercices d'observation, effectués en équipes et liés à des enquêtes, trouveront leurs thèmes dans une partie du programme du cours de fin d’études ("le temps qu'il fait") et aussi dans la liste de suggestions qui compose le programme du cours moyen ;

- les  leçons d'histoire, de géographie, de dessin, de musique seront consacrées à la culture morale, à la formation civique de l'enfant et à son éducation esthétique. L'étude du milieu d'une part, la curiosité  à l'égard du monde contemporain de l'autre constitueront les éléments essentiels de ces séances ;

- les 3 heures d'éducation physique seront groupées le mercredi après-midi et, en cas de mauvais temps. reportées effectivement à un autre jour ;

- le travail manuel qui n'a pas été doté d'un horaire propre,  sera toujours motivé et introduit dans les autres activités, notamment dans le calcul, les exercices d'observation et l’étude du milieu ;

- les 3 heures d'activités dirigées permettront enfin aux maîtres  de remédier, par un enseignement individualisé, aux insuffisances propres à chaque élève. Il leur appartiendra de choisir les méthodes qui assureront à leur enseignement, dans chaque cas, le maximum d'efficacité.

L'expérience seule permettra d'apprécier les résultats de ces modifications. On peut espérer qu'elles auront pour effet de renouveler l'intérêt des élèves pour le travail scolaire, de combler, chez la plupart d'entre eux, les lacunes qui existaient dans les connaissances de base et même, dans des cas assez exceptionnels, de mettre certains sujets en mesure de poursuivre leurs études et d'entrer au cycle d'observation. Quoi qu'il en soit, la plupart des enfants qui auront fréquenté ces classes pré-terminales entreront dans le cours de fin d'études 2ème année à la rentrée suivante en vue de s'y préparer au C.E.P.E. C'est un examen qui, pour cette catégorie d'élèves, conserve toute son importance. Il ne saurait être supprimé avant la création du diplôme d'études terminales qui viendra le remplacer.

Compte tenu de ces dispositions, je vous serais obligé de me soumettre vos propositions d'ouverture de classes pré-terminales avant le 15 juillet 1961. Les Inspecteurs de l'enseignement primaire qui auront, l'an prochain, de telles classes dans leur circonscription, en suivront de près l'organisation et le fonctionnement et m'adresseront ensuite, sous votre couvert, un rapport pédagogique dont la forme vous sera précisée ultérieurement.


Le directeur des Enseignements élémentaires et complémentaires,
M. Lebettre

 

 

Org. : B. O. n° 23 bis du 10 juillet 1961.

 

 

II. Circulaire du 6 juillet 1962 : Transformation des classes pré-terminales en classes de transition

 

Études, bureau E 1 - aux Recteurs (pour information) aux Inspecteurs d'académie Pour exécution

 

En application de la circulaire du 4 juillet 1961, environ 500 classes dites "pré-terminales" ont été ouvertes à la rentrée de 1961 sur l’ensemble du territoire. Ces classes étaient destinées, je le rappelle, à des élèves âgés de 12 ans, qui n’avaient pu être admis dans le cycle d'observation et qui, pour des raisons diverses, souffraient d'un retard scolaire sans pour autant relever de l’enseignement des classes de perfectionnement. J'ai été informé du grand intérêt de cette expérience, qu’il convient de renouveler durant l'année scolaire 1962-1963, en l’étendant à de nouveaux secteurs scolaires et aux départements où l’on n‘avait pu jusqu'ici l'organiser.

Le décret du 14 juin 1962 modifiant l'article 5 du décret du 6 janvier 1959 donne une existence régulière à ces classes qui ont tout d’abord fonctionné à titre expérimental. Elles font désormais partie, conformément aux dispositions nouvelles, de "l'enseignement de deux ans qui complète le cycle élémentaire pour les élèves n'entrant pas au cycle d’observation", et c'est sous l’appellation de classes de transition qu'elles seront désormais désignées. Les classes de transition en service à la prochaine rentrée scolaire constitueront l’amorce d‘une transformation qui doit entraîner au cours des prochaines années la reconversion progressive des classes de fin d'études primaires.

La réglementation nouvelle permet de prévoir avec précision l'acheminement régulier des élèves qui, faute d'instruction ou d'aptitudes suffisantes, ne peuvent être admis dans le cycle d'observation.

