Encore une émission consacrée au soixantième "anniversaire" de la triple tuerie de Lurs. Avec, en principe, des invités autorisés...

 

 

 

Avant d'exposer ma propre "vision" de cette émission, je voudrais risquer deux remarques :

- la première concerne le sieur Franck Ferrand. Je le connais à peine, mais je le sais curieux de tout et potassant ses sujets, même politiquement incorrects. N'est-ce pas lui, en effet, qui a ouvert son antenne, à plusieurs reprises, aux tenants de la thèse "Alésia-Jura" (à Danielle Porte, en particulier), qui scientifiquement parlant réduit à néant l'Alésia-Bourgogne inventé de toutes pièces pour la gloire de Napoléon III (hélas il y a les certitudes scientifiques, et puis les formidables enjeux économiques) ;

- la seconde concerne le sieur Franck Ferrand (non, je ne me répète pas, méchants lecteurs !). Je n'ai pu, malgré moi, m'empêcher de le comparer à deux de ses confrères ayant traité du même sujet ; d'une part, Jacques Pradel (RTL, L'heure du crime, 1er mars 2012), et Patrice Gélinet d'autre part (France-Inter, 2000 ans d'Histoire, l'Affaire Dominici, 29 novembre 2004). Ferrand l'emporte largement sur Pradel, mais enfonce complètement Gélinet. Bref.

C'est assez dire qu'on sera très indulgent sur les quelques erreurs (lapsus ?) qu'il a pu commettre ("dès le 7 septembre 1952, Gustave est condamné..."), car en gros il connaissait son sujet... mieux que ses invités, ce qui est un comble !

 

Et pourtant, que l'émission avait mal débuté, avec les sempiternelles ritournelles, "l'Affaire de Lurs demeure un mystère... ce dossier reste une énigme après six décennies... c'est un mystère absolu (sic) pour les initiés autant que pour les profanes". Eh bien non ! En tant que modeste initié, je m'inscris en faux contre ces billevesées, sans cesse colportées de journalistes en journalistes, et d'émissions en émissions ! Ça partait mal, dis-je, avec un extrait d'interview du Tave par Paul Lefèvre (l'un et l'autre, lamentables, mais au moins il n'y a qu'un assassin dans le couple, du moins je le présume).

Quant aux deux intervenants, je leur en veux à mort : ils m'ont obligé à me lever de ma chaise, et à courir à ma bibliothèque, l'un parce que, soi-disant il avait mis un point d'interrogation après "c'était une affaire de famille" (non, d'exclamation, ce qui n'est pas la même chose) ; l'autre s'enorgueillissant d'avoir attentivement lu "pas mal de choses", et en particulier "les 450 pages du bouquin de Sébeille" (hélas, il n'y en a que 313). Mais ceci n'est vraiment rien à côté des énormités que nous avons dû subir de la part de l'un comme de l'autre invités.

Et je vais risquer une troisième remarque : heureusement que Ferrand n'a pas fait polémiquer ses deux invités, sinon Deniau aurait été enfoncé, comme il l'a été à de nombreuses reprises, précédemment (contre G. Collard, contre Ch. Charret, contre W. Reymond...). Qu'il nous insupporte, avec son ton larmoyant, ses phrases non terminées, ses approximations et ses inventions qui résultent, au vrai, de sa méconnaissance du dossier. Pour défendre la thèse de la vérité, nous aurions besoin d'un debater davantage pugnace, et surtout connaissant un peu mieux son sujet !

Et maintenant, passons au florilège - qui ne vise pas à l'exhaustivité, loin de là.

Deniau parle tour à tour de l'influence des communistes (exact), du "nombre incroyable d'armes échangées par les soldats américains" qui montaient à Grenoble (l'incroyable, c'est le nombre d'armes anglaises parachutées, qui ont pour l'essentiel permis aux communistes d'abattre leurs adversaires - français), du tour d'arrosage, qui avait lieu une fois par mois (la sécheresse provençale, connais pas), du dernier jour des moissons (dont on a abondamment parlé, mais dont il n'existe AUCUN commencement de preuve : c'est donc une fiction), du train qui passe à sept heures, le lendemain (et celui du soir, alors ?) ; il ajoute : à La Grand'Terre, tout le monde était là (???), Sir Drummond s'est marié (non, remarié) avec l'une de ses élèves, de vingt ans sa cadette (non, 13 ans), Gustave arrête un cycliste (!!!), Jean-Marie Olivier [mais on sait infiniment gré à Deniau d'avoir rappelé la très récente disparition du "premier témoin"], lorsque les gendarmes arrivent, tout a été bouleversé (Deniau parle même d'un car de touristes ! Tout cela est absolument faux ! Si bouleversement il y a eu, c'était du seul fait du Tave), Gaston était père de huit enfants (non, neuf), Girolami est bombardé Commissaire... Deniau nous refait aussi le coup de l'allée, il ressort donc Giono de la naphtaline (malheureusement, aucun des journalistes présents, pourtant attachés très souvent au mot-à-mot de Gaston, n'a rapporté cet incident), et puis il accélère le rythme : "après les aveux, il y a un procès aux Assises (tiens, je croyais qu'après l'enquête de police, commençait l'instruction proprement dite ! En tout état de cause, entre les "aveux" du Patriarche, et le procès d'Assises, il s'est écoulé toute une année : 14 novembre 1953-17 novembre 1954).

