La lettre ouverte pour la révision... (Flammarion, 2003), des duettistes Dominici & Reymond, fait grand cas - du moins, apparemment - d'un témoignage bien singulier, que la profession de son auteur rend effectivement troublant. Mais voyons de plus près...

 

"J'ai peut-être trop cru des témoins peu fidèles..."
(Thésée à Panope, in Racine, Phèdre, janvier 1677)

"Ce témoin de dernière heure, ... essaiera sans doute dans les jours à venir d'expliquer son si long silence"
(La Marseillaise, 20 mars 1953).

 

 

I. Pour introduire le sujet...

 

A.1. Une expérience d'Édouard Claparède

 

[...] Un des intérêts de ce genre d'expériences [sur la fragilité du témoignage et les circonstances conditionnant la qualité des dépositions] est qu'elles permettent de mesurer les effets perturbateurs de l'émotion. On s'arrange en effet, dans ces incidents, pour qu'il y ait des moments émouvants, qui tiennent l'auditoire en suspens. Et l'on peut ensuite, en reprenant le déroulement de l'incident depuis le début jusqu'à la fin, examiner si le nombre des dépositions erronées est plus grand pour telle ou telle phase de l'incident que pour telle autre. Il ressort généralement de cette comparaison que les phases émouvantes donnent lieu à plus d'erreurs que les autres. Ceci est particulièrement important du point de vue de la pratique judiciaire, car justement, si l'incident est émouvant, vous aurez beaucoup de gens qui seront portés à témoigner. Lorsqu'on est ému, on est porté à prendre parti, et à apporter son témoignage, pour servir la justice (ou pour des raisons plus ou moins inconscientes que vous devinez). Malheureusement, du fait même que c'était émouvant, il y a beaucoup de chances pour que nous ayons mal vu l'incident en question.

Voici un incident que Claparède avait fabriqué et fait jouer à Genève en 1905. Le lendemain d'une fête traditionnelle qui a lieu à Genève, la fête de l'Escalade, et pendant laquelle on s'amuse à revêtir des masques, un individu masqué a fait irruption dans la salle où Claparède donnait son cours de psychologie judiciaire ; il s'est mis à gesticuler et à proférer des paroles plus ou moins incompréhensibles. Claparède l'a prié de bien vouloir sortir, mais il s'y est refusé ; alors Claparède l'a mis à la porte.

Cet incident avait duré en tout vingt secondes et les spectateurs n'avaient pas du tout été prévenus qu'il était artificiel. Quelques jours après, Claparède a donné à ses étudiants un questionnaire en leur demandant de répondre à douze questions concernant l'incident. Sur les douze questions posées, la moyenne de réponses exactes par sujet a été de 4 et demi seulement. Mais Claparède ne s'est pas contenté de ces résultats quantitatifs ; il a cherché à les comprendre. Ainsi l'individu en question avait une longue blouse en toile grise, un pantalon foncé, presque invisible sous la blouse, des gants blancs, un foulard brun clair et blanc autour du cou, un chapeau de feutre gris très enfoncé et cachant presque entièrement les cheveux. Il tenait une canne à la main, dans l'autre une pipe, et sur le bras un tablier bleu. Les réponses des étudiants ont comporté des erreurs non seulement nombreuses, mais significatives. La plupart des répondants ont bien déclaré que le sujet avait une blouse, un bâton, un chapeau et un foulard ; voilà donc quatre éléments de signalement qui ont été retenus. Mais certains ont dit qu'il avait un chapeau de paille, ou un chapeau haut de forme ; certains lui ont attribué de grandes bottes ; certains un pantalon à carreaux, alors que le pantalon était foncé et presque invisible sous la blouse. Quant à la couleur des cheveux, on lui en a attribué de noirs, de bruns, de blonds, de gris, de blancs. Beaucoup ont affirmé que la blouse était bleue. Huit sur neuf ont affirmé que le foulard était rouge alors qu'il était brun clair et blanc. Six sur neuf ont nié qu'il eût des gants, alors qu'il en avait, et un sujet a même assuré qu'il avait des mains grossières.

Je ne sais pas, si nous avions produit cet incident ici, si vos réponses, bien que j'aie beaucoup d'estime pour vous, eussent été meilleures que celles des étudiants de Claparède, qui n'étaient pas non plus des imbéciles ni des bébés. Mais voyons comment s'expliquent les déformations qui se sont produites.

Claparède, à partir de cette expérience et d'autres du même type, a dégagé une loi : à savoir que les gens répondent davantage en fonction du degré de probabilité des choses qu'en fonction de ce qu'ils ont réellement vu. Ils répondent, dit Claparède, en fonction de leurs "habitudes mentales" plutôt qu'en fonction des stimuli qu'on leur a présentés. C'est cette notion d'habitudes mentales qui va nous permettre de comprendre une partie au moins des déformations constatées.

Par exemple, pourquoi les gens ont bien retenu que cet individu avait un foulard ? Parce que, dit Claparède, le foulard fait partie de l'équipement classique du voyou et que cet individu qui est venu comme un intrus troubler le cours correspond au stéréotype du voyou, du trublion ; il est donc normal qu'on ait perçu et mémorisé son foulard. Mais huit sur neuf des sujets ont déclaré ce foulard rouge alors qu'il était brun clair et blanc. Pourquoi ? parce que cela va mieux à une espèce d'anarchiste ou de voyou d'avoir un foulard rouge.

Nous constatons donc ici un phénomène très important, à savoir que les habitudes mentales et l'idée que nous nous faisons de la vraisemblance jouent tantôt en faveur de la vérité, tantôt contre la vérité. Ici, le stéréotype, les habitudes mentales concernant le voyou, comportaient le foulard, et c'est pourquoi le foulard a été facilement perçu et mémorisé, mais ce même stéréotype comportait un foulard rouge et c'est ce qui a fait tromper les sujets, et pour ainsi dire, ne pas voir la couleur réelle du foulard.

De même, le pantalon à carreaux faisait partie du stéréotype d'une sorte de clown, d'un individu masqué. Or, on ne voyait pas, ou à peine, le pantalon réel, sous la longue blouse, mais on attribue quand même à l'intrus un pantalon à carreaux. Les gants : il n'était pas normal que cet individu grossier en eût, c'est pourquoi la plupart des sujets ne les ont pas vus ou pas retenus et que l'un d'eux était même persuadé avoir vu des mains grossières. Bien sûr, cet individu qui s'était conduit de manière grossière ne devait avoir que des mains grossières. Mais en fait, on ne voyait pas ses mains…

Je n'énumère pas en détail les résultats de cette expérience. Ce qui s'en dégage de plus important est justement cette notion d'habitudes mentales et cette constatation que la vraisemblance est parfois, en matière de témoignage, le plus grand ennemi de la vérité.

De cette notion d'habitudes mentales, créée par Claparède, nous pouvons rapprocher deux notions employées par les auteurs contemporains, celle de stéréotype, et celle d'assimilation (utilisée par Allport et Portman). Un stéréotype en effet est une représentation des choses ou des gens qui s'est fixée dans notre esprit et qui y subsiste sous la même forme, même en présence de faits nouveaux. Quant à la notion d'assimilation, Allport et Portman entendent par là que nous assimilons les faits nouveaux que nous pouvons avoir à percevoir à ce que nous savons déjà [...].

