[Nous adoptons le mode chronologique d'exposition (mais ici dans l'ordre inverse) utilisé par le regretté juge P. Carrias dans son explication personnelle de l'affaire de Lurs]

 

"Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste : voilà ce que nous nous sommes proposé… Qui ne gueule pas la vérité quand il sait la vérité se fait complice des faussaires et des menteurs". [Charles Péguy, Lettre du Provincial, in Premier Cahier de la Quinzaine, première série]

 

 

I. Sur l'affaire de Plan-les-Ouates

 

- Michel Servan, Le crime du bâtonnier Jaccoud, Histoire Magazine, Crimes et Châtiments, avril 1965, pp. 3-16 [Synthèse écrite d'une plume alerte, agréable à lire]

 

- Jean Duché, Pourquoi Jaccoud a tué, Flammarion, 1960, 218 p. [Essentiellement le récit du procès, avec de succulentes batailles (voire déroutes) d'experts (ceux qui aiment la balistique seront comblés par la rouerie de Me Jaccoud). Duché est relativement sceptique sur la culpabilité du bâtonnier de Genève.
On retiendra son exergue, qu'il emprunte à L. B., la jeune femme par qui le scandale arriva ; elle est émouvante, et criante de vérité : "nous n'étions pas des êtres pour vivre béatement. On s'est posé des problèmes tout le temps, et quand il n'y en avait pas, on en cherchait". Sublime].

 

 

II. Sur l'affaire de Lurs, dite Dominici

 

 

Tout d'abord, sur le Net : les souvenirs si précis et si vivants, et même passionnants (ce texte d'une admirable clarté est extrait de l'ouvrage collectif "Dominici, de l'accident aux agents secrets", où il occupe les pages 15 à 55), de Pierre Carrias, juge de la seconde instruction (il n'est pas épargné - avec de gros sabots - par le "grand" Chenevier, il ne l'épargne pas en retour - avec une finesse, une élégance et une ironie délicieuses - et je vous laisse aller voir ce qu'il pense de Reymond) : le jugement louangeur sur Sébeille, c'est à lui que je l'ai emprunté. Ce jeune homme plein d'humour et de retenue (je ne pas s'il est d'extraction huguenote, mais il se conduit comme si) a l'âge ... de Gaston au moment des faits qui ont été ici rapportés (car né à Nîmes, si j'en crois le commissaire Chenevier, le 15 mars 1925) [note du 15 mars 2002 : comme je le signale sur mon bloc-notes, le juge P. Carrias est décédé à Digne, le 7 mars dernier, à l'âge de soixante-dix-sept ans. Ainsi disparaît le dernier des témoins directs. Les révisionnistes vont pouvoir s'en donner à cœur joie, hélas].

 

 

- Histoire - La Provence, automne 2019, n° 13. Faits divers, un siècle d'énigmes en Provence - 20 "Cold cases", dont L'Affaire Dominici, une histoire de famille par M.-F. Attard-Maraninchi. [Si l'on comprend bien, c'est chaque année que La Provence revient sur l'Affaire... Mais cette fois, on allait voir ce qu'on allait voir, "avec des documents inédits et des témoignages exceptionnels", en ne la confiant plus, pour la énième fois, à des journalistes ignares et copieurs, mais à une "vraie" historienne, une "ingénieure de recherche" (sic), une "attachée à l'Université d'Aix-en-Provence, une spécialiste de l'immigration corse à Marseille". On nous l'avait sortie de derrière les fagots et cette fois, on allait voir ce qu'on allait voir, il ne s'agissait plus d'un journaliste de rencontre à la culture bien mince.
Et on commence par copier le titre de l'ouvrage de Deniau-Sultan, et on donne à l'article un petit air d'Amérique... Et on affirme haut et fort que l'Affaire Dominici "conserve encore tous ses mystères" (alors, pourquoi faire un nouvel article, triste resucée de l'abondante et nulle sinon mensongère parution antérieure ?). On aperçoit les gendarmes relevant "des indices sur la voiture des Drummond" : las, ce sont les policiers de l'Identité, qui ont procédé à cet examen ; et pour ne trouver aucun indice, sinon des traces papillaires de l'infortunée famille. On apprend que d'emblée "Sébeille soupçonne Gaston, qui nie les faits" (rappelons que c'est Gustave qui a longtemps été dans le collimateur, et non son père - lequel a "nié les faits" un an plus tard, le 14 novembre 1953, avant de s'épancher dans le gilet de Guérino). On cite les thèses qui s'opposent, sans rien dire de leur caractère abracadabrantesque (Gaston couchant avec Lady D., Drummond agent secret). Notre historienne mentionne aussi les souvenirs de la Résistance, le sieur "Gustave, maquisard FTP" (rappelons qu'il fut "maquisard" de la onzième, sinon de la douzième heure !). Et assène que "malgré l'absence de preuves" Gaston fut condamné à mort. Absence de preuves formelles, je veux bien (on s'était appliqué, durant la funeste nuit, à les effacer ou à les faire disparaître) ; mais preuves indirectes, on en trouve à foison. Et puis, que cela plaise ou non, des aveux valent des preuves, pour ne rien dire de la dénonciation opérée par les enfants !
Et notre historienne de conclure qu'en juillet 1960, Gaston retourne dans sa ferme : c'est complètement faux, le département des Basses-Alpes lui ayant été interdit (mais il y a eu dérogation pour qu'il puisse vivre un temps auprès de l'une de ses filles) et que c'est alors qu'il devient "l'ami d'un moine bénédictin du monastère, qui a reçu sa confession" ! Allez, même pas la peine de rectifier, on voit quel article a été pompé... Tout de même, le Père Lorenzi, Gaston le connaissait depuis quasiment la guerre de 14...
Ce fort léger ensemble est noyé sous un flot iconique déjà vu cent fois ailleurs - à l'exception, peut-être, de cette photo montrant Me Claude Delorme (partie civile) conversant avec Jean Giono. Bien la peine de sortir une historienne du chapeau ! Et je songe à ce cher Du Bellay : "O beaux discours humains ! Je suis venu si loin,
Pour m'enrichir d'ennui..."
Article parfaitement inutile (pour ne pas être désagréable), en dépit de ce brevet d'historien(ne). Mais quelle pitié !
L'Affaire Dominici, cold case, vraiment ? Vous voulez rire ?]

 

- ***J.-Ch. Labadie, L'Affaire - Lurs, 4 août 1952, avril 2019. [La qualité de ce document exceptionnel exige qu'il soit "critiqué" à part !]

 

- B. Hautecloque,"Les grandes affaires criminelles non-élucidées", De Borée éditeur, 2019. [On peut légitimement se demander quel prurit les démange, tous ceux qui continuent à vouloir donner leur point de vue sur l'Affaire Dominici, en recyclant (avec moult erreurs) ce qui a déjà été dit cent fois auparavant. C'est la question, au demeurant légitime, que je me suis posée en ouvrant cet ouvrage récemment paru, dans lequel, au milieu de huit affaires, celle qui nous intéresse occupe une soixantaine de pages. D'autant que la Quatrième de couverture ne craint pas d'annoncer que "ce texte documenté [sic] permet d'en approcher tous les mystères". Promesse bien hardie pour ne pas dire hasardeuse, car voyons-y de plus près : l'auteur la "connaît-il vraiment", l'Affaire de Lurs ? Et nous permet-il d'en approcher tous les mystères ?
Disons d'emblée que B. Hautecloque a lu les bons auteurs, de J.-Ch. Deniau au Commissaire Vincent, auxquels il se réfère abondamment - ce qui devrait être un gage de sérieux et de précision, et en tout cas lui évite les écueils et les mensonges les plus éhontés. Et c'est vrai que le sous-titre - l'art d'embrouiller la vérité - dit assez quelle vérité l'auteur va soutenir. Las ! Il a lu également W. Reymond et E. Guerrier, auxquels il emprunte le pire, si je puis m'exprimer ainsi, surtout en ce qui concerne l'expert auto-proclamé, grand spécialiste de l'anachronisme, par exemple lorsqu'il le cite à propos du juge Périès qui... "fera montre de maladresse, sinon de légèreté en ne sachant pas ordonnancer les premières investigations... L'organisation même du dossier montre son manque de rigueur" (on avait oublié ces lignes d'anthologie, mais nous les remettre en mémoire ne fait qu'attiser notre indignation - ou alors, notre franche rigolade). De plus, Il pense faire acte d'intelligence en déposant son grain de sel à tout bout de champ, ce qui ne laisse pas de produire, quasiment à chaque page, une impression catastrophique d'amateurisme, de manque de rigueur, et de légèreté.
Donc, tout commence "au petit matin du 5 août" : un ouvrier est arrêté par un Gustave Dominici, "très ému" (J.-M. Olivier n'était pas ouvrier, mais conducteur d'appareils à l'usine de Saint-Auban. Passons). "L'ouvrier en avait déduit [de la déclaration de Gustave] qu'il s'agissait d'une noyade, comme il s'en produisait tous les étés. Les gendarmes ne virent pas de raison de traiter le cas comme une urgence. Résultat : il était sept heures passées quand un maréchal des logis et un gendarme arrivèrent sur place, plus d'une heure après que l'ouvrier eut donné l'alerte". Voyons cela de plus près. Olivier déclara que l'interpellation par le Tave avait eu lieu "vers 5 h 50". Il lui a fallu gagner Oraison, qui n'est pas à côté. Réveiller le gendarme de garde, interloqué. Prendre le temps de lui expliquer l'incident. Il a fallu que le gendarme de garde en réfère à ses collègues. Qu'ils prennent ensuite l'attache de leur supérieur, à Forcalquier. Il a fallu que ce dernier digère l'information, et y réagisse en envoyant en estafettes deux de ses subordonnés. Il a fallu que ces deux gendarmes prennent une motocyclette et se rendent sur place. On peut en conclure qu'aucun retard ne peut leur être imputé. Mais sans doute l'auteur souhaitait-il, en son for intérieur, que les gendarmes débarquassent à la Grand'Terre avant même la commission des crimes ?
Le cas Sébeille est traité avec moins d'animosité. Certes, le commissaire marseillais est, lui aussi, arrivé "bien tard", mais il a une excuse : s'il est arrivé en retard, c'est qu'il a dû, dans la matinée, se rendre tout d'abord à Berre, pour y "conclure" je ne sais quelle affaire urgente : à Berre ? Aberrant !
Poursuivons : "... Écartant, non sans mal, les badauds déjà nombreux, les gendarmes explorèrent etc. etc.". Reprenons le dossier, n'en déplaise à Giono : "Mentionnons qu'à notre arrivée à 7 heures 15, il n'y avait aucun témoin ou curieux" (Mieux encore, interrogé lors du procès de Digne, le supérieur hiérarchique, le capitaine Albert, déclara que lui-même était arrivé sur les lieux à huit heures ; qu'il n'y avait alors personne).
Poursuivons un peu, s'agissant du tout début de cette matinée : "Il régnait un désordre indescriptible, comme si le mistral avait soufflé dedans décrivit un gendarme, lyrique, dans son rapport". Que nous dit, là-dessus, le dossier ? "À l'intérieur règne un désordre indescriptible. Toutefois, parmi ce désordre, on remarque une valise en osier, etc. etc..." (cote B 8 du 15 août 1952). Et encore : "Le désordre constaté autour de la voiture laissant supposer qu'il peut y avoir eu vol, etc. etc." (cote B 35 du 31 août 1952). Le mistral, c'est dans la tête de l'auteur qu'il a dû souffler.
Et de même, un peu plus loin, on nous dit que "l'autopsie avait démontré qu'elle [Ann Drummond] n'avait pas eu de rapport sexuel au moins 48 heures avant sa mort". Au moins 48 heures avant sa mort : mais que signifie donc cette précision charabiantesque, qui n'a rien à voir avec les conclusions des Drs Nalin & Girard ? Tout est à l'avenant, tout serait à reprendre, jusqu'à ligne à ligne. Attardons-nous seulement sur quelques autres cocasseries.
- Nous voici en présence de Clovis, tombé à genoux devant la vision de la carabine que Sébeille lui a mise sous le nez : il dut subir dehors, au bord de la voie ferrée et deux heures durant, les assauts du Maigret marseillais, un "entêté brouillon". Et ils y seraient encore, tous deux, au bord de la voie ferrée, si un coup de téléphone de la Chancellerie n'était venu interrompre cette garde à vue improvisée en plein air... Mais c'est Gustave qui dut avoir chaud, alors ! Et que n'aurait-on pu apprendre en interrogeant aussitôt "Maillet, cousin des Dominici"...
- Et nous voici maintenant à Digne : Sébeille présente brusquement la Rock-Ola (c'est une manie du Commissaire, ou quoi ?) au Tave ! Lequel éclate tout aussitôt en sanglots, et c'est alors qu'il libère sa conscience...
- Justement, la fameuse Us-M1 ("elle vient pas de loin, cette carabine !", avait lancé Gaston à la cantonade, lors du procès de Digne), les policiers l'ont trouvée "rafistolée avec une plaque d'immatriculation du département" : diable, c'était donc plutôt un fourreau de transport ?
- Et voici que Gaston tempête, depuis son box : "Dis un peu avec qui tu étais couché dans la luzerne, et ce que tu y faisais" : quel joyeux drille que ce Gustave, qui folâtrait donc au milieu de la nuit dans son champ, avec on ne sait quelle jeunesse !
- Terminons ce tour d'horizon par une affirmation péremptoire : selon les deux policiers parisiens (Chenevier et Gillard, seconde enquête) "les véritables assassins des époux Drummond étaient Gustave et Roger Perrin qui, surpris alors qu'ils volaient leur appareil photo, etc. etc.." Que nous apprend le Rapport Chenevier, s'agissant de l'enfantouillasse : "Nous avons remarqué son aisance en face de chacun d'eux [Gustave, Yvette et Gaston], et la facilité avec laquelle il répliquait quand une affirmation lui était contestée... Il n'a pas hésité à dire, se comparant à Gustave, que n'ayant rien à craindre, il n'avait pas eu besoin de certificat médical pour échapper à un interrogatoire des policiers..."
En définitive, il s'agit là, à ma connaissance, du deuxième agrégé (après la délicieuse M.-N. Paschal qui, me suis-je laissé dire, me porte particulièrement en son cœur) à avoir tenté l'aventure de raconter l'affaire Dominici (et chez le même éditeur !) ; comme sa précédente consœur dix ans auparavant, mieux eût valu qu'il se fût tu.
Le grand Pascal écrivit un jour, à propos du grand Descartes, un jugement lapidaire et tellement injuste : "Descartes inutile et incertain". Mais s'agissant de l'ouvrage dont je rapporte ici le contenu, ce jugement tombe à pic. L'auteur parle de "beau gâchis" à propos de cette affaire ; qu'il se saisisse donc d'une glace, et s'y mire. Ce geste pourrait ne pas être inutile. Il paraît qu'il "consacre la plupart de son temps à l'enseignement". Si on peut lui donner un conseil, c'est de s'y consacrer à temps plein.]

 

- Le Figaro-Documents10 Affaires criminelles qui ont marqué la France, juillet 2018. [Ce hors-série de 127 pages grand format (19 x 27) regroupe, selon l'éditeur, "les 10 plus grandes affaires judiciaires françaises depuis les années 1950". Mais le seul nom du préfacier, l'avocat Éric Dupond-Moretti suffit à faire tiquer le lecteur moyen, épris de faits non biaisés plutôt que d'envolées plus ou moins lyriques. Et d'ailleurs, nous voilà d'emblée par le cher Maître avertis : "Beaucoup [d'accusés] ont été condamnés, quelques-uns ont eu la chance de pouvoir prouver qu’ils étaient innocents, d’autres l’ont crié sans être crus" [Allô, Gaston ?], écrit-il, n'omettant pas d'appuyer sur "les errements des enquêteurs" et "les jugements à l'emporte pièce". Que ne nous renseigne-t-il pas plutôt sur les odieux mensonges tarifés des défenseurs ?...
La préface passée, nous voilà en tout cas à même d'aborder - à tout seigneur, tout honneur - l'affaire Dominici. Ce chapitre est agrémenté d'une riche iconographie aux tons sépia - certes partout rencontrée depuis toujours - et surtout ponctué d'extraits des articles que le regretté Pierre Scize donna, à l'époque, au Figaro. Il y a au moins cela, fort heureusement. Car s'agissant du texte dû à la plume du sieur Chichizola (et je n'ai même pas l'envie de faire une vanne foireuse sur son patronyme), quelle cagade regroupant tous les poncifs depuis si longtemps dévidés, en particulier les élucubrations de Giono ! Certes, on pourrait - à la grande rigueur - laisser passer "Les Drummond plantent leur tente dans un champ", ou encore la très surprenante invention d'un "oncle lointain de Marseille" ayant soi-disant, le premier, affublé la Marie du sobriquet de "Sardine" ; mais comment ne pas réagir devant "dès le départ, l'affaire s'enfonce dans la confusion et l'à-peu-près", devant l'affirmation selon laquelle Gustave était un valeureux FTP (lui, recruté avec son frère cadet après le passage des troupes américaines, donc à la douzième heure). Et autres sottises. Et pas la moindre allusion à l'enquête Chenevier. Pour finir, naturellement, avec l'ineffable Alain Dominici...
L'enquête fut "confuse", dites-vous, Chichizola ? Mais alors comment qualifier la vôtre, sinon de merde ? Et dire que Le Figaro, votre patron, vous donne magnanimement du "grand journaliste passionné d’histoire et de faits de sociétés" ! Quelle chance vous avez, le ridicule ne tue pas...
Il y a trois mille ans, Homère parlait déjà de l'homme comme "animal... désespérant... farci de médiocrité". Nil novi sub sole... Contribution inutile et incertaine. À éviter.]

