[Conte écrit de façon "itinérante" par les enfants des écoles de :

- La Chapelle du Bard (classe unique)
- La Ferrière< d'Allevard (classe unique)
- Le Moutaret (classe unique)
- Saint-Maximin (Isère)

au cours de l'année scolaire 1996/1997]

 

 

Il était une fois un vieux pêcheur qui vivait seul sur un bateau en ruines. Il avait amarré son embarcation sur les bords d'une île de l'Océan Indien.

Personne ne savait d'où il venait, ni son nom. Les gens de l'île l'avaient baptisé :

 

Mamadou Galoum.

 

Quand il venait à terre, les gens le fuyaient : il était vêtu de haillons nauséabonds, il n'avait qu'un bras (souvenir d'une lutte avec un monstre marin), sa peau était ridée, brûlée par le soleil et la mer, sa chevelure blanche et longue grouillait de vermine.

 

Personne n'avait jamais parlé à cet homme, les mères de famille éloignaient leurs enfants dès qu'il apparaissait.

 

Pourtant, un soir, un enfant l'avait suivi en cachette. Il avait surpris Mamadou Galoum en train de chanter tristement. Le vieil homme avait pris place sur une planche abîmée à l'avant du bateau et regardait à l'horizon le soleil qui se couchait.

De la bouche édentée du pêcheur sortaient ces paroles :

 


"Pauvre Mamadou Galoum, Toi que les gens fuient, Toi qui es si gentil, Personne ne te parle ni te sourit.

Pauvre Mamadou Galoum, Qui n'a pas d'amis, Trouveras-tu une épouse, Créeras-tu une famille ?

Pauvre Mamadou Galoum, Ta vie est si triste, Ni maison, ni habits, Trouveras-tu le bonheur un jour ?"

 

Quand il entendit toute cette tristesse, l'enfant se montra, s'approcha du vieux pêcheur et lui dit :

 


- "Moi, je veux être ton ami. Écoute moi : une légende raconte qu'il existe une île magique, je vais t'aider à la trouver".

 

L'enfant rentra chez lui et dit à ses parents :

 


- "Je viens de rencontrer Mamadou Galoum. Il est très gentil. Ce n'est pas parce qu'il n'a qu'un bras qu'il est méchant. Il est triste car tout le monde le fuit. Lui, voudrait avoir des amis et fonder une famille.

- Je t'avais formellement interdit de lui parler, s'exclama sa mère, il est sale et on ne le connaît pas du tout.

- Mais que t'a-t-il dit ? questionna son père.

- Lui rien, mais je lui ai parlé de l'île magique. Je compte l'aider à la trouver.



- Mais non, mon enfant, protesta sa mère, tu ne peux pas y aller, c'est trop dangereux ! "

 

Durant la nuit, la discussion se poursuivit. Au matin, les parents avaient pris une décision définitive. Ils appelèrent leur fils :


- Nous te laissons partir sur l'île avec Mamadou Galoum. Prends ce livre, il renferme la carte du voyage. En outre, ajouta le père, il possède des pouvoirs magiques qui vous aideront à surmonter les épreuves qui vous attendent.

 

L'enfant, tout content, retourna voir son ami.


-"Mamadou ! Mamadou ! J'ai discuté avec mes parents, ils sont d'accord pour que je parte avec toi.
- Mais nous n'avons pas de bateau, murmura le vieil homme.

L'enfant répliqua :


- Mon père m'a offert ce livre magique qui va nous aider dans notre aventure".

Ils consultèrent le sommaire et lurent :

 

"Pour faire apparaître un bateau... page 129"

Il cherchèrent et là, se trouvait une formule magique :

 


zigouigoui zigouigoui patapi et patapi
qu'un bateau apparaisse !

 

 

Aussitôt, un splendide voilier apparut devant eux.


- "Et les provisions ? demanda Mamadou. - Ne t'inquiète pas, nous allons y remédier.
Consultons le livre.

Ils trouvèrent la page et une nouvelle formule magique :

 


ragaga raguigui
que les provisions apparaissent !

Alors les cales du bateau furent remplies de nourriture et d'eau.

Et le lendemain à l'aube, les deux compagnons larguèrent les amarres.

 

Île magique, nous voilà ! ! !

 

Ils partirent vers le large, la mer était bleu foncé.

Le lendemain matin, quand ils se réveillèrent, la terre avait disparu à l'horizon.

D'après la carte contenue dans le livre magique, ils atteindraient l'île au bout de trois semaines.

Trois jours se déroulèrent tranquillement, mais à l'aube du quatrième jour, un appel déchirant s'éleva vers le ciel.

 


- "Mamadou ! Mamadou ! Une ombre noire à bâbord !"

