L'affaire Dominici fut aussi l'occasion de polémiques intempestives - en particulier opposant des adversaires politiques. En témoigne, dans le registre souriant, ce court article du Méridional. Consacré aux sacrifices consentis par son confrère communiste La Marseillaise, c'est un authentique chef d'œuvre d'humour !
Et qui frappe là où ça fait mal...

 

Un mois après l'effroyable tragédie de Lurs, le 4 septembre 1952, La Marseillaise s'élevait farouchement contre les soupçons que la police "essayait" de faire peser sur la famille Dominici. Elle titrait, par exemple : "Veut-on faire supporter à Dominici l'échec de l'enquête ?", et expliquait avec facilité :

"N'ayant pas su utiliser les indices - rares, il est vrai - que leur offrait le triple crime de Lurs, ils [les policiers] ont fait en sorte que l'opinion publique voie en Gustave Dominici le principal responsable de leur échec. Ce qui est plus grave, en s'acharnant sur la famille Dominici, une des plus vieilles familles de la région, les policiers s'aliénèrent la sympathie, déjà bien mince, de la population, et se privèrent volontairement d'un concours qui pouvait seul leur permettre de résoudre le problème. Aujourd'hui, Gustave Dominici est sur la sellette. Après un mois d'enquête, les policiers en sont encore à vouloir obtenir de lui des détails qu'il ne pourra probablement jamais - et pour cause - donner"

 

Ce n'était certes pas là la première manifestation de La Marseillaise en faveur des Dominici. Le 22 avril déjà, elle demandait : "Qui donc s'acharne à accabler la famille Dominici devant l'opinion publique ? Et, en rappelant le démenti du commissaire Sébeille au sujet des treize questions posées à Gustave Dominici*, elle écrivait :

"Ce démenti ne met que davantage en relief le caractère odieux de l'acharnement avec lequel certains milieux et certains journaux créent de toutes pièces des arguments défavorables aux Dominici... tout en s'abstenant de faire état de ce qui, dans leur passé sans tache, dans leur vie sévère et laborieuse, dans leur comportement calme et tranquille, dans l'estime que leur portent les habitants de la région, dépose indiscutablement en leur faveur..."

Le 23 octobre 1952, Gaston Dominici, alors que son fils est en prison, est convoqué à Digne chez M. Périès, juge d'instruction. Et le lendemain, La Marseillaise relate :

 

"Il [Gaston Dominici] a traversé sa ville natale sans un mot déplacé, sans un geste d'impatience. Entré chez le Juge vers 10 h 45, il en est ressorti deux heures plus tard sans que sa démarche et ses gestes aient rien perdu de leur naturelle dignité. Une fois de plus, ce vieillard de 75 ans a égrené devant nous, avec de vieux amis, des souvenirs de sa jeunesse, de sa vie tout entière emplie par un labeur acharné".

M. le commissaire Sébeille avait eu raison de "vouloir obtenir de Gustave des détails..." qu'il eût pu - et pour cause - donner ! Aujourd'hui, le commissaire Sébeille triomphe.

Comme La Marseillaise d'ailleurs, hier et avant-hier :

 

"Comme une de ces bêtes sauvages qu'il traquait et abattait dans les montagnes de Lurs, le vieux braconnier, cette terreur des bords de la Durance..."

 

Où sont les beaux souvenirs de jeunesse de Gaston Dominici ?

 

Puis c'est une scène pittoresque "croquée" à la Grand'Terre :

 

"Dans la cour de la ferme, plusieurs femmes hurlantes et rugissantes ; il y avait là des sœurs, des belles-sœurs, des cousins, de Clovis et de Gustave, littéralement déchaînés, débordant d'injures et d'imprécations" (à l'encontre des policiers et des magistrats).

 

Où est le beau passé de la famille Dominici ? La Marseillaise a tout oublié... et ce faisant, elle a consenti au "grand sacrifice"... Les Dominici n'ont plus droit à la généreuse défense que le Parti assure "aux faibles et aux opprimés" !

 

* Il s'agit de 13 questions posées par un journal du soir parisien (le Parisien), reprises par Le Monde, au sujet des lacunes (et/ou contradictions) constatées par tous les observateurs dans les déclarations de Gustave.

 

Le Méridional du mardi 17 novembre 1953, p. 6]

 

 


 

 

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