"Je n'ai pas encore été officiellement informé des opérations qui ont abouti aux aveux de Gaston Dominici, mais je ne veux pas tarder davantage à vous dire combien j'ai apprécié le soin et le zèle avec lequel [sic] le plan que vous m'aviez soumis a été exécuté. Grâce à votre intelligente activité et à celle de Monsieur le juge d'Instruction Périès... le coupable a été démasqué... Aussi je suis très heureux de pouvoir vous adresser... mes plus vives félicitations. Vous voudrez bien également dire ma satisfaction à M. le Commandant de la Gendarmerie de Digne et aux Officiers, sous-officiers et gendarmes qui, sous ses ordres, ont participé aux opérations qui ont mené le coupable à faire l'aveu de son crime..." [Oubliés, les Sébeille et autres Constant. Bref...]
(Le Procureur Général d'Aix à Sabatier, lettre du 19 novembre 1953).


"La première enquête a été à la fois parfaitement conduite et très complète. Nous ne sommes là que pour vérifier les nouvelles confidences du condamné"
(Commissaire Chenevier, in Le Méridional du 19 décembre 1954).


"Il est fort, le vieux Dominici. Il en a dit suffisamment pour relancer la machine judiciaire, et assez peu pour n'accuser personne"
(J. Farran, in Paris-Match,  19 décembre 1954, p. 40).


"Je vous remercie de votre témoignage, Docteur. Il est écrasant pour l'accusé"
(le président Bousquet au docteur Boudouresque, neuro-psychiatre, qui parle d'un aveu sans faille, à propos de la conversation entre le jeune gardien de la paix Victor Guérino - 30 ans - et Gaston).


"En ce qui me concerne, j'estimais déjà, au vu des prétendues révélations de Gaston Dominici, qu'il n'y avait pas à attendre de rebondissement de l'enquête ; l'égoïsme du condamné s'est suffisamment manifesté pour que je sois persuadé que s'il avait vraiment des faits essentiels à révéler, il n'aurait pas attendu jusqu'à aujourd'hui pour le faire"
(extrait d'une lettre du 23 mars 1955, adressée par le procureur Sabatier au Procureur général d'Aix-en-Provence).


"Attendu qu'en fait, les suppositions présentées par le rapport [Chenevier] au sujet du déroulement du crime sont purement hypothétiques, et ne peuvent figurer que l'opinion personnelle des auteurs ; qu'elles apparaissent beaucoup moins plausibles que la version établie par l'information suivie contre Gaston Dominici qui résultait des aveux de celui-ci, maintenus pendant plusieurs jours, corroborés par les déclarations de ses deux fils et réitérés sans équivoque au cours d'une reconstitution concordant sur de nombreux points précis avec les constatations matérielles des premiers enquêteurs... Attendu qu'en droit les déductions tirées par les auteurs du rapport de leur supputation de fait sont erronées... que [leurs] raisonnements reposent sur une étude insuffisante du dossier de l'information suivie contre Gaston Dominici... Déclarons qu'il n'y a pas lieu de suivre en l'état
(Ordonnance de non-lieu, 13 novembre 1956).

 

 

 

Une nouvelle instruction s'ouvre presque immédiatement après le prononcé du verdict de culpabilité. Il est légitime, aujourd'hui, de se demander ce qui a pu pousser le ministère Mendès-France (le gouvernement du "grand Capital", selon les communistes de l'époque) - qui avait tant d'autres chats à fouetter - à autant de promptitude. Car le prétexte des "aveux de dernière minute du condamné" (en fait, essentiellement l'immonde mise en cause d'un des petits-fils) ne tient pas, selon moi(1). La ficelle était trop grosse, tandis que Gaston Dominici avait eu tout loisir, depuis plus de deux ans, et à tout le moins durant les onze jours que dura le procès, de s'exprimer... et ne s'en était pas privé, contrairement à ce que déclarèrent certains (les bonnes âmes, comme toujours)(2).

