ou l'Affaire Dominici vue par Me Collard...

 

 

I. Introduction

 

Il faut y revenir sans cesse. Et en ce jour-anniversaire, qui plus est.

L'année dernière, deux témoins s'en étaient allées, l'une fille et l'autre bru du Patriarche, qui le défendirent avec acharnement.

 

 

 

 

Et on se souvient sans doute qu'à la barre du tribunal même, le 20 novembre 1955, la fille de l'accusé faillit griffer son frère Clovis, qu'elle agonit cependant d'injures. Celle-là même qui, après la confrontation "orageuse" du petit-fils Roger Perrin et de son grand-père, fut opposée à son père, sans résultat.

 

 

 

 

C'était il y a bien longtemps... Et la France venait de dire adieu à l'épouse du Président d'alors, la si discrète et si digne Mme Germaine Coty.

 

 

 

 

 

 

 

 

Et les deux dont je parle, qui finissaient leur existence, se regardant en chiennes de faïence, dans le même établissement, s'en furent paisiblement à quelques jours d'intervalle, la fille, le 25 juin, et la bru, début juillet.

 

 

 

 

 

Aussi, on pouvait imaginer qu'un répit allait être observé. Qu'on allait passer à autre chose. Mais non, cela repart de plus belle, et Me Collard revient dans la partie, qu'il n'avait d'ailleurs jamais quittée...

 

 

 

II. L'affaire, vue par Me Collard, sur "Planète Justice"

 

Maydia Production (émission en deux parties de 50 minutes, diffusée sur Planète Justice en mars 2009, puis cet été sur LCM - la Chaîne marseillaise).

 

L'avocat Collard, aux talents protéiformes, s'est mué en producteur de télévision, et nous propose une série consacrée à des affaires célèbres (Ranucci, le curé d'Uruffe, Marie Besnard, Dils, Raddad, Villemin, etc., "et bien d'autres affaires tout aussi médiatiques"), dont, bien évidemment, celle de Lurs. Émissions reprises sur la chaîne marseillaise LCM.

On ouvre cet énième récit de l'Affaire Dominici sans précipitation mais, il faut le dire, avec prévention. En effet, le seul nom de Collard, imprimé au générique - qui plus est comme maître d'œuvre de l'émission - est susceptible de donner des boutons à plus d'un passionné de cette tragédie, tant le personnage lui-même, incarnation vivante de la mauvaise foi et du battage médiatique, sait en toutes occasions se montrer odieux. Et puis, on n'oublie pas le " combat " qu'il a conduit antérieurement au nom d'Alain Dominici, pour tenter de réhabiliter le vieux criminel.

Et cependant, la curiosité l'emporte sur les réticences car c'est la première fois, sauf erreur, qu'un "collègue de Sébeille" est présent à l'appel : il est sûr qu'à lui, on ne pourra pas faire avaler n'importe quelle sornette. Hélas, par le seul fait du cher Maître, les promesses ne sont que très partiellement tenues. Car la vedette - dont les gros plans sur le visage ne nous laissent rien ignorer de son col de chemise ou de ses sourcils broussailleux - c'est incontestablement lui (cela vaudrait d'ailleurs la peine de chronométrer son temps d'intervention, qui occupe vraisemblablement la moitié, au moins, de l'émission), et non le sujet qu'il est censé traiter. Sujet pour lequel il s'est assuré le concours, outre du Divisionnaire déjà cité, de divers spécialistes des sciences humaines et… d'un syndicaliste CGT membre de la LCR, ce qui en fait, à l'évidence, un fin connaisseur de l'Affaire qui nous occupe.

J'ai écrit : le sujet qu'il est censé traiter. Car on s'aperçoit rapidement que Collard, qui joue les Alain Decaux sans en avoir ni le talent (cela, c'est évident), ni surtout la culture, ne connaît pas le dossier, ou alors, très superficiellement, et dissimule ses manques patents sous des effets de manche. S'agissant de la forme en effet, on n'en finirait pas de relever que sous un ton sentencieux (une ténébreuse affaire ; Gustave, d'un pas lourd, longe la Durance ; hisser cette affaire au rang d'une tragédie antique), et des inventions intéressées (Gaston est atterré quand il apprend ce qui s'est passé - oui, les crevés ! -, on lit sur son visage une vraie consternation), notre auteur cache des expressions pour le moins déconcertantes (Sébeille fait du fétichisme judiciaire ; la furibonderie de l'enquête ; une reconstitution déconstructive), mais aussi des erreurs bénignes (Gaston à la recherche d'un raton laveur, le père Lorenzini) ou nettement plus conséquentes (Le Dr Dragon saisit un morceau de la crosse, la potion Drummond qui a été administrée à tous les déportés - eh bien non, pas à tous, loin s'en faut -, les Drummond campaient sur sa terre, Paul Maillet originaire du Vaucluse !). À tout le moins, si l'idée de présenter un dessin "animé" pour montrer les trajets des uns et des autres autour du campement (à ce sujet, celui qui est prêté à Faustin Roure est parfaitement inexact) est intéressante, en revanche, l'émission ne comporte aucune "image d'archives animée" (et l'Ina alors ?). Bref, on sent quand même le documentaire sans grand moyen fait avec des bouts de ficelle… Que retiendra le spectateur lambda, déjà passablement troublé par le téléfilm scélérat de TF1 (diffusé en octobre 2003) ? Comment pourra-t-il établir la balance entre la parole de l'avocat hyper-médiatisé et celle du haut fonctionnaire de police ? Le procédé utilisé en l'occurrence est plus que maladroit : il est à l'évidence malhonnête.