À l’issue du C.M.2, certains élèves âgés de 11 ans sont d'un niveau trop faible pour être admis en classe de 6ème, mais paraissent présenter les aptitudes nécessaires pour continuer par la suite leurs études dans le cycle d'observation : ils pourront. redoubler le CM 2.

Ce sont donc les élèves âgés de 12 ans et qui n’ont pas encore atteint le niveau du cours moyen 2ème année qu'accueillera la 1ère année de l'enseignement de transition. Dans sa forme définitive, le programme de cette première année sera établi en liaison avec le programme de la classe de 6ème afin de ménager la possibilité de transférer des élèves d'une classe à l'autre.

Les élèves qui n'auront pas atteint l’âge de 14 ans dans la 1ère année de transition et qui ne se révéleront pas aptes à d’autres études, suivront une 2ème année d'enseignement de transition. Ici également, des dispositions seront prises pour permettre des transferts à la fin de la 5ème d'observation et de la 2ème année de transition.

Les dispositions résumées ci-dessus seront précisées dans des instructions, des horaires et des programmes actuellement à l'étude et qui vous seront adressés ultérieurement. Dans l'immédiat, et à titre provisoire, les mesures suivantes seront appliquées dans les classes de transition qui fonctionneront en 1962-1963.

En 1ère année, les études seront organisées conformément aux prescriptions de la circulaire du 4 juillet 1961, avec l'intention de porter les élèves au niveau de connaissances du C.M.2 sans négliger pour autant la culture des aptitudes.

En 2ème année, on appliquera les mêmes méthodes. Les études seront organisées en se référant aux programmes de la classe de fin d'études, aménagés de manière à permettre aux élèves d'accéder, dans les matières essentielles, à un niveau de connaissances correspondant à celui du certificat d’études primaires.  L'horaire hebdomadaire comportera :

Morale et instruction civique, 1 heure ; français, 8 h. ; histoire et géographie, 3 h. ; calcul, 5 h. ; sciences, 3 h. ; travaux pratiques et dessin, 3 h. ; musique, 1 h. ; activités dirigées, 1 h. ; éducation physique, 2 h. 1/2 ; récréation, 2 h. 1/2.

L'augmentation de l'horaire de français permettra d'introduire dans l'enseignement la lecture, dont l'absence dans les programmes de la classe de fin d'études a été maintes fois regrettée.

Les classes de transition ouvertes à la prochaine rentrée scolaire fonctionneront dans des écoles primaires choisies autant que possible auprès d'un cycle d'observation. Elles seront implantées dans des centres importants ou dans des localités bénéficiant d'un service de transport scolaire. Les locaux qui se révéleraient vacants par suite du fléchissement de l'effectif des classes de fin d'études devront vous être signalés avant la rentrée de septembre en vue de cette nouvelle utilisation.

Comme l'an dernier pour les classes pré-terminales, l'ouverture des nouvelles classes de transition ne donnera lieu à aucune création de poste et sera réalisée en mettant à profit les remaniements de l'organisation pédagogique, la reconversion de certaines classes de fin d'études, ou les transferts rendus possibles par la diminution de leurs effectifs.

Rapport pédagogique

 

La circulaire du 4 juillet 1961 prévoyait que les inspecteurs de l’enseignement primaire ayant suivi, en 1961-1962, l'expérience des classes pré-terminales établiraient à leur sujet, en fin d‘année scolaire, un rapport pédagogique. Vous trouverez ci-joint les indications nécessaires à la rédaction de ces rapports que vous me ferez parvenir dès que possible, et avant le 30 septembre 1962 dernier délai. Un état néant sera produit par les départements où aucune classe pré-terminale n'aura été ouverte en 1961-1962. Des instructions complémentaires vous seront envoyées après dépouillement des rapports.

D'autre part, pour le 30 septembre, vous voudrez bien me faire connaître la liste des classes de transition qui fonctionneront en 1962-1963 dans votre département. Pour chacune d’elles, vous donnerez les indications suivantes :

- nom de la commune,

- nom de l'école,

- nature de la. classe (g., f., ou mixte),

- classe de 1ère ou de 2ème année de transition.