Quoi qu'il en soit, le Ministre de la Justice, M. Guérin de Beaumont, demande à son collègue de l'Intérieur, M. Mitterrand (qui avait succédé à Martinaud-Deplat place Beauvau) de désigner, pour cette seconde instruction, de nouveaux policiers ; des as, la fine fleur de la police française, a-t-on alors dit (ce qui ne paraît pas inexact, étant donné leurs impressionnants palmarès). En particulier le brillant commissaire divisionnaire Charles Chenevier (de sept années l'aîné de Sébeille), que d'aucuns avaient qualifié de "meilleur policier de France", pour la diriger.
On peut se livrer à une conjecture, qui en vaut bien une autre, après avoir rappelé la question (dont la réponse est parfaitement connue) de Me Delorme (maire et conseiller général socialiste S.F.I.O.), lors du procès : "Qui nous expliquera, en cet effarant complot du mensonge et de la haine, qui tire les ficelles de cette sinistre comédie ?". Ancien déporté (à Neuengamme) après séjour auprès de la Gestapo pour faits de résistance, Chenevier devait avoir l'oreille du P.C. qui s'auto-proclamait à l'époque, très abusivement, Parti des fusillés. A-t-on voulu faire une fleur au P.C., après le scandale des fuites ? Un élément allant dans ce sens - mais ce n'est pas une preuve ! - pourrait être la bruyante satisfaction, à cette annonce, de la presse communiste. À cet égard, il ne sera peut-être pas inopportun de rapporter un court extrait de la réaction de Les Allobroges (dont le compte-rendu du procès est, soit dit en passant, un chef d'œuvre de désinformation) commentant "la mission de Chenevier" (numéro du mercredi 22 décembre 1954). Sans doute pour faciliter la tâche du Commissaire parisien, le journaliste entreprend de démolir les "fameuses preuves de Sébeille"(3), ou du moins d'entraîner un fort doute. Et il commence, témoignage de son entier sérieux, grâce à ce qu'on ne nommait pas encore une brève de comptoir ! Je cite : "Une preuve, la phrase de Gaston au commissaire Sébeille, parlant de Lady Drummond, 'elle n'a pas souffert'. Allons donc, m'a dit au restaurant ce commerçant, qui ne l'aurait pas dite un an après le crime ? Tous nous savions qu'une balle lui avait traversé le cœur". Eh oui, c'est vrai. Sauf que Gaston, ce n'est pas un an après, c'est le soir même du crime (à 19:30, si l'on en croit Sébeille) qu'il l'a prononcée, cette phrase... À trop vouloir prouver...

Mais l'annonce de cette nouvelle information n'entraîna pas que des cris de joie. Témoin cet extrait d'une lettre de l'ancienne partie civile (Me Claude Delorme) adressée le 15 juillet 1955 au juge Carrias, et rédigée avec quel humour grinçant : "Je viens d'apprendre par la presse que vous avez délivré des commissions rogatoires aux commissaires Chenevier et Gillard, à l'effet d'entendre un certain nombre de témoins.
J'en suis surpris, car je pensais que l'instruction de la nouvelle information ouverte pour complicité contre X pouvait se dérouler normalement, sans avoir recours à la police, et notamment aux seuls enquêteurs ayant la confiance des défenseurs du condamné à mort.
Je pensais que la procédure de révision prévue par la loi ne pouvait jouer que si un fait nouveau important avait été découvert. Or, la conférence de presse tenue à Paris par Monsieur le Bâtonnier Heyraud m'apprend qu'il n'en est rien, et que les nombreux défenseurs du condamné ont tout loisir de faire rechercher le fait nouveau par les policiers de leur choix avec l'accord, semble-t-il, de Monsieur le Garde des Sceaux.
Je vous avoue qu'il m'est assez difficile de répondre aux questions qui me sont posées par la famille des victimes et par les autorités britanniques, sur les motifs de cette procédure insolite
[...]". Après avoir suggéré à Carrias quelques points à creuser d'après lui (comme l'emploi du temps très précis du père d'Yvette, le jour du crime), Me Delorme terminait ainsi, et comment ne pas abonder dans son sens : "Je m'excuse, Monsieur le Juge, de m'immiscer quelque peu dans le cours de cette nouvelle enquête, mais il me paraît très surprenant que l'on ne semble rechercher, à l'heure actuelle, qu'une seule chose : prouver l'innocence du condamné Gaston Dominici".

En tout état de cause, entre le Marseillais Sébeille (adepte du foot), toujours en chemisette et pieds nus dans des sandales (du moins l'été), jamais armé, s'entretenant de préférence en provençal avec Gustave et surtout avec son père, et le "Parisien" - né à Montélimar - Chenevier (passionné de boxe et de judo), toujours en costume, conscient de son rôle, avec son accent pointu, et sa certitude de gagner, quelque peu méprisant, enfin, envers son collègue (le petit Sébeille), il est évident que le courant ne devait guère passer(4). Et le courant ne devait même pas passer du tout, Sébeille ayant poussé de hauts cris (il ne fut pas le seul, tant s'en faut, comme on vient de le montrer avec la réaction de Delorme) à l'annonce de cette nouvelle instruction, qui sonnait évidemment comme un désaveu de sa propre enquête, du travail des juges, et des délibérations des jurés [Cf. infra].
Chenevier y était pourtant allé de ses précautions oratoires (comme on a pu le lire dans la citation ouvrant cette page), indiquant qu'on avait stupidement grossi l'importance de sa mission, ajoutant même, à l'adresse du correspondant du Dauphiné Libéré : "Nous n'avons pas à revenir sur une enquête qui a été faite, et bien faite". Voire.