 

- * Fabrice Drouelle, France-Inter, L'affaire Dominici : une histoire de famille - Retour sur l'une des plus célèbres énigmes criminelles de l'après-guerre (6 avril 2017) [Au départ, on attendait plutôt une discussion entre Drouelle et son invité, le commissaire Jean-Louis Vincent (un peu comme dans L'heure du crime - février 2016 - avec Jacques Pradel, sur RTL). Hélas, avant de parvenir à ce point, il a fallu subir trente-cinq minutes d'un rappel de l'affaire contenant quelques erreurs de détail, assez nombreuses même (mais en définitive sans gravité) ; un rappel assez bavard pour ne pas dire verbeux ("les femmes ont le cœur dur, la parole secrète"...), il convient de le dire, entrecoupé d'illustrations sonores assez détestables (Brassens, "Celui qui a mal tourné", etc.), mais heureusement rehaussé d'illustrations sonores d'époque (avec trois brèves "interventions" de Sébeille soi-même), au cours desquelles on a ré-entendu le Tave s'illustrer tristement ("ils m'ont gardé quatre jours"...). Et qui s'achève sur une note parfaitement inexacte, même si elle est "jouée" par un ancien collègue de Sébeille : une dénonciation de la soi-disant mise au placard de Sébeille, une fois la résolution de l'affaire obtenue. Après cette bien trop longue introduction, enfin l'intervention du Commissaire : durant à peu près vingt minutes, ce dernier mit les pendules à l'heure, et de belle façon, nous faisant in fine part de son intime conviction.
Émission honorable (qu'on peut retrouver en podcast) et qui, selon moi, rattrape un peu toutes les sornettes (pour être charitable) que le service public a pu délivrer depuis de nombreuses années sur l'affaire Dominici, et que je me permets de rappeler ici :
- France-Inter, "Rendez-vous avec Monsieur X, La chasse aux savants/cerveaux allemands, et l'Affaire Dominici", mai 1999.
- France-Culture, "L'affaire Dominici, un secret en Provence", octobre 2003
- France-Inter, "2000 ans d'Histoire, L'Affaire Dominici, 50 ans après la condamnation de Dominici", novembre 2004.]

 

- Antoine Bourguilleau, in Ça m'intéresse, janvier-février 2017 : "Qui a tué les Anglais de la RN 96 ?" [Ce journaliste se présente comme "passionné d'histoire". On se demande bien laquelle ; car parfois, on se prend à désespérer : quand donc nos journalistes seront-ils astreints avant d'écrire, à consommer quelques grains d'hellébore ? Et quand, bien davantage encore, devront-ils faire la preuve qu'ils savent lire, sans lunettes déformantes ? Telles sont les réflexions qui me sont venues à l'esprit tandis que je prenais connaissance d'un article rendant compte, en principe, de l'ouvrage que j'ai "critiqué" ci-dessous. Car je me suis demandé si l'auteur du commentaire disposait de toutes ses facultés lorsqu'il a lu "Affaire Dominici, la contre-enquête" du divisionnaire J.-L. Vincent : comment a-t-il pu, en effet, écrire sans sourciller : "Jean-Louis Vincent dénonce le travail bâclé des policiers de l'époque", et inventer à la suite "une flaque de sang le long de la route", quand bien même il note avec raison que dans cette tragédie, "les victimes passent à l'arrière-plan" ? Je m'interroge. Et le tout est à l'avenant.
Ainsi d'un, "très vite, les soupçons se portent vers une famille de paysans qui vit à proximité dans la ferme de la Grand'Terre" (sans doute est-ce pour donner le change que les policiers et gendarmes ont interrogé sur PV plus de 500 personnes - certaines, plus de dix fois ! - étrangères à la ferme !). Ainsi d'un "le trouble est tel qu'en 1957, le président Coty commue la peine de Gaston Dominici en détention à perpétuité. Puis en 1960, Charles de Gaulle, revenu au pouvoir, use de son droit de grâce pour faire libérer le vieil homme...". Et le mystérieux coup de grâce, qui permet de faire monter la mayonnaise : "L’Élysée savait-il quelque chose qui légitimait cette remise en liberté ?" On se prend à désespérer, vous dis-je. Encore n'ai-je pas parlé de cette "carabine USM1, vestige... des maquis de la Résistance". Ni de ce bouquet : "Coïncidence troublante : cette carabine a été utilisée par le réseau de résistants auquel a appartenu Gaston Dominici pendant la guerre" !!! (Rappelons que le PCF n'a jamais avancé que Dominici était un "ancien résistant"). Ni du fait que "Gustave, le fils craque après des mois d'interrogatoire" !!! Après des mois d'interrogatoire ! Je vous fiche mon billet "qu'après des mois d'interrogatoire", même le commissaire Vincent n'aurait pu résister !!!
Bref, on a l'impression de lire un compte-rendu complaisant du honteux libelle de Mossé. Ce qui est tout de même fort de café (arrosé de la "blanche" de Gaston)...
In fine, dans une colonne (sur six que compte l'article) le formidable travail du commissaire Vincent est assez bien résumé : il était grand temps ! Mais quel rapport avec les insanités qui ont précédé ?]

 

Histoire La Provence n° 3"Les grands procès de Provence", mars-avril 2016, Quinze affaires à la loupe. [Page 52 nous est annoncé "le mystère [on n'en sortira donc jamais ?] de l'Affaire Dominici". On apprend que cette affaire est "toujours mystérieuse, notamment avec la thèse d'un règlement de comptes lié à la Résistance" !!! Indécrottables, incultes journalistes ! Suivent neuf planches tirées de l'album "sombre et puissant" (!) de P. Bresson et R. Follet... Comment dire, dès lors, que le lecteur appâté reste très largement sur sa faim ? "Loupe" parfaitement inutile, donc.
Cependant, page 105 du même opuscule, on peut découvrir, en cherchant bien, une critique sympathique ("la contre-enquête constitue une véritable rupture"), si fort succincte, de l'ouvrage (à mes yeux définitif) du commissaire Vincent. C'est toujours ça.]

 

- Jacques Pradel, RTL, L'heure du crime (9 février 2016) Jean-Louis Vincent, Affaire Dominici : la contre-enquête [Eh bien ! Pour une surprise, c'est une surprise ! Me voici d'emblée cité à titre d'ami, voire de prédécesseur (dans la quête dominicienne) par l'invité du jour ! Sans doute est-ce cette annonce intempestive qui a fait perdre les pédales au maître de céans, lequel a présenté à ses auditeurs un "commissaire divisionnaire actuellement en retraite" (reprendra-t-il bientôt du service, en voilà une nouvelle désormais qu'elle est bonne !)... Mais Pradel ne s'en est pas tenu là, faisant bientôt allusion à "un éboulement du ballast" (fichtre !)... L'émotion, sans doute. Bref, un hôte sympathique - souriant et débonnaire - mais qui, systématiquement, interrompt son Commissaire d'invité ; lequel, montre en main, ne s'est pas réellement exprimé plus de neuf minutes : comment peut-on imaginer, dans ces conditions, autre chose que le dévidement de quelques banalités ? Car ce temps est fort peu de chose, même pour parler à marches forcées de l'Affaire Dominici !
Mais une autre remarque s'impose : l'Heure du crime devrait, comme son nom l'indique, durer toute une heure ; en réalité, à cause des incessantes coupures publicitaires qui sont le sang de la société de consommation, plus du tiers du temps imparti (22/60) a été consacré aux foutues "annonces", destinées à faire acheter aux sots des objets dont ils pourraient fort bien se passer. Ce qui fait que de nombreuses questions sont restées en suspens ("on y reviendra"), au nombre desquelles j'eusse adoré qu'on réglât son compte au pitoyable stalinien inventeur de l'expression "commissaire Tournenrond".
Bref, on est très largement resté sur sa faim, mais tout de même les révisionnistes et autres complotistes ne menaient pas le bal, ce qui est un point très positif. Comme la belle remarque, in fine, de Pradel : "c'est le plus beau dossier que j'aie lu sur cette affaire, et le plus passionnant". Ce sera donc le mot de la fin : oublions l'émission et courons nous procurer l'ouvrage dont la sortie a été le prétexte pour faire brièvement connaissance avec ce Divisionnaire "actuellement en retraite" !]

 

- **** Jean-Louis Vincent, Affaire Dominici : la contre-enquête, Éditions Vendémiaire, février 2016, 672 pages. [THE BOOK. Je vais vous faire une confidence, vous ne la répéterez pas : j'ai lu par trois fois, plume à la main, le dossier Dominici et ses annexes. Je crois donc le connaître un peu, et être en mesure, éventuellement, d'en parler. Je croyais, plutôt. Car la lecture passionnée de l'ouvrage que vient de commettre le commissaire divisionnaire Vincent m'a vertement signifié que ma lecture, eût-elle été particulièrement attentive, avait été par la force des choses celle d'un intellectuel "littéraire", point à la ligne.
Il fallait, je m'en rends compte aujourd'hui, le regard d'un homme de la "Grande Maison" (comme disait Charles Chenevier) pour tirer la quintessence de cette tortueuse affaire, pour remettre de l'ordre là où trop souvent régnait le chaos, bref pour mettre en perspective la banale réalité des multiples événements, interrogatoires, mensonges et autres revirements. Autrement dit, pour la clore. Enfin Vincent vint ! Car c'est une affaire quasiment toute neuve que j'ai (re)découverte, débarrassée - avec quel talent proprement pédagogique ! - sans trop y toucher de toute la gangue qui l'obscurcissait : il faut faire la discipline comme on balaie, disait Alain - j'y ai repensé en appréciant la façon discrète et élégante dont le Commissaire renvoyait à la niche chiens galeux sinon vénaux, et roquets sans envergure, et à l'étable tout un tas d'ânes bâtés et, trop souvent, malhonnêtes - tout en bétonnant autour de La Grand'Terre. À ce propos justement, comment faire l'impasse sur la magnifique couverture, dont l'origine est un tableau peint par le propre frère de l'auteur, professeur d'Arts plastiques ! Ces couleurs sombres projetées sur les bâtiments de la ferme sont comme une fulgurante préfiguration du misérable tas de secrets se trouvant à l'intérieur...
Arrivé à ce point, mais ce qui suit n'engage évidemment que moi, il m'a paru lire en filigrane, dans cet imposant pavé, autre chose que ce qui y est rapporté. Je me permets de faire appel à ces quelques lignes de Pierre Scize (in Au grand jour des assises, p. 324) : "M. Sébeille avait pour lui une honnêteté certaine. Je ne prodigue pas cet éloge à tous les policiers. C'est leur métier qui veut cela. Mais pour Sébeille, il était évident que tout devait s'être passé à peu près ainsi qu'il le disait. Quelle que soit la raison qui l'amena à jouer correctement, il l'a fait". En réalité, il m'apparaît maintenant que Sébeille, de conserve avec Périès, avaient de longue date débusqué les assassins ; ils ont ensuite tout fait pour éviter au Tave le couperet de la guillotine (car, jeune papa ou pas, à l'époque il n'y aurait eu pas le moindre quartier - certes avec Chenevier, ça aurait tourné tout autrement) : ces types étaient des gens bien, et davantage encore, et certains minables se sont permis de les agonir d'injures et de leur cracher dessus ! Triste époque, vraiment, où les assassins peuvent impunément tenir le haut du pavé, et traiter leurs victimes de "crevés" ! Où la sainte alliance des cyniques, des hystériques intéressés et des professionnels de la compassion réussit à berner le bon peuple !
Quoi qu'il en soit, cet ouvrage est comme un commencement : on ne pourra désormais plus gloser sur l'Affaire Dominici sans se référer à lui, sauf à poursuivre dans la malhonnêteté intellectuelle, si souvent convoquée depuis soixante ans et plus ; le début 2016 aura marqué la parution de l'ouvrage de référence sur notre affaire : Vincent mit les ânes dans le pré, s'en vint dans l'autre (combien y a-t-il de pieds et d'oreilles ?). Case closed. THE GOOD BOOK, vous dis-je].
P.S. - Sous le lien suivant (vimeo.com/155522347), on pourra trouver une interview de l'auteur, effectuée sans flagornerie par un journaliste honnête et connaissant son sujet [Lien mort, hélas].

 

- ** Patrick Schmitt et Pauline Verdu, Des crimes presque parfaits : l'Affaire Dominici. Cette émission de 55' est passée à plusieurs reprises sur la chaîne Planète + Crime Investigation, en décembre 2015 [Après une entrée en matière bien longuette, passant par le Musée de la Préfecture de Police de Paris, l'enlisement français dans la guerre d'Indochine, le couronnement d'Elizabeth II et la canicule à Paris, on arrive enfin au fait, avec un certain nombre d'intervenants, dont deux principaux (pour certains autres, on se demande d'ailleurs ce qu'ils fichent là).
Pour une fois, Jean-Charles Deniau, qui avait dû revoir l'Affaire avant de se soumettre à l'interview, n'a pas proféré de grosses sottises, comme lors de ses apparitions précédentes ; il fait assez correctement le tour des fausses pistes. Ce qui nous a donné l'occasion de revoir des extraits de son téléfilm (Cf. infra l'examen critique de Deniau & Sultan, Documents & Débats : "l'affaire Dominici, ses mystères, ses impasses, ses mensonges", Odyssée, 28 novembre 2003) ; on aperçoit avec grand plaisir la bouille tellement sympathique et ouverte du "premier témoin", le regretté Jean-Marie Olivier, s'il faut se coltiner à nouveau les mensonges éhontés de la "belle Yvette". De nombreuses séquences sont aussi issues des archives de l'Ina, malheureusement on nous les passe de façon trop répétitive, ce qui finit par lasser.
Deniau partage la vedette de l'émission avec un nouveau venu (pas tout à fait, car j'avais déjà apprécié et commenté comme il se devait sa prestation dans l'émission de Me Collard, "Coupable hier, coupable aujourd'hui ?", diffusée sur Planète Justice en mars 2009), un Commissaire divisionnaire honoraire (qui nous prépare, entend-on, un ouvrage sur l'Affaire) dont les explications sur les lieux mêmes du forfait, sereines et claires, tombent comme le merlin du boucher sur les complices que vous savez. Et j'ai irrésistiblement songé avec une certaine tendresse, en l'écoutant, lui dans la plénitude de ses moyens, à une séquence bien ancienne (c'était début juin 1994) au cours de laquelle on pouvait voir le "Maigret marseillais", vieilli et peu alerte, raconter au même endroit son affaire Dominici... en commettant quelques erreurs...
S'il a été question incidemment, par le truchement de la voix chaude et grave de Tom Novembre, du téléfilm "très controversé" de Boutron, il a fallu entendre, à plusieurs reprises, l'affaire des "balles non percutées" (!), et j'ai noté au passage une petite erreur : les auteurs faisaient sortir Gustave, en décembre 1952, de la prison d'Aix, alors qu'il avait subi sa peine à Digne, et qu'Aix ne fut en cause que pour l'appel interjeté par ses avocats - pour ne rien dire de l'énormité consistant à faire "disparaître" le condamné à mort en 1959 ! Enfin, je pense à part moi qu'il n'est pas bien d'avoir exposé, par deux fois, les visages figés dans la douleur des deux parents suppliciés.
Jusque là, il s'agissait donc d'une émission honnête ; à mon sens, un élément au moins a fait défaut : rien n'a été dit de l'histoire, capitale, du collier pour plaque à vélo vendu à Oraison par Joseph Chauve, qui servit à réparer l'US_M1. Certes, en un temps si court, on ne peut tout dire : il n'empêche...
Mais patatras ! La parole fut in fine donnée au petit-fils, si vieilli lui aussi, dont on ne saurait se passer de l'oracle, n'est-il pas vrai ? Et allons-y pour le "culte de l'innocence", pour le fait que les Dominici n'ont "rien vu ni rien fait" et, cerise sur le gâteau, qu'on "les a obligés à mentir" [sic]. Je rappelle ici la forte injonction du Commissaire Chenevier : "s'il est un devoir que le clan Dominici devrait rendre aux trois victimes de Lurs, c'est le silence". Alors, devant tant d'impudence, je me suis mis, je ne sais pourquoi, à évoquer en moi l'Apocalypse de Jean, 21:8.]

 