Les diverses pièces demandées par la présente circulaire me seront adressées en deux exemplaires :

- le 1er sous le timbre de la direction des Études - bureau E-l,

- le second sous le timbre de la direction de l’Organisation scolaire - bureau 02.

Pour le ministre et par délégation,

Le directeur général de l’Organisation et des programmes scolaires,

 J. CAPELLE.

 

Département de................

Circonscription de................

Classes de transition (anciennement appelées pré-terminales)

-----------------------------------------------------


1. Nombre de classes ouvertes en 1961-1962 dans la circonscription (G, F, ou mixtes).
2. Nombre d’élèves (garçons filles).
3. Origine scolaire (les élèves ont-ils été recrutés dans une ou dans plusieurs écoles ? Conditions du groupement en milieu rural ?)
4. Niveau des élèves à la rentrée de 1961 (par référence au CM2, avec quelques détails précis concernant lecture, orthographe, calcul. expression écrite) . Causes du retard constaté.
5. L‘horaire et le programme préconisés par la circulaire du 4 Juillet 1961 ont-ils été appliqués ? modifiés ?
6. Difficultés rencontrées dans l’enseignement.
7. A-t-il été fait appel à l'activité personnelle des élèves ? à des activités manuelles ? A-t-on jugé nécessaires, et dans l’affirmative, efficaces les devoirs écrits à la maison ? Des équipes de travail ont-elles été constituées ? dans quelles conditions ? avec quels résultats ?
Des sorties contribuant à l’information et à la culture ont-elles été organisées ?
Quelle a été l’atmosphère des classes ? l’influence personnelle des maîtres ?
8. Niveau atteint en juin 1962 dans les matières essentielles. Des résultats ont-ils été constatés quant à l’intérêt pour le travail scolaire, la qualité de l’attention, l’éveil de l’esprit d’observation, du raisonnement ?
9. Dans quelles classes iront à la rentrée de 1962 les élèves dénombrés au paragraphe 2 ? (Répartition numérique de ces élèves entre ces classes)
Quel pronostic de succès peut-on établir à propos de ces élèves ?
10. Les expériences ont-elles réussi, ont-elles échoué ? Causes de la réussite ou de l’échec ?
11. Les familles ont-elles montré de l’intérêt pour la classe pré-terminale ? À cet égard, quels faits significatifs ont été notés ?
12. Pour assurer la reconduction de l’expérience dans de meilleures conditions, quelles mesures vous paraissent souhaitables ?

Remarques diverses et conclusions

L’inspecteur de l’Enseignement primaire

(Nom et Résidence).

 

 

Org. : B. O. n° 23 bis du 20 juillet 1961.

 

 

III. Instructions du 15 juillet 1963 : Classes de transition

 

Enseignement, bureau E 2

 

A. - Mise en place des classes expérimentales de transition

 

En application des circulaires des 4 juillet 1961 et 6 juillet 1962, des classes de transition (d'abord appelées classes pré-terminales) fonctionnent, à titre expérimental, sur l'ensemble du territoire depuis la rentrée scolaire 1961-1962.

Dès leur création, ces classes étaient destinées à des élèves âgés de 11-12 ans qui n'avaient pu être admis dans le cycle d'observation et qui, pour des raisons diverses, souffraient d'un retard scolaire sans pour autant relever de l'enseignement des classes de perfectionnement.

L'examen des rapports établis par MM. les Inspecteurs primaires pour 1961-1962 permet déjà de constater que la nature expérimentale de ces classes a souvent conduit à des résultats intéressants ; mais on n'a pas toujours réussi à éviter certains écueils : implantations médiocres, accueil d'élèves de toutes origines et de tous niveaux débordant les limites d'âge prévues, classes de transition alourdies par la présence d'une division de classe de fin d'études traditionnelle, etc.

Dans ces conditions, il semble utile de rappeler et de compléter les instructions antérieures afin que vous puissiez assurer la réussite des expériences en cours et préparer, dans de bonnes conditions, la rentrée 1963-1964.

 

1°) Recrutement et débouché des classes de transition

 

Les classes de transition sont parties intégrantes d'un enseignement de premier cycle qui fait suite à l'enseignement primaire élémentaire et comporte essentiellement, au niveau du cycle d'observation, trois voies :

- enseignement classique ;

- enseignement moderne long ou court ;

- enseignement de transition.

