Thèmes de réflexion et de discussion.
Sujets possibles de dissertations, débats, exposés.
Conseils et documentation

 

 

 

I. Joie ou désespoir ?

 

Candide, à votre avis, est-il une œuvre désespérée et désespérante, - ou tonique, joyeuse, féconde ? Expliquez le plus précisément possible votre réponse.

 

1.1. Conseils et documentation

 

Dès 1760, Fréron écrivait : "Candide fait d'abord rire l'esprit, et laisse ensuite le désespoir dans le cœur... Candide nous rend en horreur à nous-mêmes".

De nombreux écrivains et critiques ont dit la même chose : V. Fournel parle d'une "gaîté impie ; agressive, effrontée, qui finit par serrer le cœur", Paul Hazard d'une "tristesse profonde", Jean Orieux d'une "tristesse insondable".

Mais l'opinion inverse a également de très nombreux défenseurs : "Candide pétille d'une pugnacité qui va sans tarder s'exercer sur l'infâme" (René Pomeau) ; "Après une impitoyable démolition, qui le laisse seul et sans protection dans cet univers incompréhensible, loin de rejoindre Pascal et de désespérer sur cette terre avec lui, Voltaire se met à fredonner en souriant son petit hymne à la vie. C'est en cela que Candide, son chef-d'œuvre, est le plus antipascalien de tous ses ouvrages romanesques" (Jean Sareil).

Vous devez donc, avant tout, donner votre avis personnel, dire quel a été l'effet produit sur vous par la lecture de Candide, et par vos réflexions à la suite de cette lecture, puis examiner les attitudes pratiques qu'il a pu contribuer à vous faire prendre.

 

 

II. Résignation ou appel à l'action ?

 

La morale de Candide est-elle une morale du dégagement ou de l'engagement ? Le conte vous invite-t-il à la résignation ou à l'action ?

 

2.1. Conseils et documentation :

 

Problème très voisin du précédent, dont il aide à fixer un aspect essentiel. Relisez les chapitres qui vous ont le plus frappé. Étudiez les arguments de Roland Barthes* et les jugements suivants :

"La vie n'est pas bonne, elle peut être améliorée. Comment ? par le travail, mais par le travail social, par l'effort en commun, où chacun trouve son compte... Voilà la conclusion, modérée, courageuse et claire, qui se prépare tout le long du conte" (G. Lanson).

"Le sens de la formule (finale) ne fait pas de doute. Il combine deux idées également négatives : restons à l'écart du monde pour ne pas souffrir, et travaillons pour ne pas avoir à penser" (Robert Mauzi).

"La générosité de Voltaire ne s'exprime pas de manière explicite dans le dernier chapitre de Candide... et c'est seulement à condition d'oublier le contexte que ce jardin à cultiver peut devenir dans notre esprit le patrimoine commun que chaque homme doit s'employer à faire fructifier pour le bien de tous. La sagesse de Candide n'est donc pas toute la sagesse de Voltaire mais elle en contient le germe... Elle s'oppose de façon rigoureuse à ce que sera la pensée romantique. Elle refuse d'avance toute valeur à ces notions de révolte ou de désespoir qui viendront à la mode au début du siècle suivant et qui sont cultivées encore par tant de nos contemporains. Le silence de Vigny est un silence révolté, celui de Voltaire est un silence résigné. Encore cette résignation se limite-t-elle aux domaines qui échappent au contrôle de l'homme. Mais il appartient à l'homme, une fois réduit à son véritable horizon, d'exploiter de son mieux les chances qui lui sont offertes de construire sa vie" (P.-G. Castex).

"Ce qui fait la valeur de ce mythe (du jardin) c'est son double aspect limité et ouvert, solide et prometteur tout à la fois... C'est en partant de cette base exiguë mais stable que l'homme va se reconquérir peu à peu" (Jacques Van den Heuvel).

 

 

III. Quelle conclusion philosophique tirez-vous de "Candide" ?

 

 

3.1. Conseils et documentation :

 

Essayez de préciser quelles idées vous suggère Voltaire à l'égard de la doctrine de Leibnitz, du christianisme, de la Providence, de la religion en général, de l'existence de Dieu, de l'épicurisme. À quelle attitude intellectuelle essaie-t-il de vous rallier ? Y parvient-il ? C'est votre conclusion à vous, ou votre absence de conclusion, que vous devez donner, après avoir réfléchi sur le conte.

"Nous retrouvons ici cette philosophie profondément antichrétienne qui ne croit pas que Dieu s'intéresse à l'homme... Les souris dans la cale se soucient peu de Sa Hautesse. Il n'y a pas de chapelle dans le jardin de Candide, car la grande affaire n'est plus le rapport de l'homme à Dieu, mais de l'homme au monde". (René Pomeau).