 

Ces cris tirèrent le vieil homme de son sommeil, mais, à peine avait-il rejoint l'enfant sur le pont du voilier qu'un gigantesque serpent de mer surgit des flots. Il agitait son énorme langue baveuse et gluante au-dessus du grand mat, la pupille rouge de ses yeux triangulaires lançait des éclairs féroces.

L'enfant était paralysé de peur ; Mamadou, qui en avait connu d'autres, courut chercher le précieux livre. Vite, vite, il fallait se procurer une arme capable d'anéantir un pareil monstre.

 

 


- galali galala
qu'une arme meurtrière apparaisse !

 

Mamadou saisit l'arbalète et visa le serpent géant à l'œil gauche. La flèche empoisonnée toucha droit au but, le monstre se tordait de douleur, sa longue queue s'éleva hors de l'eau.

 


- "Nous allons chavirer ! Accroche-toi Mamadou !"

 

Pour la créature, c'était la fin ; après un dernier sursaut, le corps visqueux replongea dans la mer en provoquant une vague immense.

 


- "Toutes ces émotions nous ont donné faim !
Allons déjeuner. N'oublie pas le livre, dit Mamadou.
- Je ne le vois pas. Où l'as-tu posé ?

 

Ils eurent beau chercher, le livre resta introuvable, il avait coulé à pic au fond de l'eau.

 


- "Comment allons-nous faire à présent ? Jamais nous ne trouverons l'île magique, gémit l'enfant".

Mamadou pensait : "J'ai été fou d'entraîner cet enfant dans un pareil voyage, il faut à présent faire demi-tour et regagner notre île".


- Heureusement, les dégâts ne sont pas importants, retour au point de départ mon ami ! dit-il d'un ton enjoué.
- Regarde Mamadou, un dauphin nage vers nous !
- Bonjour, dit le dauphin, vous ne pouvez pas abandonner comme ça ! Mon peuple et moi, nous vous serons toujours reconnaissants de nous avoir débarrassés de cet horrible serpent. Je connais le chemin de l'Île magique, suivez-moi !

 

Et pendant deux semaines, ils suivirent leur nouvel ami qui connaissait l'Océan par cœur et sut leur faire éviter bien des dangers.


- Vous êtes arrivés, dit le dauphin, baissez les voiles.
- Mais où est l'île ? Il n'y a rien à l'horizon, s'étonnèrent les deux compagnons.
- L'île magique n'est pas une île ordinaire ; pour y accéder, vous devez abandonner ici votre embarcation, et plonger dans le tourbillon que vous apercevez à l'avant du bateau.

Courageusement, Mamadou et son ami plongèrent en se tenant par la main et se laissèrent happer par le tourbillon. Ils tournèrent, tournèrent de plus en plus vite, si vite qu'ils perdirent connaissance.

Quand ils rouvrirent les yeux, ils se trouvaient allongés au fond d'une grotte d'où l'eau jaillissait.

Peu à peu, Mamadou Galoum et l'enfant reprenaient leurs esprits.


- "Que nous est-il arrivé ? demanda le garçon. Où sommes-nous ?
- Dans une grotte ! répondit le vieux pêcheur en regardant autour de lui, émerveillé.

 

L'endroit était magnifique !

Le sable, sur lequel ils s'étaient échoués, était des plus fins et étincelait de mille paillettes d'or.

De grands coquillages de nacre et de porcelaine, rejetés par la montée des eaux, étaient éparpillés de-ci, de-là, et offraient au regard des deux compagnons leur forme extraordinaire et mystérieuse.

Il y avait également des espèces d'algues que Mamadou n'avait jamais vues de sa vie. Elles semblaient si douces que la soie ou le satin et portaient des fleurs merveilleuses qui répandaient des arômes enivrants.

Les parois de la grotte étaient polies par le ruissellement de l'eau et par endroits, de magnifiques cristaux surgissaient des rochers. Ils brillaient, tels des pierres précieuses, et paraient la grotte de multiples couleurs chatoyantes.

L'eau de la source était d'un bleu pur et limpide. Elle s'écoulait en petites gouttelettes, pareilles à de longs colliers de perles fines.

Mamadou décida de chercher une sortie pour aller sur l'île magique. Avec son petit ami, il explora tous les recoins de la grotte. Sans succès !

Alors, tous deux s'assirent sur le sable, désespérés.


- "Comment partir d'ici ? demanda l'enfant.

Mamadou resta muet.


- "Pauvre Mamadou ! Toi qui voulais une famille ! Si nous n'avions pas perdu le livre, nous n'en serions pas là !

La source, comprenant que les deux amis ne feraient pas de mal à son île, se transforma...