Le recrutement des classes de transition se fait essentiellement à partir d’élèves qui, à l’issue de la classe du cours moyen 2e année, ne peuvent être admis dans une 6e classique ou moderne ; il sera très utile, d’autre part, que des enfants souffrant d’un certain retard scolaire et se trouvant par exemple à 12 ans au cours moyen 1re année, puissent être dirigés vers ces classes de transition où une pédagogie et des programmes spéciaux permettront d’accroître le rendement scolaire ; en tout état de cause, dans les structures nouvelles, un enfant âgé de plus de 12 ans ne devra plus se trouver dans le cycle élémentaire.

On notera d’ailleurs que la coïncidence entre retard psychologique et retard scolaire n’est que partielle à cet âge ; il y a des "sous-instruits" néanmoins doués, et d’autres élèves dont certaines aptitudes (mémoire, attention) sont, parfois provisoirement, de niveau médiocre.

La classe de transition de 1e année devra donner, grâce notamment à son effectif limité, une réelle possibilité de détecter, de ré-instruire et de réorienter les "sous-instruits" doués en leur offrant la possibilité d'accéder; à. la fin de la 1re année de transition, à une 6e normale ou ultérieurement à une classe d’accueil. Quant aux élèves à développement lent, ils tireront bénéfice de la deuxième année de maturation supplémentaire que leur apportera le cycle de transition.

On devra d’ailleurs considérer que les classes de transition sont, elles aussi, des classes "d’observation" et constituent des sections parallèles aux 6e et 5e classiques et modernes ; les professeurs de ces séries de classes parallèles se tiendront en liaison constante.

 

2°) Organisation des classes

 

Afin d’assurer aux classes de transition la place qu’elles sont appelées à tenir dans l’ensemble de la scolarité, leur fonctionnement dans le cadre d’un premier cycle doit être considéré comme la situation normale qu’il sera nécessaire de rechercher en priorité.

Si l’installation matérielle de ces classes ne s’avère possible qu'en utilisant des locaux des écoles primaires, cette solution ne pourrait être adoptée que provisoirement  et à condition que  ces classes soient rattachées au  C.E.G. le plus proche et qu'une coordination soit assurée, sous le contrôle; de  l'Inspecteur d'Académie ou de son représentant, avec les classes d'observation des collèges d'enseignement général et lycées voisins de façon à assurer notamment l'orientation la meilleure de l‘ensemble des élèves d'un secteur géographique de recrutement.

Pour que  l'expérience se déroule dans des conditions préfigurant celles de l’avenir, il faudrait en effet que le recrutement des 6e classiques et modernes dans le secteur scolaire intéressé atteigne un pourcentage de l'ordre de 60 % au moins de l'effectif de chaque tranche d'âge de plus de 11 ans.

Les classes de transition recevront 25 à 30 élèves.

La première année conservera comme objectif général à atteindre le niveau de connaissance et de mécanisme intellectuels du CM2, mais acquis à un rythme de travail plus lent, à l’aide d’une pédagogie très différente de celle de cette dernière classe et adaptée à l’âge et aux intérêts d’élèves de 12-13 ans.

La pédagogie de la 2e année sera plus directement tournée vers le style de l’enseignement terminal, encore que, à titre provisoire pendant quelques années encore, elle aura à se préoccuper de la préparation au C.E.P.E. jusqu’à, ce que celui-ci soit remplacé après 1967 par un "diplôme de fin d’études obligatoires" conféré a 16 ans dans des conditions qui seront fixées ultérieurement. Mais en attendant, les inspecteurs d’académie seront autorisés à proposer dès 1964 pour le C.E.P.E. des épreuves spéciales d’histoire, géographie et sciences réservées aux élèves des classes de transition et adaptées à leurs préoccupations et à leurs méthodes de travail.

Au total, afin de rendre aux maîtres la liberté qu’avaient voulu leur laisser les instructions de 1938, durant une période d’expérimentation qui s’étendra à tout le moins jusqu’en 1965, le programme restera conçu en termes très larges, l’objectif minimum d’ensemble pouvant être, ainsi qu’on l’a dit, défini comme le niveau de connaissances et de moyens mentaux du cours moyen 2e année, notamment en ce qui concerne les apprentissages de base : parler, lire, écrire, calculer.