"Une totale démystification de l'homme confronté à lui-même dans la nudité de son destin et arraché à toutes les fausses consolations qui auraient pu atténuer ce que Pascal appelle le 'ressentiment de sa misère'. Voltaire a défiguré ses personnages, parce qu'il recherche le vrai visage de l'homme. Ainsi peuvent se concilier en ce début de roman un côté profanateur, et un côté que nous n'hésitons pas, après avoir montré à quelles nobles origines il se rattache, à qualifier d'édifiant : celui d'une hygiène spirituelle, d'une épreuve". (Jacques Van den Heuvel).

"Voltaire n'aurait pas tant dénigré la métaphysique, s'il n'avait pas attendu tant d'elle. Candide était malheureux chaque fois qu'il pensait... Les contes ne sont pas 'philosophiques' parce qu'ils sont une 'arme de combat', mais plutôt parce qu'ils sont une interrogation inquiète sur les grands problèmes de l'existence humaine". (Jacques Spica).

"Voltaire n'a pu surmonter cette idée écrasante [les hommes, "des insectes se dévorant les uns les autres sur un petit atome de boue", Zadig]. De temps en temps, il essaie son rire contre le sublime, puis il revient à sa propre condition, souffrante et misérable, et aux combinaisons de la volonté divine, qui a fait tout bien ; d'où le poème de Candide qui s'élève à une sorte de grandeur biblique" (Alain).

"Les philosophes après Voltaire ne voudront point que Voltaire soit philosophe. Ils lui refusent un titre que toute son époque lui donnait. Ils estiment, sans doute, qu'un philosophe est un homme qui s'attarde sur les termes, comme si les mots avaient plus de consistance et de profondeur que l'espace et l'instant mental où ils s'animent en chacun. Mais Voltaire vole sur eux. Peut-être qu'il ressent trop, de toute sa nerveuse nature, qu'une valeur d'esprit ne dure qu'un éclair, et que l'esprit est vie, et la vie essentiellement transitive" (Paul Valéry).

 

 

IV. Personnages vrais ou marionnettes ?

 

Candide, Pangloss, Cunégonde, Cacambo, etc... vous paraissent-ils vrais ? Croyez-vous, au moins pendant que vous lisez le conte, à leur existence ? Si oui ou si non, pourquoi ?

 

4.1. Conseils et documentation :

 

Plutôt que de vous éparpiller en notations sommaires toujours discutables, choisissez un personnage (en prévenant votre lecteur de la raison pour laquelle vous le choisissez) et étudiez-le à fond. Posez-vous les questions : s'impose-t-il à moi ? puis-je l'imaginer en dehors des scènes où Voltaire nous le montre ? Ai-je rencontré des hommes ou des femmes comme lui, etc.

"Les personnages de Voltaire manquent de vérité, de naturel, le pamphlet se voit au travers" (Stendhal).

"J'ai lu Candide vingt fois. Il y a des œuvres tellement épouvantablement grandes - celle-là est du nombre - qu'elles écraseraient celui qui voudrait les porter... La fin de Candide est pour moi la preuve criante d'un génie de premier ordre. La griffe du lion est marquée dans cette conclusion tranquille, bête comme la vie..." (Flaubert).

"Voltaire n'a pas l'imagination forte : il n'est point de ceux qui créent des Panurge et des Tartufe. Il ne va jamais jusqu'à la grande peinture : il s'arrête à la silhouette, au croquis, à la fine caricature, à la pochade. Mais il y est inimitable. La vie qui sort de lui est une vie menue et grêle ; mais c'est de la vie" (Bellessort).

René Pomeau, parlant de Voltaire en général, affirme : "Il n'est si irrésistiblement bouffon que par un certain défaut d'imagination psychologique" ; mais, s'agissant de Candide, il y trouve "l'intérêt psychologique sans lequel il n'est pas de grande œuvre". Il montre que Candide et Pangloss en particulier sont des personnages "fouillés, complexes, vivants".

 

 

V. Confession ou pamphlet ?

 

Apercevez-vous dans Candide la personnalité de Voltaire lui-même, non seulement ses opinions et son esprit, mais son caractère, ses doutes, ses obsessions, ses humeurs, les tendances les plus profondes de son intelligence et de son cœur ?

 

5.1. Conseils et documentation :

 

Ce sujet est très difficile et ne peut être traité que si l'on connaît très bien la vie et les autres œuvres de Voltaire. Si ce n'est pas le cas, dites-le franchement, et indiquez que vous traiterez une question voisine mais qui ne manque nullement d'intérêt : comment peut-on s'imaginer la personnalité de Voltaire d'après la seule lecture de Candide ?

"Candide, c'est la grande confidence de Voltaire, ce sont ses Confessions, à lui, autrement émouvantes, on peut le dire, et même autrement religieuses que celles de Jean-Jacques. À chaque page y reparaît, blessante mais encore plus blessée, grimaçante mais d'un rictus de douleur, cette âme déçue dans sa recherche du vrai, dans sa recherche de Dieu, qu'elle a entreprise par les seuls moyens de la Raison, de sa raison" (Albert Chérel).

"Candide ce sont les Confessions de Voltaire, Confessions transposées dans le registre de la fiction ironique, les seules que Voltaire pût livrer au public. Comme Voltaire, Candide avait cru, "naïvement", que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Comme Voltaire, il dut bientôt déchanter. Voltaire et Candide ont le mérite, si rare, de se rendre à l'évidence des faits". (René Pomeau).