Car c'est bien du mépris, parfois teinté de ressentiment, qui transparaît au long des nombreuses pages que Chenevier consacra, la retraite venue, à cette enquête. La retraite venue : si je voulais risquer un jeu de mots cruel (et je suis sûr que vous me le pardonneriez), je devrais écrire : la déroute venue.
Vous allez voir comment on va le bouffer, le petit Marseillais, avec ses méthodes à la con, avaient dit (à peu près) les policiers parisiens. Mais au bout d'un an ils ont fait, bien cruellement pour eux, la preuve du contraire. En dépit d'investigations nettement plus fouillées que celles de la première enquête - il faut ajouter que les moyens matériels et humains étaient d'une autre ampleur. C'est pourquoi l'un des ouvrages de Chenevier consacrés - entre autres épisodes - à l'Affaire Dominici(5) est émaillé de reproches tantôt violents, tantôt condescendants à l'égard de la première enquête. Car son enquête à lui et à tous les siens (ils étaient nombreux) n'a abouti nulle part : son résultat est strictement égal à zéro (ou presque. Cette contre-enquête s'achevant, en novembre 1956, par un non-lieu). Alors, pour noircir du papier, peut-être pour remâcher quelque amertume, Chenevier y va de ses sarcasmes...

Sans doute me trouvera-t-on trop sévère à l'égard de ce policier paraît-il d'élite, mais tout de même, puisqu'il critique tant Sébeille trop enclin à écouter son pifomètre, jetons un œil sur ses méthodes à lui (scientifiques, cela va sans dire) :

"Comme d'autre part on ne retrouve que deux douilles, alors qu'il est certain que cinq coups ont été tirés, puisque les détonations ont été entendues par différentes personnes, il est permis de se demander si trois douilles n'ont pas été ramassées par la personne qui se trouvait sur les lieux" (ouvrage de Ch. Chenevier, p. 165. Souligné par nous).

Tout d'abord, au moins sept coups de feu furent tirés (non compté les cartouches ayant fait tchi) : trois sur le père (dont la première, dans la main), trois sur la mère, une en direction de l'enfant (impact relevé sur le pont, balle retrouvée en contrebas, près de la voie ferrée... par un radiesthésiste !). Ensuite, le raisonnement "certain... puisque" relève de la galéjade la plus pure (comme dirait Sébeille). Voilà que Chenevier s'appuie sur Bergson, ce qui est assez cocasse surtout que ce doit être involontaire(6) ! À deux-trois heures du matin, les gens dorment d'un profond sommeil et ne comptent pas exactement les coups de feu qu'ils ont entendus, dans la mesure où ces derniers les ont réveillés. Ou alors, il s'agit bien du même pifomètre que celui dont usa Sébeille ! En réalité, nos limiers parisiens se sont mordicus arc-boutés au témoignage d'une personne certes de bonne foi, qui prenait le frais sur sa terrasse à Dabisse(7), vers une heure du matin. M. Roger Roche, fermier, a en effet déclaré au procès : "j'ai compté cinq coups de feu, je suis formel". Eh bien non : fragilité du témoignage humain. Ah ! Si seulement il avait songé à regarder sa montre ! Au moins on pourrait être formel sur un point : l'heure de la tuerie. D'autant qu'il est intéressant de relire la déposition de ce témoin devant la Cour :

- Il était une heure dix, une heure vingt environ. J'ai entendu claquer des coups de feu… coup par coup, comme quand on tire à la carabine ; des coups secs ; j'en ai entendu cinq.

- Vous avez dit quatre, à l'instruction !