 

© Extrait du Cours de Psychologie sociale : les rumeurs, de G. Durandin, CDU-Sorbonne, 1954, pp. 8-9

 

 

A.2. La valeur du témoignage

 

"M. C ... [il s'agit naturellement d'Édouard Claparède], professeur à la Faculté des sciences de Genève, est de ceux qui croient un témoignage exact, en le supposant sincère, plus rare qu'un témoignage erroné. Pour contrôler son opinion, il s'est livré à deux expériences assez probantes.

Au cours d'une de ses leçons, il a subitement prié ses auditeurs de répondre sur-le-champ, par écrit, à une vingtaine de questions concernant des objets se trouvant dans les bâtiments universitaires et tombant chaque jour sous leurs yeux. Sur cinquante-quatre personnes interrogées, aucune n'a pu fournir un témoignage exact sur huit des questions. La désignation des couleurs a fourni le plus de réponses justes (64 et 54 pour cent) ; les questions se rattachant aux dispositions d'espace (nombre de colonnes, de fenêtres, de bustes placés dans un vestibule) en ont donné le moins : 17 à 24 pour cent. En ce qui concerne l'existence d'une fenêtre, 45 personnes l'ont niée, 8 l'ont affirmée, 1 est restée indécise.

D'autre part, un jour de carnaval, .M. C ... fit entrer dans sa salle de cours un homme travesti et masqué qui, après être resté dix secondes et avoir fait certains actes réglés d'avance, fut mis à la porte, de façon à empêcher tout soupçon que l'incident eût été préalablement réglé. Quelques jours plus tard, le professeur demandait à ses auditeurs un signalement de l'individu, puis il les imitait à reconnaître le masque placé entre dix autres plus ou moins différents. Pour les douze questions relatives au signalement, les réponses accusèrent une fidélité d'environ 60 pour cent. Mais, lors de la confrontation, 4 personnes seulement, sur 22, reconnurent le vrai masque ; 10 en indiquèrent un autre, 8 ne purent se décider.

Cela ne donne-t-il pas à réfléchir ?"

 

in Almanach du Foyer, 1923, p.23

 

 

B. Des journalistes expérimentent...

 

Sous le titre "Injustice est faite !", le bouillant Gabriel Domenech publia, dans "Le Méridional-La France", une longue enquête (11 volets) sur la justice. Son volet VII, paru le 3 février 1955, et intitulé "Les témoins, indispensables pour la manifestation de la vérité, sont sujets à caution et difficiles à trouver", contient un paragraphe qui mérite de figurer ici, à titre de second exemple :

"Le témoin est celui qui a vu quelque chose, qui a entendu une conversation, qui connaît un fait.

On le cite à comparaître pour révéler ce qu'il sait, et il doit répondre à la convocation sous peine de sanction pénale. Le juge d'instruction l'entend à plusieurs reprises, s'il le désire... le défrayant de ses débours dans des proportions ridicules. Puis on l'appelle devant le tribunal ou devant la cour pour faire sa déposition sous la foi du serment...

Et c'est là que commence la comédie, ou la tragédie, au choix.

Le témoin est, officiellement, écarté des débats. Sa présence dans la salle d'audience, avant sa déposition, suffit à faire casser un procès. Mais rien ne l'empêche de lire dans les journaux, avant de déposer, tout ce qui s'est passé la veille. Rien ne peut l'empêcher de se renseigner auprès de ceux qui ont suivi les débats, car il est libre, en dehors des audiences, de circuler et d'aller où il le désire.

S'il est honnête, loyal, "sans haine et sans crainte", pour reprendre l'expression consacrée, il est sans importance qu'il soit ainsi tenu au courant des débats, car sa conviction ne variera pas.

Mais sur quoi est basée cette conviction ?

Le témoin a vu, a entendu, a touché, a senti, a goûté quelque chose ? Peut-on se fier à sa mémoire, peut-on se fier à ses sens ?

À ce propos, je crois utile de rappeler l'expérience que firent, naguère, mes confrères d'un grand hebdomadaire parisien.

Deux d'entre eux, l'un ayant un physique passe-partout, c'est-à-dire aucun signe particulier, et l'autre portant une superbe barbe rousse, se rendirent dans un magasin d'articles de voyage et demandèrent une grande malle d'osier.

On chercha longtemps sans trouver ce qui pourrait leur donner satisfaction mais, finalement, une immense malle, un "rossignol" dont personne n'avait jamais voulu, fut découvert dans l'arrière-boutique et nos deux amis, que l'on avait eu largement le temps de détailler, partirent avec leur acquisition.

Ils se rendirent dans un hôtel, louèrent une chambre, déposèrent la malle et disparurent deux jours.

Une jeune Américaine de passage à Paris, à qui ils expliquèrent leur reportage, consentit à être l'innocente victime de leur "mauvais coup".

Ils l'emmenèrent dans plusieurs établissements et, pour terminer, se rendirent dans un petit cabaret déserté par la clientèle, où un garçon à l'air ennuyé discutait avec son patron.

Ils réclamèrent de la musique, des cocktails, puis ils se disputèrent entre eux, manifestant un réel état d'ivresse. Cela se termina par du bris de verre et une expulsion générale dans toutes les règles de l'art... On devait, en principe, se souvenir d'eux !

Ils hélèrent un taxi, se firent conduire à l'hôtel, retirèrent leur grande malle d'osier, payèrent la note, placèrent la malle sur le taxi et demandèrent à aller jusqu'au Bois de Boulogne.

Une fois au Bois, ils prièrent le chauffeur de les attendre, partirent avec la malle d'osier et la jeune Américaine... et revinrent les mains vides et sans la charmante fille.

Ils remontèrent dans le taxi, indiquant au chauffeur le lieu où ils voulaient être déposés. Puis une discussion à voix basse commença entre eux. Ils ne laissaient entendre que quelques mots inquiétants tels que râle, sang, passeport, pognon, dollars... etc...

De temps à autre, ils ordonnaient au chauffeur de changer de direction jusqu'au moment où celui-ci, à demi-mort d'inquiétude, prétexta une panne subite pour les déposer Place de la Concorde.

Ils payèrent, le regardant fixement dans les yeux, et se perdirent dans la nuit parisienne...

Le lendemain, deux détectives privés, anciens inspecteurs de la police judiciaire, furent convoqués au journal.

- Voilà, leur dit-on. On est censé avoir découvert au Bois de Boulogne, dans la grande malle d'osier que vous voyez ici, le corps de cette jeune Américaine dont voici la photo. Les assassins présumés ont acheté la malle à tel magasin, ils l'ont déposée à tel hôtel, ils ont trouvé la jeune fille à tel endroit, ils ont passé la soirée avec elle dans les établissement suivants. Le taxi qu'ils ont emprunté portait tel numéro minéralogique. Voilà, de plus, les photos des huit collaborateurs de notre journal. Les deux assassins présumés sont parmi eux... Découvrez-les !"

Facile, pensez-vous ?

Ouais ! Savez-vous ce qui arriva ?

Le "barbu" étant le seul de la rédaction, presque tous les témoins le reconnurent, mais pas toujours du premier coup.