Guy Konopnicki, Gaston Dominici, assassin ou victime de la haine de classe ? Série "les crimes français", 3/6, Marianne n° 954, juillet-août 2015 [Dès le début, le ton est donné : Gaston "a déchaîné les passions politiques et le crime demeure toujours un mystère". Et "ces paysans pauvres [de Lurs] ont été de toutes les révoltes rouges, de l'insurrection contre le coup d'État de Napoléon III à l'organisation des FTP dans la résistance à l'occupation allemande". Bref, on va voir ce qu'on va voir, et ce sera rouge.
Apparaissent les Drummond : leur bivouac s'effectue "non loin de la Basse-Terre" (vous allez voir qu'ils vont finir par nous situer le triple crime en Guadeloupe !), tandis que l'auteur ressuscite le "canard" de la réunion de la fin des moissons (une "soirée tardive" qui s'achève à 21 h 30 !!!). Bref, ce journaleux communiste (ça, on l'avait deviné) nous sert des Salades russes à l'ancienne (allusion à l'un de ses bouquins qui, c'est injuste et fou, mais que voulez-vous, n'a pas fait date).
Quoi qu'il en soit, c'est Gustave "qui découvre les cadavres, en remontant" (en remontant d'où ? On ne le saura pas). Mais la suite vaut son pesant de reymonderies : "il n'a pas le temps d'enfourcher sa moto pour aller avertir la gendarmerie. S'il est aux champs à 5 h 30, c'est pour travailler !" Faut-il s'indigner ou éclater de rire, devant de pareilles fables ?
Poursuivons cependant la lecture : "La famille Dominici est presque au complet, mais ce n'est pas en raison du meurtre" (ah bon ?). Une vanne du canal d'irrigation a été mal refermée, ce qui a produit un éboulement. Il faut dépierrer et lisser (?) la terre" ; ce qui n'est pas faux, mais a eu lieu la veille, et ça change tout ! En tout cas, les gendarmes sont, à plusieurs reprises, tancés pour leur lenteur à réagir : tiens, ceci aussi vient tout droit de chez Reymond ! Les gendarmes, ces cachottiers et combien je leur en veux, ont découvert... je vous le donne en mille... des douilles provenant de fusils (au pluriel) de chasse ! Ah, on nous l'avait bien cachée, celle-là ! Et ça change tout, encore une fois... À l'époque, les fusils de chasse ne tiraient pas des cartouches de chasse, avec de bonnes bourres bien grasses, mais des munitions de guerre, voyez-vous ça. D'où l'expression "bourrer le mou"...
Et "l'affaire prend rapidement un tour politique" : ben, puisque c'est un journaliste communiste qui vous l'assure... Lequel nous apprend aussi que le Tave "a combattu dans les rangs des FTP, que son père a également soutenus" ; oui, pourrait-on me citer une seule bataille rangée (du genre de celles conduites dans le Limousin) dans les Basses-Alpes ? En tout état de cause, Gustave a "combattu", certes, mais pendant un mois et demi, et après le passage des troupes américaines venues de Fréjus-Toulon : il a fait le gardien de prison du côté de Forcalquier. On a les combats qu'on peut. Et pour un zélote du "parti des 75 000 fusillés", toute occasion est bonne de manier l'hyperbole.
Mais ce n'est pas tout, je vous annonce un "coup de théâtre" qui "se produit à la mi-novembre (de quelle année ?) : Gaston Dominici passe aux aveux, ce qui permet de faire libérer Gustave" (Gustave était donc emprisonné en novembre 53 ? Et nous l'ignorions !). Ce qui permet aussi de glorifier le pitoyable Chabrol, défendant un "Gaston Dominici, paysan victime de la haine de classe" (tiens, camarades, ce n'est plus la lutte des classes ?). Un Gaston qui a bien besoin d'être défendu car, tenez-vous bien, "la presse anticommuniste assène que Jack Drummond, agent britannique (on apprend par ailleurs que durant la guerre, il était "chargé d'analyser les données scientifiques recueillies par les espions" !), a été liquidé par Gustave et Gaston Dominici, obéissant à un ordre venu des services soviétiques". En lisant cela, il faut se pincer pour être sûr d'être bien réveillé... De même lorsqu'on nous rapporte "qu'un ami des Drummond affirme que le couple voyageait avec une importante somme d'argent", alors qu'on a lu tout le contraire dans les P.V. renfermant les déclarations des époux Marrian. De même enfin lorsqu'on apprend avec stupeur que "la cour d'appel d'Aix-en-Provence ordonne une seconde enquête... qui est aussi embrouillée que la première". Beaucoup moins, en tout cas, j'en porte témoignage, que le charabia mensonger que je viens de tenter de résumer. Surtout qu'on nous invente une troisième enquête, "qui souligne les incohérences des deux précédentes" : d'où le geste de De Gaulle. Qui accorde à Gaston "une grâce totale" : ah bon ? Je me demande pourquoi, alors, il lui était initialement interdit de paraître dans les Basses-Alpes, et pour une durée de cinq ans. Et pourquoi aussi il devait faire viser son "carnet anthropométrique tous les deux mois par l'autorité de police compétente"...
Un autre communiste, compétent, lui, dans son domaine (le professeur Marcel Cohen) qualifia un jour d'insanité un ouvrage qui lui paraissait bourré d'erreurs. Comment donc aurait-il désigné un article écrit à la hâte, sans avoir pris connaissance de la moindre des 760 cotes du dossier, et délibérément mensonger ?
Et puis j'ai un ami cher qui bosse à l'Ina : il me dit que de jour en jour, les journalistes baissent dans son estime ; il ne les désigne d'ailleurs que comme journaleux, dont il connaît bien tous les travers, et qui sont pour lui, à 90 %, des branquignols - des branquignols à l'ego démesuré, ajoute-t-il, et qui veulent en plus donner des leçons et dire au public ce qu'il faut penser. Tiens, c'est drôle, tout le portrait de ce Konopnicki.
Article à éviter, naturellement. Curieusement, le même hebdo avait publié dans son n° 279 (septembre 2002), sous la signature d'un certain Duplan, un article de la même eau : à se demander si les affirmations grotesques et invérifiées sont le genre de la maison...]

 

- Thibaud Teillard & Clémentine Vaysse, "Dossiers non élucidés et crimes mystérieux en Provence". Ouvrage paru en juin 2015 aux Éditions Ouest-France, Rennes. [Ceux qui ne savent rien du "crime légendaire" (comme le qualifient nos auteurs) et n'ont rien à dire au sujet de l'affaire Dominici se raccrochent systématiquement aux élucubrations de Giono, et les ressassent à l'envi. Rappelons donc - une nouvelle fois - que les fameuses phrases rapportées par Giono, il fut le seul à les entendre ; parmi les dizaines de journalistes présents - plus de soixante-dix, tous rompus à la prise de notes rapide - aucun ne les a perçues, ce qui devrait donner à penser à certains, mais on peut supposer que, justement, ils ne pensent guère.
Nous sommes donc en présence d'un énième essai de glose sur l'affaire qui "suscite encore de vifs débats" : certes, ce n'est pas avec l'examen critique qui va suivre qu'on peut espérer quelque débat que ce soit, même serein.
À tout seigneur tout honneur, voici justement le fils de la Grand'Terre : "Gustave reste sur le bord de la route à guetter leur [les "forces de l'ordre" !] arrivée. À quelques mètres est garée une voiture de forme canadienne... Le paysan ne s'en soucie guère". Voilà une affirmation bien gratuite qui n'est pas faite pour nous expliquer le "désordre indescriptible" que les "forces de l'ordre" (sic) ont constaté à leur arrivée... Donc, se pointe le gendarme Bouchier, qui se métamorphose en Brochier quelques lignes plus loin : "il arrive avec du renfort". On eût bien aimé qu'on nous dît lequel : des contingents de "forces de l'ordre", peut-être ? Mais on n'en saura rien.
Quant à Sébeille, il parvient très tard sur les lieux, après le départ des corps des malheureux Anglais en direction de Forcalquier. Alors, doit-on en déduire qu'il s'agit d'un fieffé menteur, pour avoir décrit la façon dont il avait perçu le petit cadavre à l'écart de ses parents... Ou doit-on affirmer, avec force, que le tandem Teillar-Vaysse est un ramassis d'ignorants ? Et de mauvaise foi, qui plus est, car ils ont fait fi des photos d'époque qui réduisent leurs affirmations à néant !
Donc, Sébeille n'aurait pas vu les cadavres en place. Soit. Et dès lors, il n'a pas pu voir l'éclat de bois fiché dans la nuque de la gamine ! Cet éclat est décidément à moteur flottant, comme la Onze de Sébeille : on l'a connu sous la nuque, à côté de la nuque. Pour varier les plaisirs, imaginons-le désormais, enfoncé...
Au passage, mentionnons une incorrection grammaticale : "une heure avant - nous apprend-on - le patriarche arrive sur les lieux du crime". Une heure avant quoi ? Eh bien, avant la rédaction par Romanet de son rapport de 8 heures. Comme cette arrivée ne peut revêtir la forme d'un présent de vérité générale (quoi que, avec cette famille, on ne sait jamais) et pas davantage celle d'un présent de narration (si on peut appeler narration le texte consacré à l'affaire), un plus-que-parfait (l'action étant accomplie) était nécessaire. Certes, broutilles de débutants...
Nos jeunes journalistes nous assènent aussi que les affirmations des Dominici sont confuses : pourquoi ne pas changer un peu de qualificatif, pour s'efforcer d'adoucir la réalité ? En tout cas, pour qui connaît - même imparfaitement - le dossier, le terme ne convient guère. Et même pas du tout. En revanche, il décrit parfaitement la manière d'écrire de nos pisse-copies.
Pour ne prendre qu'un exemple, on nous dit que Gaston fut conduit à Grenoble [le fait est, pour une fois]. Mais comme on ne nous explique pas pourquoi - je vais être méchant : nos bobardiers ne le savent pas non plus - nous restons sur notre faim, alors qu'il s'agit d'un élément de procédure parfaitement annexe, n'ayant rien à voir avec la commission des crimes ; et qu'il est dès lors parfaitement oiseux d'y faire allusion, dans un court texte de dix pages consacré à l'affaire.
Au fait, j'allais oublier ; et je me dois de vous rassurer : on n'a évidemment pas omis de nous servir Me Collard, l'ineffable petit-fils, leurs tapageuses et médiatiques demandes en révision... et W. Reymond, ses thèses et ses foutaises...
Et puisque j'en suis aux foutaises, je vais relever un foutage de gueule. Après nous avoir parlé des travaux de Chenevier-Gillard, nos auteurs essaient d'exécuter le juge Carrias, "persuadé de la culpabilité de Gaston" (mais Chenevier l'était davantage encore, jeunes gens), qui, ne tenant aucun compte de l'épais rapport clôturant la seconde enquête, a prononcé le non-lieu que l'on sait. Eh bien non ! Carrias a pris l'avis de Sabatier, et voici, pour votre gouverne, un extrait de la lettre (en date du 4 mars 1956) adressée par celui-ci à celui-là : "La thèse soutenue apparaît sur bien des points comme raisonnable. Il est permis de penser que beaucoup des affirmations contenues dans le rapport doivent être proches de la vérité. Mais aucune de ces conclusions ne peut être considérée comme utilisable devant une juridiction répressive à laquelle il faudrait, non des probabilités, mais des preuves. L'enquête n'ayant pratiquement pas avancé d'un pas... tout nouvel acte d'information paraît inutile". Faut-il vous l'envelopper ?
Mais in fine, voici que je lis, effaré : "Or il s'avère que le nouveau propriétaire de la Grand'Terre, s'adonnant à quelques travaux de maçonnerie a trouvé, dans une brique creuse, des balles [sic]. Elles correspondent". Elles correspondent à quoi ? Les auteurs n'ont pas daigné de nous le faire savoir, nous laissant sur notre faim.
Alors là, si vous permettez, les bras m'en tombent (je suis poli), et aussi mes "douilles de balles" (empruntons en souriant le langage châtié du juge Périès) de mes chargeurs US-M1, cependant d'origine ! Car il se trouve que cette histoire, je la connais de première main, si je puis m'exprimer ainsi. Un dimanche soir, il y a un certain temps, je reçois un coup de téléphone du sieur Deniau, dans un état d'excitation proche de la transe. Il me raconte la découverte qu'a faite, dans l'après-midi, le dit propriétaire durant ses travaux de démolition. Ça va faire une explosion, me confie-t-il, cette découverte sensationnelle, je vais l'annoncer lors de la présentation de mon livre à Digne (qui prit place, je le signale ici, le 26 novembre 2004) ! Alors, je le prie de bien vouloir appeler le propriétaire, de lui demander de mesurer les cartouches trouvées, et de me rappeler ensuite. Une demi-heure plus tard, le verdict était tombé, et l'enthousiasme du cher Deniau douché : ça n'était absolument pas des cartouches pour US-M1 (.30 Carbine, lg 4 cm), mais vraisemblablement des munitions allemandes (beaucoup plus puissantes que la . 30 de l'US-M1) pour Mauser (lg 8 cm). Ces choses-là sont rudes. Il faut, pour les comprendre, avoir fait des études. Mais surtout, s'informer et faire preuve d'un minimum d'honnêteté.

Bref, en un mot comme en cent, voulez-vous que je vous le dise ? Ce Teillard ne tire pas de Chardin [humour désespéré] ! Car de plus il ose, avec sa complice, nous sortir cette phrase, dont je vous laisse apprécier la délicatesse, et bien entendu l'élégance : "le crime de Lurs, rapidement renommé affaire Dominici, aura au final fait couler plus d'encre que de sang". Salauds !].

 

- Emmanuel PierratLes grands procès de l'histoire (de l'affaire Troppmann au procès d'Outreau). Éditions de La Martinière, 2015, 176 pages. [Abondamment illustré, cet ouvrage publié sous forme d'album traite de dix-huit affaires, Dominici étant la dixième (pp. 99-107). Elle est intitulée "Une affaire de famille", ce qui à la fois renvoie à l'opus de Deniau-Sultan, mais aussi annonce la conviction du rédacteur.
L'inculpé y est qualifié de "vieux paysan illettré", ce qui n'est pas tout à fait exact, et on nous apprend qu'au "moment des faits, il a 77 ans", ce qui ne l'est pas davantage, d'autant qu'on vient de mentionner sa date de naissance (1877) qui, elle, est exacte.
Par ailleurs, le texte de Pierrat parle surtout des journalistes ayant couvert le procès : le long paragraphe sur Pierre Scize, par exemple, n'a guère sa place ici, pas plus que celui consacré à Giono ; tout se passe comme si l'auteur n'avait pas grand-chose à dire, c'est du moins la désagréable impression du lecteur quelque peu attentif. Il aurait été tellement plus intéressant de ne pas multiplier les inexactitudes, depuis les Drummond "invités à Villefranche par des amis" jusqu'au "fusil en mauvais état", en passant par le Dr Dragon remarquant le pantalon en train de sécher (alors que c'était précisément le moment de rapporter une anecdote encore plus croustillante que celle du pantalon fraîchement lavé - et authentiquement vécue par Dragon, celle-là) et les deux fils "Clovis et Gustave, vivant tous deux sur l'exploitation". Bref, on tire de cette lecture l'impression d'une rédaction bien hasardeuse, un peu expédiée, sans grand souci de l'exacte vérité, laquelle n'était pourtant pas bien difficile à trouver.
Cependant, l'auteur ne s'attarde pas sur les "hypothèses secondaires... rapidement écartées au cours du procès" et croque bien l'affaire d'une phrase : "un cocktail détonnant d'aveux, de rétractations,de mensonges, d'incohérences et de doutes", ajoutant cette précision : "Si tout le monde, chez les Dominici, se tait par solidarité de clan, personne n'aime personne" ; et résumant le sentiment commun, au sortir du procès : "D'autres membres de la famille ont trempé dans le crime".
La chute est quelque peu surprenante, qui s'attarde sur le commissaire Sébeille, "quatrième victime - collatérale - " de l'Affaire Dominici. Voici donc le Maigret de Marseille "déclassé comme commissaire de la Sécurité publique" (affirmation qui ira droit au cœur des fonctionnaires de cette Direction !) [et qui] "n'obtiendra jamais sa promotion de commissaire principal".
Trop, c'est trop, voyez-vous ! Ouvrage à éviter (si toutefois les autres affaires sont mesurées à la même aune que "la nôtre" - ce qui est plus que vraisemblable)].

 

- ** G. Moreux, Mis & Tiennot, l'agitation face aux faits. Éditions AàZ Patrimoine, avril 2015, 228 p. [Le lecteur pourrait à bon droit s'étonner et m'interroger : que vient donc faire la présentation de cet ouvrage dans une bibliographie consacrée à l'Affaire Dominici ? C'est que, entre l'Affaire Mis & Tiennot, et celle qui nous occupe prioritairement, d'étranges similitudes apparaissent : assassins avinés, accusant la police de brutalités ; cadavre déplacé ; pantalons tachés de sang, et saisis (le Commissaire Sébeille n'était pas là pour conseiller à son adjoint Girolami de "s'occuper d'autre chose" !) ; dénigrement systématique des victimes et des témoins, allant jusqu'aux faux témoignages et aux voies de fait ; et par dessus tout, soutien inconditionnel du "Parti", désirant faire innocenter deux jeunes voyous assassins de sang froid (jusqu'à donner leurs noms à des places de village, ou des squares !), à telle enseigne que pas moins de onze fois, la Commission de révision a dû se prononcer (la dernière fois - pour l'instant - le 16 mars 2015). On notera, pour la petite histoire (j'allais écrire "médiocre"), la présence, aux côtés des assassins, de Me Le Trocquer,  future triste vedette des "Ballets Roses", pour l'heure encore auréolé par la descente des Champs-Élysées, le 26 août 1944, aux côtés du général De Gaulle ; cet avocat se permit d'insulter de façon ignoble le commissaire en charge de l'enquête, au motif qu'il aurait été pétainiste (comme s'il pouvait y avoir un rapport entre des opinions politiques supposées et une enquête de police) : à la stupéfaction du tribunal, il se fit vertement remettre en place par deux voix concordantes (et autorisées) venues de la salle ; mais aussi l'inévitable apparition de Me Collard, jamais en retard d'un scoop médiatique, auteur d'un ouvrage aussi fielleux que mensonger...
Mais ce qui est émouvant, c'est le trajet intellectuel d'un homme, Gilbert Moreux, longtemps convaincu de l'innocence de Mis et Tiennot - tant la chape de plomb stalinienne avait étouffé l'affaire (à cet égard, il est piquant de signaler que l'hebdomadaire Détective, plutôt classé à droite et c'est un euphémisme, se battit durant quatre années pour faire reconnaître le bon droit des "huit innocents" - les deux assassins et leurs complices -, sans connaissance du dossier bien entendu, mais tapant à bras raccourcis sur le "témoin à double face" Albert Niceron - cf. Détective n° 319 du 11 août 1952) - et qui découvre peu à peu, fouillant dans les archives, non seulement la sordide vérité, mais aussi toutes les bassesses commises à l'endroit des policiers, des gendarmes et des victimes. Salissez, salissez, il en restera toujours quelque chose !
Et Moreux, qu'on doit remercier chaleureusement (encore que son "écriture" soit bien rugueuse !) est bien seul, dans son courageux combat !].

 

- 60 ans après les faits, Jacques Pradel se penche sur ce drame familial jamais résolu dans l'Heure du Crime , RTL, 13 octobre 2014 [Déjà, le titre a de quoi hérisser l'auditeur moyennement informé. Et pourquoi revenir là-dessus - avec le même "client", qui est plus - alors qu'une émission récente (1er mars 2012) avait déjà abordé l'affaire Dominici ? Eh bien, Pradel nous sert la réponse toute prête : c'est "à la demande de nombreux auditeurs". À la bonne heure, donc ! Et je ne suis pas sûr que la mièvrerie qui a inondé l'essentiel de cette demi-heure soit le fait de l'animateur : mais de son "client" principal.
Car le premier acolyte du jour n'est autre que l'ineffable J.-Ch. Deniau, qui connaît encore moins le dossier que lors de la précédente émission (la mémoire, mon bon Monsieur, la mémoire qui fout le camp), manque totalement de présence et nous sort des bourdes incroyables - dont certaines, horresco referens, sont rectifiées par Pradel soi-même ! Est-il possible d'entendre sans frémir de pareilles pitreries dans la bouche de qui a "mené une contre-enquête", depuis "Olivier part au travail" (non, il en revenait) jusqu'à la distance de 107 mètres (par deux fois signalée) entre la ferme et le lieu du carnage, en passant par la confusion entre Police et Gendarmerie (et la "guerre des polices", sur laquelle on appuie à deux reprises), le dénommé Panayotou qualifié de "Grec qui était de passage" (!), un incroyable "C'est Clovis qui a dénoncé son père", et une allusion nettement plus incroyable à la fumeuse "opération Paperclip", largement inventée par le faussaire Reymond...
Faut-il en pleurer, ou en rire ? En tout cas, on en tirera la conclusion que le bouquin assez estimable de Deniau, il a en fait été rédigé par la belle Sultan, qui s'est tapé tout le boulot (puisse Deniau le relire attentivement, avant une nouvelle intervention !). Et l'émission s'achève sur le témoignage absolument affligeant de bêtise et d'aveuglement d'un correspondant de presse "ami des Dominici", parlant du "ratage complet de cette enquête". Encore un qui eût mieux fait de la fermer, mais bon...
Par bonheur, entre ces deux zozoteries, nous eûmes droit à quelques archives sonores (Chenevier, Batigne) non dénuées d'intérêt ; et surtout, à la mise au point ferme et musclée d'un Divisionnaire honoraire (qui nous prépare un ouvrage, paraît-il - il sera attendu avec le plus vif intérêt), qui, au téléphone et en un temps très court, asséna quelques vérités bien incontournables que le reste de l'émission avait, on se demande pourquoi, discrètement omises.
Le point d'orgue de cette intervention aussi tonitruante que salutaire, qui apporta dans l'émission tous les bienfaits d'un vigoureux coup de mistral chassant ici les miasmes pestilentiels du politiquement correct, fut la lecture en direct de la conclusion du dernier et long rapport (53 pp.) de synthèse pondu par Sébeille (25 janvier 1954), et que je n'hésite pas à reproduite ici, afin que nul n'en ignore : "... Gustave a eu un rôle après le crime et, s'il en est arrivé à achever la jeune Elizabeth, on s'explique encore mieux son comportement". Et toc !
Mais c'en était sans doute trop. L'homme de la Grande Maison, on lui coupa la parole ; évidemment, c'était comme par hasard l'heure, non du crime, mais de la pause publicitaire, tellement plus importante que la conviction d'un Commissaire, fondée sur une connaissance sans failles du dossier d'instruction. Non mais ! On n'allait quand même pas laisser gâcher cette émission de conformisme béat par un policier malotru !].

