À propos de "La Marseillaise", en attendant le car Ricou...
- Détails
- Création : samedi 4 mai 1963
- Publication : samedi 4 octobre 1997
- Affichages : 5458
Conversation entendue devant le bureau des cars Ricou, un jeudi soir, à Grenoble, parmi de nombreux voyageurs qui attendent :
Un voyageur :
- Mon gosse a un maître complètement cinglé, rien que des chants militaires. J'ai dit au gosse : Ferme-la, on en a marre de leurs sacrées guerres !!
Chuchotement de l'interlocuteur qui doit expliquer que les chants en question sont obligatoires, d'où une nouvelle explosion verbale.
- Eh bien, ils n'ont qu'à rouspéter ! Ils se gênent peut-être quand il s'agit de leur pognon ! Je vous dis, moi, il n'y a pas que leur pognon qui compte. Ils se foutent pas mal de nos gosses !
Un troisième voyageur écoutait, songeur. Il s'approche, et sur un ton ironique, il explique :
- Mais voyons, Messieurs, les instituteurs sont des gens très intelligents. Ils se sont dit : pour la dernière, la guerre d'Algérie, nos enfants sont partis en pleurant ; à la prochaine, ils partiront en chantant, ce sera beaucoup mieux !
Aucune parole ne s'est élevée pour défendre les instituteurs. Un silence lourd de mépris, quelques mots murmurés tristement, en disaient long sur notre prestige actuel aux yeux de tous ces milliers d'enfants qui nous sont confiés, que nous devons former moralement.
J'étais bouleversé.
[Le "bureau des cars Ricou" était situé à l'angle des rues Montorge et de Belgrade]