- Ça m'étonne parce que, vraiment, on avait bien le temps de les compter. Cependant, je puis maintenant me tromper : il y a deux ans, de cela…

[Il est équitable de rapporter ici que, interrogé moins d'une semaine après la tuerie par un journaliste, Monsieur Roche avait déclaré avoir entendu une série de quatre coups de feu, puis trois autres.
Un autre témoin (M. Franco, maroquinier à Marseille), se trouvait ce soir-là à Dabisse. Il a entendu lui aussi, vers une heure, des coups de feu, "comme un doublé de chasse, puis quelques secondes plus tard, trois ou quatre coups espacés". On perçoit la fragilité du témoignage humain : mais s'il a raison (et son témoignage corrobore plutôt celui de Roger Roche), c'est que le tireur connaissait le maniement de l'arme ("doublé"), et qu'il a eu à faire face à des incidents de tir (fréquents avec l'US-M1 Carbin - surtout si mal entretenue).
À ce point, peut-être n'est-il pas inutile de rapporter ici un court témoignage de Me Floriot : "À l'intérieur d'un appartement, un meurtrier a abattu sa victime de cinq coups de pistolet, et le bruit des détonations a alerté les voisins. Le nombre de coups de feu tirés est connu des enquêteurs, car le nombre de douilles ramassées à terre correspond à celui des projectiles retrouvés dans le corps de la victime. On interroge les voisins. Certains ont entendu trois détonations, d'autre six, ou sept, ou huit ! Tous les chiffres sont avancés... sauf le bon. (in René Floriot, Les erreurs judiciaires, p. 153)]

C'est pourquoi, même avec le recul, je trouve Ch. Chenevier assez pitoyable (le boxeur Chenevier - car le Commissaire avait assidûment pratiqué la boxe, dans sa jeunesse - a fait là un combat de trop). Et justifiée l'adresse d'un journaliste, qui le traita de "commissaire de la onzième heure" ou, mieux encore, de "commissaire Coucou" (Paris-Match n° 301, décembre 1954). Peut-être avancera-t-on, sans méchanceté aucune, que son manque évident de diplômes (pupille de la Nation, il avait dû travailler très tôt, et ne possédait qu'un certificat d'études primaires, selon son biographe), l'empêchait d'avoir un certain recul sur les choses, une "culture". D'où des certitudes simplistes (faire avouer le clan à l'aide d'un savant questionnaire) qui l'ont conduit droit dans le mur. Et un rapport volumineux, certes, mais justement et facilement renvoyé dans ses cordes par le jeune juge P. Carrias.

 

1954 : début de la "seconde enquête".

Examen des lieux par toute une foule de gens plus ou moins officiels.
On peut remarquer le jeune juge Carrias, au premier plan (lunettes noires et costume),
le journaliste Jacques Chapus (bras de chemise, lunettes noires),
le commissaire Chenevier et, à l'extrême droite au second plan, le capitaine Albert.


Mais c'est Chenevier qui a eu les lauriers. Et Sébeille, accablé et même brisé, sans Légion d'honneur (mais tu t'en tamponnais, hein, Edmond ?  Tu pensais certainement, avec Sophocle, qu'il vaut mieux subir l'injustice que la commettre... De toute façon, Chenevier n'a eu la sienne qu'en 1959 - 43 ans après son père...), a fini son service dans un obscur Commissariat de quartier, où on ne lui confiait plus, paraît-il, que les chiens écrasés. Alors, pour honorer sa mémoire, reproduisons donc les propos que tient à son égard quelqu'un qui fut impliqué dans l'enquête (et dont je reparlerai) : "Je n'ai pas brillé dans cette affaire où, d'ailleurs, personne n'a été brillant. Le moins mauvais de nous, ce fut probablement Edmond Sébeille".


Notes

(1) Encore que, il faut le souligner, des interrogations avaient pu surgir, ici ou là. Ne prenons pour exemple que l'avocat de la partie civile, Me Claude Delorme : si ce dernier avait exprimé sa conviction pleine et entière de la culpabilité de l'inculpé, il ajoutait cependant, "qu'importe si, à l'ombre de la Grand'Terre, se cachent des complicités qui échappent pour l'instant au verdict de ce tribunal".
(2) Ainsi qu'en témoigne par exemple ce bref dialogue entre l'inculpé et le président Bousquet (début de la deuxième journée du procès) :

- Vous nous avez dit hier, Dominici, que vous êtes innocent. Je vous pose aujourd'hui cette question : accusez-vous toujours Gustave comme il vous est arrivé de le faire devant le gardien Bocca ? Accusez-vous Clovis et Roger Perrin, votre petit-fils, qui se seraient emparés à votre insu de votre carabine ?
Vous l'avez déclaré à la police et à l'information. Si vous avez une accusation formelle ou même un soupçon à présenter, c'est l'heure. Soyez catégorique, si vous pouvez. Pas d'insinuations. Précisez votre pensée.
- Je vous dirai une chose simple. Je n'ai jamais accusé Clovis et Gustave. J'ai dit que ça pouvait être mon petit-fils Roger. Mais je n'en sais rien.
- Sur quoi vous basez-vous pour jeter la suspicion sur votre petit-fils ?
- Un doute, c'est tout. Mais ce que je sais bien, et je le déclare devant tout le peuple qui est ici, c'est que je suis innocent.
- Ce n'est pas de cela qu'il est question, et je ne dis pas que vous êtes coupable.
- Vous le dites pas, mais vous le laissez entendre....