En effet, et c'est le côté le plus atroce du document, Collard n'a pas renié grand-chose de ses "combats" antérieurs (lorsque, par exemple, il osait bousculer le juge Carrias et lui arracher le micro des mains), quand bien même son propos est aujourd'hui davantage policé, on n'ose écrire nuancé. Et sa remarque, qui en dit long sur le toupet du personnage, "Chapus et Domenech ont perdu toute objectivité" montre que l'hôpital continue cyniquement à se moquer de la charité.

C'est assez dire que s'agissant du fond, il faut être très informé de l'affaire pour percevoir que les interventions du policier, trop brèves, tronquées et constamment contredites par les propos de Collard ou du syndicaliste, sont un fort utile contrepoids aux rengaines et affabulations des révisionnistes, tant le montage est habilement "serré".

Car ces interventions, pour capitales qu'elles soient, ne suffisent hélas pas à contrebalancer l'effet Collard, omniprésent derrière les documents présentés (et j'ai cru apercevoir quelques discrets emprunts à mon site, mais oui), dont certains sont à contretemps (on nous fait voir Chenevier et Carrias au début de l'émission - il est par ailleurs question du procès d'assises, et on nous présente une photo du procès en correctionnelle, lequel se tint deux ans auparavant) ou destinés à tromper l'œil peu averti (on tente de nous présenter les lieux actuels comme étant ceux d'origine en donnant des tons sépia aux images, ou encore on nous fait faire un rapide passage dans la cuisine actuelle, qui n'a rien à voir avec celle de Gaston Dominici).

Collard nous enfume avec le coup du vélo rouge, allant jusqu'à traiter Zézé Perrin de "petit délinquant" (d'où a-t-il sorti cette énormité ?) et risquant à son sujet une réflexion du plus haut comique involontaire (" Perrin, c'est quand même un homme qui a menti" - on pourrait lui demander ce qu'il en fut des autres). Et qualifiant Paul Maillet de voleur - mais le créditant du dynamitage du "Pont Mirabeau" (sic. Autrement dit, la Seine et nos amours ne coulent plus en dessous !), entonnant à nouveau la scie de la ville contre la campagne, et le refrain bien connu " Sébeille a décidé de se payer le clan Dominici ", pour ne rien dire du sempiternel et trop facile "Jamais le Général de Gaulle n'aurait gracié un assassin d'enfant". Ou encore en lâchant innocemment ( ?) un "cette contre-enquête évidemment aboutira à un non-lieu", sans que l'on puisse se faire une idée de la signification de cette évidence… Et il faut se garder d'oublier que, pour un peu, le médiatique avocat nous donnerait à croire que l'épisode Bartkowski a été laissé de côté parce qu'il a surgi seulement au moment du procès, alors que c'est deux ans auparavant, en pleine instruction, que le commissaire Gillard a été alerté, puis a rendu son rapport négatif, après avoir enquêté sur place (octobre-novembre 1952).

Enfin, l'argument-massue de Collard est celui du doute, ficelle d'avocat bien connue, comme le célèbre "le dossier est vide", utilisé chaque fois qu'il est accablant pour le client. J'ai par ailleurs à ce sujet rappelé l'opinion autorisée de l'avocat général Bilger, je n'y reviens donc pas. Surtout que, pour douter, il faut qu'il y ait de solides raisons à cela ; or, rappelons que le vieil assassin a été condamné à l'unanimité, ce qui donne à penser que les jurés s'étaient forgé une conviction intime particulièrement solide…

Bon, demeurera un jeu de ping-pong complètement pipé, comme dit plus haut :

"Le mobile n'a pas été découvert", affirme Collard.

"C'est la colère" dément immédiatement le policier. On n'ira pas plus loin dans la joute. Dommage.

"Je le crois coupable", affirme le policier.

"Je le crois innocent" rétorque Collard, et c'est le mot de la fin. Hélas.

Mais qui donc est le coupable ? C'est le "petit délinquant", avance Collard en filigrane, et sans rire. Ben voyons. Un coup pour rien, donc. Et la grande perdante sera - une fois de plus - la simple vérité...