Cette lettre écrite pour accompagner l'extrait de baptême d'une demoiselle qui croyait avoir vingt-deux ans, et qui n'en avait que vingt, était ainsi rédigée :

Je puis me vanter, mademoiselle, de vous faire un présent très-considérable. Je vous donne deux années. Vous croyez avoir vingt-deux ans, et voici un écrit en forme qui prouvera que vous n'en avez que vingt. Or, je compte que je vous donne les années que je vous ôte, et dans cette matière-là, on ne compte point autrement. Deux années que vous croyez qui fussent passées, ne le sont pas ; les voilà que je vous les présente encore toutes entières. Je meurs de peur que vous ne conceviez pas encore assez bien de quel prix elles sont.

Mais, juste ciel ! Qui en donnerait autant à bien des dames que je pourrais nommer, quelle reconnaissance n'en tirerait-il pas ? Où est le blanc et le rouge, où les parures et les soins qui valent deux années ? Il est bien juste, mademoiselle, que vous ne fassiez usage de celles-ci que pour moi, puisque c'est à moi que vous les devez. Quand elles se seront écoulées, vous ferez ce qu'il vous plaira, je n'aurai plus aucun droit sur votre vie ; mais de vingt à vingt-deux ans, elle m'appartient. Passé cela je vous remets où je vous ai prise, sauf à nous rengager encore l'un avec l'autre, si nous voulons.

Mais s'il arrive que vous ne soyez pas disposée à me rendre justice, sachez, mademoiselle, que je ne souffrirai point que personne vous aime sur le pied de vingt ans. Je dirai partout, qu'à la vérité vous n'en eussiez pas eu davantage si vous aviez voulu ; mais que vous avez refusé d'avoir deux ans de moins ; et que puisque vous ne m'aimez pas, il faut que vous comptiez vingt-deux ans.