Vent d'Avril...
- Détails
- Création : lundi 23 janvier 1888
- Publication : vendredi 1 avril 2022
- Écrit par Ém. Verhaeren
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La terre ardente et fière est plus superbe encor
Et la vie éveillée est d'un parfum si fort
Que tout l'être s'en grise et bondit vers la joie"
E. Verhaeren, in La multiple splendeur (1906)
Vent d'Avril
Le vent chante, le vent babille,
Avec pinsons, tarins, moineaux,
Le vent siffle, brille et scintille
À la pointe des longs roseaux,
Le vent se noue et s'entrelace et se dénoue
Et puis, soudain, s'enfuit jusqu'aux vergers luisants,
Là-bas, où les pommiers pareils à des paons blancs,
— Mare et soleil — lui font la roue.
Cuisson du pain
Les servantes faisaient le pain pour les dimanches,
Avec le meilleur lait, avec le meilleur grain,
Le front courbé, le coude en pointe hors des manches,
La sueur les mouillant et coulant au pétrin.
Leurs mains, leurs doigts, leur corps entier fumait de hâte,
Leur gorge remuait dans les corsages pleins.
Leurs deux poings monstrueux pataugeaient dans la pâte
Et la moulaient en ronds comme la chair des seins.
Le bois brûlé se fendillait en braises rouges
Et deux par deux, du bout d'une planche, les gouges
Dans le ventre des fours engouffraient les pains mous.
Et les flammes, par les gueules s'ouvrant passage,
Comme une meute énorme et chaude de chiens roux
Sautaient en rugissant leur mordre le visage.
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