 

- Frédéric Valandré, Justice criminelle : dossiers brûlants. [Déjà auteur de France Intox, et de Justice : Mise en Examen, F. Valandré nous a habitués par le passé à regarder d'un œil neuf, servi par une formidable documentation, les avatars de la sphère judiciaire. Il revient à la charge avec un nouvel opus (mars 2014, aux éditions Tatamis) qui comblera tous ceux qui voudront le suivre dans son exploration au scalpel, nourrie d'abondantes notes de bas de page, de nombre d'affaires célèbres (je recommande en particulier son long développement concernant l'affaire d'Outreau). Certes, "notre" affaire n'occupe dans ce remarquable ensemble qu'une place fort modeste (pp. 77-80), mais quelle synthèse brillante et lucide !].

 

- Solène Haddad, Histoires vraies : affaires criminelles inexpliquées, 252 p., 2013 City, éditeur (Chapitre "Dominici, le pot de terre contre le pot de fer") [Le fait a souvent été souligné : c'est une gageure insensée que de vouloir traiter de façon exagérément résumée une multitude de "faits divers" plus complexes les uns que les autres afin de les faire "entrer" dans le même opus - cela a déjà été dit à propos de Les grandes affaires criminelles des Alpes de Haute Provence, de M.-N. Paschal.
Ici, naturellement, il ne sera question que des cinq modestes pages consacrées à l'Affaire Dominici - en espérant, mais n'est-ce pas vain, que le reste ne soit pas de la même eau. Car c'est véritablement une insanité qui nous est donnée à lire, et on peut s'interroger : cela vaut-il la peine de passer du temps à rectifier l'ensemble du texte ? C'est l'ensemble, en effet, qui est stupéfiant de légèreté - pour ne pas user d'un vocable plus assassin. Le résultat est d'autant plus désastreux qu'on ne reconnaîtra pas à cette dame l'excuse de "minorité" (que nous avions accordée il y a fort longtemps au faussaire William Reymond), elle qui, septuagénaire, aurait dû, avant de prendre la plume, se purger avec quatre grains d'ellébore. Aussi, si l'auteur(e) du "pot de terre contre le pot de fer" (antienne larmoyante qu'on nous a déjà servie à de multiples reprises) estime que le procès que vous savez "donne une bien triste image de la justice", le lecteur un tant soit peu informé de la réalité de l'Affaire Dominici éprouvera, au vrai, que cet inventaire à la Prévert, aussi hâtif que fautif, qui se doit d'être corrigé de ses énormités ligne à ligne, donne une bien triste image des capacités intellectuelles de celle qui l'a commis.
Et pour commencer, je me souviens de ce professeur de géographie - capitaine de réserve, il me terrifiait - qui nous apostrophait : "j'admets qu'on ne sache rien, je n'admets pas qu'on se contredise". Alors, la Durance, fleuve ou rivière, puisque les deux dénominations figurent dans le texte ? Je sais bien qu'en des temps géologiques fort anciens, la Durance, qui obliquait plein sud au pertuis de Lamanon, était un fleuve (Ah Zeus et la pluie de pierres protégeant son fils Héraclès des Ligures !). Mais aujourd'hui ?
Et puis, après qu'on nous a laissé entendre que le Patriarche et sa maisonnée étaient innocents, comment interpréter cette chute : "Il est enterré au cimetière de Pertuis [sic] ... avec tous les Dominici impliqués dans le meurtre sauvage des Drummond" ?
Et maintenant, si on reprend le texte dans l'ordre, on lit d'emblée que Gaston "croupit dans une cellule étriquée de la prison marseillaise des Baumettes" : en effet, en guise de cellule étriquée, il a toujours bénéficié d'un authentique deux-pièces, avec un gardien et un médecin à sa disposition, au grand dam de certains, dont le commissaire Chenevier ! Quant à la famille Drummond, elle "défile à toute allure sur la nationale 96". À toute allure, en effet, avec la "magnifique Hillman verte", dont la nervosité n'avait d'égale que celle de notre Frégate Renault, dont chacun s'accordait à considérer qu'elle se comportait comme un "veau" sur la route... Or, le "brillant diététicien britannique" est "fatigué" (dame, il a roulé sur au moins trente kilomètres !) ; en dépit des "prémices de la nuit [qui] se dessinent dans le ciel provençal", et comme il se trouve en face de "petits sentiers", dont l'un "monte vers le village de Lurs, [et] l'autre descend vers les rives de la tumultueuse Durance", il décide d'une halte pour aller visiter "ce bourg de caractère", qu'il "apprécie"... À la tombée de la nuit…
Bref, revenons à Gaston, dont la mémoire est très floue : il se souvient au moins qu'à "5 h 30, on a appelé son fils Gustave pour un éboulement de pierres en contre-bas de la ferme" - et comme le flou persiste, on ne saurait dire s'il s'agit de cinq heures trente de l'après-midi précédente, ou du matin de la découverte des infortunés voyageurs... Et tandis que le commissaire Sébeille est à cran - il ne sait pas ce qu'est un crime de sang, c'est bien connu à L'Évêché - on nous apprend que les "Dominici, qui résident à une centaine de mètres, sont les premiers à être descendus près de la Durance" (pour s'y baigner, sans doute ?).
Comme nous sommes pressés, passons immédiatement aux auditions, qui "vont durer tout l'été" (Sébeille et Constant ont fait le forcing en deux mois, vous ne le saviez pas ?) et conduire Gustave, avec l'appui de Clovis, à dénoncer son père. Lequel est interrogé par les enquêteurs, "ces gens de la ville". Et "c'était tellement dur, tellement éprouvant, alors oui, il [Gaston] a craqué et avoué le triple meurtre". Et à quel moment a-t-il craqué, le vieux sanglier : je vous le donne en mille : "au début des interrogatoires"... C'était sacrément dur, en effet...
Arrive le procès. Quel imaginatif, ce Rozand qui "n'hésite pas à digresser en présentant Dominici comme un rustre donnant dans la sorcellerie, un homme figé au Moyen Âge, un mage faisant appel aux forces obscures de la Durance". On vous l'avait cachée, celle-là, hein ? Et les "menaces du président Bousquet, qui ordonne à Clovis Dominici de se taire sous peine de l'incarcérer", qu'en dites-vous ? Une "bien triste image de la justice", non ? D'autant que, si les preuves "manquent", si les charges sont "faibles", les passions sont "déchaînées". C'est pourquoi, "afin de satisfaire la foule qui réclame vengeance, on condamne le vieux Dominici à la peine de mort". Tirez le rideau.
Heureusement, les "efforts des filles Dominici paient en 1960" : elles font plier le Général. Exit Jacques Chapus. Et Tante Yvonne.
Quoi qu'il en soit ce pauvre Gaston, malgré une mémoire qui le fuit complétement, "savoure d'avance la liberté qu'il va retrouver" ; pour le reste, "il ne sait pas, il ne sait plus. Les tourments sont derrière lui et bientôt il sera dehors". Peu importe, après tout, que les Drummond et leurs tourments soient à jamais dedans.
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- Au cœur de l'histoire, l'affaire Dominici, Europe 1, émission de Franck Ferrand (invités : Pierre Boutron et Jean-Charles Deniau), 15 octobre 2012 [le commentaire de cette émission est à découvrir sous ce lien : "Un Ferrand très ferré"].

 

- Le Figaro, 3 août 2012, "Soixante ans après, l'affaire Dominici reste un mystère" (Christophe Cornevin) [Au nombre des parutions de cette année 2012, la palme de la mauvaise foi sera indiscutablement décernée au Figaro qui, tout souvenir de Pierre Scize piétiné, a commis un article discrètement (ouvertement serait un terme plus adéquat) révisionniste - accompagné d'ailleurs d'un fac similé du Rapport de constatations Sébeille (cote D 6 - qui lui a fourni ce Rapport, et quel fut le montant de la transaction ?).
Il s'agit d'ailleurs de récidive, car voici tout juste dix ans (livraison des 3-4 août 2002, p. 8), le même Figaro donnait - déjà ! - la parole au petit-fils et aux nombreuses "zones d'ombre" qui lui permettaient "de nourrir quelque espoir" [sous-entendu : de révision]... Bref, l'auteur de cette insanie n'est qu'un triste sire, qui se dit grand reporter au Figaro (que doit être, alors, la qualité des petits ou moyens reporters ?) ; son ambition manifeste, c'est un article bourré d'imprécisions et de mensonges (avec la tarte à la crème de "l'enquête bâclée") : je note seulement qu'évoquant le chapitre des "Dossiers de l'écran" consacré en 1978 à notre affaire, Cornevin estime qu'il "fera date". Il ne saurait mieux dire, mais pas dans le sens qu'il imagine, pour qui a assisté au coup de merlin asséné aux mensonges d'Yvette par un Jean Laborde imperturbable donnant lecture de la conclusion du Rapport Chenevier : "... dans les limites les plus reculées de l'hypothèse la plus favorable, Gustave Dominici est au moins co-auteur des deux derniers meurtres...".
Mais le latent, c'est en réalité vouloir donner la parole, pour la énième fois, au petit-fils, par quatre fois cité et dont les interventions sont, une fois encore, particulièrement affligeantes (le journaliste les trouve "fort à propos" !), pour reprendre le qualifiant utilisé par l'un des lecteurs commentateurs de l'article ; car avoir été judoka de haut niveau n'a jamais signifié disposer d'une ouverture d'esprit particulière. On est véritablement consterné par les affirmations de ce bouillant individu qui étend sa compétence aux "bizarreries" de l'enquête, et qui nous informe souhaiter "que la vérité soit enfin connue" : mais elle l'est, jeune homme, elle l'est, en dépit de vos tristes moulinets et de vos rideaux de fumée ! Car le petit fils a beau "grimacer" (comme l'écrit le journaleux), un tissu de mensonges, même tissé année après année avec aplomb, ne se transmute pas pour autant en toge de la vérité. Le voilà qui nous ressort "la culotte ensanglantée retrouvée sur une voie voisine qui n'a jamais été expertisée" : mais si, mais si ! elle l'a été ! C'était de la merde, non du sang, vous êtes content ? Et elle n'a strictement rien à voir avec l'affaire ! L'incroyable bouquet, c'est tout de même "Les médecins légistes n'ont jamais pu confirmer les accusations de viol avec préméditation étant à l'origine de la condamnation à mort de mon aïeul". Là, les bras m'en sont tombés. Trop, c'est trop. Ce qui est immonde révolte la conscience. Jamais, je dis bien jamais, il n'a été question "d'accusations de viol", avec ou sans préméditation ! Il faudrait ici donner la parole à Audiard, qui disposait d'une formule définitive au sujet de "ceux qui osent tout".
Cet article particulièrement insane et malhonnête fait tache sur le quotidien de droite modérée, qui l'a publié
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- Haute-Provence Info, n° 32, 10 août 2012 [L'avènement du soixantième anniversaire de la tuerie a naturellement excité les folliculaires, et l'Affaire de Lurs est revenue à maintes reprises sur le tapis journalistique, en ce début d'août 2012. On a pu remarquer, à cette occasion, l'étourdissant silence du Monde, sans doute sérieusement échaudé par la mésaventure "Colombani", au cours de laquelle il fut pris la main dans le sac d'une bien vilaine censure.
Quoi qu'il en soit, l'hebdomadaire Haute-Provence Info, a consacré toute une page au "triple crime de Lurs", savamment partagée en deux parties très inégales. Trois quarts pour nous apprendre que le commissaire Constant était parisien (sic), que Me Delorme était un ténor du barreau (ben justement non, le seul ténor, c'était Me Pollak), que le Patriarche "fut notamment accusé par deux de ses fils" (tiens, pourquoi donc avoir oublié la dénonciation - aussi poignante que précaire - de la belle-fille ?), enfin pour instiller la perfidie (pourquoi ces gens aisés ont-ils dormi "si près de la route", et pas dans un hôtel ? Eh bien d'abord, as-tu entendu parler du sévère contrôle des changes à l'époque, pour les touristes anglais ? Ensuite, t'a-t-on mis au courant du désir de la fillette de dormir à la belle-étoile, justement, comme l'ont tout de suite rapporté les amis intimes du couple assassiné ? Pour ne rien dire des nuits passées dehors, sur le trajet depuis Douvres comme lors du week-end à Villefranche). Bref, le mystère "demeure entier", comme ose l'écrire, sans rire, le plumitif de service.
Et puis un quart pour donner rapidement la parole à un Commissaire divisionnaire fraîchement retraité, qui remet un peu les pendules à l'heure, non dans le chapeau qui n'est pas de lui ("la vérité reste à trouver"), mais dans les quelques phrases qu'on a consenti à nous mettre sous le nez. Et qui, même brèves, font éclater l'hypocrisie qui suinte des trois-quarts précédents, à propos de cette "histoire qui restera une énigme pour la justice" (re-sic).
Mais tout ceci, certes imparfait, est tout de même plus équilibré pour l'édification du citoyen lambda que l'incroyable article ("Il leur fallait un coupable") publié il y a quelques années (en avril 2004) dans le même journal ; on pouvait en effet y lire, entre autres joyeusetés, cet aphorisme définitif du petit-fils que l'on sait : ""si, cinquante ans après, on ne trouve rien, c'est qu'il reste des choses à découvrir et à explorer". Ben voyons !

