La grande blessée
- Détails
- Création : lundi 9 septembre 1895
- Publication : mercredi 11 novembre 2009
- Écrit par Gustave Nadaud
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Un soir d'hiver, à l'ambulance,
On amène un soldat blessé.
Rien ne trahit sa défaillance ;
Il a le bras droit fracassé.
C'est un vaillant, un volontaire ;
Des premiers il était debout,
Pour défendre son bien, sa terre,
Pour venger son honneur surtout.
On examine la blessure,
Et les médecins rassurés
Disent : "La guérison est sûre ;
Laissez-vous faire et respirez".
"Oh ! Je vous comprends à merveille,
Répondit-il, on dort, n'est-ce pas ?
On dort, et quand on se réveille,
On vit... mais on n'a plus qu'un bras.
"Perdre la main qui tient l'épée
Ou qui soulève le fardeau !
Qui conduit la plume trempée
Ou qui dirige le pinceau !
"Jamais ! Je défends qu'on y touche.
Je sais souffrir, c'est mon métier ;
C'est le dernier mot de ma bouche :
Je veux mourir ou vivre entier !"
Va, nous comprenons ta pensée ;
Comme toi, nous saurons souffrir !
La France est la grande blessée
Qui veut vivre entière ou mourir.