 

3°) Choix des maîtres

 

Il est certain que la tâche du maître dans la classe de transition sera très délicate par suite de l’hétérogénéité des élèves qui s’y trouveront rassemblés, de la diversité des buts à poursuivre et, enfin, de la nécessité d’obtenir une efficacité pédagogique suffisante avec des enfants en difficulté devant des études abstraites.

Les maîtres seront choisis, avec beaucoup d’attention, parmi ceux qui, désireux d’éveiller chez leurs futurs élèves la curiosité intellectuelle et le désir de savoir, s’intéressent à l’emploi de méthodes nouvelles dans le cadre d’une pédagogie spécialement adaptée.

Le personnel qui sera appelé ultérieurement à prendre en charge ce type de classe sera l’objet d’une formation spécialisée qui comportera essentiellement une connaissance approfondie de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent.

Dans l’immédiat, il apparaît que ces classes devront être confiées à des maîtres qui ont déjà acquis une certaine pratique des méthodes actives et qui pourront ainsi plus facilement confronter leurs méthodes et leurs expériences ; à cette fin, ils se réuniront périodiquement chaque quinzaine par exemple, la fréquence de ces réunions étant en rapport avec le nombre des classes de transition de la région. Une heure hebdomadaire du service de ces maîtres sera prévue à cet effet ; la semaine des élèves selon les circonstances propres à chaque expérience s’en trouvera soit réduite d’une heure, soit de préférence complétée à la durée normale de 30 heures hebdomadaires par la participation d’un autre maître (professeur de C.E.G. assurant l’initiation sportive par exemple). D’autre part, en raison des nécessités pédagogiques de l’enseignement de transition, il faudra dans toute la mesure du possible que les maîtres puissent suivre leurs élèves pendant les deux années que comporte ce cycle.

 

 

B. - Recherche d’une pédagogie

 

1) Un nouveau climat

 

Les élèves des classes de transition souffrent, sous des formes et à des degrés différents, d’inadaptation scolaire. Le premier trimestre aura donc pour objectifs principaux l’établissement d’un climat de confiance et de travail, la connaissance individuelle des élèves et l’établissement d'un bilan de leurs connaissances.

Essayer de découvrir les causes des échecs antérieurs, déterminer à partir de quel moment l’enfant, ne pouvant plus suivre, a stagné, ou parfois régressé, sera la première tâche du maître et seule l’étude de chaque cas pourra être fructueuse. Ces investigations réclament pénétration et délicatesse ; une expérience professionnelle assez longue et la valeur humaine des maîtres importent ici plus que tout conseil ou instruction.

Quelques remarques générales peuvent offrir néanmoins un intérêt.

Les investigations prendront souvent une forme orale : les mécanismes mentaux mis en jeu par les exercices scolaires restent masqués lorsqu'on recourt seulement au travail  écrit, et par ailleurs l’expression écrite risque, chez ces élèves, de ne pas traduire leur niveau réel. Observer le comportement à l’occasion de l’exécution des tâches matérielles présente aussi un grand intérêt : certains traits de caractère, d'éventuels blocages, en même temps que l’habileté ou la maladresse, peuvent apparaître. Il ne suffit pas de déterminer le niveau scolaire de l'élève, c'est à un tableau psychologique assez complet du pré-adolescent qu'il faut atteindre : niveau de maturité générale, fragilité ou stabilité émotionnelle, mode d’adaptation au travail, degré de dynamisme et d'activité, etc. Ces aspects de la personnalité se révéleront d'ailleurs autant dans la cour de récréation qu’en classe. On notera aussi les aptitudes et qualités, même isolées : à partir de ces "points forts", on recherchera l’épanouissement général de l’élève.

Certaines maladresses, écrites, manuelles, mentales, certaines inhibitions ou perturbations de la fonction du langage sont accrues ou même provoquées, par le souvenir des échecs antérieurs. Le désintérêt, l'opposition même, procèdent souvent de la même origine : l’enfant qui, au cours du cycle élémentaire, n'a pu dominer les situations scolaires qui lui étaient imposées, a été traumatisé. On se gardera donc de sensibiliser exagérément les élèves par des jugements de valeur rigoureux. Au cours de cette période d’exploration, qui doit être une période de mise en confiance, une autorité calme doit s’efforcer de faire renaître la volonté de travail, le désir de mieux faire et de progresser par rapport à soi-même.