Enfin, on commence donc à sortir du politiquement correct. Il était plus que temps ! 
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- Jacques Pradel, RTL, L'heure du crime (1er mars 2012) [On s'en voudrait de critiquer L'heure du crime, qui se propose de populariser (le mot est singulier, vraiment) Messieurs les assassins au sein de la population d'auditeurs de RTL… On s'en voudrait, mais parfois, cependant, la coupe est pleine. Certes, le dénommé Pradel fait ce qu'il peut, et il est bien évident qu'au milieu de toutes ses activités, s'informer sérieusement du sujet différent traité chaque jour, cela relève de la gageure. Bref, une fois encore, Dominici revenait sur la sellette. Pourquoi pas ? Puisqu'il faut, régulièrement, revenir sur le mythe. Et on aurait pu trouver des invités moins compétents, après tout, que ceux que nous avons pu entendre. Alors, pourquoi bouder notre plaisir ? Eh bien, l'un des deux invités a utilisé incidemment le verbe patauger (j'y reviendrai) : c'est l'impression que m'a procurée cette émission, où l'on a surtout vasouillé.
Mon Dieu ! Que Me Lombard m'a déçu ! Certes, il porte ses 85 printemps, mais les porte assez mal. Ce n'est plus le flamboyant défenseur, couvert d'honneurs, de louanges et de femmes, d'il y a encore quelques années. C'est un être qui n'avait rien à faire là, qui connaît fort mal le dossier, et qui dévide des inepties avec un mauvais timbre, car son dentier doit le gêner terriblement… La vieillesse est un naufrage, alors il est inutile d'en rajouter, en appuyant sur le prétendu naufrage du procès Dominici "qui a fait couler beaucoup de sang" (ça, c'est un comble ! Encore un peu, comme d'autres, il allait reprocher aux Drummond d'avoir fait du mal aux habitants de la Grand'Terre !). C'est en tout cas ce que l'on pense, quand on l'entend parler de "la petite-fille de quatre ans" de Sir Drummond, ou de "l'enquête qui a suivi le non-lieu", ou encore du "procès non équitable" et de la "partialité de Bousquet", ou encore du capitaine Albert "qui commande à Digne". C'est pourquoi le "doute dévastateur", dont il a plein la bouche, on le nourrit, malgré qu'on en ait et sauf son respect, à son endroit…
Laissons de côté Pradel, pour qui Zézé avait dix-huit ans, à l'époque, tandis que "c'était joué d'avance" pour le commissaire Sébeille : il n'y connaît rien, pas plus que son prestigieux invité.
Mais Deniau, mais Deniau, lui, connaît le dossier ! C'est du moins ce qu'il affirme, arguant qu'il a travaillé "durant deux ans" dessus ("nous avons eu le rapport d'instruction" – à quel titre, on peut se le demander – "moi qui ai bien étudié le dossier", etc.). Et pourtant, il nous en a sorti des vertes, et des pas mûres : de "la grand-mère qui a oublié de refermer le canal de la Durance" (sic. Non, c'est le Tave, à qui on avait demandé d'aller rendre service dans une ferme voisine, et qui est parti au cours de l'après-midi sans refermer la vanne) à "Faustin Roure découvre les cadavres, et à ce moment-là Gustave a parlé", en passant par "Jamais les Dominici n'ont dit qu'ils avaient vu les Drummond le soir [du 4 août]" (mais si mais si, ils l'ont tous "dit", même s'ils se sont ensuite rétractés), ou encore "on pense que Gustave a déplacé les corps", ou encore "le corps de la petite Élizabeth avait été déplacé par Gustave", mais encore "Paul Maillet est celui qui a accusé Gustave" [sic], on n'en finirait pas d'aligner toutes les sornettes, pour ne pas dire conneries, qu'il a enfilées avec le sérieux d'un Pape sortant sa Bulle. Mais là où il s'est surpassé, c'est quand il nous a révélé son scénario à lui, "très proche de celui de Chenevier-Gillard" : et le voilà qui nous parle tranquillement de Gustave et de son neveu, tous deux armés, l'un de la fameuse US-M1, l'autre d'un Garand !!! D'où l'a-t-il sorti, ce Garand ? Est-ce celui d'Aimé, l'oncle paternel de Zézé, celui qui tirait sur les pies, avec son M1 n° 702 839, la veille du crime à 13 heures ? On ne le saura jamais. Et quand il ajoute, imperturbablement, que si Gaston a été condamné, c'est parce que "Pollak a pataugé", on se demande si ce n'est pas lui qui est en train de patauger, justement, dans cette flaque d'eau [sic] qu'il dit avoir existé "près du puisard". Bon, c'est un lapsus linguae, je veux bien. Mais affirmer que la malheureuse fillette avait été d'abord assommée puisqu'il y avait une flaque près du puisard, c'est montrer quelle conception de la preuve on véhicule ; surtout lorsqu'on ajoute aussitôt : "il est prouvé qu'elle est morte trois heures après ses parents". Non, cher Deniau, tu n'as prouvé qu'une chose : c'est que tu n'y connais pas (plus) grand-chose. Heureusement, tu as jadis débusqué, au nez et à la barbe de Reymond, le dénommé Bartkowski. Alors, pour cela, il te sera beaucoup pardonné. Mais s'il te plaît, n'y reviens pas : tu n'as rien d'un debater.
Enfin, l'avez-vous remarqué ? Cette émission, censée durer une heure, s'est déroulée sur 39 minutes. Tout le reste, soit les deux tiers du temps, a été consacré à de la publicité. Mazette ! Alors, on sort de là atterré, m'a confié un ami (qui en connaît un rayon, sur le chapitre). Atterré, mais c'est se rouler par terre, mort de rire ! Moi, je pense plutôt que tout du long de l'émission, j'ai vécu toutes les nuances de l'affectivité négative : tour à tour j'ai été abattu, accablé, consterné, démoralisé, las, découragé, désespéré, déprimé, stupéfait, et même stupéfié, démonté, ébranlé, navré, attristé, dégoûté, morose, fatigué, anéanti, assommé, prostré. Devenu un lypémaniaque, quoi (là, vous ne trouverez pas : ça vient du grec, lupè, qui signifie chagrin). Car quand arrêteront-ils enfin de prostituer cette histoire, qui n'est pas un drame, je le rappelle au passage (on a entendu vingt fois ce substantif) mais une tragédie ?
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- Alain Tourre, Histoire de l'Évêché, Éditions Jacob Duvernet, 2011 [L'éphémère ancien patron de la PJ de Marseille (il ne demeura que deux ans à la tête de l'Évêché) a commis une vivante histoire de cette véritable institution, et il faut bien dire que sa plume est alerte autant qu'agréable. Naturellement, l'ancien premier flic de la cité phocéenne ne pouvait pas ne pas s'arrêter, la retraite venue, dans les parages de Lurs et nous donner, à sa manière, sa version de l'Affaire, qui est en gros la nôtre (et, en filigrane, exprimer sa forte sympathie envers Sébeille). Il n'y consacre d'ailleurs que 16 pages - sur 432 que contient l'ouvrage, c'est assez dire qu'il n'y a guère de mystère pour lui, et qu'il ne s'attarde pas beaucoup sur les bords de la Durance. Mais être trop pressé, n'est-ce pas courir le risque de commettre des erreurs ? En effet, à peine a-t-on commencé, d'un œil gourmand, à s'intéresser aux propos d'Alain, qu'on s'oblige à se pincer. Quoi, tant d'inexactitudes de la part d'un policier de haut rang, malgré l'aide de deux "collaborateurs" ? L'envoi qui achève son travail apporte sans doute un début d'explication : l'auteur a dû se faire aider par quelques "nègres", sans doute jeunes subalternes appartenant à la "Grande Maison", qui ont entrepris des "recherches" à sa place, comme le fait ordinairement un Prof de Fac infligeant à ses étudiants la préparation de mémoires sur des points qu'il n'a pas trop envie, ou pas trop le temps, de creuser lui-même. Passons donc.
Mais comment passer, même avec la meilleure volonté du monde, lorsqu'on apprend d'entrée de jeu que le crime a été perpétré au bord de la RN 96, "l'ancienne route Napoléon" ? Car on pensait, jusqu'ici, que Napoléon avait emprunté une route (d'ailleurs en partie seulement tracée, à son époque) située beaucoup plus à l'Est. Un détail, sans doute, comme le fait que l'Hillman s'était arrêtée "sous un prunier centenaire", et que les trois victimes "étaient en pyjama". De même, comment lire sans éprouver une certaine gêne qu'à peine arrivés, en début d'après-midi (les "Autorités" ne les attendaient que depuis deux heures d'horloge, paraît-il...), les policiers se mirent à effectuer "les premières constatations" ? Car ces constatations-là, qu'on le veuille ou non, avaient été accomplies six ou sept heures auparavant, et de façon ô combien précise et détaillée, par un tout petit quarteron de gendarmes essentiellement forcalquiérens.
Alors, on en vient à regarder de plus près le récit de M. Tourre. Et le voilà qui parle de "balles non percutées", mais aussi d'une "carabine automatique américaine modèle Rock-Ola (alors qu'il s'agissait d'une US-M1 semi-automatique) ; allons, on ne s'arrêtera pas pour si peu, laissant à l'ami Guerrier le soin de déclarer que "cela ne fait pas très professionnel"...
En revanche, on ne peut laisser dire que l'arme avait été rafistolée avec du fil de fer ! Ce sont les policiers eux-mêmes qui, l'ayant sortie de l'eau toute démantibulée (elle s'était brisée à cause de la violence des coups portés à l'infortunée Elizabeth), ont sur le champ procédé à un hâtif bricolage, revu et consolidé un peu plus tard par un armurier (le jeune M. Giorgetti).
Pas davantage qu'on ne peut demeurer sans réaction devant l'affirmation que des soldats américains ont tiré à la carabine "dans la cour de la ferme" ! On peut certes en conclure qu'ils ont à ce moment-là échangé une arme pratiquement hors d'usage contre diverses denrées (c'est tout l'enjeu des témoignages "Bastide"). Mais de là à ajouter : "comme ils l'avaient fait dans trois autres fermes de la région, le même jour", c'est beaucoup s'avancer (et beaucoup prêter à ces soldats-là), et cela ne figure dans aucun procès-verbal ; en revanche, on sait que d'autres camions se sont arrêtés dans d'autres fermes de la région - sinon toutes - pour s'y ravitailler.
Quant à ces pauvres Drummond, l'auteur nous apprend qu'ils voyageaient avec très peu d'argent : pour éviter de les faire passer pour des pingres, pourquoi ne pas avoir ajouté un mot sur le très sévère, sinon féroce contrôle des changes qui avait lieu, à cette époque : tous les ressortissants anglais quittant leur île, y étant soumis, qu'ils fussent fortunés ou pas ?
S'agissant maintenant du fameux interrogatoire du Tave, le 3 septembre, malencontreusement interrompu par Orsatelli, on apprend avec stupeur que Sébeille était absent, car il avait passé la main à Constant, lequel interrogeait le témoin n° 1 avec Mével (l'adjoint du Divisionnaire Harzig) ! Comment l'auteur peut-il écrire des âneries pareilles ? Les deux PV qui rendent compte (trop brièvement) de l'interrogatoire du Tave (et de sa confrontation avec Olivier), sont répertoriés sous les cotes D 60-61 ; ils commencent ainsi : "... Nous, Constant Fernand, et Sébeille Edmond, Commissaires de Police Judiciaire en résidence à Marseille, etc., etc.", et s'achèvent sur les trois signatures (Tave et les deux policiers). Noël Mével, qui, on le sait par ailleurs, assistait effectivement à l'interrogatoire, n'est même pas cité !
En revanche, on saura gré à l'auteur de ne pas taire les "tensions" qui existaient entre ce Mével et Sébeille (et que beaucoup découvriront à cette occasion) : on voit par là qu'il a lu, ou qu'on a lu pour lui, certains documents qui ne figurent pas dans le dossier d'Assises, et qui, en effet, ne laissent subsister aucun doute à cet égard. Sébeille a dû se battre contre sa hiérarchie, alors qu'il avait tant à faire par ailleurs... Au sujet de ce Directeur d'enquête (contesté), notre auteur enfile d'ailleurs une contre-vérité, ne craignant pas d'écrire : "le commissaire Edmond Sébeille soupçonna Gaston Dominici dès le premier jour" car rien n'est plus faux ; de même lorsqu'il ajoute, plus loin : "Sébeille n'a jamais envisagé [que Gustave] pourrait être l'assassin" ! Disons-le franchement : trop, c'est trop. Surtout de la part d'un "connaisseur".
Et le voilà aussitôt reparti dans ses fantaisies : il prétend maintenant que Panayotou a été déclaré affabulateur par le psychiatre qui l'examina : mais montrez-nous donc et la commission d'expert, et le rapport du dit psychiatre ! Car sauf erreur, c'est là nouvelle pure invention ! Et lorsqu'il fustige la presse, "qui entretient le feuilleton en citant abondamment [ce] témoin de la vingt-cinquième heure", il oublie seulement de signaler que c'est Harzic le vrai responsable de cette pitoyable mascarade !
Last, but not least, notre policier, qui n'est plus à une joyeuseté près, nous apprend que Gaston "se marie, parce que sa femme était enceinte de leur premier enfant, Clovis" ! Clovis, le premier enfant ? Pas du tout, le premier fils ! Et que, "parvenu à la trentaine, il rachète (sic) la Grande Terre (re-sic) : ben oui, c'est vrai, à ceci près qu'il avait presque atteint le double de cet âge !
Ce trop long développement pour dire que si le reste de l'ouvrage est truffé de ce type d'erreurs et d'inventions, l'historien de l'Évêché n'a que peu de chance d'être un jour accueilli au sein des Annales de Marc Bloch et Lucien Febvre !
Quant aux juges qui n'ont pas manqué de le "saisir rogatoirement" (pour parler comme le commissaire Coucou), ils ont dû être contents du voyage, à la lecture de ses rapports...

 

- Marie-Noël Paschal, Les grandes Affaires criminelles des Alpes de Haute-Provence, De Borée Éditions, 337 pages [Il y a deux manières de considérer, dans cet ouvrage (paru fin juin 2011), la partie qui concerne le triple crime de Lurs. Soit, on peut estimer que traiter, au milieu de vingt-quatre autres, d'une affaire aussi complexe en 21 pages, constitue une gageure ; soit on peut se demander comment il est possible d'aligner autant de contre-vérités et de sottises en si peu de pages. Et si, en définitive, c'est rendre hommage aux victimes (but avoué de cette partie) que de traiter avec tant de légèreté des circonstances de leur funeste sort - qui, selon l'auteur, "demeure une énigme".
Disons que si l'on peut à la rigueur passer sur le brigadier Brocca (sans doute surgi de la collection Pierre Gripari) et sur Me Émile Pollack, célèbre avocat parisien (!), comme sur les deux frères Dominici, chargés de désigner, en pleine nuit, la fameuse étagère, ou encore sur l'incroyable oubli de la visite au brigadier-poseur Roure, en revanche on est plus qu'étonné d'apprendre que le coup de la "paillardise" fut suggéré à Gaston non par Prudhomme, mais par Périès ! Ajoutons aussi que le premier témoin (JM Olivier) n'a pas surpris le Tave jaillissant "de derrière la voiture" (sinon, la scène aurait eu lieu du côté de Peyruis, et il n'y aurait pas eu place pour la polémique), mais bien devant le capot, côté de Manosque (et du fameux sentier conduisant à la Durance). Enfin, la Cour ne s'est jamais rendue en grand appareil à la Grand'Terre, durant le procès...
Mais au-delà, on va de surprise en surprise, et cela commence en réalité dès la première page, tandis que, en route pour Lurs, le MDL chef Romanet, bombardé chef de la brigade d'Oraison (!), rencontre un homme "arrêté au bord de la route, appuyé sur son cyclomoteur", qui lui crie : "j'allais vous prévenir" ! Car quel enthousiasme zélé que celui de ce singulier messager ! Mais s'il n'y avait que cela ! Cet individu, nous apprend-on, se nomme Aimé Perrin, habitant de Peyruis, et mari d'une fille Dominici... Deux erreurs grossières dans la même phrase. On voit mal comment Aimé, s'il avait résidé à Peyruis, aurait pu être averti par sa "belle-sœur" dans la côte de Giropey, située à l'opposé de Peyruis par rapport au lieu du crime ! Et comment peut-on confondre Aimé avec son frère aîné Roger, qui d'ailleurs demeurait à Ganagobie, et non à Peyruis ? Pour continuer dans ce registre, on nous avait auparavant appris que Louis Romanet était parti "sur la moto de la gendarmerie, emmenant le gendarme Bouchier dans son side-car". Si cela était vrai, comment Romanet aurait-il ensuite eu besoin d'emprunter le vélo de l'épouse d'Aimé (qui n'était pas Dominici) pour se rendre dans la ferme la plus proche disposant du téléphone (celle de M. Silve et de sa fille) afin d'avertir son chef, puis serait revenu piteusement à pied, la chaîne du vélo ayant sauté en cours de route ? Ce ne sont que détails, dira-t-on. Mais tout le texte est truffé d'erreurs, et cela ne convient pas, de la part d'une personne qui insinue qu'elle a eu le dossier sous les yeux : "cela ne figure pas au dossier", assène en effet l'auteur (à propos de quelque chose qui, justement, figure au dossier).
S'agissant des éléments matériels relevés par les gendarmes, nous avons droit à un véritable festival de joyeusetés, du plus haut comique involontaire : outre quatre étuis vides de balles percutées (!) et une balle non percutée (!!), on nous présente une carabine à répétition (!!!) immatriculée "UX carabine (sic) cal. 30KI Rock-Ola". Avec un tel engin, pas étonnant que le meurtrier ait (par deux fois, apparemment) raté la petite Élizabeth ;-)... Carabine, qui, tient-on à nous préciser, provient de "l'un des plus importants fabricants d'armes légères aux États-Unis" (il faut se frotter les yeux pour s'assurer que cette énormité a bien été commise, et on sent que l'auteur a lu le sinistre Mossé !).
Si l'on s'intéresse maintenant aux horaires, on nous apprend que le capitaine Albert est arrivé à huit heures quinze (le dossier dit : huit heures), alors même que "l'enquête proprement dite ne débutera que vers 15 heures ou 16 h 30" (admirons la précision sur l'heure d'arrivée de Sébeille, et rappelons que si Girolami a découvert le fameux pantalon "tout mouillé" de Gaston à 15 heures, c'est que la Police mobile devait être là depuis au moins une demi-heure, non ?). En définitive, comment cataloguer ce récit qui ne cite - outre l'inévitable Giono et sa fameuse "allée" - que le seul W. Reymond ?
Il y a le fond, certes. Mais il faut dire un mot de la forme. Lorsque je lis, par exemple : "Sébeille tend au patriarche un exemplaire du journal. Il hurle", il est assez clair que le Commissaire hurle, et non le patriarche. De même, la phrase : "Tous [les Dominici], sauf Clovis, ont nié leur implication dans l'assassinat des Drummond" permet de tirer la conclusion que Clovis avait reconnu son implication dans l'assassinat des Drummond... Est-il possible, Grands Dieux immortels, d'être si négligent ? Ou d'écrire si mal ? Naturellement, il s'agit là de remarques cruelles. Elles n'auraient point été relevées si l'auteur(e) ne proclamait à sons de trompe son agrégation des lettres (classiques !)... De Gaulle, paraît-il (mais c'est une légende) avait demandé "un agrégé sachant écrire". Il n'aurait manifestement pas fait appel à cette Marie-Noël là. C'est pourquoi, soudain, me revient en mémoire l'adage "la plus belle fille au monde ne peut donner que ce qu'elle a. Mieux vaut souvent qu'elle le garde". Texte à éviter.]

