[En principe, je ne publie rien qui ne figure déjà par ailleurs, ou qui soit interdit de publication. Je fais une (double) exception pour ce texte, extrait d'un fameux dossier, et qui montrera aux spécialistes toutes ses insuffisances. Je le publie en effet, dans l'espérance qu'il tombe un jour sous les yeux d'un authentique professionnel de la médecine légale, ayant à cœur de venir à notre secours, nous ignares en la matière, et de nous éclairer. Le publiant, je ne commets aucune faute : il a été révélé au grand public voici près de trois lustres, sans attirer quelque commentaire désapprobateur que ce soit de la puissance publique, en Annexe d'un ouvrage dont je préfère ne pas parler, mais que j'ai longuement analysé par ailleurs (vous n'avez qu'à chercher). Je me suis contenté, à partir du procès-verbal originel, de rectifier les fautes de copie que contenait le texte imprimé. Par ailleurs, j'ai corrigé les nombreuses erreurs (quand il ne s'agissait pas de termes techniques) contenues, hélas, dans le procès-verbal que je viens de citer. En effet, si personne n'a brillé dans cette affaire, comme l'a observé en souriant le regretté juge Carrias, on peut dire qu'à coup sûr, la dactylo qui a frappé la cote D 37 du dossier Dominici ne sortait pas de chez Pigier, et que les nuances de la langue lui étaient assez étrangères (injecter pour ingérer !!!). Bref, si un(e) spécialiste de la médecine légale en vient à se pencher sur ce texte, on est nombreux, qu'il/elle le sache, à souhaiter ses lumières et son examen critique au scalpel... Bienvenue à lui/elle !].

 

 

 

"Les Drummond dormaient sous un saule centenaire" (sic. Nice-Matin, mercredi 6 août 1952)

 

 

 

Nous, soussignés,

GIRARD, docteur en médecine à Digne et NALIN Pierre, docteur en médecine, Chevalier de la Légion d'Honneur, à Forcalquier, commis par Ordonnance de Mr. Roger PÉRIÈS, Juge d'Instruction au Tribunal de Première Instance de Digne, en date du cinq Août Mil neuf cent cinquante-deux, Ordonnance ainsi conçue :

Nous Roger PÉRIÈS, Juge d'Instruction au Tribunal de Première Instance de Digne,

Vu l'information suivie contre X

Inculpé d'assassinat - vol

Vu les articles 43 et 44 du Code d'instruction criminelle,

Commettons Messieurs les Docteurs GIRARD et NALIN médecins légistes à Digne et Forcalquier qui après avoir ou prêté devant nous le serment prescrit par la loi, procéderont aux opérations suivantes :

Procéder à l'autopsie des cadavres de :

1) Sir Jack DRUMMOND

2) Lady DRUMMOND

3) Elisabeth DRUMMOND

actuellement entreposés à la Morgue de l'Hôpital Civil de Forcalquier, pour constater tous indices de crime et de délit.

1° Quelle est la nature des coups que portent les cadavres ?

Où est leur siège ?

2° Quelle est leur cause ? (Instruments piquants, tranchants, contondants, brûlures, armes à feu) ?

S'il s'agit de coups causés par arme à feu, préciser les distances auxquelles ils ont été tirés.

3° Existe-t-il des traces de résistance ou de lutte ?

4° Les coups ont-ils été portés par un seul individu ou par plusieurs ?

Avant ou après la mort ? - Préciser les circonstances.

5° Combien de temps avant la mort les victimes avaient-elles accompli certains actes physiologiques (repas - ingestion de liquide, etc.)

6° Á quelle heure remonte la mort ?

7° Rechercher si la jeune victime porte des traces de viol ?

8° Pour la jeune victime, préciser les lésions ; comment ont-elles été produites (instruments tranchants ou contondants) ?

 

certifions nous être transportés le cinq août à seize heures à l'Hôpital de Forcalquier où nous avons rempli la mission qui nous a été confiée.

Les cadavres de Sir DRUMMOND, Lady DRUMMOND et d'Elizabeth DRUMMOND reposent sur des brancards à la Morgue de cet Hôpital et sont recouverts de couvertures.