Par contre, le second "assassin" ne fut reconnu formellement par personne. On hésitait. Certains témoins reconnurent formellement tel ou tel rédacteur qui était pourtant resté sagement dans les locaux de son journal. D'autres affirmèrent sur leur honneur que l'homme dont on leur montrait la photo n'était pas celui qu'ils avaient vu... se trompant ainsi du tout au tout.

Quant au chauffeur de taxi, il nia toujours être allé au Bois de Boulogne ce soir-là ! Il présenta même un alibi qui fut reconnu valable par deux de ses collègues qui, paraît-il, étaient avec lui à l'heure du "crime".

N'est-ce pas là une expérience probante ?

Car de tous ces témoins, seul le chauffeur de taxi avait menti. Bien qu'innocent, il avait préféré mentir plutôt que de se mêler d'une histoire criminelle. Les autres étaient de bonne foi".

 

© G. Domenech in Le Méridional-La France du 3 février 1955

 

C. La réalité dépasse la fiction

 

Que de faits divers pourraient être appelés pour témoigner de la fragilité du témoignage humain ! En voici deux, fort récents, seulement.

Fin novembre 2004, dans les Alpes-de-Haute-Provence, un chasseur de chamois découvrait, à plus de 2 000 mètres d'altitude, des ossements humains. Il s'agissait de ceux d'un promeneur disparu dans le secteur quatre mois auparavant.

Or, au moment de sa disparition, des témoins avaient assuré avoir vu le malheureux promeneur, passager d'un train allant de Menton à Vintimille...

Début août 2006, l'inexplicable disparition d'une mère de famille habitant le Vaucluse trouvait sa macabre résolution. Elle était partie une semaine auparavant pour une courte promenade à bicyclette, sans papiers d'identité, sans argent ni carte bleue. Son corps sans vie fut signalé flottant sur les berges du Rhône. Or, après l'affichage, dans la région, de centaines de photos de la malheureuse, elle avait été "reconnue" dans un hôtel situé à une dizaine de kilomètres de son domicile...

 

 

II. Le témoignage bien tardif d'Émile Marque

 

 

Depuis pas mal de temps, les journalistes en mal d'informations se lamentaient de n'avoir rien à se mettre sous la dent. Ils rongeaient leurs freins, à l'aide de banalités et de redites. La Marseillaise elle-même, initiatrice et défenseur(e) en chef de la thèse de l'innocence totale du clan de la Grand'Terre, entreprenait, le 13 mars 53, sous le titre "Beaucoup de bruits sur rien", d'infirmer des informations parues dans divers journaux, locaux ou parisiens. Elle démentait ainsi totalement l'histoire du repas à La Grand'Terre, la veille du triple crime, comme celle d'une "dame en noir" qui aurait erré auprès du campement, comme étant "hautement fantaisistes". Ces "informations que l'on veut sensationnelles", écrivait le journal, "ne reposent absolument sur rien du tout".

Euh, sur rien du tout, c'est beaucoup dire, ou pas assez. Le quotidien communiste, d'habitude parfaitement au courant des faits et gestes des "Grands'Terriens", est ici pris en défaut. Qu'on en juge à partir de ces quelques extraits :

 


Perrin Aimé, fils de Louis, 32 ans : "Yvette m'a parlé de la dame en noir" [le 5 août au matin, tandis qu'elle le forçait presque à rebrousser chemin pour qu'il aille téléphoner aux gendarmes] (D 172, 27 janvier 1953) ;


Zézé, fils de Roger, neveu du précédent, 16 ans, 11 mois et 2 jours :  son oncle Gustave "a constaté que la femme en noir n'était pas parmi les victimes" (D 174, 29 janvier 1953) ;


Enfin Germaine, fille de Gaston, mère du précédent, 38 ans  : "Yvette m'a dit qu'en passant à proximité du campement, il lui avait semblé apercevoir une femme en noir" (D 180, 8 mai 1953).

Alors, camarades, un trou de mémoire, ou une mémoire sans fondement ?

 

Quoi qu'il en soit, une semaine plus tard, le 20 mars, une volte-face est opérée, dans un article signé de L. Grimaud, et titré : "Nouveau rebondissement à Lurs : une deuxième 'Hillman' a pris en chasse la voiture des Drummond". Le journal parle d'un "témoin de dernière heure, qui essaiera sans doute dans les jours à venir d'expliquer son si long silence". Et de rapporter "les précisions vraiment si extraordinaires qu'il est profondément regrettable qu'il [le gendarme Marque] ne les ait pas révélées beaucoup plus tôt". Pour immédiatement reconnaître, apparemment sans rire, que le témoin "a la mémoire fidèle" (on se demande sur quoi le journaliste s'appuie pour avancer pareille affirmation).

Suit le résumé, assez complet, du témoignage du gendarme de Valensole (naturellement tous les journaux publieront, à peu près à la même époque, le même). Dès lors, la présence sur les lieux de la "dame en noir" qui était, une semaine auparavant, "hautement fantaisiste", devient incontournable réalité, et le quotidien en profite pour revenir sur le témoignage antérieur du "facteur auxiliaire de Lurs, Francis Perrin"... C'est de bonne guerre.

Le lendemain, le quotidien communiste semble déplorer que ce témoignage "ne trouve pas l'oreille des policiers", et que le juge Périès, que les "révélations du gendarme ont laissé rêveur", ait déclaré qu'il n'y avait "absolument rien de nouveau dans l'affaire".

La plupart des autres quotidiens s'accordent à dire qu'il s'agit d'un témoignage bien tardif, à prendre avec beaucoup de précautions : "Les tardives révélations du gendarme ne paraissent pas susceptibles de faire progresser l'enquête", écrit ainsi le Méridional-La France du 21 mars. Et il ajoute que, "outre l'incompréhensible retard apporté par le gendarme de Valensole à faire état de ce qu'il prétend avoir été le témoin", ses révélations "ne concordent nullement avec l'emploi du temps, dûment vérifié par divers témoins oculaires, de la famille Drummond à Digne, dans la fin de l'après-midi du 4 août... Ni l'heure où ils auraient été aperçus par le gendarme, ni le lieu de stationnement de l'Hillman devant l'hôtel Ermitage, en bordure de la route de Nice, ne correspondent à la réalité". Mais de quelle "réalité" s'agit-il  ?

Pour le savoir, venons-en sans plus tarder au grand cas que fait Reymond, dans "Lettre ouverte...", du témoignage du gendarme Marque. Et risquons tout de même une petite remarque préliminaire, et souriante : "Pourquoi Panayotou attend-il vingt-trois jours, avant de faire ses révélations ?" s'indignait Alain Dominici, lors d'une interview, donnée en janvier 1993, alors que, selon ses propres dires, il préparait le dépôt d'une énième demande de révision (la cinquième, qui fut d'ailleurs rejetée le 29 mai 1995). Vingt-trois jours, c'est beaucoup, certes. Surtout pour un témoignage aberrant, qui s'est d'ailleurs dégonflé tout seul. Mais le gendarme de Valensole, lui, n'a pas attendu 23 jours : il a attendu dix fois plus, soit 230 jours. Cela ne trouble pas outre mesure le co-auteur (paraît-il) de la Lettre ouverte. Les deux auteurs ne sont d'ailleurs pas à une inconséquence près. Nous l'allons voir tout à l'heure.