 

- **** Jean Favard, Quelques affaires retentissantes (Seznec, Dominici, Dils, Raddad), les révisions en question, Riveneuve éditions, 2011, 314 pp. ["Étudiant en droit en 1954, Jean Favard assiste médusé aux contradictions du procès de Marie Besnard, ce qui l'amène à se pencher sur d'autres condamnations telles celles de Marie Lafarge ou encore du pharmacien Danval. Trois affaires qui iront en révision à partir de critères différents, la législation évoluant. Et c'est à Paris, en tant que conseiller à la Cour de cassation, que Jean Favard est appelé en 1996 à faire partie de la Commission de révision. C'est donc cette fois "de l'intérieur" qu'il peut connaître le fonctionnement (et les dysfonctionnements) de la justice française. C'est alors qu'il découvre aussi toutes les pressions et passions qui se créent autour d'une demande de révision. Au fil de cet ouvrage, Jean Favard (qui a souhaité que ces mémoires ne soient publiées qu'après son décès, survenu le 18 janvier 2010) reprend minutieusement chacune des affaires abordée, avec soin il examine toutes les pièces du dossier afin de déterminer s'il y a ou non "faits nouveaux" pouvant conduire à la révision. Il restitue chaque période dans le contexte de l'époque, parfois distant de plus de 70 ans du procès à la (ou aux) révision. Il nous fait partager l'ambiance qui entoure ces demandes de révision : l'ardeur des familles à vouloir réhabiliter leur ancêtre et le déchaînement des passions souvent orchestré par les avocats et/ou la presse, en passant par les pressions politiques. Cet ouvrage se veut centré sur quatre affaires retentissantes pour lesquelles Jean Favard à siégé lors de leur révision à partir de 1996 : Seznec, Dominici, Dils et Raddad".
Voici donc ce qu'on peut lire sur un site qui promeut discrètement cet ouvrage, alors qu'il faudrait user de la grosse caisse et du trombone. Enfin un homme qui parle en sachant de quoi il parle, et dont le témoignage est d'autant plus percutant que son auteur a souhaité en faire une sorte de testament, posthume donc (le titre originel était : Mémoires judiciaires d'outre-tombe, manière pour l'auteur "de dénoncer, à propos de quelques grandes affaires criminelles, le piège des emballements qui mêlent émotions, préoccupations politiques et exploitations médiatiques" - préface de J-P Dintilhac).
Je ne parlerai pas des trois autres affaires "traitées" par ce Monsieur Jean Favard, et croyez-m'en sur parole, c'est un Monsieur. Cependant, un rapide coup d'œil me permet d'affirmer que certains excités de l'erreur judiciaire ne s'en relèveront pas (et les oreilles de la pâle Lebranchu vont siffler, à propos de son forcing sur Seznec).
Non, je m'attarderai seulement sur un sujet que je crois connaître un peu, à savoir la tuerie du 5 août 1952. Et là, surprise, si l'humour féroce est au rendez-vous, le jugement est sans appel : il n'y a pas de révision(s) qui tienne(nt) !
Favard, qui avait vingt ans lors du procès de Digne, nous rappelle "la fraîcheur stupéfiante et l'assurance" montrées par Gaston à cette date (allusion à la photo parue sur la couverture de Paris-Match, n° 296). Et donc, le jeune homme étonné, devait, quarante années plus tard, Conseiller à la Cour de Cassation, être franchement dubitatif devant la première requête de Gustave (17 septembre 1994), "tant il était clair que si Gaston était innocent, qui pourrait être coupable, sinon Gustave, à moins que ce soit Roger Perrin".
Mais je laisse au lecteur intéressé le soin de découvrir, que dis-je, de déguster l'ensemble de ce chapitre, d'une trentaine de pages seulement, mais si dense (et qu'on complètera naturellement par la lecture attentive, dans la partie Annexes - qui occupe, à elle seule, un tiers de l'ouvrage - des Attendus concernant le rejet de trois requêtes en révision).
Et on jugera alors que rien n'échappe au juge Favard (sauf quelques petites erreurs, sans conséquences), de l'extrême "désinvolture" du commissaire Sébeille au tandem Alain Dominici-William Reymond, ce dernier "falsificateur des données" (et dont "les pétitions de principe" sont "de plus en plus confuses et de moins en moins étayées"), et comment ses cheveux "pouvaient se dresser sur la tête" en lisant les conclusions de Me Collard, en passant, naturellement, par la "mythomanie" avérée de Dame Reine Ribo.
La lessiveuse de Jean Favard, je vous le dis, lave plus blanc. Il était temps, dans ce dossier devenu avec le temps d'une noirceur extrême. Merci, Jean ! Désormais, à côté du solide ouvrage de Jean Laborde, celui de Favard devient absolument indispensable
].

 

- * Claire Sécail, Le crime à l'écran, (le fait divers criminel à la télévision française, 1950-2010), Nouveau Monde éditions, 2010, 593 pages. [Ce lourd pavé est l'adaptation d'une thèse de doctorat (avec l'inconvénient de très abondantes notes de bas de page - 774, très exactement), traitant le sujet indiqué à partir de dix affaires criminelles - dont celle qui nous intéresse au premier chef, à laquelle de nombreuses allusions sont faites. D'une façon générale, cet ouvrage n'est pas inintéressant à feuilleter, en particulier s'agissant d'une longue et riche étude du cas de Cinq Colonnes à la Une - mais il faudra se taper nombre de curriculum vitae de journalistes de télévision, dont on peut penser qu'il sont là pour gonfler l'ouvrage, et faire payer le papier au prix de la cervelle…. Notons tout de même, dès l'abord,  que ce travail universitaire connaît d'étranges faiblesses de style, heureusement peu nombreuses : "Les tensions sont alors palpables entre les gendarmes et le magistrat instructeur, qui commettent plusieurs erreurs de procédure" (p. 356)...
L'auteur explique bien le processus qui a conduit à la grâce présidentielle concernant Gaston (pp. 115-118), mais on remarquera la fausseté de certaines affirmations : les trois Drummond "retrouvés tués par balles", "Gustave et Clovis, premiers suspectés"… Quoi qu'il en soit, on pourra ainsi se remettre en mémoire l'état d'esprit qui régnait en France lors de la grâce accordée au vieil assassin. Ainsi, Pierre Marcilhacy demande au ministre de l'Information "s'il lui paraît correct de mettre les antennes de la RTF à la disposition d'un condamné à mort bénéficiant de la grâce présidentielle". La réponse est que "en aucun cas, le micro n'a été prêté à Gaston Dominici dont la voix n'a pas été entendue sur les antennes de la RTF". L'auteur commente : "lorsque le journal télévisé met en image un fait divers, il ne diffuse pas le son"... Ce qui donne à penser que, dans quelque carton d'archives, dort la voix de Gaston, que nul ne peut aujourd'hui se vanter d'avoir entendue.
Mais par ailleurs, de nombreux manques apparaissent : ainsi, lorsque Cl. Sécail écrit : "En 1952, la mort de la petite Elizabeth Drummond avait d'abord échappé aux caméras de télévision quand, déjà, les Actualités françaises, mises en concurrence, évoquaient dans les salles obscures ce "drame horrible [qui] appelle l'indignation universelle", et dénonçaient "l'affreux vieillard" Dominici" (p. 367). Sauf que, d'une part, on se demande avec qui les dites Actualités étaient mises en concurrence et que, par ailleurs, si la première affirmation ("l'indignation universelle") date du 14 août 1952, la seconde, qui n'a rien à voir avec, a été prononcée quinze mois plus tard (17 novembre 1953). De même, on reste sur sa faim en lisant que la télévision a fait "appel à des acteurs populaires et consensuels qui... ne craignent pas d'incarner des personnages antipathiques et cyniques. Michel Serrault joue ainsi un Gaston Dominici aussi bourru  et obstiné qu'est buté son partenaire Michel Blanc, en commissaire Sébeille" (p. 503). Au lieu que tout a été fait, dans ce téléfilm, pour rendre Gaston sympathique… Enfin, si l'auteur parle, à propos de l'œuvre télévisée "Marie Besnard, l'empoisonneuse", d'un "réel réinventé" (introduction dans l'intrigue d'un personnage inventé), elle passe complètement sous silence ce qu'ont fait dans un sens bien plus grave les auteurs de l'Affaire Dominici (diffusée sur la même chaîne).
Serons-nous accusé d'être mauvais coucheur en ajoutant que, dans cet ouvrage, l'intouchable Badinter paraît bien souvent cité, de même que Laurence Lacour, ou encore Gilles Perrault et son "fameux" Pull-over rouge, et autres Reymond ? Allons plus loin : l'actuel Président de la République est traité de "pompier pyromane" (p. 425). Comme on le voit, le travail universitaire ne craint nullement d'aller de pair avec une certaine orientation, pour ne pas dire une orientation certaine…].

 

- * Jean-Michel Turpin, Sur les lieux du crime, Éditions de La Martinière, 2010. [Le propos de l'auteur est de présenter quarante affaires, donc quarante lieux de crimes perpétrés (pour l'essentiel) au XXe siècle ; lesquelles affaires sont regroupées en trois chapitres géographiques, Paris et la région parisienne, Sud de la France, Nord de la France. Quant au parti-pris, il consiste à faire entrer une affaire dans une double-page (précédée d'une autre double-page avec immense photo des lieux) : texte succinct, et quelques clichés d'accompagnement (s'agissant de notre affaire, nous est montrée, entre autres, celui du "chargement" - sur un camion peu adéquat - de la dépouille de Sir Jack).
Mais pourquoi diable avoir ajouté, sur la photo du fameux pont, une bande "Gendarmerie nationale - Zone interdite", dont l'anachronisme laisse pantois ? Ah, si seulement !... Doit-on en déduire que les autres erreurs relèvent aussi d'une volonté délibérée ? Ainsi, dès l'entrée en matière, s'agissant du 5 août 1952 : "Arrivés à Dignes [sic !] depuis quatre jours...". Or donc, les touristes britanniques bivouaquent sur la commune de Lurs, "sur les coteaux de la montagne des Muets" (????)... Et puis on s'éloigne du sujet en parlant des déboires qu'aurait subis Orson Welles, "les autorités françaises n'ayant pas permis le tournage", ce qui est absolument faux, puisqu'on possède le film, où d'ailleurs le Tave nous sort un drôle de numéro. Et Gaston, dans tout ça ? On en arrive rapidement à l'année 1960, lorsque "le général de Gaulle signe sa mise en liberté et l'autorise à retourner vivre dans sa ferme", ce qui est à nouveau totalement faux, l'intéressé ayant été interdit de séjour* dans le département de la commission de son forfait, quand bien même, à titre exceptionnel vu son âge, il fut autorisé à vivre - un court temps - chez une de ses filles, à Montfort, avant d'être admis à l'hospice départemental. Enfin, un nouveau paragraphe, parfaitement inutile lui aussi, vient nous en apprendre une bonne : "on découvre que Sir Jack Drummond appartenait aux services secrets britanniques". Gageons que le petit-fils n'est pas loin, et de fait il arrive tout aussitôt, avec sa défense du grand-père et ses demandes en révision... Enfin, nous dit-on, "Gaston Dominici décède le 4 avril 1965 sans avoir obtenu sa réhabilitation". Comme s'il s'agissait d'une erreur judiciaire ! Que nenni !
Mine de rien, ce court texte est une autre manière de cracher sur les infortunés Drummond. Mais il est vrai que dans ce pays, même la Justice préfère les assassins à leurs malheureuses victimes...
* Interdiction de séjour par application de la loi n° 55-304 du 18 mars 1955 et du décret 55-796 du 16 juin 1955].

 

- ** Pascal Bresson & René Follet, L'Affaire Dominici Glénat, septembre 2010. Bande dessinée de 54 pages + 8 pages d'esquisses [Cette BD est commentée à part].

 

- Les grandes affaires judiciaires du XXe siècle, Historia & Notre temps, juin-juillet 2010 (15 affaires retentissantes traitées) ["Le lourd secret du clan Dominici", pp. 60-65. Il me paraît possible de résumer assez correctement l'affaire Dominici, même de façon succincte. Mais énoncer en si peu de pages tant d'à-peu-près, de sottises (pour ne pas dire plus), et de contre-vérités me sidère, surtout venant de la part d'un auteur (Paul-Éric Blanrue) réputé en général pour le sérieux de son information et son intérêt pour cette affaire en particulier (n'a-t-il pas, en son temps, donné une intéressante postface à la réédition de l'ouvrage de Gabriel Domenech par son frère Pierre ?). Comment peut-on mélanger allègrement l'anecdotique et l'important et commencer ainsi : "l'enquête, bâclée, conclut à la culpabilité du patriarche. Mais plus d'un demi-siècle après, le mystère reste entier" ? Bâclée, le terme préféré de tous les journaleux qui n'y connaissent absolument rien ! L'enquête fut, peut-être, très chaotique, comme l'écrivit un journaliste à l'époque du procès, ou encore "laborieuse", selon un auteur compétent qui s'est récemment exprimé, mais certainement pas bâclée. En fait, il me semble deviner le mode de fabrication de cet article : car on nous parle de la dénonciation anonyme contre Popaul Maillet (hypothétique possesseur d'une carabine semblable à celle du crime), pour passer immédiatement et sans crier gare aux expertises du professeur Ollivier et retourner ensuite à la "pression" mise sur Maillet - sans doute un déplacement intempestif de paragraphe, mais dont l'effet induit est désastreux : celui d'un texte "bâclé", composé à la hâte à coups de copier/coller.
Quant à l'illustration accompagnant ce texte, quelle rigolade ! Bien évidemment, trône la photo de l'incontournable Alain Dominici, accompagné de sa digne mère, déposant des demandes de révision "pour une question d'honneur" (sans blague !) ; puis nous est présentée une lettre du condamné à mort Dominici, datée du 1er juillet 1957, qui manifestement n'est pas de sa main (cf. documents commissaire Chenevier) ni de son style ("Je vous jure, Monsieur le Président, que je suis innocent de ce que l'on m'accuse") : veut-on par là nous apitoyer ? Ce sera peine perdue. Et le clou si j'ose dire, c'est un cliché pris l'après-midi du 5, un peu avant la levée des corps : il est ainsi légendé : "Comme au spectacle : deux jours après la découverte des corps, une reconstitution est organisée à la Grand'Terre de Lurs, près de Digne"...
Le reste est à l'avenant. Pourquoi questionner : "Comment a-t-elle [Elizabeth] pu courir une centaine de mètres pour échapper à son agresseur sans que ses pieds soient blessés", alors que quelques lignes supra, on a noté : "La petite Elizabeth gît en pyjama bleu, derrière le pont de pierre qui enjambe la voie ferrée... à 60 mètres de la nationale, sur le talus qui descend vers la Durance" ?
Pourquoi affirmer : "La police s'interroge sur le passé de la famille britannique", ce qui est une évidente contre-vérité ; pourquoi assener péremptoirement : "Me Pollak démontre que la police n'a pas fait suite [sic] aux déclarations des témoins ayant vu des personnes près de la voiture des Drummond durant la nuit", ce qui est une galéjade marseillaise, sans doute. Pourquoi ajouter : "L'enquête de police est officiellement reconnue comme étant imparfaite" !!! Par Pollak, peut-être ! Mais il n'était pas un "officiel", que je sache !
De même, on va sacrément vite en besogne avec le "sprint" de Gaston : "persuadé que cette tentative de suicide est une preuve de culpabilité, le juge Périès l'inculpe pour le triple meurtre des Drummond". Tiens donc : sacré Périès ! C'est vrai qu'il s'était blessé dans l'aventure, et n'avait pas toute sa tête ! Pourquoi proférer un pur mensonge, enfin : "Gaston désigne une autre étagère que celle indiquée par ses fils" [Cf. Procès-verbal de transport du juge Périès 16 novembre 1953, 9 heures du matin: "... Gaston Dominici est entré directement dans le local à usage de remise où nous avaient déjà conduit, l'avant-veille, ses deux fils Gustave et Clovis. Sans hésitation, avec sa canne le vieillard nous a alors désigné l'endroit où il avait pris la carabine. L'emplacement était le même que celui indiqué par Clovis et Gustave Dominici"] ?
Et je laisse pour la fin l'incroyable insanité, car tout est faux et même diffamatoire dans l'assertion suivante : "À l'issue de la contre-enquête, le commissaire Sébeille est déclassé [sic] comme commissaire de la sécurité publique du quartier de la Belle de Mai à Marseille. Il n'obtiendra jamais sa promotion de commissaire principal".
Bref. À titre de post-scriptum édifiant, je propose cette joyeuseté : "C'est en vertu de cette disposition [la loi du 23 juin 1989] que Patrick Dils, jugé en 1998, a bénéficié en 2001 d'une seconde comparution qui l'a innocenté", ce qui est parfaitement inexact, puisqu'il y a eu en réalité trois procès, et qu'en juin 2001, Dils, loin d'être innocenté, a été condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle].

 

Faits divers en Provence , La Provence Hors-Série, été 2010 (faits divers classés sous dix rubriques) [À grands renforts de publicité (et de publicités pour l'Ordre des Avocats !), La Provence vient de lancer un Hors-série intitulé Faits divers en Provence. On ne jugera pas l'ensemble des faits retenus, les dix chapitres paraissant d'un intérêt inégal. Mais il est nécessaire de s'arrêter sur l'un des faits divers classé, c'est un comble, sous le chapitre "Les affaires mystérieuses", alors que l'Affaire de Lurs recèle autant de mystère que le passage de l'eau froide à l'eau tiède. Et, qui plus est, sous un titre s'interrogeant sur la culpabilité du condamné à mort : deux malhonnêtetés coup sur coup, cela fait trop ! Sans oublier qu'en réalité, il n'y a pas eu "triple meurtre", mais double meurtre suivi d'un assassinat. Et si j'ai parlé d'eau tiède, c'est naturellement que ce qualificatif m'est venu à la bouche au sujet de l'article : mauvaise foi, ou mauvaise information de la part de l'auteur de ce texte largement controuvé, et de plus mal écrit ? Car la journaliste en question n'avait qu'à piocher dans les articles d'Espinouze, publiés dans l'ancêtre de La Provence : son papier eût été moins mièvre et en tout cas plus conforme à la réalité. Elle a choisi "des extraits d'articles du Méridional, signés Robert Arnoux". Quand on sait que la production d'Arnoux, sur ce sujet, par rapport à ce qu'a écrit le regretté Gabriel Domenech, dans le même quotidien, se situe dans la proportion de 5 à 100, on peut juger par là de l'honnêteté intellectuelle de cette page 72. Pour ne pas parler du "déclassement" de Sébeille].  

 

- Me Gilbert Collard, Coupable hier, coupable aujourd'hui ?, Maydia Production (émission en deux parties de 50 minutes, diffusée sur Planète Justice en mars 2009, puis cet été sur LCM - la Chaîne marseillaise) [Cette émission est longuement commentée à part].

 

- * Emmanuel Pierrat, Les grandes énigmes de la Justice, First éditions, 2009, 286 p. [Et une production supplémentaire, ne manquera-t-on pas de penser, sur le caractère trop souvent "énigmatique" de la Justice. De plus, nous sommes ici en présence de l'ouvrage d'un avocat (écrivain très prolifique) dont nous pensons a priori, peut-être à tort, qu'il fait partie de ceux pour qui la justice est foncièrement aveugle, sinon injuste, et qu'il n'y a en prison que des innocents abusivement condamnés... La lecture de ce travail, réparti en dix chapitres soigneusement calibrés, narrant autant d'affaires "énigmatiques", oblige à réviser un tel jugement, pour le coup immérité. Mais il s'agit de dix affaires cent fois rapportées antérieurement, en cent endroits différents - pour neuf d'entre elles au moins. Ce qui signifie que s'intéresseront à cette nouvelle parution ceux que les redites ne rebutent pas.
Donc, le jugement de cet avocat est souvent nuancé et n'accable pas toujours (comme on aurait pu s'y attendre), loin de là, les premiers enquêteurs (même s'il le fait parfois et par exemple, inexplicablement, à propos de l'affaire Omar m'a tuer). Mais on peut observer que ce texte a, sans doute, été écrit bien rapidement ; un signe qui ne trompe guère, parmi d'autres, cette flagrante contradiction concernant Bonny (affaire Seznec) déclaré à deux reprises "en charge de l'enquête", pour être remis, en fin de chapitre, à sa vraie place ("son nom n'apparaît que de manière infime dans le dossier").
Pour ce qui concerne le chapitre qui nous intéresse vraiment, ici (chapitre 2, pp. 37-66, Gaston Dominici, le patriarche qui s'accuse), on n'en finirait pas de relever les petites inexactitudes ; mais on ne s'y emploiera pas, car elles ne nuisent pas à la compréhension d'ensemble. En revanche, on mentionnera l'épithète assassine accompagnant W. Bartkowski, qualifié de "grand affabulateur", et l'exécution de W. Reymond échafaudant des "thèses hautement fantaisistes... à coups d'informations tronquées et de rumeurs journalistiques sans fondement". Fermez le ban.].