Voici les constatations que nous avons faites pour chacun de ces cadavres, en présence de Monsieur PÉRIÈS, Juge d'Instruction.

 

 

 

AUTOPSIE DE SIR DRUMMOND

 

Le cadavre est celui d'un homme d'une soixantaine d'années, paraissant robuste et bien constitué. Taille 1,70 m. Il est entièrement dévêtu. Il porte à l'avant-bras gauche une montre-bracelet et à l'annulaire gauche une bague en métal ornée de figures marocaines. Il est pourvu d'un appareil de prothèse dentaire complet et intact (haut et bas).

La putréfaction est à peine commencée ; la rigidité cadavérique est complète. Les lèvres sont souillées de sang ; dès qu'on déplace le cadavre, un flot de sang liquide sort par la bouche. On remarque sur le corps des traces de blessures par arme à feu qui ont les caractéristiques des plaies par balles de fort calibre (7 à 8 millimètres de diamètre environ).

Sur la face postérieure du tronc, on voit deux orifices de plaie par balle, l'un situé sur le côté droit du thorax, à six centimètres de l'apophyse épineuse de la septième vertèbre dorsale ; l'autre située sur le bord droit du rachis, entre les apophyses épineuses de la première et de la deuxième vertèbres lombaires.

Ces orifices, à bords nets, ont les caractéristiques des orifices d'entrée de balles de gros calibre ; elles sont ovalaires, leur grand axe est transversal et mesure 8 millimètres environ de longueur ; elles ne sont pas auréolées d'incrustation de poudre. Ces plaies constituent des orifices d'entrée de balles.

Sur la face antérieure du thorax se trouvent aussi deux orifices de plaie par balle, l'un situé immédiatement au-dessous du sixième cartilage costal droit ; l'autre, à deux travers de doigt au-dessous du mamelon droit.

Ces deux plaies de la paroi antérieure du thorax sont larges (deux centimètres et demi à trois centimètres de diamètre), anfractueuses, à bords décollés. Elles livrent passage à une abondante quantité de sang liquide dès qu'on déplace le corps. Elles représentent les orifices de sortie des projectiles.

OUVERTURE DU CORPS

Il n'existe pas d'ecchymoses au niveau du cou.

Le plastron thoracique enlevé, nous remarquons que la partie antérieure de la septième côte droite est fracturée et qu'il en est de même de la partie antérieure de la quatrième côte droite. Ces fractures sont comminutives, c'est-à-dire à plusieurs fragments.

Le poumon droit baigne dans une abondante quantité de sang liquide (trois quarts de litre environ), le parenchyme noirâtre est affaissé. Son lobe supérieur est intact. Son lobe moyen est largement déchiré, on voit une grande plaie, à direction postéro-antérieure, située immédiatement au-dessous de la scissure inter-lobaire. La base du poumon adhère fortement à la coupole diaphragmatique.

Le poumon gauche paraît intact ; il est de coloration foncée ; il est affaissé. À la section, son parenchyme est noirâtre ; les bronches ne laissent sourdre qu'une mucosité légèrement hémorragique.

Le péricarde est normal, intact.

Le cœur, vide de sang, est intact ; ses valvules sont saines. Les gros vaisseaux, aorte, veines pulmonaires, artère pulmonaire, ne sont pas altérés.

L'estomac renferme cent grammes environ d'une purée brunâtre correspondant à la fin de la digestion ; ce résidu n'a pas d'odeur alcoolique.

Les intestins n'offrent pas d'altérations traumatiques ou pathologiques ; ils sont fortement distendus par des gaz. L'appendice volumineux est sain.

Le foie porte une plaie intéressant à la fois son lobe droit et son lobe moyen. Cette plaie, qui se dirige d'arrière en avant, traverse l'organe dans toute son épaisseur. Son orifice d'entrée siège sur le bord postérieur du foie ; d'abord ovalaire, de la dimension de la pointe de l'index, il va en s'évasant en atteignant la face antérieure de l'organe où il donne l'impression d'avoir provoqué un véritable éclatement du parenchyme. Sur cette dernière face, la plaie hépatique mesure 6 centimètres environ de largeur. La quantité de sang répandue, tant au niveau de la blessure que dans la cavité abdominale, est minime par rapport à l'abondante hémorragie thoracique que nous avons signalée plus haut.

