Hommage à Georges Perec
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- Création : dimanche 18 février 2001
- Publication : dimanche 18 février 2001
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I. Maxime dîne ce matin avec Anatole.
- Je me régale, dit-il à son ami. J'adore l'arôme de ce potage de légumes à l'anis. On y tâte de l'acidité délicate du rutabaga, de l'acidulé rare du céleri-rave caramélisé, de la sapidité paradoxale de la tomate des Yvelines, et une légère marinade de cari, basilic et origan a su le revigorer. Avec une matelote de mulet, une salade de macaroni, la carafe de rosé du Médoc, une petite fine du Jura, le géromé, le livarot, un ananas, une banane, du café, ce sera super !
II.
À demi-mot un art chétif nous parle,
ci nouant le strict opus à ce frisson fugace,
t'inoculant ce simoun blanc,
tels vingt blocs d'un marbre si lourd à sertir
hors du tracé gris où l'avenir gourd
sans répit nous mâche
ni croc d'un art bref
ni mort brunâtre
ni l'outrage inconnu :
l'Ange introuvable,
cri troublant cet îlot sûr (1)
III. La disparition
Un grand nom du roman a disparu, on sait qui : juif polonais par son papa, ou sa maman, va savoir, poisson astral du front populo, car il naquit sur un sol français un six mars sous Blum, il fut un fou dingo du stylo, abracadabrant mais pas bavard pour un sou, scribouillard subtil dont la main animait l'ambition sans faiblir, jamais mondain quoiqu'il jouît d'un nom sonnant aux tympans du public, du moins d'un public acquis à son original travail, nonobstant l'oubli où tout, un jour, finit.
Clown magistral du mot, archiduc du canular, roi au Point, journal où il officiait, du croisillon sans point noir, plumitif hors du commun mais jamais obscur, ni a fortiori abscons, il fit à l'Oulipo grand foin. Il avait surtout là-bas pour ami Italo Calvino, mandons pardon aux omis qui sauront sans mal nous saisir... (2)
Notes
1 . G. Pérec, Nouvelles Littéraires, août 1979.
2. J. L. Zin, Nouvelles Littéraires, mars 1982.