 

- Philippe Arrigoni, Affaire Dominici, Auto-édition, août 2008, 300 p.[L'auteur de ce samizdat nous rapporte qu'il s'est mis à écrire après avoir rencontré Jacques Chapus. Fort bien. Il nourrit l'ambition d'apporter une "lumière nouvelle" sous forme de "synthèse", pour "expliquer la réalité", ce qui en fait un "complément indispensable" (rien que ça). A dire le vrai, et avec ménagements, on reste confondu devant ce texte, ainsi que le montre sa conclusion, pour moi impénétrable comme le reste : "AFFAIRE DOMINICI a été écrit sincèrement sans arrière pensée ni tabou de la façon que j'ai perçue et perçois encore l'histoire de l'affaire autant dans le vécu au fil des années, des échanges que j'ai eus avec mon père et les personnes qui s'y sont intéressée, qu'au travers les nombreuses lectures et relectures des principaux ouvrages et dovuments qui lui ont été consacrée.
Le rythme et l'anachronisme que le lecteur peut y trouver sont ce qu'ils sont parce que ce sont aussi ma perception et ma limite littéraire qui en sont la cause. [...] La technicité des explications était en la circonstance obligatoire pour que l'ouvrage ait une signification et apporte un complément aux autres livres bien plus prestigieux que celui-ci qui restera certainement en édition presque confidentielle.
Je conseille aux lecteurs de découvrir ou de relire en parallèle les différents ouvrages sur l'Histoire de cette affaire et de se reporter à celui-ci, chose qui est certes difficile.
Toute exposition médiatique soit-elle présente le risque de contradictions et de critiques : Pourvu qu'elle apportent des éléments positifs pour l'avancement du sujet pour faire que son histoire soit endin écrite définitivement.
En fait, l'affaire Dominici, sans vouloir plagier le titre du livre de Jean-Charles Deniau et Madeleine Sultan : Dominici c'était une affaire de famille ! Le scénario du crime enfin reconstitué, est une histoire dans l'Histoire, on l'a bien compris, dont la nature est bien une affaire de familles au pluriel plus qu'une histoire de famille au singulier, de celle de la famille Dominici.
L'affaire Dominici aurait pu être l'affaire Drummond, l'affaire Sébeille, une affaire d'État, l'affaire de Périès, celle de Perrin ou bien celle de braconniers, du hasard, une affaire politique...
"Affaire Dominici" reste le nom de l'histoire dans l'Histoire et pourtant il s'agit bien d'une histoire de familles au sens large du terme, un imbroglio, une histoire de malentendus. C'est bien une histoire de familles, celles des acteurs comme celles des spectateurs. Elle fait même partie de l'histoire de celle de l'auteur
".
Dit plus clairement : ce n'est pas parce qu'on n'a rien à dire qu'il faut fermer sa g.].

 

Philippe Isnel, Petit périmètre pour trop d'énigmes judiciaires, L'édition à façon, 2008 [Enfin un livre dont le titre n'est pas trompeur, car il s'agit bien d'un petit périmètre, d'un tout petit périmètre, même. Pour ne pas dire carrément que l'auteur ne joue qu'en ballon mort... Et malgré cela, que d'énormités énoncées, pour ne rien dire du style, à la limite d'une classe de sixième, et encore. Être agent de sécurité - l'auteur se présente ainsi - ne confère pas, hélas, une sûreté élémentaire de l'information, une maîtrise minimale de la cohérence et de la cohésion du discours. Bref, Ph. Isnel a lu l'expert Guerrier (il l'a même rencontré, la belle affaire) et le porte aux nues. Ce qui est son droit. Mais, dès lors, quel besoin de le paraphraser, et si mal ?
Au passage, on croise une "balle Rock-Ola" (sic), un Sir Jack "habillé avec l'uniforme allemand" (re-sic. Et pourquoi pas invité par Hitler à Berchtesgaden ?), et on apprend que "l'analyse" des légistes d'aujourd'hui est "infaillible". Le petit Grégory sera heureux de le savoir.
On est atterré d'apprendre que cette insanité parfaitement inutile, sinon nuisible, a été rédigée par un homme de quarante ans. C'est à pleurer. Bref, on songe irrésistiblement à cette remarque de Montaigne (III, 12) : "Notre monde n'est formé qu'à l'ostentation : les hommes ne s'enflent que de vent et se conduisent par bonds, comme les ballons".
Enfin, on ne voudrait pas se montrer mesquin, mais tout de même cet opuscule atteint péniblement les 100 pages, et coûte 12 euro. Celui du mentor admiré (Guerrier) comprend plus de 700 pages, pour 20 euro. Cherchez l'erreur - ou l'énigme...].

 

- * Paul Lombard, Dictionnaire amoureux de Marseille, Plon, 2008 [Ce fort volume (579 pages) contient évidemment un hommage appuyé de l'auteur à son brillant aîné Me Émile Pollak (pp. 415-421). Et, par contrecoup, une allusion à l'Affaire de Lurs. Texte assez insignifiant, mais on y relève deux détails, concernant le procès, qu'on n'a jamais lus par ailleurs. D'une part, trouvant la plaidoirie de son confrère de la partie civile, Me Delorme (que Lombard qualifie, de façon outrageusement méprisante, de politicien local), trop empreinte de componction, Pollak se serait ouvertement moqué de son confrère, et à haute voix. Quelle élégance ! D'autre part, la fameuse interruption de séance, tant reprochée au président Bousquet (chacun a en mémoire la séquence du film de Claude Bernard-Aubert, où Daniel Ivernel joue la scène à merveille) ne se serait pas passée de la façon généralement admise. En réalité, le Président aurait vivement reproché à Pollak sa façon de bousculer le témoin Gustave : "vous n'avez pas le droit de l'agresser ainsi ; c'est pourquoi je suspends la séance"].

 

- * Le Dauphiné Libéré, Soixante ans de faits divers, catastrophes, crimes, procès..., 1947-2007, hors-série, novembre 2007, format tabloïd, 193 p.[Dans cette compilation a priori peu réjouissante, le quotidien grenoblois a rassemblé quelques-uns des reportages publiés à l'occasion des évènements pointés ci-dessus. Avec, pour chacun d'entre eux, la reproduction, en format légèrement réduit, des "Une" d'époque. Naturellement, nous intéresseront surtout, ici, les six pages consacrées (au début de l'opus) à notre affaire (avec surtout des photographies). S'il est bon de retrouver (pour certains, de découvrir) quelques-uns des articles consacrés par le grand Roger-Louis Lachat au "massacre sur la Grand'Terre" (pas les meilleurs ni les plus explicites, malheureusement), on se doit d'ajouter aussitôt que le journaliste d'aujourd'hui qui écrit une (trop) longue introduction, et tente de manier un pauvre humour parfaitement déplacé (racler les fonds de terroir), égrène tous les poncifs conspirationnistes et autres, et ne manque bien sûr pas de signaler - à deux reprises ! - l'intervention du petit-fils qui a remué "ciel et terre" en vain.
En vain, c'est vite dit ! Rappelons donc, alors, cette phrase un peu emberlificotée, mais qui dit bien ce qu'elle veut dire : "... je crois sa cause perdue d'avance quoi qu'en disent tous ceux dont la publicité qu'ils en retirent en s'occupant de cette affaire arrange les leurs". Comprenne qui pourra].

 

- * Éric Allary (sous la direction de -), Les grandes affaires criminelles en France, Geste Éditions, 2007, 273 p.[Cet ouvrage format album, abondamment illustré, commente une cinquantaine d'affaires criminelles, depuis celle du Courrier de Lyon jusqu'à la si médiatique noyade d'un gamin dans une rivière vosgienne. S'agissant du sujet qui nous intéresse ici, et auquel dix pages (seulement) sont réservées, la relation est vivante et honnête, sans trace de sensationnalisme. Il est toutefois curieux que l'accent soit mis sur le fameux pantalon de Gaston, et sur un certain vélo rouge qui aurait appartenu à Gustave, comme s'il s'agissait là du nec plus ultra des preuves dédaignées par les enquêteurs.
Si donc l'achat de cet ouvrage, concernant la seule affaire de Lurs, n'est pas indispensable, en revanche les passionnés d'affaires criminelles pourront en tout cas, au moment des fêtes, trouver là un cadeau appréciable, à l'iconographie (parfois envahissante) fort bien choisie].

 

- Gérard-Robert Cormy, Allo130.98.10, l'Affaire, Publibook, 2007, 723 p.[Puisque nous sommes en France et que toutes les opinions sont respectables, il est donc loisible à tout un chacun de proclamer que le "vieux salopard" de Lurs était innocent.  Mais pour le proclamer, encore faut-il respecter un minimum de vérité historique... et de syntaxe. Puisque nous sommes en France et que le ridicule ne tue pas, reconnaissons avec tristesse qu'on peut écrire n'importe quoi, n'importe comment. Car il ne suffit pas d'avoir été combattant en Indochine, parent ou proche de personnes habitant ou ayant habité Digne et ses environs, voire Lurs et ses environs, pour écrire de façon sensée sur la tragédie de Lurs : l'ouvrage (numérique) que voici en est un navrant exemple qui, sur plus de 700 pages (notre ami Éric Guerrier est pratiquement battu !) écrites partiellement sous forme de "roman", nous dévide tous les poncifs et autres craques qu'on a pu écrire depuis soixante ans, sur Drummond et la Résistance, sur Dominici et la Résistance, etc. etc. Plus de 700 pages de sottises - et je suis poli. Enfin, il m'a tout de même été donné d'apprendre (p. 110) que Guérino et Bocca étaient Commissaires, de même que Ranchin (après tout, ce dernier était assez proche du grade de son patron) ; que le capitaine Albert était persuadé que l'arme du crime "appartenait à une des séries parachutées par les Anglais" [sic], ce qui est tout de même troublant, quand on lit, un peu plus loin, que les carabines avaient été "parachutées par les Américains"...
Je passerai rapidement sur les innombrables cuirs, de même que sur les gendarmes Cresky et Rebando, et sur le témoin Fausto Roure (un admirateur, sans doute, de Faustin Coppi). Mais j'ai été très aise d'apprendre que les dépositions des Marrian étaient "étranges et contradictoires", que les Drummond disposaient d'un garde du corps, tout de blanc vêtu, ce qui n'avait rien d'étonnant, puisque Sir Drummond, qui fumait tel un pompier, était un très grand sportif, "en pleine forme" comme l'a démontré son autopsie  ; et que les policiers circulaient à bord de DS 19, que Citroën avait dû, dans son immense bonté, fournir par anticipation au Ministère de l'Intérieur, puisque le vulgum pecus n'eut droit que trois années plus tard à ces petites merveilles - Sébeille n'a donc pas suffisamment apprécié son bonheur ! ; que le commissaire Mével, fin connaisseur de la région, croyait dur comme fer, contre Sébeille, à l'innocence des Dominici ; que Gaston "adorait" Gustave (tiens, on aurait plutôt pensé le contraire) et que, entré tout de suite dans la Résistance, il avait envoyé Gustave et Aimé rejoindre le maquis (en effet, comme ouvriers de la onzième heure, après le passage des troupes américaines). Enfin, que l'évènement majeur du 4 août 1952, c'est que le petit Alain (âgé de 18 mois !) "a du mal à respirer, car il fait 35°".
L'auteur semble être particulièrement prolixe. Reste à souhaiter que ses autres productions ne soient pas de la même insanité. Car, au regard de ce dont je viens de parler, les dénommés Arrigoni et Isnel apparaissent comme des Titans de la pensée (dominicienne)].

 

- * Bruno Dayez, Justice et cinéma, Anthémis, 2007, 198 p.[L'auteur tente d'approcher "le mystère de la Justice" à travers ses rapports avec le cinéma, en analysant une quarantaine de films - dont celui qui peut nous intéresser ici (je veux naturellement parler de l'Affaire D., de Claude Bernard-Aubert, 1973). Et ce qu'on lit est somme toute une recension honnête et bien construite, comme peut le laisser penser l'extrait suivant, où l'auteur commente non plus le film, mais l'affaire elle-même : Ce qui animait probablement le jury, "c'était la conviction que "si ce n'est le père, c'est le fils", et qu'en prenant sur lui la responsabilité des faits, le père savait très bien ce qu'il faisait. A partir du moment où, grâce à lui, sa progéniture échappait à la guillotine, n'était-il pas juste qu'il subisse lui-même le châtiment de l'assassin ?  Si père et fils s'étaient mutuellement accusés et que rien n'était venu les départager [ce qui fut bien le cas !] aurait-il été concevable que le doute profite à l'un et à l'autre ?" (p. 171)].

 

- * Éric Guerrier, L'Affaire Dominici, expertise du triple crime de Lurs, Cheminements, 2007, 735 p.[Cet important ouvrage, au moins par la taille, ambitionne de devenir la bible incontournable de l'Affaire de Lurs. Si l'on ne peut examiner son contenu de façon critique en quatre ou cinq lignes, ce qui serait particulièrement injuste et inélégant, au moins dira-t-on ici, seulement, que ce projet est très largement inaccompli, vraisemblablement à cause de la personnalité de l'auteur, qui est décidément too much - ce que m'ont aussi confirmé nombre de lecteurs m'ayant communiqué leurs impressions.
En définitive, on est hélas en présence d'une sorte de couronnement de la littérature reymondienne et complotiste (comme chez Reymond, que l'auteur prétend contester, on trouve ici beaucoup d'erreurs et d'inventions, pour ne pas parler de désinformation). Dommage, car le projet était au départ des plus intéressant : aller au fond des choses à partir d'une consultation sérieuse des archives - disons le mot : d'un authentique travail de bénédictin.
Si on le souhaite, on trouvera ci-après un examen critique serré de cette Expertise].

 

- ** Christian Guéry, Justices à l'écran, Puf, 2007, 303 p.



[Monsieur Christian Guéry, actuellement Doyen des juges d’instruction à Nice, analyse finement, dans l'ouvrage Justices à l'écran, les rapports entre la justice et sa transformation en spectacle par les médias de masse, d'une part. D'autre part, à l'intérieur de cette analyse, les différences entre les systèmes accusatoire et inquisitoire. Un tel ouvrage n'aurait pas place dans cette bibliographie si ne s'y trouvait une critique solidement fondée de ce que j'ai nommé le "téléfilm scélérat" produit par TF1.
Une nouvelle façon de démonter la "télé-révision" de façon convaincante et percutante (l'Affaire Dominici, pp. 91-115) dans un ouvrage politiquement incorrect (s'agissant de cette affaire) qui, pour une fois, a bénéficié d'une forte couverture médiatique.]

 

- "Grandes affaires criminelles - Le triple crime de Lurs - 1965 : la mort de Gaston Dominici" (in Le Monde du 13 juillet 2006, p. 18 [Encore une tentative pour 're-visiter' le crime de Lurs. Il se trouve que j'ai pu lire le papier initial du journaliste ; le comparant à l'infâme brouet que le quotidien du soir a osé publier à la place, je n'ai pu retenir mon indignation. Je me suis laissé dire qu'il en avait été de même, pour l'auteur du texte, complètement ignorant de la combine. Ainsi, voilà ce qu'on nomme le rewriting, lorsque la prose du journaliste semble (à qui ?) politiquement incorrecte. Quelle grande leçon de journalisme : Beuve-Méry a dû se retourner dans sa tombe. Bref, dans la mouture qui est finalement parue, c'est Giono, le grand homme. Et le vieux criminel devient le bibliothécaire des Baumettes ! ! ! On aurait pu se dispenser de ce nouveau camouflet à la simple vérité.
Quant à l'entrefilet consacré à "Edmond Sébeille, le Maigret marseillais", il a au moins le mérite de dissimuler le fiel sous des considérations plus ou moins éloignées du sujet (tout en rappelant l'incroyable intrusion de Me Maurice Garçon - tiens, au fait, en voilà un qui n'a pas récidivé devant Chenevier, infiniment plus "médiatique" que Sébeille. On se demande pourquoi...). Voilà, en tous cas, une livraison du Monde qui est à flanquer au panier. Articles parfaitement inutiles.
Il convient d'ajouter que, moins d'une semaine après cette funeste parution, le quotidien du soir a publié un rectificatif indiquant que le journaliste dont on trouve la signature au bas de l'article "ne peut accepter la paternité de ce texte entièrement réorienté sur le fond et remanié dans la forme". Bravo ! Christian Colombani, puisqu'il s'agit de lui, a ainsi montré qu'il en avait. Et  , que l'affaire était assez grave pour baisser immédiatement pavillon...].