La vessie est vide. Les reins et la rate sont normaux.

Le corps de la première vertèbre lombaire est fracturé.

Il n'existe pas de plaie de la face, ni du cuir chevelu ; les os du crâne sont intacts.

Les membres supérieurs et inférieurs ne présentent pas de blessures, à l'exception de la main droite.

Sur cette main, il existe trois plaies ; l'une transversale, large et profonde, intéressant les parties molles (peau et muscles de l'éminence thénar) ; les deux autres sont contiguës, transversales et siègent sur la face interne de la première phalange du médius et sur la face externe de la première phalange de l'annulaire. Ces trois plaies paraissent avoir été provoquées par une balle qui aurait suivi le trajet : base du pouce, troisième espace inter-phalangien.

[Lors de son témoignage, au procès de Digne, le Dr Nalin (seul appelé, son confrère le Dr Girard étant décédé trois semaines avant l'ouverture des débats), le jeudi 18 novembre 1954, a apporté une précision ne figurant pas dans le rapport d'autopsie, ce qui a entraîné une juste réaction de Me Pollak : "Cela ne figure pas au rapport !". Le Dr Nalin a précisé que l'annulaire de la main droite (de Sir Jack) était fracturé].

 

CONCLUSIONS

 

 

Sir DRUMMOND a été blessé,

1°) Au niveau du thorax, par un projectile d'arme à feu, en l'espèce une balle de gros calibre (7 à 8 millimètres de diamètre) qui a pénétré dans l'hémi-thorax droit par sa face postérieure (au niveau de la septième vertèbre dorsale) et qui est sortie, en avant, dans le quatrième espace intercostal droit.

Ce projectile a déterminé une large plaie du poumon et entraîné une abondante hémorragie.

 

2°) Au niveau de la partie supérieure des lombes par un projectile (une balle également de gros calibre) qui a pénétré dans le corps au niveau de la première lombaire et qui est sorti à la face antérieure du thorax, au niveau du sixième cartilage costal droit. Ce projectile, après avoir fracturé la première lombaire, a traversé le foie, d'arrière en avant, en provoquant une vaste plaie des lobes moyen et droit.

Ces deux blessures étaient mortelles. La victime était debout lorsqu'elle a été atteinte par la première balle ; elle devait se trouver debout et légèrement inclinée en avant lorsqu'elle a reçu la deuxième balle.

 

3°) La mort peut remonter à une quinzaine d'heures environ.

 

 

 

AUTOPSIE DE LADY DRUMMOND

 

 

Le cadavre est celui d'une femme paraissant âgée de quarante-cinq ans environ, et bien constituée. Taille 1,63 m. Ses cheveux sont grisonnants. Ses ongles sont recouverts d'un vernis rouge.

Il n'est vêtu que d'une culotte en tissu blanc. La rigidité cadavérique est complète ; la putréfaction à peine commencée. Quelques lividités cadavériques apparaissent sur les flancs.

Sur la poitrine, les membres supérieurs et l'abdomen, nous relevons sept plaies par arme à feu, toutes causées par des balles de gros calibre. Ces plaies sont ainsi disposées :

Au niveau de la paroi antérieure du thorax se trouvent quatre plaies : la première plaie est située à un centimètre du bord gauche du sternum au niveau de la deuxième côte ; plaie arrondie par balle de 8 à 9 millimètres de diamètre, à bords réguliers.

La deuxième plaie par balle est située au niveau du sein gauche, à la hauteur de la cinquième côte, à un travers de doigt en dehors de la ligne mamelonaire ; plaie arrondie, à bords très irréguliers, légèrement éversés, de la dimension d'une pièce de un franc.