"Candide est une satire, ce n'est pas une confession" (Jean Sareil).

"Il semblerait que le personnage de Candide... n'a pu prendre corps que le jour où, d'une manière particulièrement violente, Voltaire a ressenti jusqu'à l'exaspération sa propre candeur". (Van den Heuvel).

"Voltaire a peint avec sympathie, mais ironiquement, son héros pendant tout le cours de ses aventures... Au dénouement, au contraire, on dirait qu'il augmente la distance qui l'en sépare... L'ironie de Voltaire est un dédoublement, un retour sur soi, un clair discernement non seulement des ridicules d'autrui, mais encore des siens propres" (Henri Coulet).

 

 

VI. L'art du conte

 

Condorcet a donné en 1789 la définition suivante du conte ou du roman "philosophique" : "Ce genre a le malheur de paraître facile ; mais il exige un talent rare, celui de savoir exprimer par une plaisanterie, par un trait d'imagination ou par les événements mêmes du roman, les résultats d'une philosophie profonde sans cesser d'être naturelle, et piquante sans cesser d'être vraie... Il faut être philosophe, et ne point le paraître".

Montrez que cette définition a été établie d'après les contes de Voltaire lui-même et en particulier d'après Candide.

 

6.1. Conseils et documentation :

 

Vous pouvez partir de cette réflexion de Voltaire lui-même dans l'Ingénu : "Ah ! s'il nous faut des fables, que ces fables soient du moins l'emblème de la vérité ! J'aime les fables des philosophes, je ris de celles des enfants, je hais celles des imposteurs".

Vous développerez ensuite, à l'aide d'exemples précis, chacun des points signalés par Condorcet, vous n'omettrez pas d'insister beaucoup sur l'impression générale produite par le conte.

"Un roman de Voltaire est une idée de Voltaire se promenant à travers des aventures divertissantes destinées à lui servir et d'illustrations et de preuves. C'est un article du Dictionnaire philosophique conté, au lieu d'être déduit, par Voltaire. Et c'est pour cela qu'il est exquis". (Émile Faguet).

"Je ne connais pas de texte comique où les morceaux de bravoure, pourtant nombreux, se rattachent davantage aux thèmes philosophiques, où l'auteur soit à ce point présent et où il y ait si peu de mots d'auteur, c'est-à-dire de traits gratuits, destinés seulement à montrer l'esprit de celui qui les lance. Du fait de cette soumission de tous les éléments du conte à la propagande des idées, on arrive à ce résultat paradoxal d'un livre où se déploie l'imagination la plus saugrenue et la plus extravagante et qui donne en même temps une forte impression de contrôle et de mesure. Il n'est pas possible d'exprimer de manière plus classique un esprit d'invention qui le soit moins". (Jean Sareil).

 

 

VII. L'art du style

 

Zadig se contentait d'avoir le style de la raison, nous dit Voltaire (p. 29). Voltaire, dans Candide, s'en contente-t-il, à votre avis ?

 

7.1. Conseils et documentation :

 

Cherchez d'abord dans Candide des exemples précis - et parfaits - de ce style de la raison. Cherchez ensuite si vous n'y trouvez pas aussi un style de la fantaisie, de l'indignation, de l'imprévu, de l'absurde, de la poésie (Vous avez tout à fait le droit d'y trouver aussi, bien entendu, des exemples de style trop uniquement rationnel, de platitudes).

"Voltaire s'est créé une prose lucide, offensive et prompte... Voltaire substitue aux argumentations massives une tactique de vitesse, de pointes brèves, de feintes et d'ironie de barcèlement. Il passe du logique au comique, du bon sens à la fantaisie pure, exploite tous les faibles de l'adversaire et l'abandonne ridicule, s'il ne l'a pas finalement rendu tout à fait odieux". (Paul Valéry).

"Le mouvement alerte, le sautillement leste de la phrase sont une joie pour l'oreille. Même parfois on perçoit nettement un dessin musical : rien qui ressemble aux rythmes poétiques ou oratoires, mais un dessin fantaisiste, fait de rappels de sons et de parallélismes de tours... L'art de Voltaire est fait de ces fines correspondances. On se tromperait en ne lui donnant que l'esprit au sens français, le jeu des rapports imprévus d'idées : il a l'humour, cet esprit de l'imagination qui se joue des formes et des déformations de la réalité ; il a aussi une sorte d'esprit musical qui amuse l'oreille du caprice des entrelacements sonores" (Gustave Lanson).

 

 

* Cités et discutés dans "Le Candide de Voltaire", collection Profil d'une œuvre, Hatier 1972, p. 76 (cette collection, destinée aux classes de première et aux classes terminales des lycées, offre en des fascicules de 64 à 80 pages l'analyse critique d'un ouvrage important de la littérature contemporaine).

 

© Pol Gaillard, Agrégé de l'Université, in Les Humanités Hatier n° 478, septembre 1972

 

 


 

 

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