Μνῆσαι πατρὸς (Priam s'adressant à Achille, Ilias, XXIV, 486)
[Albert Jacquard, Tentatives de lucidité, Stock, 2004, p. 215]

Dès l'aube la forge s'allume ;
Le fer rougit dans le foyer...
Le forgeron bat sur l'enclume
Le fer dur qu'il force à ployer.
Son bras se relève, s'abaisse,
Monte, remonte et redescend
Sur le fer rouge qui s'affaisse
À tout coup du marteau pesant.
Le fer jette des étincelles,
Par milliers, sous le marteau lourd...
Oh ! qu'elles sont vives et belles !...
Et l'homme frappe comme un sourd !
Pan, pan ! - puis un petit silence ;
Pan, pan ! toujours - pan, pan ! encor !
Le marteau remonte et s'élance ;
Le fer en feu crache de l'or !
Il a chaud, bien chaud dans sa forge
L'homme au grand tablier de cuir !
Le charbon lui sèche la gorge ;
Son brasier vous ferait tous fuir.
Mais chacun supporte sa peine ;
Et près du forgeron, souvent,
Son brave enfant, qui se démène,
Comme un homme, frappe devant !
Pan, pan ! - On les voit, de la rue,
S'agiter, noirs devant leur feu...
Ils forgent un fer de charrue,
Une barre, un cercle à moyeu...
Et pan, pan ! La forge sonore
Résonne tard, et dit au loin :
"Le forgeron travaille encore
Aux outils dont on a besoin !"
[Texte rencontré in Lectures primaires, Cours élémentaire, rassemblées par E. Toutey, Inspecteur primaire, Membre du Conseil Supérieur de l'Instruction Publique, Librairie Hachette, 1919]