Enfants, le vrai bonheur ne vient pas du dehors ; il vient du plus profond de notre âme, il vient de notre conscience.

 

Lorsque Francinet se retrouva seul, il repassa dans son esprit tout ce qui lui était arrivé depuis la veille.

C'était justement à cette heure-là que, le jour précédent, son cœur s'était empli de tant de fiel et de jalousie, en contemplant la petite fille aux riches vêtements et aux cheveux bouclés, qui s'ébattait sur la pelouse. C'était à ce moment-là qu'il avait eu la méchanceté de lancer une pierre : Phanor avait été blessé, et Aimée aurait pu l'être.

Quelle triste journée il avait passée à la suite de cette faute ! Comme sa conscience, honteuse et mécontente, l'avait tourmenté et rendu malheureux ! Qu'il était désolé, le soir, en chantant sa chanson tout seul, aux faibles clartés de la lune ! Et combien Aimée lui avait paru bonne d'être venue la première lui tendre la main et mettre fin à sa tristesse !

Et Francinet se disait intérieurement :

Il est meilleur d'aimer que de haïr, car la haine est amère, la haine porte au mal, la haine remplit le cœur de remords et de tristesse. La haine est mauvaise, et Dieu se détourne des cœurs vindicatifs. Je ne veux plus haïr personne, je ne veux plus jamais faire le mal. Riches ou pauvres, j'aimerai tous les hommes, puisque tous les hommes sont mes frères. Et lorsque ma pauvreté me semblera dure, au lieu d'appeler la haine à mon secours j'appellerai la lumière de Dieu à mon aide.

Et Francinet reprit à demi-voix, comme une prière, deux beaux vers de sa chanson :

Seigneur, donne-moi ta lumière,
Je suis le fils des travailleurs !

 

Et pendant que Francinet priait ainsi, il sentit s'élever en son cœur quelque chose de fort et de doux qui le rendait heureux. C'était la voix de sa conscience qui l'approuvait.

Francinet comprit que les meilleurs plaisirs nous viennent de l'âme ; et les peines que coûte l'accomplissement du devoir lui parurent alors bien légères, en comparaison de cette satisfaction intérieure qui le remplissait tout entier.