On ne saurait à ce sujet, trop insister sur l’importance du climat que le maître créera dans sa classe ; son affection apportera à ses élèves l’aide morale dont ils ont besoin. D’autre part, il sera nécessaire qu’il établisse des relations avec les familles dès le début de l’année scolaire afin de les associer à l’effort entrepris, de combiner son action avec leur autorité et éventuellement d’influencer les formes de celle-ci, de reconnaître les situations particulières et d’en tirer une meilleure compréhension des problèmes que posent les enfants, etc. Un effort d’information des parents sera également nécessaire : on leur expliquera par exemple comment dans les classes de transition, les classements mensuels établissant la comparaison des enfants entre eux, seront remplacés par l’appréciation des progrès personnels de chaque élève.

 

2) Le réapprentissage des techniques de base

 

Le réapprentissage des techniques de base (lire, écrire, calculer) sera la préoccupation constante du maître durant toute la première année de transition. Il supposera le recours à des méthodes qui sont en usage à l’école élémentaire et on ne devra pas négliger éventuellement l’emploi de certains procédés et la connaissance de simples recettes ; on veillera cependant à éviter les longues leçons magistrales ; des séances courtes, actives, répétées chaque jour permettront de bénéficier d'une certaine tension mentale et les petites difficultés maitrisées durant ces brèves séances rendront confiance aux élèves.

Mais surtout il conviendra de ne pas isoler ces exercices à l’intérieur de l'activité générale de la classe.

 Considérons l'orthographe, par exemple. Le maître pourra certes, et avec intérêt, puiser dans les ouvrages spécialisés ; l’auto-dictée, les fiches auto-correctives, le carnet d’orthographe, le recours au dictionnaire, etc. ne sont pas à négliger.

Certaines précautions s'imposent d’ailleurs : on évitera les mots rares et, en orthographe de règles, on ne se bornera pas à faire appliquer les automatismes : on veillera à faire comprendre et expliquer les règles essentielles. Mais surtout, en classe de transition plus qu'ailleurs, un enseignement de l'orthographe trop isolé de la pratique de la langue deviendrait vite fastidieux. L’attention orthographique sera créée à travers tous les exercices de français que motivent les diverses activités (enquêtes, calcul, etc.) aussi bien que par les dictées. L‘apprentissage mémoriel, l'entraînement nécessaire à l’acquisition des mécanismes de base seront liés constamment aux exercices suscités par l’ensemble des disciplines et des activités de la classe.

D'autre part, on n'oubliera pas que dans ces classes, la progression de l'écolier n'est pas homogène : le handicap peut affecter davantage ou le français, ou le calcul, et des discordances très diverses peuvent apparaître. Certaines lacunes sont même  localisées ; qu'on ne s'effraie pas alors de travailler au niveau du cours élémentaire ou même au niveau du cours préparatoire lorsqu’il faudra réapprendre à tel élève les éléments de la table d’addition et de multiplication, certains accords du verbe avec le sujet. Lorsque le déchiffrage de certaines syllabes reste difficile, l’étude préalable des mots s’imposera avant la lecture, car de telles difficultés sont parfois liées à des défauts de prononciation. On redescendra donc toutes les fois que cela sera nécessaire au plus bas niveau convenable afin de construire sur des fondements solides et aussi parce qu’il faut redonner confiance à l’élève : le zéro en problème ou en dictée dans ces classes signifie seulement que l’exercice a été mal choisi.