- "Bonjour" dit une voix cristalline.

Le vieux pêcheur et le petit garçon sursautèrent, se retournèrent...

Un visage apparaissait sur l'eau... C'était une femme aux belles joues transparentes, ses cheveux ondulaient jusqu'au sol et ses grands yeux clairs lançaient des reflets sur le sable.


- Qui êtes-vous ? demanda Mamadou.

- Je m'appelle Chrishka...Vous semblez bien malheureux ! Peut-être pourriez-vous m'expliquer ce que vous faites ici, et ce que vous cherchez ?
- Mon nom est Mamadou Galoum, et voici mon ami Kalima.

Tous deux racontèrent leurs aventures et expliquèrent pourquoi ils cherchaient l'île.


- "Hélas ! dit Chrishka, notre île a perdu tous ses pouvoirs magiques ! Notre reine bien aimée et sa fille sont prisonnières de sa sœur, la terrible Stella qui gouverne maintenant à sa place. Nous sommes tous soumis à son règne de terreur ! Tout n'est plus que ruine et désolation, et nous sommes maintenant trop faibles pour lutter contre ses gardes diaboliques.
- Dites-nous comment sortir de la grotte et nous ferons tout pour sauver votre reine !
- Vous rencontrerez beaucoup d'épreuves ! Mais je peux vous aider, car seule cette grotte a gardé des pouvoirs magiques qui m'appartiennent. Voici ce que vous allez faire :
- Prenez le plus transparent des cristaux, il transpercera le cœur de nos ennemis,
- Ramassez quelques poignées du sable le plus doré, il aveuglera nos ennemis,
- Cueillez les algues aux fleurs bleues, elles empoisonneront nos ennemis,
- Enfin, buvez l'eau de ma source, elle vous rendra invisibles à nos ennemis si vous parvenez jusqu'à notre reine.

Mamadou et Kalima firent tout ce que dit Chrishka.


- "Et maintenant, par où sortons-nous ? demandèrent-ils.
- Traversez la source lorsque je disparaîtrai, et vous serez sur l'île. Si vous réussissez à délivrer notre reine, elle vous récompensera. Bonne chance !

Le vieux pêcheur et le jeune garçon passèrent à travers l'eau...

A nous trois, île maléfique ! ! !

Ils arrivent sur l'île. Un brouillard épais masque le ciel et le sol. Ils trébuchent sur des os. Par-ci, par-là ils croisent des troncs calcinés. La chaleur est insupportable. Ils marchent au hasard dans la poussière étouffante. Tout à coup, un éclair illumine les lieux et en face d'eux apparaît une maison-forte délabrée. Une lumière bleutée auréole l'édifice. Les tourelles, les créneaux, les remparts et les gargouilles prennent d'étranges formes. A travers les meurtrières, nos deux amis pensent apercevoir des fantômes. Irrésistiblement attirés, ils avancent.

Sous leurs pieds, les planches du pont-levis craquent, les chaînes rouillées grincent.

Mamadou, qui en a vu de plus terribles, dit à son ami :


- "Ne t'inquiète pas, avoir peur c'est donner du pouvoir à nos ennemis. Restons unis et confiants.

Ils doivent alors escalader un tas de gravats qui s'effondre. Des forces invisibles les compriment, les bousculent, les piétinent. Le flacon d'eau magique éclate. Le liquide éclabousse et se répand. Apparaissent alors des êtres étranges, énormes, à la tête d'oursin.


- "Mon dieu, ils sont une centaine ! Que recherchent-ils ? demande Kalima.
- Nous ne sommes plus visibles pour eux, alors ils ne comprennent pas.
- Ils sont agressifs ! Regarde, ils font tout tomber. Que faire ?

L'enfant a une idée. Il jette sur eux le sable qui ne fait que les chatouiller, puis les algues qui ne font que les décorer. Le cristal est la dernière arme possible mais quel sera son effet ? L'enfant le dirige sur eux. Rien, rien ne se passe.


- "Nous sommes perdus, Mamadou, l'effet de l'eau s'estompe et nous devenons à nouveau visibles.

C'est alors que le cristal part en éclats dans un bruit aigu. Les gardes se mettent tous à faire la toupie si vite que nos deux amis sont projetés contre un mur. Ce sont cent tourbillons qui s'élèvent et disparaissent :

"Zip, zip, zip, zip...

(25 fois)"

Un silence s'en suit : long, lourd, accablant et du haut d'une tour en ruine surgit la diabolique Strella. Elle a l'aspect d'une sorcière, sans balai, ni chat noir, ni chapeau pointu.


- "Avez-vous aimé le spectacle ? Oui ! Et bien maintenant nous allons danser. Musiciens à vos instruments, chefs d'orchestre donnez la mesure et en piste.