Donc, le jeune gendarme Marque est en faction, ce 4 août 1953, devant un hôtel de luxe(1), qui se nomme alors "Ermitage-Napoléon". Comme bien on se doute, la circulation sur la route de Nice en ce dimanche de fêtes de la Lavande, doit être autrement plus dense que sur le plateau de Valensole. On imagine notre jeune gendarme rural au milieu de cette cohue, lui qui avait plutôt l'habitude de voir passer, du côté de sa gendarmerie, trois à quatre véhicules par jour. Mais après tout, peut-être avons-nous affaire à un être particulièrement observateur.

 

D'emblée cependant, il apparaît qu'une pièce essentielle manque à la "démonstration" de nos duettistes. Si les journaux que nous avons cités rapportent le scepticisme des "milieux bien informés" à l'endroit de ce bien tardif témoignage, c'est que le juge Périès n'avait pas attendu le gendarme de Valensole pour reconstituer l'emploi du temps des Drummond, au long de ce funeste 4 août. Il avait tout naturellement chargé le Commissaire du coin de la besogne. Dans sa déposition lors de la sixième journée du procès (le 23 novembre 1954), le commissaire Prudhomme - essentiellement interrogé sur la bévue qui lui fit souffler à Gaston le mobile libidineux que l'on sait - rappelle qu'il a instrumenté dans l'affaire de Lurs pour reconstituer la journée des Drummond à Digne (Grand Hôtel, corrida, etc.). Or, il ne semble pas avoir mentionné l'arrêt à l'Ermitage. Quel immense intérêt, pourtant, que celui de confronter son rapport et le témoignage du gendarme ! Un oubli, sans doute, de la part de nos auteurs ?

 




Mais passons, et prenons pour hypothèse provisoire, qui n'est après tout ni folle ni invraisemblable, que les Drummond sont allés se restaurer à l'Ermitage-Napoléon. Cela nous permettra, à tout le moins, d'imaginer que la gracile fillette a pu, un instant, se divertir en jouant à la marelle sur le pavage de l'entrée. Innocente créature, jeu innocent à l'orée d'un destin insoutenable ! Et dire que c'est en ce même lieu, alors hôpital militaire, que l'un de ses bourreaux fut opéré de l'appendicite, en 1941 !

 

Reymond enfonce d'ailleurs le clou avec cette remarque : "L'Ermitage est non seulement un hôtel de luxe, mais une table de renom dont le standard correspond aux habitudes de Sir Drummond" (Lettre ouverte..., p. 173). Habitudes de luxe, que de passer une nuit en bordure de route nationale ? Mais il y a plus, et il faut encore jeter un coup d'œil au dossier. L'Inspecteur Picq interroge Jeannine Roland (du Grand-Hôtel), après Prudhomme :

"Le jeudi 31 juillet 1952, entre 18 heures et 18 heures 30, j'ai réceptionné à l'Hôtel la famille Drummond... Ils ont demandé une chambre bon marché à un lit, dans laquelle nous avons placé un divan pour la fillette" (11 octobre 1952, D 111). 

On peut même relever un autre détail caractéristique : "Comme au cours des constatations, indépendamment de paquets de cigarettes anglaises, un paquet de 'Gauloises' aux trois quarts vide avait été découvert, nous avions pensé qu'il avait été perdu par l'assassin. Les demoiselles Marrian qui seules parlent le français, ont répondu à ce sujet que Sir Drummond fumait des 'Gauloises' quand il était en France, parce qu'elles coûtaient moins cher que les cigarettes anglaises" (Rapport Sébeille en date du 23 janvier 1953, cote D 168, page 24).

Il y a là, en effet, de quoi ajouter foi aux goûts de luxe que Reymond a généreusement prêtés à Sir Jack !

Mais revenons à notre gendarme valensolais...

 

Donc, Émile Marque nous dit : "Un quart d'heure après mon arrivée [qui se situe aux environs de dix-huit heures], à peu près, j'ai vu, venant de la direction de Digne, une voiture genre fourgonnette de couleur gris vert... Cette voiture portait les lettres GB à l'arrière gauche. Ce véhicule s'est arrêté dans la cour de l'hôtel. Trois personnes en sont descendues : un homme, une femme et un enfant qui sont rentrés à l'hôtel où elles sont restées environ une heure".

Or Reymond a insinué, dans son ouvrage, que les Drummond n'étaient pas venus à Digne pour la course taurine : "Comment expliquer qu'ils n'y restent qu'une dizaine de minutes après avoir effectué l'éprouvant voyage entre Villefranche où ils logent et le chef-lieu des Basses-Alpes ?" (p. 171). Outre qu'il n'avance, comme de bien entendu, aucune preuve de cette surprenante séance écourtée (dix minutes !), il dévide une inconséquence. À supposer que les Drummond aient quitté la charlottade au bout de dix minutes (ce qui est impensable), mettons vers seize  heures quinze, qu'ont-ils donc fait pendant plus de deux heures, c'est-à-dire jusqu'au moment où le gendarme les aperçoit - croit-il ? La question ne sera pas posée...

Donc, le gala taurin leur ayant sans doute, malgré sa brièveté (pour ce qui les concerne) donné faim, la famille Drummond entre à l'hôtel de luxe, pour s'y restaurer (si les témoignages des serveurs ont été recueillis par Prudhomme, pourquoi ne pas les produire ? Mais justement, il n'y a rien de tel au dossier - il faut se demander pourquoi). Puis s'en va vers son destin.

Marque poursuit son témoignage : "À la sortie de l'hôtel, elles sont remontées dans leur voiture et sont revenues à la route nationale. La voiture s'est arrêtée à ma hauteur et l'homme qui conduisait m'a demandé en français la direction de Château-Arnoux. Il a dit quelques mots en anglais avec la femme qui était assise à gauche et il m'a semblé entendre le nom de Lurs dans leur conversation" (la mémoire est sans doute fidèle, mais ce n'est rien à côté de la finesse de l'ouïe !).

Donc, l'homme conduisait.

Manque de pot, Reymond vient de nous dire le contraire, quelques pages auparavant (166-167), en rapportant un autre témoignage : "le récit de Francis Perrin renferme des informations qu'il ne peut pas avoir inventées. Il explique ainsi, à contre-courant de ce que la presse et les enquêteurs affirmeront, que "l'homme ne conduisait pas". La découverte du permis de conduire d'Anne Drummond et l'absence de celui de son époux vont dans le même sens que le témoignage de Perrin. L'enquête entreprise pour la rédaction de 'Dominici non coupable, les assassins retrouvés' révélait également les témoignages des voisins de Jack Drummond, lesquels confirmaient que, lors du départ de Nottingham, c'était déjà Anne Drummond qui était derrière le volant".

Puisque c'est Lady Drummond qui conduisait (c'est en effet un fait avéré, Sir Jack relevant, me semble-t-il, d'une grave maladie), comment se fait-il que le gendarme Marque ait vu son époux au volant ? Encore un mystère inconséquent que Reymond devra nous expliquer.