La troisième plaie est située au niveau de la cinquième côte droite, au-dessous du sein, légèrement en dehors de la ligne mamelonnaire. Cette plaie est en regard d'une plaie du bras droit (lorsque celui-ci est rapproché du thorax) que nous décrirons plus loin. Cette plaie, de la dimension d'une pièce de un franc, a des bords fortement déchiquetés.

La quatrième plaie est située au niveau de la huitième côte gauche, à quatre travers de doigt en dehors de la ligne mamelonnaire. Cette plaie, légèrement arrondie, mesure 6 à 7 millimètres de diamètre.

Au niveau du bras droit, on voit une plaie ovalaire, de 6 millimètres de diamètre, située à la partie antérieure et inférieure du deltoïde. C'est certainement un orifice d'entrée de balle de gros calibre. Une plaie de 5 centimètres de longueur est située sur la face interne de la partie moyenne du bras ; elle a des bords déchiquetés et laisse voir d'importants dégâts des parties molles de la région bicipitale ainsi qu'une fracture comminutive de l'humérus.

Au niveau du bras gauche, [photo !] une plaie par balle se trouve à la partie antéro-supérieure de la région deltoïdienne ; cette plaie est légèrement ovalaire (son grand axe mesure 7 à 8 millimètres et a une direction verticale) et à bords nets. C'est un orifice d'entrée du projectile.

Au niveau de la paroi de l'abdomen, il existe une large plaie s'étendant sur une longueur de 15 centimètres, de l'épine iliaque antéro-supérieure gauche à la région trochantérienne gauche ; cette plaie n'intéresse que les parties molles (peau, tissu cellulaire sous-cutané). Large (4 centimètres) à sa partie supérieure, elle est effilée à sa partie inférieure. Ses bords sont nets. Elle traduit la direction d'une balle dont la trajectoire irait de l'épaule gauche à la partie externe et supérieure de la hanche gauche.

Il n’existe par ailleurs aucune plaie par balle de la partie postérieure et des parties latérales du corps.

Les membres inférieurs ne portent aucune trace de blessures. La situation des plaies et leur direction permettent de penser que l'agresseur devait se trouver, lorsqu'il a tiré ses coups de feu, sur le côté droit de sa victime, celle-ci étant couchée ou légèrement assise, soit en arrière d'elle.

 

OUVERTURE DU CORPS

 

Après avoir sectionné et récliné les parties molles du plastron thoracique, nous constatons qu'il existe des fractures comminutives : de la deuxième côte gauche près du sternum, de la quatrième et de la sixième côte gauche (celle-ci au-dessous du sein), de la quatrième et de la cinquième côte droite, au-dessous du sein droit.

Le plastron thoracique enlevé, les cavités pleurales, la gauche en particulier, contiennent une abondante quantité de sang liquide (à droite 200 grammes environ, à gauche 350 grammes environ). Les poumons sont rosés, en partie affaissés ; il existe quelques hémorragies ponctuées sous-pleurales.

Sur le poumon droit, on voit une plaie transversale de la partie supérieure du lobe moyen, plaie volumineuse, irrégulière, à bords déchiquetés.

Au niveau du poumon gauche, on voit une plaie du parenchyme peu étendue siégeant à la partie antérieure du lobe supérieur et du lobe moyen. Cette plaie paraît due au même projectile. En dehors des zones blessées, le parenchyme paraît sain. Il n'y a pas d'adhérences pleurétiques.

Les gros vaisseaux (aorte, artères et veines pulmonaires) n'offrent pas de lésion.

Le cœur présente une plaie de l'oreillette gauche (partie externe) au travers de laquelle on peut introduire la pointe de l'index, et une plaie allongée de trois centimètres de longueur intéressant toute l'épaisseur du ventricule gauche. Cette deuxième plaie allongée, à bords irréguliers, siège à l'union de la face antérieure et du bord externe du ventricule gauche. Il y eut donc transfixie du cœur par balle. Le cœur est de volume normal. La valvule mitrale est en partie sectionnée. Les valvules du ventricule droit sont intactes.