L’effort de consolidation n’est pas le seul à envisager. Il faudra dissiper certaines fixations fautives, notamment dans le domaine de l’orthographe d’usage. L’élève n’a pas conscience de ses graphies ; il ne les voit pas, il faut lui faire observer certains mots comme on observe une chose, un objet. Parmi les erreurs fixées, il faut aussi ranger les fautes de raisonnement : le réapprentissage devra s’efforcer d’atteindre plus de profondeur que ne le feraient des montages étroitement scolaires. De même en calcul la résolution orale des problèmes, et notamment de problèmes à une seule opération portant sur des nombres simples, permettra. de rétablir le sens des diverses opérations ; les analyses d’énoncé seront conduites tout à la fois pour que soient aplanies les difficultés de syntaxe et de vocabulaire et pour que la situation donnée et l’élément à calculer, apparaissent clairement. D’autre part, le support concret (les manipulations, les pesées par exemple) le support partiellement concret (schémas et graphiques) permettront l’exercice et le développement de l'esprit à travers la pratique du calcul.

Si l’on admet pourtant qu'un effort de mémorisation, que des exercices de répétition peuvent encore jouer un rôle utile dans le domaine des apprentissages de base, par contre, l'histoire, la géographie, les sciences d’observation, l'étude du milieu, etc. seront dans les classes de transition considérées en tant que "disciplines d'éveil".

 

3) Les disciplines d’éveil

 

Elles ne devront pas faire, dans les classes de transition, l’objet  d’un enseignement purement magistral ni d‘une mémorisation systématique et imposée ; elles seront une source d‘intérêt, une réserve  de thèmes dans laquelle on puisera pour motiver des activités dirigées, des enquêtes, des recherches individuelles ou collectives, qui permettront de mettre en œuvre d'une façon plus naturelle la lecture, le calcul, la rédaction, le dessin. L’enfant apprendra en même temps à regarder, à soutenir son attention, à se former par lui-même une représentation mentale ordonnée des faits et des choses.

En ce qui concerne la conception même de ces enseignements, on se bornera à rappeler ici des instructions antérieures fort judicieuses.

"L'enseignement élémentaire de l’histoire a pris peu à peu une forme savante, abstraite ; de plus en plus, il s’est encombré de termes classiques, dont les élèves ne comprennent pas le sens... Il a semblé qu’il y aurait avantage à le rendre moins ambitieux et à le rattacher, autant que possible, à l'histoire locale, si riche et si variée en France ; car ainsi l'enfant pourrait prendre contact avec la réalité historique".

"On utilisera au maximum toutes les ressources de la commune ou des communes voisines (églises, monuments, vestiges, mines, lieux historiques, monnaies, médailles, etc.) pour initier les enfants à l’histoire locale au cours de promenades et de séances d'activités dirigées...".

"En commençant par l'étude du milieu local, ou aura l'avantage de regrouper les observations éparses... et l'avantage de familiariser l'enfant avec la région qu'il habite...".

En ce qui concerne les exercices d'observation, "le maître ne se croira pas tenu de traiter toutes les questions. Quelques observations bien conduites valent mieux que l'examen superficiel de nombreux faits".

Ce rappel de passages essentiels d'instructions et de programmes relatifs au cours moyen signifie qu'on aura intérêt à les relire et à les appliquer en tenant compte évidemment de l'âge des élèves qui, même chez les moins instruits, aura apporté une évolution et un mûrissement des intérêts. Ainsi par exemple, les enquêtes et études pourront s'appliquer à des sujets plus complexes et être exploitées plus longtemps que ne l'autoriserait le psychisme d'élèves plus jeunes. On pourra aussi s‘inspirer des objectifs et des modalités de l’étude du milieu, et des travaux expérimentaux, introduits dans les classes parallèles du cycle d’observation, et dont 1'esprit a été défini par la circulaire du 8 septembre 1960.

 

4) Les techniques de travail

 

Dans ces classes, c'est tout d'abord le rythme et la répartition du travail scolaire qui méritent une attention particulière, car ils constituent un facteur important de l’adaptation ou de l'inadaptation. L'individualisation des tâches devra être opérée le plus fréquemment possible. A défaut, on devra constituer dans la classe des groupes de travail en tenant compte des niveaux différents de connaissances et des différences d’aptitude, groupes qui ne doivent pas être rigides d'ailleurs ; tel enfant peut être dans le groupe des "forts" en orthographe, dans celui des "faibles" en calcul. Si le maître est informé des techniques modernes d'enseignement, s'il a pu se procurer des fiches de travail, s'il sait les utiliser, il aura réuni des éléments pédagogiques susceptibles de lui apporter d’excellents résultats. Une éducation des élèves sera recherchée quant à l’organisation de leur propre calendrier du travail ; on les habituera progressivement et avec prudence à répartir leur travail sur plusieurs journées ; on restera bien entendu sur ce point, plus proche de la classe élémentaire que de la classe. de 6e, mais on essayera néanmoins de faire évoluer les élèves vers des conduites de plus en plus autonomes. Les séances de travaux dirigés permettront aussi aux élèves d’apprendre à travailler et d’ "apprendre à apprendre". Dans ces séances l’aide directe du maître sera notamment essentielle pour ceux qui se fatiguent vite ou qui se dispersent dans la rêverie.