Mais il y a plus. Notre auteur avait affirmé, dans un ouvrage antérieur, que le professeur Marrian mentait lorsqu'il disait que son ami Drummond ne maîtrisait pas du tout notre langue. Mais un peu plus loin, il utilisait un incident qu'il jugeait tout à coup recevable : un témoin prétendait qu'à une terrasse de café, il y avait eu échange entre deux serveurs, parce que celui qui s'occupait de la table des Drummond ne parlait pas la langue de Shakespeare. Fait qui vient, évidemment, corroborer le témoignage de Marrian. Mais Reymond n'en a cure, il n'est pas à une contradiction près ! Donc, Drummond ne conduisait pas, et on sait, d'après Marrian, qu'il ne parlait pas notre langue(2). Comment se fait-il qu'il ait été au volant de l'Hillman, et qu'il se soit adressé à Marque en français ?

Comme l'écrit imperturbablement (p. 174) notre ineffable auteur, ce "bon jeune homme" (selon le mot cruel du regretté juge Carrias), "les quelques souvenirs d'Émile Marquet [sic] sont essentiels pour qui recherche la vérité" !

 

Mais nous devons poursuivre le récit du gendarme : "Une heure environ après leur départ, une voiture venant de la direction de Nice s'est arrêtée devant l'Ermitage. Cette voiture était de couleur marron, d'un modèle qui m'a paru ancien. Il y avait à l'intérieur un homme et une femme. L'homme qui en descendit m'a demandé en français, avec l'accent anglais, où ils pouvaient manger. Il m'a également demandé si je n'avais pas vu passer une voiture anglaise. Sur ma réponse affirmative, il m'a demandé quelle direction elle avait pris" [sic].

Bien. Une heure après, c'est-à-dire alors que les Drummond - selon l'enquête officielle - étaient largement arrivés sur le lieu de leur campement improvisé, survient donc une autre voiture (parmi le millier qui a dû passer, depuis le début de la faction du gendarme), de couleur marron, ce qui la différencie totalement de l'Hillman verte des Drummond : exit donc l'histoire de la voiture-sosie. Il y avait deux personnes à l'intérieur : exit donc l'histoire du couple-sosie, avec enfant(3).

Le conducteur de cette voiture (dont la taille "pouvait s'intercaler entre une 4 CV Renault et une 203 Peugeot", ce qui interdit de la confondre avec une Hillman), demande donc à Marque s'il n'a pas vu passer une voiture anglaise. Le jeune militaire en a sans doute vu passer quelques dizaines, sauf assurément celle des Drummond qui, elle, n'est pas "passée", car ne venant pas de Nice, mais du centre de Digne.

Quoi qu'il en soit, cette seconde voiture, après un arrêt relativement bref dans la cour de l'hôtel, et une demande de renseignement concernant la direction prise par l'autre voiture (mais laquelle ? En une heure de temps, des dizaines de voitures anglaises ont vraisemblablement atteint Digne en venant de Nice - sans compter celles qui effectuaient le trajet inverse) "démarre précipitamment en prenant rapidement de la vitesse", dans la direction de Digne.

Comment croire une seconde que ce second véhicule, atteignant Digne depuis la direction de Nice une heure après le départ des Drummond, ait été à la recherche, à la "poursuite" si l'on veut, de l'infortunée famille, ou encore ait "pris en chasse" l'Hillman ?

 

 

Ah ! Notre auteur a bien raison d'écrire que "la déposition Marque est capitale car elle éclaire les dernières heures des Drummond d'un jour nouveau"...

Reprenons donc les choses dans l'ordre, et tentons de reconstituer l'emploi du temps des Drummond durant cette après-midi-là : les quelques témoignages recueillis sont accablants pour la version reymondienne.

En effet, le 16 août 1952 (c'est un peu tard, je sais, mais ce retard n'est pas de notre fait, pour reprendre une délicieuse expression des commissaires Chenevier-Gillard), le Commissaire de Digne reçoit une Commission rogatoire aux fins de contacter des témoins du passage des Drummond à Digne (et même, des deux passages, les 31 juillet et 4 août). Or, dans les dépositions que Prudhomme a immédiatement recueillies, il n'y a pas trace d'un quelconque séjour à l'Ermitage. En revanche, on apprend que Sir Drummond croquait des scènes "taurines" qu'il avait sous les yeux -  et on sait, par l'inventaire des affaires des malheureux touristes, qu'il y avait dans leurs bagages une boîte d'aquarelle ; on sait par ailleurs, par les dépositions des proches du couple, que le savant anglais s'adonnait à l'aquarelle.

On apprend même qu'à un moment donné, Sir Jack a renvoyé dans l'arêne un ballon venu échouer parmi les spectateurs : il était à peu près 18 h 45, d'après le témoin qui raconte l'incident (témoin de 52 ans, Directeur local de l'EdF, dans le civil) ; deux jours plus tard (le 18 août), un autre témoin (Mme Dol, 39 ans) confirme que Sir Drummond prenait des croquis durant le spectacle. Ce témoin ajoute que Sir Drummond l'a dérangée vers la fin du spectacle (souligné par nous) pour gagner la sortie.
La propriétaire du bar La Taverne a remarqué la famille Drummond sur sa terrasse, entre 18:30 et 19 heures, un peu avant la sortie du spectacle taurin (souligné par nous). Mais elle n'a pas assisté à leur départ, "la foule ayant peu après envahi le Boulevard Gassendi".
Enfin, la réceptionniste du Grand Hôtel, déjà citée, Jeannine Roland, 20 ans, a aperçu l'Hillman (garée Traverse des Serres, tout près du Grand Hôtel, lui-même alors situé au 19, du Boulevard Gassendi) qui s'en allait ; il était 19 heures ou 19 heures quinze, dit-elle.

Intéressons-nous maintenant, pour achever cette démonstration, à un témoignage recueilli par les gendarmes de la Brigade de Château-Arnoux, le 15 décembre 1952 (PV n° 580), et jamais exposé jusqu'ici. Les deux militaires, durant une de leurs tournées, interrogent le jeune Maurice Richaud (28 ans). Cet ajusteur leur déclare :

"Le 4 août 1952, je revenais de Digne et circulais à motocyclette sur la R. N. n° 85.
Peu après Mallemoisson, j'ai été doublé par une voiture automobile portant les marques de nationalité GB. Quelques cents mètres avant d'arriver au village de Malijai, j'ai repassé cette voiture. Elle était engagée dans un chemin à droite, et se trouvait en bordure d'un pré.
C'est le surlendemain, dans la presse, que j'ai eu connaissance du crime de Lurs et que j'ai reconnu l'automobile qui m'avait doublé. Je suis certain que cette dernière était celle des Drummond, car je l'ai suivie pendant quelques instants après qu'elle m'a eu doublé, et son aspect avait retenu mon attention, en particulier quand je l'ai revue avant Malijai.
[...] Lorsque cette voiture m'a dépassé à Mallemoisson, il pouvait être 19h20, 19h30. Lorsque je l'ai vue avant Malijai, je n'ai pas vu les occupants, mais ma femme qui était sur le siège arrière de ma moto, a remarqué une fillette assise derrière avec un bonnet blanc".

 

On complètera ce dernier détail par la lecture de "l'inventaire dégrossi" dressé le 5 août 1952 par le commissaire Sébeille ; on trouve en effet, dans ce document, l'item suivant :

"un chapeau enfant, calicot blanc"

 

 


Les Drummond s'étaient donc arrêtés un instant, pour consulter leurs cartes : leur décision prise, ils atteignaient le terre-plein, un quart d'heure plus tard.