Le péricarde contient peu de sang. Il présente deux petites plaies, en regard des plaies du cœur. Immédiatement au-dessous de cette plaie cardiaque, la cinquième côte est fracturée. L'estomac, intact, ne contient qu'une quantité minime de mucus, sans odeur particulière.

Le foie, la rate, les reins et les autres viscères abdominaux n'offrent pas de lésion appréciable, pathologique ou traumatique.

La vessie contient peu d'urine.

Les organes génitaux sont sains ; il n'existe pas de signe de viol.

Les intestins ne présentent pas d'altération pathologique ou traumatique ; l'appendice est normal.

Le cuir chevelu est intact. Les os du crâne et de la face ne sont pas fracturés.

Sur les autres parties du corps, sur le cou en particulier, il n'existe aucune excoriation, ni trace de blessure.

Aucun projectile n'a pu être découvert dans le corps de la victime.

 

CONCLUSIONS

 

Lady DRUMMOND a été blessée par arme à feu, chargée à balles de gros calibre (7 à 8 millimètres).

Il est à noter que toutes ses blessures se trouvent sur la face antérieure du corps ; la face postérieure ne porte aucune trace de plaie.

Au niveau de la partie antérieure du thorax et des épaules, on trouve les orifices d'entrée et de sortie des projectiles.

Deux de ces projectiles ont causé des plaies avec hémorragie des poumons et du cœur.

Le premier a pénétré dans le poumon droit après avoir traversé le bras droit, fracturé l'humérus et la cinquième côte droite, au-dessous du sein.

Le deuxième projectile a pénétré dans le thorax à un centimètre des bords gauche du sternum, au niveau de la deuxième côte qui a été fracturée, a traversé l'oreillette gauche, la paroi antérieure du ventricule gauche pour ressortir au-dessous et en dehors du sein.

Ces blessures pulmonaires et cardiaques ont provoqué une mort rapide.

Une balle dut, après avoir pénétré par la face antérieure de l'épaule gauche, se créer une issue au-dessous de la huitième côte gauche et dilacérer ensuite les parties molles de la région ilio-trochantérienne. Nous n'avons pu suivre sa trace dans le corps.

La situation des plaies, la direction des blessures des poumons et du cœur semblent indiquer que la victime était couchée ou le buste légèrement soulevé lorsqu'elle a été blessée.

Son agresseur devait se trouver d'abord sur son côté droit, puis en arrière d'elle lorsqu'il a tiré ses coups de feu.

Il n'existe pas de trace de résistance ou de lutte. La mort remonte à une quinzaine d'heures environ.

 

 

 

AUTOPSIE DU CORPS D'ELIZABETH DRUMMOND

 

 

Le corps est celui d'une fillette d'une douzaine d'années, aux cheveux châtains et bien constituée. Taille 1, 42 m.

Il est entièrement dévêtu et porte, à l'avant-bras gauche, une montre-bracelet. La rigidité cadavérique est complète ; la putréfaction à peine commencée. Sur les flancs et les parties déclives du thorax se trouvent des lividités cadavériques.

Tout le visage, ainsi qu'une partie du crâne et des cheveux, sont couverts de sang coagulé ; par le nez et la bouche s'écoule du sang liquide dès qu'on déplace le cadavre.

Le corps porte des traces de blessures uniquement localisées au crâne et à la face. Le crâne paraît déformé.

Deux des blessures sont situées, presque symétriquement, au niveau des arcades sourcilières droite et gauche.

Elles s'étendent l'une et l'autre sur une longueur de cinq centimètres, de la partie moyenne des sourcils à la région temporale.

Elles sont transversales, à bords légèrement irréguliers, parallèles au rebord orbitaire supérieur. Larges de 2 centimètres à la partie interne, elles vont en s'effilant en atteignant la région temporale. Au niveau de ces plaies, le doigt peut percevoir d'importants dégâts osseux.

Ces plaies sont dues à l'application d'un corps contondant, allongé et régulier (crosse de fusil, barre de fer ou gros manche d'outil).

Après avoir incisé transversalement le cuir chevelu et récliné en arrière la calotte crânienne, nous constatons d'importants délabrements osseux qui sont absolument symétriques de part et d'autre de la suture médio-frontale.