Curieusement, le "Patriarche" avait dédouané son petit-fils, dès le premier jour, et de façon spontanée. C'est le procureur Sabatier qui révéla incidemment le fait, au cours de l'audience du samedi 20 novembre 1954. Sabatier était présent au moment où Roger Perrin est arrivé de La Serre, sur les lieux du crime. Alors, Gaston lui a présenté son petit-fils. Le Procureur a aussitôt demandé à Roger s’il avait vu quelque chose, mais Gaston a répondu à sa place : "Non, lui, il est loin, il a rien pu voir".

D'autre part, l'accusation de tiers n'était pas une nouveauté, dans le système de défense du Patriarche. En témoigne cet étrange et savoureux dialogue, le 30 décembre 1953, entre le juge d'instruction Périès et l'inculpé Dominici :
" - Tu vas voir, petit, si tu me l'amènes, comment je le ferai blêmir et rougir, Gustave ! Pas étonnant qu'il bafouille toujours devant toi. S'il a tué la fillette, le contraire serait étonnant !
- Vous renouvelez donc vos accusations contre votre fils cadet ?
- Je n'ai pas dit ça
(sic). Je n'accuse personne, moi. J'étais couché. C'est toi qui dois savoir ce qui s'est passé, ou lui, peut-être. Moi, j'ai la conscience tranquille".
(3) II s'agit en réalité des dix-sept preuves de culpabilité énoncées au procès par le procureur Sabatier. Il serait trop long de les lister ici, elles figurent au nombre des Documents complémentaires.
(4) D'autant qu'on lui avait certainement demandé, à lui aussi, d'aller chercher ailleurs, et que l'acceptation même de sa mission montrait qu'il était favorable a priori au condamné.
(5) De la Combe aux Fées à Lurs - Souvenirs et révélations, Flammarion, 1962, 235 p. Cf. Bibliographie commentée.
(6) Ceux de mes lecteurs qui ont lu la thèse de Bergson doivent sourire, car ils ont certainement à l'esprit le fameux passage des Données immédiates à propos des sons de cloche, dont on reconstituerait après coup le nombre exact...
(7) Hameau du village des Mées, situé de l'autre côté de la Durance, à environ un kilomètre à vol d'oiseau du lieu des crimes.

 

 

 

 

Composition du jury, délibérations, verdict

 

 

Car, rappelons-le, le vieux Dominici n'a pas été condamné par le commissaire Edmond Sébeille, mais par un jury populaire composé de modestes bas-alpins* qui a, au terme d'un procès fort long et contradictoire, et après deux heures et demie de délibérations, répondu affirmativement aux sept questions posées**, et refusé les circonstances atténuantes à l'unanimité.

 

* Composition du jury : MM.





Marcel Bernard, cultivateur à Saumane
Jules Martin, courtier à Sainte-Tulle
Jules Ventre, boucher à Colmars
Louis Allincourt, rentier (boucher retraité) à Château-Arnoux
Telmont Sube, cultivateur à Pierrerue
Émile Atger, cultivateur à Gréoux
Paul Auzet, cultivateur à Les Dourbes

Jurés supplémentaires : MM.


Denis Aillaud, tonnelier à Villemus
Auguste Girard , cultivateur à Mirabeau

 

(Mme Anaïs Garcin, seule femme jurée, commerçante à Valensole, a été récusée par la défense, de même que MM. Maxime Sube, employé à Pierrerue, Ernest Corréard, cultivateur à Valernes, Maurice Giraud, cultivateur à Montfort, Laurent Carretier, commerçant à Manosque, Urbain Laugier, hôtelier à Malijai)

[À noter que MM. Telmont Sube et Marcel Bernard venaient de siéger en tant que jurés dans l'affaire précédente (le procès d'un père incestueux des Mées)]

 

** Les questions posées :


- Gaston Dominici est-il coupable du meurtre de Sir Jack Drummond ?
- Si oui, y a-t-il préméditation ?
- Gaston Dominici est-il coupable du meurtre de Lady Ann Drummond ?
- Si oui, y a-t-il préméditation ?
- Gaston Dominici est-il coupable du meurtre d'Élisabeth ?
- Si oui, y a-t-il préméditation ?
- Y a-t-il concomitance entre ces meurtres ?