 

Mais à ces témoignages irréfutables, il convient d'ajouter ceci : peut-on imaginer une seule seconde que la Direction de l'Ermitage-Napoléon n'aurait pas demandé à être entendue, si la famille Drummond s'était effectivement arrêtée, une heure durant, dans son établissement ?

 

Dans ces conditions, on voit mal comment Reymond peut en arriver à affirmer que les Drummond auraient quitté précipitamment la charlottade, ni comment ils auraient pu passer une heure à l'Ermitage (entre 18 h 15 et 19 h 15, selon le gendarme Marque), situé à 500 mètres de la fête. Ce qui permet de traiter par le mépris l'affirmation reymondienne selon laquelle les Drummond "n'y restent qu'une dizaine de minutes après avoir effectué l'éprouvant voyage entre Villefranche où ils logent, et le chef-lieu des Basses-Alpes" (p. 172, note 1).

On peut à présent comprendre pourquoi ils ont quitté la fête un peu avant la fin du spectacle : pour éviter d'être pris dans le tourbillon des fêtards, et d'être retardés dans leur départ de la ville, direction Aix-en-Provence puis Villefranche, où ils avaient donné rendez-vous, le lendemain, à midi, à leurs amis Marrian.

Tout cet enchaînement explique pourquoi, à Lurs, le témoin Paul Delclitte, passant ce même jour devant le renfoncement des Ponts et Chaussées à 19 h 30 (il revenait d'arroser son jardin), n'a vu aucune voiture en stationnement.

Poursuivons notre lecture de textes : dans son rapport de janvier 1953 (page 11), le commissaire Sébeille, indiquant que le trajet Digne-Grand'Terre est de 34 km, fait arriver les Drummond vers 19 h 30, ce qui est sans doute optimiste et n'est pas confirmé par le témoignage Delclitte ("la famille Drummond est arrivée sur les lieux vers 19 h 30 soit une bonne heure avant la tombée de la nuit", page 16). Admettons que l'arrivée se soit produite un peu avant vingt heures. Les deux Anglaises vont immédiatement chercher de l'eau à la ferme, tandis que Sir Jack s'affaire autour de son véhicule.

Ici prend place une nouvelle indignation de Reymond : après avoir affirmé, s'agissant du pseudo-passage des Drummond à l'Ermitage, "il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que si les Anglais s'y arrêtent pour une heure en fin d'après-midi, c'est pour s'y nourrir" (p. 173), le voilà qui tonne contre Sébeille, allant jusqu'à l'accuser d'avoir inventé (parce que le témoignage Marque l'aurait gêné !) "un repas fait de pain d'épices et de vin rouge, pris en bordure de la nationale 96" (p. 174). Hélas pour le "premier policier de France" (dixit le juge Carrias), il existe un témoignage de ce repas, et le faussaire n'est pas celui qu'il croit.

Sébeille s'appuie sur le témoignage d'une dame Christianini, 55 ans, qui est passée avec son époux (dans le sens Peyruis-La Brillanne) devant le campement, vers 20 h 30 : une table de camping était installée contre la voiture, et la fillette secouait une nappe, "ce qui m'a donné l'impression qu'ils venaient de manger" (PV Gendarmerie nationale Marseille-Nord, 17 août 1952, cote B 9). Par ailleurs, dans l'inventaire "dégrossi" du même Sébeille, apparaissent deux bouteilles vides, l'une de vin de marque (vin d'Arbois), l'autre d'eau minérale (Vichy Saint-Yorre), mais aussi une valise camping, "marque Coracle".  Sébeille est donc parfaitement en droit d'écrire : "après s'être, sans doute, restaurés frugalement (dans un panier en osier trouvé dans la voiture, il y avait des petits paquets de pain d'épices et de biscuits, ainsi qu'une bouteille de vin fin et une bouteille d'eau minérale, vides), etc. etc." (loc. cit., page 18).

D'ailleurs, le commissaire Constant viendra, deux mois plus tard, préciser les dires de son aîné Sébeille :

 

"Vers 19 h 50, la famille Drummond installe son campement provisoire à proximité de la Grand'Terre.
Vers 20 h., le père Gaston Dominici ramène son troupeau de chèvres et passe à proximité des touristes anglais. Il s'est aperçu qu'un éboulement de terre avait recouvert la voie ferrée. [...]

À 20 h 15, un automobiliste, M. Pin, demeurant à Apt (Vaucluse), passe et voit les Drummond en train de manger.
À 20 h 30, Mme Christianini Jeanne, 186 rue de Lyon à Marseille, voit la jeune Elisabeth secouer la nappe, etc. etc." (Rapport du 5 mars 1953, cote D 178, page 52)

 

 

Le voilà donc éclairé d'un "jour nouveau", le dernier périple des infortunés Anglais.

 

 

III. Pour conclure

 

Au terme de cette petite étude, on peut se demander ce qui demeure solide, dans le témoignage tardif du brave gendarme Marque, qui n'est en fait qu'une simple  déclaration, face aux témoignages recueillis "après avoir prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité". Mais aussi, plus profondément, à quelles motivations ce militaire a répondu en le rendant...

Et on imagine le Président de la République, à qui le libelle bâclé (Lettre ouverte...) s'adresse, le faisant examiner par des experts, lesquels ne manqueraient pas de relever bien plus d'insanités qu'on a pu en trouver ici. Et de se demander si le gendarme Marque a finalement expliqué son si long silence (pourquoi riez-vous ?). Les éventuelles chances d'une "Révision" en seraient totalement oblitérées, n'est-ce pas ?

Alors, pourquoi un tel ouvrage, encensé sans mesure et sans vergogne dès sa parution dans un journal local(4) ?

D'autant que, un demi-siècle auparavant, Le Provençal en date du 20 mars 1953, qui rapportait brièvement le contenu de la déclaration du gendarme de Valensole, avait déjà conclu :

"Que vaut cette déposition recueillie après un long silence de huit mois ?
Elle n'apporte rien de précis puisqu'il fut déjà fait mention à plusieurs reprises d'une deuxième automobile de marque britannique, présente dans les parages de Lurs, ce qui n'est pas autrement surprenant en période estivale...
En réalité, il apparaît qu'on coupe vraiment trop les cheveux en quatre, dans cette affaire
".

Le journaliste scrupuleux qui avait rédigé ces lignes empreintes de bon sens commet une erreur, confondant déposition et déclaration. Mais il était loin d'imaginer, alors, que "couper les cheveux en quatre" serait appelé, un demi-siècle plus tard, à devenir une activité des plus lucrative.

 

 

IV. Annexe : le texte intégral de la déclaration Marque

 

[La "lecture reymondienne" de la déclaration Marque étant très fautive - par exemple, on lit chez Reymond, page 176 : "L'homme qui en descendit m'a demandé en français, avec l'accent anglais...", tandis que le texte originel porte : "L'homme sans descendre m'a demandé en français, avec accent anglais..." - on trouvera ci-après le texte intégral de la cote B 114]

 

 

Aujourd'hui, dix-neuf mars mil neuf cent cinquante-trois […]
À vingt et une heures trente, nous soussignés, Albert, Henri, Capitaine et Rebaudo, Louis, Gendarme, nous rendons à la Brigade de Gendarmerie de Valensole, où nous recevons à vingt-trois heures la déclaration suivante de :
Marque, Émile, 38 ans, Gendarme, à la Brigade de Gendarmerie de Valensole (B-Alpes).

