Pierre Scize, un journaliste isérois de Lyon

 

 

Comme la lampe du soir attire les phalènes, la capitale des Gaules ne compte plus les Nord-lsérois de talent que les fastes, les pompes et les œuvres de Lyon ont pu séduire et retenir quelque temps entre Saône et Rhône. Certes, on pense à Frédéric Dard, et parfois même, après avoir relu ce mal-aimé talentueux, à Henry Béraud, le fils du boulanger de Satolas - car je vous parle d'un temps pas si lointain où ce village était isérois - Satolas avant les joyeux lurons de Sabolas, hélas ! Mais on oublie bien trop souvent Pierre Scize, né Michel-Joseph Piot, le 17 février 1894, à Pont-de-Chéruy.

 

 

Du pamphlétaire...

 

Dès l'âge de 17 ans, les lumières de la ville captivent ce jeune compatriote qui suit les cours du Conservatoire de la grande ville, avant la Grande Guerre où il va perdre son bras gauche dès le début des hostilités. Régisseur de théâtre aux Armées, Michel-Joseph est repéré par Charles Dullin et par Jacques Copeau avec qui il effectue une tournée américaine. C'est le récit qu'il rédige de cette aventure qui ouvre la carrière journalistique de Michel-Joseph Piot, à "Bonsoir", puis à "l'Œuvre" et enfin à "l'Impartial" où plusieurs pamphlets de qualité vont faire remarquer le jeune Isérois. Celui de 1926 contre le député Rameil, fondateur d'un théâtre, "populaire"... et démagogue, est resté fameux :
"Le 14 juillet, vous convierez le peuple de Paris à des festivités grandioses où l'on verra une Marianne tétonnière et fessue clamer des alexandrins vengeurs tandis que, dans l'encens de l'enthousiasme populaire, Mme Chenal, roulée dans la soie tricolore, versera sur la foule l'harmonie facile de La Marseillaise"...

Selon la tradition, un autre collaborateur portant le même patronyme travaillait également pour le journal "l'Œuvre" qui venait d'ouvrir ses colonnes à Michel-Joseph.

Celui-ci, en quête de pseudonyme, choisira le nom d'un quai de Saône, Pierre Seize, signifiant "Pierre Taillée" : "exemple unique d'un homme prenant le nom d'un quai au lieu de le lui donner". De "L'Œuvre", le nouveau journaliste passera au "Canard Enchaîné" que dirige alors son fondateur Maurice Maréchal. En 1932, les papiers de Pierre Scize y sont très appréciés car fortement acidulés, particulièrement ceux qui prennent pour cible le maire de Lyon, Édouard Herriot.

Un curieux incident va mettre fin à cette collaboration. Le fondateur du "Canard" ayant interdit à ses collaborateurs d'accepter toute décoration, et Pierre Scize passant outre pour la croix de la Légion d'Honneur qu'on lui offrait pour son bras en moins, sera mis à la porte du journal satirique.

 

 

... Au reporter sportif

 

1858figlitscizL'affaire fera quelque bruit... Mais la carrière de Pierre Scize se poursuivra à "Candide" et à "Paris-Soir". Les années d'avant-guerre permettront au journaliste de révéler et de faire connaître le lyonnais et dramaturge Marcel Achard ; peu avant celles, sombres, de l'Occupation qu'il passe à Lyon en travaillant jusqu'en novembre 1942 au "Figaro" alors replié. Le journal choisira de se saborder plutôt que de paraître sous la botte nazie.

Après la Libération, Pierre Scize prend la chronique judiciaire du quotidien, écrit et publie beaucoup, dont le très hilarant "Vingt Dieux de République !" et se lance sur les traces de son ami Jeanson avec le scénario du remarquable "Monsieur Ludovic" mis en scène par Jean-Paul Le Chanois, avec Bernard Blier.

Chroniqueur judiciaire, Pierre Scize couvre aussi les grands procès de l'époque : Pétain, Nuremberg, Petiot, Marie Besnard ou Dominici... avant de se lancer, en 1953, dans une formidable chronique du "Tour de France", préfigurant d'une plume talentueuse les petits chefs-d'œuvre d'Antoine Blondin.
Envoyé spécial du "Figaro" aux Jeux Olympiques de Melbourne en 1956, Pierre Scize y trouvera une mort stupide, renversé par une voiture, à l'heure même de la victoire de Mimoun dans le marathon.

 

 

© Georges Salamand in Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné n° du 31 juillet 2009.

 

 


 

 

Texte soumis aux droits d'auteur - Réservé à un usage privé ou éducatif.