 

 

Le "dialogue" s'interrompt alors, pour nous permettre d'entendre un scoop (personnellement, je ne l'avais jamais ouï, il est vrai que c'est inouï) : le Tave et son épouse réagissant à l'annonce de la contre-enquête, l'un pour dire, "nous demandons que la vérité éclate", l'autre, en remarquable perroquet, pour renchérir : "nous souhaitons que la vérité éclate". Sacrés farceurs, dans cette tragédie ! L'annonce de cette nouvelle enquête est alors l'occasion, pour Deniau, de nous sortir une nouvelle énormité : les policiers parisiens ont procédé à une audition de dix heures du condamné à mort ! Je me demande s'il s'écoute parler, parfois...

Est intercalé un nouvel interlude, mais cette fois on nous lit un texte de Marcel Montarron (excellent connaisseur de l'affaire, on ne le cite pas suffisamment) qui nous montre à quel point Gaston était comme une anguille entre les mains de Chenevier. Enfin quelqu'un qui dit quelque chose de sensé !

Et puis, toujours selon Deniau, gracié, le père Dominici revient à La Grand'Terre (mais pas du tout ! La mesure de grâce stipulait que le département des Basses-Alpes lui était interdit ! Et c'est par dérogation spéciale qu'il a pu vivre un temps, successivement, auprès de deux de ses filles) ! Et notre journaliste, qui n'a pas fini de nous étonner avec sa connaissance du dossier, continue de plus belle : "Paul Maillet a accusé Gaston" (!), "la Rock-Ola appartenait au petit-fils" (ça c'est encore un scoop, ou je ne m'y connais pas), "la petite fille a été tuée trois heures après ses parents, c'est prouvé" (eh bien non, ce n'est pas prouvé du tout, c'est même une pierre d'achoppement entre médecins). Enfin, notre éminent journaliste assène le coup de grâce : Lady Drummond a été tuée la première, et deux armes ont été utilisées, dont un fusil Garand (celui d'Aimé Perrin, alors ?). On pensait qu'il allait en rester là, mais non, il a continué : "les Drummond sont partis de l'Hermitage, où ils avaient pris le thé" (bien sûr, des Anglais !)...

 

 

En définitive, aux incroyables à-peu-près et autre fables de Deniau, je préfère carrément les gros sabots mensongers de Boutron, les "incohérences" qu'il souligne, comme le campement improvisé des Drummond : "qu'est-ce qu'ils foutaient là ?", s'exclame-t-il avec une exquise délicatesse (on attendait même qu'il nous parlât des "crevés"), "c'est une question fondamentale". En effet, et dont le corollaire obligé est : pourquoi, l'année précédente, le Tave avait-il invité les Morin à quitter l'endroit où ils campaient, pour venir s'installer, précisément, sur l'enclave des Ponts et Chaussées ? C'est une autre question fondamentale !

Quoi qu'il en soit, ce Boutron-là a soulevé, à partir de sa lecture attentive du texte de Sébeille, une autre question fondamentale, ou plutôt une réponse qui ne l'est pas moins : Sébeille était raciste. Vous avez bien lu. Et Deniau, au lieu de relever l'énormité de ce qui vient d'être proféré (plus un mensonge est gros, plus il a de chances d'être cru), de renchérir : "Sébeille était un anti-communiste primaire". Et ta sœur, Jean-Charles ? Je vais te le dire tout net : tu commences à nous les briser menu, et sérieusement : alors, dorénavant tais-toi ! On attendait Jean-Charles, et ce fut Franck qui riposta immédiatement : "pour autant, les charges tombent-elles ? Cela suffit-il à exonérer les Dominici ?"

Un ange passa, et Boutron poursuivit sur Sébeille, qui s'était paraît-il arrêté pour déjeuner, car rien ne pressait selon lui (!) et qui est arrivé sur les lieux en fin d'après-midi ! Voilà bien un Monsieur qui a "lu pas mal de choses"... Alors, à ce comique grossier et suffisant, en même temps que très insuffisant, à cet auteur du téléfilm scélérat, j'ai envie de lui hurler : ta gueule !

 

 

Franck Ferrand, Europe 1, Au cœur de l'histoire, l'affaire Dominici , 15 octobre 2012 (invités : Pierre Boutron et Jean-Charles Deniau)

 

 

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