Le travail par équipe permettra souvent la mobilisation mentale de sujets réticents ou indifférents. Les activités de groupe ne se confineront pas dans la vie scolaire au sens étroit du mot ; il sera nécessaire d’organiser des cercles ou clubs d’adolescents : modelage, aéromodélisme, électricité, horticulture, etc. La préparation d’une petite exposition de fin d’année, les relations entre écoles, l’établissement et l’échange de journaux (muraux ou autres), la correspondance inter-scolaire sous ses diverses formes, en mettant en bonne place les journaux scolaires imprimés ou multigraphiés, sont également très recommandés. Outre leur intérêt intrinsèque et les puissantes motivations qui en résultent, ces activités créatrices offrent la possibilité d’une association bénéfique entre le travail manuel et le travail intellectuel (association qui sera à la base de la pédagogie des classes terminales pratiques). L’initiation à la vie sociale à l’intérieur de chaque cercle et par les re1ations interclubs apportera d’autre part un enrichissement à la personnalité et une préparation effective à la vie du citoyen. On rappellera à ce sujet l’existence du mouvement coopératif, son rôle efficace dans la petite société que constitue la classe : pratique des élections et des débats, attribution des responsabilités, contrôle collectif des activités, recherche des initiatives (en particulier en ce qui concerne les ressources qui,  plus que dans les seules cotisations, devraient être recherchées dans des ventes de vieux journaux, de petits objets fabriqués, dans des recettes de fêtes ou d'expositions, etc.

Enfin, la classe devra disposer d’une bibliothèque importante, à laquelle les élèves accèderont directement pour choisir livres ou revues. Le maître devra connaître vraiment tout le contenu de cette bibliothèque, afin de pouvoir conseiller utilement, mais discrètement. Le choix des élèves n'en sera pas moins libre ; la dispersion des niveaux scolaires dans cette classe, et la variété des intérêts à cet age, conduiront à placer côte à côte des albums du Père Castor, des contes et légendes de l'Antiquité, des romans sentimentaux et des récits d'aventure ou de voyages, surtout des ouvrages documentaires sur les sciences et les techniques, l'histoire et la géographie, etc. Il conviendra que l'adolescent puisse trouver, par essais et au risque d’erreurs, ce qui lui plaît ; le maître en tirera un complément utile d’information dans sa connaissance de chaque personnalité juvénile.

 

 

Conclusions

 

Le schéma pédagogique ainsi esquissé laisse une .place importante à la libre initiative des maîtres. Dans sa phase présente, la mise en place des classes de transition doit en effet revêtir avant tout un caractère d’expérimentation.

Il conviendra à ce sujet de constituer des équipes de recherches réunissant périodiquement les maîtres des classes de transition par circonscription d’inspection primaire. Ces équipes auront pour but essentiel de confronter les expériences, les succès et les échecs. Sous la responsabilité des inspecteurs primaires, elles pourront proposer à  MM. les Inspecteurs d’académie des aménagements aux programmes, aux horaires, à l’organisation générale. Elles proposeront également les aménagements souhaitables au régime général du C.E.P. afin de tenir compte de l’orientation propre aux classes de transition. Ces projets seront ensuite étudiés selon la voie habituelle.

On peut ainsi espérer que se dégageront assez rapidement les modalités pédagogiques qui donneront à des classes de transition de plus en plus nombreuses l’efficacité qu’il est indispensable de leur assurer.

 


Le directeur général
de l’Organisation
et des programmes scolaires,
J. CAPELLE.

 

Org. : B. O. n° 30 du 25 juillet 1963, pp. 1 708 sq.