 

- * "Les grands moments de la télé", France 3 Provence, samedi 3 juin 2006, 90' [On se demande ce qui a poussé les responsables d'une telle programmation à sortir une nouvelle fois les vieilles lunes (en l'occurrence un film incroyablement mensonger - rediffusé à hautes doses depuis dix années - pleurnichant sur l'honneur perdu des Dominici). Si seulement ç'avait été pour les dépoussiérer : mais non !
Ce qui frappe d'emblée, dans ce "grand moment" (une curieuse "table ronde" - enregistrée dans la bibliothèque municipale de l'Alcazar ! - servant de prétexte à la rediffusion), c'est l'incroyable coup de vieux pris par Alain Dominici (il est vrai qu'il n'a plus tout à fait vingt ans). Non pas, bien sûr, par rapport au film-reportage de 1996, produit par A. Dhenaut et J. de Bonis (dont on lira l'examen critique - pas assez sévère, quand je le relis aujourd'hui - dans la même partie), qui accuse ses dix ans, mais par rapport à sa prestation lors de l'émission "C'est dans l'air", de juin 2003 (également répertoriée dans cette Bibliographie critique). Ce qui n'a pas bougé, chez lui, en tous cas, c'est l'incroyable morgue, comme quand il énonce, d'emblée, vouloir faire venir au jour "non pas la vérité de 54, mais celle que veut connaître le peuple français" (sic)... Un brin de modestie, quand on est dans une telle situation, ne serait pas mal venu, mais bon... On lui accordera cependant que, ayant déclaré que "c'est pas possible que mon grand-père soit coupable", il s'est tout de même livré à une sacrée démonstration d'innocence, irréfutable...
Quant à Me Collard, toujours identique à lui-même ("vous avez tous les culots", devait justement lui lancer Jacques Chapus lors d'une autre table ronde autour du film de Deniau. Et en l'écoutant parler pour la énième fois de cette affaire, comment ne pas songer au jugement que prononça sur lui, au cours de Charivari - une émission de Frédéric Bonnaud, sur France-Inter - le lundi 14 juin 04, à 18:45,  Jean-Louis Comolli, l'auteur de : "Voir et pouvoir : l'innocence perdue : cinéma, télévision, fiction, documentaire", aux éditions Verdier : "Me Collard, la parole dévergondée, la parole charlatanesque" ?. Lui aussi, avec ses vieilles rengaines, il nous assène d'emblée que "l'affaire Dominici est l'archétype de l'erreur judiciaire" (quand on se souvient qu'il considère l'affaire Landru comme une erreur judiciaire - cf. Les grandes erreurs judiciaires du passé, chez Taillandier, 1997 - on mesure ce que vaut ce terme, re-visité par ses soins) et ajoute qu'à travers elle, "c'est le procès de la justice d'une époque, qui doit être instruit". D'ailleurs, il élargit aussitôt la notion d'époque, puisqu'il ajoute que "rien n'a changé depuis", et qu'il prend appui avec gourmandise, on s'en serait douté, sur l'affaire d'Outreau (dont on peut deviner sans peine qu'elle va devenir la scie des avocats échec et mat devant un dossier en béton) : cela pour clouer au pilori la fonction de juge d'instruction (et, c'était en filigrane, la personne du juge, Roger Périès en l'occurrence). Me Collard était flanqué d'un jeune journaliste, Denis Trosséro, avec qui il a commis quelques ouvrages. Mais curieusement, lorsque ce dernier a pris la parole, pour aller dans le même sens que son aîné, puis évoquer à son tour de (prétendues) erreurs judiciaires, Me Collard n'a pas répliqué, s'agissant du cas Ranucci : c'était pourtant son rôle, de bondir comme il sait le faire ; fatigué, alors ? Mais non ! Car au procès Ranucci, Collard était partie civile ; c'est assez dire qu'il a démontré l'archi-culpabilité de l'avant-dernier guillotiné de France... Alors il s'est tu, lui qui n'arrête jamais de parler. Si seulement ce minuscule incident pouvait faire comprendre aux gogos téléphages qu'un avocat ne dit jamais autre chose que la vérité de son client, et rien d'autre, ce ne serait déjà pas si mal.
En revanche, on n'a pas cessé de l'entendre énonçant avec l'aplomb qu'on sait ses incroyables balivernes, du genre "la présomption d'innocence a été bafouée" [dans l'affaire], ou encore "Gaston n'a pas pu parler tout au long du procès avec ses mots" (et après avoir emprunté la sottise de Giono, il n'a pas raté l'allusion à Barthes : on peut mesurer ainsi la façon dont les révisionnistes renouvellent la panoplie de leurs arguments). Il a même ajouté : "Tout le procès Dominici repose sur la garde à vue, qui à l'époque était d'une durée illimitée". Pour faire avaler aux téléspectateurs non-avertis (la plupart, sans doute) que les Dominici père et fils ont été victimes d'un acharnement inhumain, il n'y a certes pas de meilleure méthode. Il aurait évidemment été oiseux de donner les durées exactes d'interrogatoire, et de préciser qu'un quidam, au moins, étranger à l'affaire qui plus est, a été traité avec beaucoup moins d'égards que le vieil assassin. Car pourquoi s'arrêter à de pareils détails ?
Collard a tout de même reconnu qu'il n'a pas (encore) réussi à faire réviser la sentence de 1954 (plus exactement, ses nombreux prédécesseurs et lui) ; mais toutes les raisons qu'il donne de cet échec sont rideaux de fumée pour naïfs : la seule, la vraie explication, c'est tout bonnement l'écrasant faisceau de preuves de culpabilité. Ce qui a dû échapper au cher Maître.
Lorsque, ensuite, l'animatrice annonce qu'on va voir le commissaire Sébeille (courte séquence tirée d'une interview faite en mai 1972), alors on entend des ricanements sur le plateau. Ce qui rend d'autant plus odieuse l'accusation de Collard, prétendant aussitôt après que Sébeille ricanait en rappelant la sentence. Continuant à attaquer, notre avocat en vint à stigmatiser "la manière scandaleuse dont les aveux de Gustave ont été recueillis"... Ces ricanements ont d'ailleurs connu peu après une reprise, lorsqu'un second document (récent, celui-là) nous fut présenté : quatre précieuses minutes - tirées d'un enregistrement de trois heures - durant lesquelles on put entendre le frère cadet de Gabriel Domenech, expliquer pourquoi il a tenu à rééditer l'ouvrage de l'ancien député des Basses-Alpes, rappeler qu'il a assisté à la reconstitution et ce qu'il y a entendu, enfin énoncer quelques tranquilles vérités du type "on vend, on fait du fric en disant des mensonges" (il aurait pu ajouter : et en crachant ignominieusement sur des morts). Le ricanement, on le saisit alors, grâce à une incrustation, sur le visage du petit-fils du Patriarche. C'est tout ce qu'ils savent faire, face à de vrais arguments : ricaner. Et je n'ai pu m'empêcher alors de songer à un autre ricanement, rapporté en son temps par un journaliste (un vrai) du Dauphiné libéré : tandis que, le 26 novembre 1954, le procureur Sabatier prononçait son implacable réquisitoire, "au fond de la salle, on regardait des Dominici ricaner en silence. Et Yvette, ostensiblement, lisait un roman : L'amour vaincra". Tirons le rideau.
Mais auparavant, notons que le commentaire définitif de cette minuscule et bienvenue séquence a été prononcé par le petit-fils : "il y a des gens qui ont vu la même chose que lui [Pierre Domenech], et qui n'ont pas dit la même chose que lui". Mais, malheureusement, Alain a oublié de nous citer ces "gens"-là, et de nous dire ce qu'ils avaient rapporté. Alors, aidons un peu sa mémoire apparemment défaillante. "Au soir de cette reconstitution, a écrit l'un de ces "gens", aucun des cent journalistes présents n'a eu l'audace d'émettre le moindre doute sur la culpabilité de Gaston" (René Pacaut, Quinze mois d'enquête à Lurs). Évidemment, tout cela est si vieux, n'est-ce pas ?
En tout état de cause, "l'honneur, c'est comme les allumettes : ça ne sert qu'une fois". Et le clan Dominici, depuis un demi-siècle, a tout de même craqué de nombreuses allumettes, pour ne pas dire des boîtes entières. Ça devrait faire réfléchir "le peuple français"...

 






[En définitive, que toutes ces contorsions - intéressées, ô combien - sont dérisoires ! Observons la photo suivante : à Digne, lors de sa visite présidentielle de 1960, le général de Gaulle serre la main du député bas-alpin Gabriel Domenech. Imagine-t-on une seconde que Domenech - étranger au département jusqu'à l'Affaire - ait pu accéder à la députation, c'est-à-dire gagner la confiance d'une majorité d'habitants de ce département (il avait entre autres battu le député sortant, le socialiste Naegelen), si les dits habitants n'avaient complètement partagé son analyse du triple crime de Lurs ?]

 

 

 

 

 

- "Coupable ou innocent : on reparle de l'affaire Dominici" , in Crimes & Police, enquêtes et vérités(sic) n° de juin 2005, pp. 4-8 [Ce bimestriel, qui ressemble comme un frère (s'agissant du contenu) à Détective (et on sait ce que je pense - d'une façon générale - de Détective) commet des articles pour la plupart non signés. Celui que j'analyse ici est fait pour attirer le chaland avec son titre accrocheur : "on reparle de l'affaire Dominici". Mais cette annonce est purement fallacieuse, l'auteur se bornant à reparler des thèses de Reymond (les qualifiant tout de même de peu rigoureuses) - lesquelles datent de huit années ! Ceci posé, le texte confond policiers et gendarmes, fusil et carabine. Péchés véniels, sans doute. En revanche, il parle de Paul Maillet comme d'un "personnage trouble", et on se demande quel élément matériel l'autorise à proférer une telle calomnie. L'article se termine en indiquant que le juge Carrias a "démonté point par point la démonstration du journaliste", ce qu'on savait depuis belle lurette. Article parfaitement inutile].

 

- Patrice GELINET, 2000 ANS D'HISTOIRE, L'Affaire Dominici, 50 ans après la condamnation de Dominici, France-Inter, lundi 29 novembre 2004, 14:03[Comme on a pu le faire remarquer malicieusement, ce nouvel avatar de l'affaire Dominici "tombe" à pic, cinquante ans jour pour jour après la condamnation à mort du Patriarche... Mais bon, il est possible qu'il n'y ait là que coïncidence des plus fortuite...
Le réalisateur, Patrice Gélinet, interrompt très souvent ses interlocuteurs, au lieu de favoriser leur parole, ce qui devrait être son rôle, et essaie de se mettre en valeur. Ainsi nous a-t-il sorti quelques bourdes bien senties (mais qui a pu les relever ?) du genre "Gaston est aussitôt soupçonné d'être l'auteur du triple meurtre", ou encore "On ignore aujourd'hui s'il était coupable", mais aussi lorsqu'il s'indigne : "Sébeille arrive douze heures après que l'on ait [sic] découvert les cadavres" (oui, Môssieu, tout à fait juste : les cadavres ont été "découverts" vers une heure du matin - par le fils, et recouverts, à la même heure, par le père, et Sébeille, honte à lui ne s'est pointé qu'à treize heures, alors qu'il aurait très bien pu être là dès deux heures du matin) ou encore lorsqu'il proclame : "Sébeille s'acharne", "Sébeille emprisonne Gustave" [sic], et enfin "plus personne ne croit à la culpabilité de Gaston" (parle pour toi, historien d'opérette : les gestes de Coty et de de Gaulle n'ont rien à voir avec un quelconque doute sur la culpabilité). Le réalisateur n'a pas oublié, non plus, de donner longuement la parole à Me Pollak : en bonne démocratie, il eût fallu alors faire aussi parler Me Delorme, mais bon, la démocratie, on s'en fout, n'est-ce pas ? Enfin, Gélinet a su manier la brosse à reluire, car il nous a indiqué - par deux fois ! - que le tandem Deniau-Sultan avait produit "un livre passionnant" (si ça n'est pas de la publicité rédactionnelle, ça). Face à ce personnage dont la volubilité était inversement proportionnelle à l'information, nos auteurs se sont comportés de façon plutôt sympathique. Avec un manque évident de pédagogie (qui connaît Jacques Duclos, aujourd'hui ? Pourquoi n'avoir rien dit, à cet égard, de la puissance du P. C. à l'époque, et de sa volonté d'empêcher les enquêteurs d'approcher la Grand'Terre ?), avec certes quelques sottises ("un drame cornélien", "Clovis a renchéri" [sic], "on a coupé l'herbe sous les pieds de la contre-enquête"), mais aussi quelques remarques fort justes (en particulier s'agissant du portrait de Gaston, qui "menait la danse pendant le procès"). Et Mme Sultan de conclure : "le mystère subsiste". Ah bon ? Non, décidément, cette émission n'avait pas la tenue de la précédente. Il est vrai que n'est pas Serge Bernstein qui veut...
Enfin, je me suis interrogé : à peine leur livre sorti, les auteurs ont l'honneur de la presse. Pierre Domenech, lui, a fait réimprimer l'ouvrage écrit par son frère (ouvrage introuvable depuis bien longtemps, et dont on avait dit, au moment de sa parution, qu'il était capital pour la compréhension de la tragédie), voici plus de six mois. Depuis lors, c'est le silence radio, sans jeu de mots. N'y aurait-il là pas quelque rapport avec ce que Sévilla (parmi d'autres) a nommé le terrorisme intellectuel ? Mais Gélinet va sûrement rattraper le coup, non ?].

 

- * Jean-Charles Deniau, Madeleine Sultan, DOMINICI, c'était une affaire de famille !, Éditions l'Archipel, novembre 2004, 308 p. [Ceux qui ont "des lettres" se souviennent peut-être que Gambetta fut brièvement Chef du Gouvernement français (il y a tout juste 123 ans), et qu'on nomma son passage aux Affaires, par dérision, "le Grand Ministère". Car ce Léon-là était, semble-t-il, beaucoup plus apte à la tchatche et aux paroles verbales qu'à la mise en pratique de ses idées républicaines. Je songeais à ce mot si cruel - mais si mérité - pendant la lecture du dernier ouvrage en date, le "Grand Livre" de J. Ch. Deniau. Peut-être en attendait-on beaucoup trop (car, d'emblée, comment accorder du crédit à qui part "la fleur au fusil", convaincu de l'exactitude des "thèses" reymondiennes ?). Bref, après le succès d'estime du documentaire passé l'année dernière sur Odyssée (et repris en version allégée, dernièrement, dans le Droit de Savoir, de Ch. Villeneuve), Deniau a voulu, lui aussi, monnayer son savoir tout frais (car, comme l'écrit La Provence du 26 novembre 2004, "l'affaire Dominici... reste une bonne affaire, au sens propre comme au sens figuré") : en effet, il y a un an et demi, il ne connaissait pas un traître mot de cette affaire. Il a cru pouvoir combler son retard et coiffer tous les autres commentateurs : notre documentariste a bien présumé de ses forces, hélas ! Dès l'abord, il faut savoir respecter la distinction entre les faits et les opinions, et cela n'est même pas soupçonné par nos auteurs (Deniau et Mme Sultan), qui effectuent un tel mélange entre les deux dimensions, qu'on ne peut observer le résultat qu'avec stupeur et tristesse. Ainsi, Deniau nous apprend que Dominici était coupable. La belle affaire ! On le sait depuis plus de cinquante ans, et seuls les neuneus et les gens financièrement intéressés prétendent le contraire. Il nous dit aussi que l'épisode Bartkowski est une imposture... Mais, une fois de plus, seuls les neuneus avaient cru à cette pitoyable fable, que d'ailleurs le fils de Me Charrier (entre autres) avait magistralement flanquée par terre. Pour ne pas être injuste, cependant, il faut observer quel énorme travail leur a été nécessaire pour couper toutes les ailes à un canard que Reymond a mis cinq minutes à exhumer (mais combien, cependant, vont continuer à croire à la fable Bartkowski !). Que reste-t-il, alors ? D'incroyables diatribes contre les autorités de l'époque, Sébeille en tête (on croit lire là-dessous que notre auteur n'a pas digéré la fin de non-recevoir que lui a opposée la fille du Commissaire) : on dirait du Reymond ! Des scènes largement romancées (il y était, Deniau ?), qui font irrésistiblement penser à du Mossé... Et puis des énormités sur l'arme (sur les armes, car Deniau en "invente" une autre), réitérées et amplifiées dans une conférence de presse, où l'on a pu entendre que l'Us_M1 était "l'arme des cuisiniers" (sic), sans aucune puissance (re-sic). L'armée US, une armée de cuisiniers ! Voilà comment ils nous ont sorti du pétrin, les Ricains : par la grande bouffe ! Sur "l'énorme flaque de sang" aussi, galéjade que le juge Carrias avait dégonflée, mais que Deniau nous ressort, toute fraîche. Et encore d'incroyables contradictions (par exemple, p. 119, on nous dit que Gustave subit - le 12 novembre 53 - "un interrogatoire de plusieurs dizaines d'heures, avec quelques maigres interruptions" ; et p. 124, on ajoute : "Sébeille interrompt la séance après onze heures d'interrogatoire, coupé par deux arrêts d'une heure"...), des erreurs grossières, comme lorsque Deniau démontre péremptoirement (p. 101) que Germaine (fille du Patriarche, mère de Zézé Perrin - Zézé le petit-fils du Patriarche qui, soit dit en passant, est soupçonné d'en être aussi le fils !) n'a pas pu accomplir ce qu'elle dit avoir fait (un trajet à bicyclette) : car la Cassine (ferme des Perrin) est "située à plus de vingt-cinq kilomètres de Peyruis". Dame, on a beau avoir la cuisse légère, c'est un fait qu'on n'a pas pour autant les gambettes - les manivelles - exercées... Sauf que la Cassine n'est pas à vingt-cinq, mais à TROIS kilomètres de Peyruis... C'est pourquoi, au sujet des prétendues "rodomontades" de Sébeille, de ses "négligences" ou de ses "incompétences", il m'apparaît que Deniau devrait s'acheter un miroir, avec l'argent qu'il va se faire... Car c'est davantage son portrait qu'il dessine ainsi, que celui de Sébeille, tandis qu'il ose affirmer, sans rire, que le "scénario du crime" est "enfin reconstitué". Eh bien non, on en est loin ! On sort de ce livre peiné et même consterné (Yvette, nouvelle Antigone !!!). L'ouvrage définitif (celui qui parviendra à égaler - ne parlons pas de dépasser - le Laborde) reste encore à écrire. Par des gens compétents. Non des "journalistes". Deniau est un homme pressé, spécialiste de tout et de rien, touche-à-tout sans doute honnête, mais sans génie. Avant-hier sur la piste du Mammouth, interrogeant des "tortionnaires" de la guerre d'Algérie, ou discourant du rugby à XIII ; hier, à se promener au Yémen, au milieu des parfums d'Arabie. Aujourd'hui, à jeter un regard distrait sur l'affaire Dominici. Et demain ?
Justement, je venais de lire (in 2 du 6 novembre 2004, p. 38 - interview du journaliste américain Danny Schechter, à propos des dérives du système médiatique américain) : "Le talent le plus important aujourd'hui dans le journalisme est la capacité non pas à obtenir de l'information pertinente, mais à faire de la mise en scène, à la vendre". À la bonne heure, on s'y croirait ! On copie donc très largement les travers des Ricains ! Ouvrage qu'on doit lire l'esprit critique très en éveil, hélas !].