"Le 4 août, mil neuf cent cinquante-deux, à partir de dix-huit heures, j'étais de service en police de la route à Digne devant l'hôtel de l'Hermitage [sic]. Un quart d'heure après mon arrivée à peu près, j'ai vu venant de la direction de Digne une voiture genre fourgonnette de couleur gris-vert, d'une taille un peu supérieure à la fourgonnette "203 Peugeot", mais plus carrée. Cette voiture portait les lettres G. B. à l'arrière gauche. Ce véhicule s'est arrêté dans la cour de l'hôtel, trois personnes en sont descendues ; un homme, une femme et une enfant, qui sont entrées à l'hôtel où elles sont restées environ une heure. À la sortie de l'hôtel, elles sont remontées dans leur voiture et sont revenues sur la route nationale. La voiture s'est arrêtée à ma hauteur et l'homme qui conduisait m'a demandé en français la direction de Château-Arnoux. Il a dit quelques mots en anglais avec la femme qui était assise à sa gauche et il m'a semblé entendre le nom de Lurs dans leur conversation. La petite fille était assise derrière. Je ne puis donner un signalement précis de ces personnes ; l'homme paraissait avoir une cinquantaine d'années, portait de petites moustaches et avait des cheveux assez clairsemés, il semblait d'assez forte corpulence ; je crois me rappeler qu'il portait un veston noir. La femme était plus petite, elle lui arrivait à peu près à l'épaule ; sa figure était ovale et ses cheveux châtain foncés [sic] ; je n'ai pas remarqué sa robe.
La petite avait les cheveux coupés courts [sic] tirant sur le blond ; je ne puis dire comment elle était habillée. Lorsque j'ai vu les photographies des Drummond et de leur voiture sur les journaux du lendemain, j'ai cru reconnaître les personnes qui m'avaient interpellé la veille. Je leur ai donné les renseignements qu'elles me demandaient et elles ont pris la direction de Digne.
Une heure environ après leur départ, une voiture conduite intérieure venant de la direction de Nice s'est arrêtée devant l'Hermitage [re-sic]. Cette voiture était de couleur marron du moins autant que je m'en souvienne et d'une taille qui pouvait s'intercaler entre la 4 C. V. Renault et la 203 Peugeot, assez carrée assez haute et d'un modèle qui me paraissait ancien. Il y avait à l'intérieur un homme et une femme. L'homme sans descendre m'a demandé en français, avec accent anglais, où on pouvait manger, il m'a demandé également si je n'avais pas vu passer une voiture anglaise. Sur ma réponse affirmative il m'a demandé quelle direction avait pris cette voiture, je lui ai indiqué qu'elle était partie en direction de Château-Arnoux, et lui ai dit qu'ils pouvaient manger à l'Hermitage [re re-sic]. Ils sont entrés dans la cour de l'hôtel avec leur voiture et tous les deux sont descendus de l'auto. L'homme est rentré à l'hôtel, la femme est restée debout près de la voiture. Au bout d'un quart d'heure environ l'homme est sorti de l'hôtel à une allure assez vive ; ils sont remontés tous les deux rapidement dans la voiture et ont démarré précipitamment en prenant rapidement de la vitesse, comme s'ils étaient pressés. Ils ont pris la direction de Digne.
L'homme qui avait une taille de 1 m 80 environ, svelte, âgé d'une trentaine d'années, nue-tête [sic], il me semble qu'il avait les cheveux plaqués ; il était habillé d'une chemisette et d'un pantalon blancs. La femme était d'une taille de 1 m 60 environ, vêtue de noir, plutôt mince, les cheveux courts et frisés, châtain-clairs [sic].
La voiture portait à l'arrière les lettres G. B. placées à gauche. Je ne puis donner aucun renseignement sur l'immatriculation des véhicules dont je viens de vous parler".

 

 

 

 

 

Notes


(1) Soit dit en passant, cet hôtel fut le siège d'un commandement allemand durant la seconde guerre mondiale (après avoir été, au tout début de celle-ci, un hôpital militaire). Cet hôtel, aujourd'hui reconverti en résidence universitaire cossue, se situe à la sortie de la ville, en direction de Nice, sur le Boulevard Gambetta, face à l'actuel parc Louis-Jouvet.
(2) D'aucuns tirent argument de la remise d'un diplôme Honoris Causa de l'Université de Paris, en présence du Recteur Jean Sarrailh, à Sir Jack Drummond, pour avancer que le savant nutritionniste pratiquait notre langue. Mais le petit témoignage qui suit suffit à nier toute idée de maîtrise obligatoire et préalable. "Quand je pense", déclare François Mauriac à Michel Droit (cf. Les clartés du jour, page 224), "que j'ai été fait docteur honoris causa de l'université d'Oxford, alors que je ne parle pas un traître mot d'anglais".
Mais il est vrai que ce point - mineur dans l'enquête - peut être l'objet d'une controverse, la jeune Jeannine Roland indiquant (PV du 11/10/1952), sur interrogation, que "M. Drummond s'exprimait très correctement en français et avait même un vocabulaire assez complet [sic]. La fillette parlait également notre langue mais avec moins de facilité. Pourtant ce qu'elle m'a dit était très bien dit. En ma présence, Mme Drummond ne s'est exprimée qu'en Anglais".
(3) L'un des "grands témoins" de Reymond, Francis Perrin (l'oncle de Zézé Perrin), est persuadé d'avoir croisé une autre voiture anglaise, avec à l'intérieur une famille identique à celle des Drummond. À ce point, notons que Marque indique : "La petite avait des cheveux coupés courts, tirant sur le blond" ; et que Perrin a vu "une fillette brune, avec une coupe à la garçonne". Naturellement, Reymond décrète imperturbablement qu'il s'agit de la même enfant. Dans le même ordre d'idées le dit Perrin, convoqué comme témoin au Tribunal, n'a pas été entendu. Et on nous suggère qu'il s'agit là d'une manœuvre, etc. etc. Manque de pot, c'est Me Pollak en personne qui l'a dit au Président Bousquet : il renonçait à faire entendre ce témoin. On peut supposer qu'il avait ses raisons, n'ayant rien à voir avec celles de l'accusation.
(4) La Provence, 22 Mai 2003 (au sujet de W. Reymond, "Lettre ouverte pour la révision", Flammarion, mai 2003, 290 pages). Avant de se précipiter, les journalistes de ce quotidien feraient bien de relire les "papiers" de leurs grands anciens, dans "Le Provençal". Au moins commenceraient-ils à être informés, et à observer l'affaire avec un minimum de recul critique.

 

 

V 1. Un commentaire (professionnellement) autorisé

 

Tout d’abord, permets-moi de te dire que je trouve ton texte excellent et solidement argumenté.
Il est clair, en effet, que le témoignage du gendarme Marque est sujet à caution. Il surgit, tel un champignon, plusieurs mois après les faits et, comme par hasard, apporte de l’eau au moulin de la femme en noir. Providentiel. Par ailleurs, il contient certaines bizarreries :

Comme tu l’écris toi-même, je suis étonné qu’à l’époque, un gendarme de Valensole ait pu percevoir le nom de Lurs au milieu d’une conversation en anglais (d’autant que Lurs prononcé par des Anglais ne doit pas ressembler à Lurs tel que nous le disons).