Dans un silence absolu, Strella commence à se balancer, à tanguer, à chalouper. Elle finit même par trébucher et tomber de la tour en entraînant dans sa chute toutes sortes de choses insolites : des casseroles, un pot de fleurs, une chaise, une table...Tout cela atterrit dans un brouhaha détonnant.

Boum ! Brique ! Bac ! Patatras !

Et au-dessus de la tête de la sorcière qui se relève, toute guillerette, tournent des papillons, des étoiles et de mini-éléphants roses.

Strella sourit.


- "Maintenant, dit elle, nous allons jouer. Faites votre choix : cache-cache, le loup glacé, saute-mouton, la chasse au trésor, le facteur n'est pas passé... Et puis non ! Finalement ce sera 1, 2, 3 soleil, décide-t-elle et c'est moi qui colle.
- 1, 2, 3 soleil.

Nos deux amis restent immobiles.


- "Vous pourriez vous bouger un peu tout de même ! 1, 2, 3 soleil.

Tous deux sont vissés au sol et stupéfaits.


- "Je me trompe ou quoi, s'étonne Kalima, elle est vraiment tombée sur la tête.
- Oui, je pense aussi qu'elle ne va pas bien du tout. Un grain de folie l'habite.

Strella se retourne alors en larmes. Des larmes de crocodile bien sûr !


- "Vous aussi bien sûr, vous ne comprenez pas, affirme-t-elle. Personne, jamais personne ne veut jouer avec moi, se lamente-t-elle. J'aime tellement rire, plaisanter, faire des farces.
- Écoute, Strella, dit l'enfant sage, je veux bien jouer avec toi, je connais des tas de jeux mais avant, tu dois nous dire ce que sont devenues la reine et sa fille et pourquoi cette île est si horrible.
- C'est vrai, tu connais des jeux ?
- Oui.
- Ah ! Chouette. On pourra s'amuser après !
- Oui ! Allez, raconte !

Strella observe attentivement les deux amis, quelque chose semble la gêner. Ses mains très fines se posent sur son affreuse face qu'elle gratte avec rage. Un masque gluant se détache, laissant alors apparaître un adorable visage d'enfant aux yeux pleins de malice. Elle commence ensuite son histoire.


- Je m'ennuyais tant sur cette île magnifique ! Ma grande sœur, la reine et ma nièce de mon âge refusaient de partager du temps avec moi. Elles avaient toujours quelque chose de plus urgent à faire. Un jour, contrariée par un nouveau refus, j'ai voulu me venger et pour cela je les ai attirées dans une pièce du château. Après, je suis restée seule avec tous les pouvoirs de l'île. J'ai donc créé les terribles gardes pour me protéger, des courants d'air chauds pour bronzer et le serpent pour me déplacer.
- Le serpent ! Tu n'aurais pas par hasard récupéré un livre ?

- Ah ! Oui très utile ! Grâce à lui, j'ai eu des amis qui m'ont appris des jeux nouveaux : la chasse aux squelettes, 1, 2, 3 le squelette arrive, la guerre des squelettes. Mais ils étaient un peu trop excessifs et lorsqu'ils ont eu tout détruit sur l'île, mes camarades sont partis sans leurs squelettes maintenant éparpillés sur le sol.
- Dis donc Strella, je pense que tu n'as pas su choisir tes amis à la bonne page du livre car ces jeux étaient vraiment stupides ! déclare Mamadou. En plus, ta famille doit être terriblement en souci de te savoir seule et livrée à toutes sortes de tentations !
- Vous pensez bien que non, personne ne m'aime !

Des larmes inondent le sol.


- Stop, les pleurs, et allons délivrer ta sœur et sa fille. Nous en profiterons pour leur expliquer qu'il est important de consacrer du temps aux personnes que l'on aime.

Ils les trouvèrent confortablement installées dans une jolie pièce du château. Morgiane, la reine était très belle. Ses cheveux étaient pareils à des vagues dorées. Ses mains étaient douces comme la caresse d'une plume. Sa fille se jeta au cou de Strella et lui donna de gros bisous. Elles étaient si heureuses d'être enfin libres et elles avaient bien compris le message de Mamadou.


- Maintenant, déclara Morgiane, puisque la tranquillité revient sur notre île, nous souhaitons vous remercier pour votre précieuse aide.

C'est ainsi que Kalima retrouva sa famille et aux vacances scolaires, il pouvait venir sur l'île jouer avec son amie Strella.

 

Avez-vous une idée de ce que demanda Mamadou ?

Moi, j'en ai une. Ce n'est peut-être pas la même que la vôtre mais tout est possible sur l'île magique !

 

 

 

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