IV. En guise de provisoire conclusion...

 

 

D'ailleurs, puisque je me suis "dévoilé" au tout début de ce texte, pourquoi ne pas continuer à filer la métaphore, si je puis m'exprimer ainsi, tout en demeurant à Dax, et plus précisément au formidable espace culturel de Leclerc - du moins formidable par l'emprise au sol.

Se promène-t-on dans cet immense espace soi-disant dévolu à la culture (mais nous allons voir ce qu'est la culture, aujourd'hui), alors on se rend compte que ce qu'il est habituellement convenu de nommer littérature, même de seconde zone, n'occupe que le dixième de la salle, relégué à main droite (il y a tout de même le dernier Compagnon sur Proust du côté juif, et des tas de "policiers" d’ailleurs impossibles à feuilleter, car littéralement au ras du sol).

Tout le reste, qui est donc magnifié, c'est d'une part une "formidable" collection de mangas, je dirai même, car elle occupe un secteur entier, impressionnante, pour reprendre le qualificatif favori d'un ami très cher. Vous me direz, les jeunes "roulent" japonais (ah, elles sont passées où les Terrot et autres Magnat-Debon de mon adolescence ?) et donc ils "lisent" (mais est-ce véritablement de la lecture ?) aussi japonais ; ou, plus exactement, l'écrit les rebutant sans doute (ils le kiffent guère, n’est-ce pas), ils "lisent" des livres d'images, farcis du minimum syndical de texte.

Et c'est d’autre part une "impressionnante" collection de bandes dessinées, qui doit  occuper pas loin de la moitié de la salle. Ah, j'oubliais : en marge, mais vraiment à la marge de cet "impressionnant" ensemble, on trouve quand même quelques livres "normaux" ; pour les ados : Donjons et Dramas, La vie compliquée de Léa, Mille baisers pour un garçon, Vanja et le loup, Confessions d'un garçon anxieux, intello et légèrement amoureux, Katsuro le titan... ; et pour "la jeunesse" : La vie compliquée de Léa (encore elle ! Un must !), Le chevalier Sir Louis et l'odieuse donzelle (rien à voir, je présume, avec le frère du comte d'Artois), Le journal de Dylane, Miss Parfaite, Le journal de Luna, Ma vie de gâteau sec (sans doute sponsorisé par Le Petit Ecolier, Lefèvre-Utile ou La mère Poulard)...

Comme on le voit, rien que des classiques confirmés. Et dire que certains, il n'y a pas si longtemps, perdaient leur temps à lire Colomba, Le capitaine Fracasse, François le Champi et autres romans champêtres de George Sand ! Ceci dit, je ne méconnais nullement que le fils du petit épicier de Landerneau n’est précisément pas un philanthrope : il vend ce qui s’achète, point (il est vrai qu’on pourrait retourner la proposition : les gens achètent ce qu’on leur propose à la vente).

100 agendasMais si le choix offert à nos jeunes, en matière de lecture (de lecture vraie, si je puis employer cette expression) est particulièrement étique, en revanche je me dois de signaler l’abondance "impressionnante" des cahiers de textes (enfin, peut-on nommer cahiers de textes ces choses outragement bariolées ? Bon, je me tais) : une bonne centaine, je les ai comptés, oui, je les ai comptés ! Si, avec ça, ils ne vont pas travailler de tout cœur à l’amélioration de leurs connaissances…

Quittant cet espace culturel, j'ai immédiatement revu les quatre tiers pagnolesques de César : d'abord à droite un tiers de littérature, mais attention, un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de livres pour la jeunesse. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un BON tiers de mangas. Regarde les couvertures. Regarde comme c'est joli. Et à la fin, tout à gauche, un GRAND tiers de bandes dessinées. Voilà.

Bref, assez bavassé. Nous étions naguère une nation littéraire - c'est du moins ainsi que les autres nous percevaient. À force d'inculture et de conformisme, le temps faisant irrésistiblement son œuvre, nous ne serons bientôt plus qu'une nation d'illettrés : Pisa et Shanghai nous ont assez avertis. Comme disait l’autre (Ah ! L’infâme !) nous serons passés de l'ombre à la lumière...