On lui demande s’il a vu une voiture anglaise. Il répond oui. Mais comment se fait-il que l’on n’ait pas plus de détails ? Aussi bien à la demande du « questionneur » que de Marque ? Car l’homme qui pose la question et qui, apparemment, cherche une voiture, ne peut être absolument certain qu’ils parlent de la même. Pourquoi ne demande-t-il pas s’il y avait une ou plusieurs personnes à bord, un couple et une fillette ou tout autre chose ? Pourquoi ne donne-t-il pas de précisions sur le modèle, la couleur de la voiture qu’il recherche ? Et pourquoi Marque, de son côté, ne pose-t-il pas les mêmes questions ? En se contentant de répondre qu’il a vu « une voiture anglaise » il donne une information très vague. Des voitures anglaises, il a pu en passer d’autres ce jour-là ! Il me semble que, si j’avais été le gendarme, j’aurais demandé : « Comment était la voiture que vous recherchez ? » afin d’être sûr qu’on parlait de la même.

Si l’on considère que le couple était pressé de rattraper la voiture (à plus forte raison sur fond d’espionnage) on se demande bien pourquoi l’homme passe un quart d’heure à l’hôtel. Il est allé casser la croûte, après avoir demandé si on pouvait manger là ? Il aurait pu démarrer et partir tout de suite s‘il y avait urgence. D’autres ont supposé qu’il y avait eu un coup de téléphone. Où est l’embryon de commencement de preuve de ce fait ?

Pour finir, un petit coup au capitaine Albert :

Pourquoi le capitaine Albert ne demande-t-il pas à Marque si, justement, ces points (portant sur les caractéristiques du véhicule ou des passagers) ont été approfondis par l’un ou par l’autre des deux interlocuteurs ? C’est tout de même une question qui aurait eu sa place dans le PV. Ne serait-ce que pour « fermer la porte » sur la certitude que l’on pouvait avoir ou non que le couple, s’il a existé, recherchait bien la voiture des Drummond et non pas un autre véhicule. De même, aucune question sur le pourquoi de ce témoignage si tardif et d’autant plus surprenant qu’il émane d’un gendarme.


Que pèse donc, au bout du compte, cette déclaration de Marque lorsqu’on la confronte à celles des différents témoins entendus sur commission rogatoire et tenus de prêter serment de dire la vérité ? Et qui font apparaître un emploi du temps bien différent de la famille Drummond ?
De deux choses l’une : ou bien le gendarme se trompe, victime de son imagination voire de ses rêves, ou bien il ment effrontément.
ComDiv

 

 

V 2. Un autre commentaire (médicalement) autorisé

 

Je te livre, brut de décoffrage, mon sentiment sur le témoignage du gendarme Marque :

La fragilité du témoignage et le rôle perturbateur de l'émotion et du temps mis en exergue dans la démonstration de Claparède sont non seulement confirmés dans la déposition du gendarme Émile Marque, mais confortés par les études récentes sur le fonctionnement du cerveau et les circuits de la mémoire.

Simplement, ce que Claparède appelle "habitudes mentales", "stéréotypes" ou "assimilation" (Allport et Portman), ComDiv le résume avec beaucoup de bon sens : "De deux choses l'une: ou bien le gendarme se trompe, victime de son imagination voire de ses rêves, ou bien il ment effrontément."

Pourtant, comme pour Claparéde en son temps, une explication intéressante nous éclaire sur la faiblesse du témoignage humain: Elle procède de l'anatomie et de la découverte de l'imagerie par résonance magnétique. Elle nous met aussi sur la voie d'une meilleure compréhension de l'encodage, du stockage et des stratégies de récupération de nos souvenirs. Même s'ils sont profondément orientés par la structuration de notre cerveau, au cours de l'évolution d'une part et depuis notre naissance voire notre conception d'autre part. Modifiés aussi dès l'encodage par nos émotions (impact de la "gouvernance émotionnelle" et des "étrons médiatiques dégoulinant de sécrétions humanitaires" sur notre noyau amygdalien par exemple).

Le gendarme Marque fait appel à sa mémoire "épisodique" : Événement unique (vécu une seule fois) - Événement de courte durée (jusqu'à quelques heures) - Évoquant une situation spatiale et temporelle (devant l'hôtel Ermitage, en bordure de la route de Nice - dans la fin de l'après-midi du 4 août) - Les images mentales le mettent lui même en perspective (il est le spectateur privilégié de l'événement) - Il a le sentiment de revivre l'épisode vécu (avec des détails : "L'homme sans descendre m'a demandé en anglais, avec accent français où on pouvait manger...") et évoque des détails spécifiques factuels (..."la femme est restée debout..."), spatio-temporels ("Au bout d'un quart d'heure environ, l'homme est sorti de l'hôtel..."), phénoménologiques (émotions, perceptions, pensées: "...et ont démarré précipitamment en prenant rapidement de la vitesse comme s'ils étaient pressés).

Mais il est passé en 8 mois d'un souvenir épisodique à une connaissance conceptuelle: L'événement particulier n'est plus inscrit en tant que tel; il est devenu un processus de"sémantisation" et avec le temps, le sentiment de "se souvenir" devient celui de "savoir" et le point de vue du gendarme en faction se change en point de vue du témoin.

Enfin, dans certaines conditions, un souvenir peut revenir en mémoire spontanément (la madeleine de Proust), mais ici, il s'agit plutôt d'un processus stratégique pour récupérer un souvenir encodé stocké et enfoui dans un méandre cortical: Une construction contrôlée par un administrateur, "une identité exécutive" (working self).

À mon avis, le gendarme ne "ment pas effrontément" - "ne rêve pas" non plus, stricto sensu - mais son imagination, confrontée au processus de mémorisation, oriente sa personnalité vers des connaissances acquises lors de sa formation et modulées en fonction de son éthique et de son émotion - ceci dans un contexte bien particulier 8 mois plus tard.

L'imagerie fonctionnelle valide l'hypothèse d'un cheminement compliqué des souvenirs dans le cerveau : Noyau amygdalien - Cortex limbique - Hippocampe - Cortex associatif. Ces structures semblent toujours impliquées dans l'évocation de souvenirs épisodiques plus ou moins anciens.

Un "contexte perturbateur" peut obliger, à l'insu de son plein gré, un témoin à convoquer "un souvenir implicite" à la rescousse d'une stratégie de récupération d'un souvenir épisodique encodé depuis longtemps puis stocké quelque part dans le cortex.

La réactivation cyclique des souvenirs peut à la longue, par recrutement de circuits synaptiques nouveaux, modifier sensiblement la perception initiale sans que le témoin en ait nécessairement conscience.

J'ajoute quelques schémas qui semblent valider cette intuition - qui existe depuis longtemps - que notre propre cerveau modifie à notre insu une partie du bagage mnésique.

 

Alain

 

 

 

      cerveau_memoire      Circuit de Papez      Neuron      RedaktionBRAIN1120462504.52-3

 

 

Complément à télécharger : un fichier Word (zippé) sur la Mémoire, proposé par mon ami Alain (grand merci à lui).

 

 

Sur la mémoire...


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Last and perhaps least, mais pour la petite histoire...

Marque, Émile Paul Justin (04/04/1915, à Saint-Lézer (65390) - 15/12/1975, à Manosque (04112)