Les rebords orbitaires supérieurs sont fracturés ; les traits de fracture sont transversaux, intéressent tous les rebords qui sont affaissés. Les toits des orbites sont fracturés et enfoncés. Il en est de même de l'ethmoïde.

Les globes oculaires sont intacts.

Le frontal présente encore deux traits de fracture tant à gauche qu'à droite de la médiane.

Un premier trait s'étend du rebord orbitaire à la suture fronto-pariétale en passant par la bosse frontale.

Latéralement, on trouve encore, tant à droite qu'à gauche du crâne, une deuxième fracture du frontal qui passe par la fossette temporale et aboutit à la partie inférieure de la suture fronto-sphénoïdienne.

Il y a disjonction, sur toute leur étendue, des sutures fronto-pariétales et fronto-sphénoïdiennes, droite et gauche.

Les fragments osseux sont très mobiles, tant à droite qu'à gauche, et chevauchent aisément les uns sur les autres. C'est l'ensemble de ces fractures qui donnait à la partie antérieure du crâne sa configuration et sa consistance anormales (en palpant le crâne, on avait l'impression de mobiliser un sac de noix).

Dans l'espace sous-duremérien de la région temporale droite est un léger épanchement sanguin.

Les méninges sont déchirées, en particulier au niveau du toit des orbites et de la région temporale droite.

La matière cérébrale a conservé sa consistance ; sa configuration extérieure est normale.

Les circonvolutions frontales présentent à leur surface de petites suffusions sanguines.

La section des hémisphères cérébraux du cervelet, du bulbe, ne permet pas de déceler de lésions macroscopiques importantes.

Les autres parties du corps : cou, thorax, membres, à l'exception de l'oreille droite, ne portent ni ecchymoses ni traces de violence. La vulve, en particulier, est intacte. Il n'existe pas de trace de viol.

 

L'oreille droite porte à la partie supérieure de son pavillon une plaie contuse, sanguinolente, avec perte de substance cutanée et cartilagineuse.

Cette plaie mesure un centimètre de longueur et un centimètre de profondeur. En arrière de cette plaie se trouve une excoriation de la région mastoïdienne.

Cette plaie contuse peut être due, soit à l'application d'un corps contondant, soit à une balle de gros calibre.

 

CONCLUSIONS

 

Le corps de la jeune Elisabeth DRUMMOND porte des plaies contuses de la face et du crâne et des fractures multiples du crâne par instrument contondant.

Ces plaies et ces fractures sont absolument symétriques de part et d'autre de la suture médio-frontale. Leur importance permet de penser qu'elles ont été produites par un corps contondant (crosse de fusil, barre de fer, gros manche d'outil), appliqué au moins à 2 reprises avec une extrême violence et par un agresseur très robuste.

La mort a été la conséquence de ces grands traumatismes crâniens, du choc et de l'hémorragie qui en sont résultés.

Il y a lieu de croire que la victime était allongée sur le sol lorsqu'elle a été frappée par son agresseur.

Le corps de la victime ne porte pas de trace de viol, ni de trace de résistance ou de lutte.

La mort doit remonter à une quinzaine d'heures environ.

Rien ne nous permet de savoir si les coups ont été portés, sur ces trois victimes, par un ou par plusieurs individus.

Les montres-bracelets et l'appareil de prothèse dentaire de Sir DRUMMOND que nous avons recueillis ont été confiés à Monsieur le Greffier du Tribunal Civil de Digne.

Forcalquier le 17 Août 1952

 

 

["Dans nos cœurs", Carnet de La Provence du 28 juillet 2014, annonce le décès, "dans sa 92e année", du Docteur Paul Nalin. "Obsèques religieuses le mardi 29 juillet, en l'église de Puyricard".
Le Docteur Nalin aura donc survécu soixante années à son confrère, le Docteur Robert Girard, avec qui il avait procédé aux autopsies rapportées supra, et qui décéda, lui, à 43 ans, avant même la comparution de Gaston Dominici devant la cour d'Assises des Basses-Alpes.]