"Il sera difficile, aujourd'hui, d'émettre un doute quelconque sur les circonstances dans lesquelles Yvette Dominici a porté, à son tour, ses accusations. C'est, en effet, en présence d'un seul Juge et de son Greffier que la bru du Patriarche a parlé dans un cadre qui lui est familier, celui de son habitation" (Les Allobroges - ancien journal communiste du Dauphiné, mardi 22 décembre 1953, p. 5.)

"Une fois j'étais à bout, le juge Périès avait passé la matinée à m'interviewer [sic !] : 'enfin, dites une fois comme votre mari, dites-le, qu'il est sorti !' J'ai dit, bon, je vais vous le dire, il est sorti, maintenant c'est fini !
J'ai rien signé, et ça a pas été gardé, je crois
" (Yvette Barth, novembre 2003, au cours de l'émission "l'Affaire Dominici, ses mystères, ses impasses, ses mensonges")

 

 

 

Le 18 décembre mil neuf cent cinquante-trois à 14 h, devant nous, Roger Périès, juge d'instruction au tribunal de Digne, assisté de M. Barras, greffier.
En transport de Justice dans la commune de Lurs (La Grand'Terre) instruisant sur les faits reprochés à Dominici Gaston, inculpé d'assassinats.

Comparaît le témoin ci-après nommé, déférant à l'invitation qui lui en a été verbalement faite, lequel ayant prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, déclare être la belle-fille de l'inculpé, dépose séparément et hors la présence de l'inculpé :
Barth Yvette, épouse Dominici Gustave, âgée de 21 ans, cultivatrice, demeurant à Lurs (La Grand'Terre).

 

 


"Je suis la belle-fille de l'inculpé.
"Je ne vous ai pas dit jusqu'ici la vérité. C'est trop dur... Je m'étais toujours très bien portée, mais depuis un an je suis d'une grande nervosité.
"Nous avons bien entendu des cris presque en même temps que les coups de feu (sic). J'assure que mon mari ne s'est pas levé tout de suite. J'ai entendu six à sept coups de feu. Quant aux cris, ils n'étaient pas très distincts. Les chiens ont aboyés [sic !], hurlés [sic !]. Les aboiements ont continué pendant un très long moment et par intervales [sic !].
"Vers 1 h 30, j'ai donné le biberon à Alain. J'avais profité d'un instant où les chiens se taisaient. Un moment après, sans que je puisse préciser davantage, nous avons entendu de nouveaux aboiements. C'est alors que Gustave s'est levé."

Sur interrogation. - Je n'avais pas entendu de bruits de pas dans la cour. Je ne puis me souvenir si mon mari, en se levant, a allumé la lampe de chevet. Je ne l'ai pas entendu parler à l'extérieur, mais lorsqu'il s'est recouché, environ un quart d'heure après, ou plutôt dix minutes après, il m'a dit qu'il avait trouvé son père dans la cour. Il ajoutait qu'il était abattu comme un homme ivre. Gustave m'a alors confié que son père venait de lui dire "qu'il avait tué". Mon mari paraissait très affecté, et je ne l'étais pas moins. Gustave m'a dit : - Je me demande pourquoi il est allé là-bas. Pourquoi il a fait ça ?
"Par la suite, nous ne nous sommes pas rendormis. À plusieurs reprises cependant, je me suis assoupie.
J'ai entendu dans la maison les pas de mon beau-père, mais je ne saurais vous dire à quel moment. Avant cinq heures en tout cas, il est parti garder ses chèvres : j'ai entendu les clochettes des bêtes."

Sur interrogation. - J'affirme de la façon la plus absolue que mon mari ne m'a pas dit s'être rendu sur les lieux du crime après avoir parlé à son père et avant de se recoucher. Il ne nous a rapporté, à ma belle-mère et à moi, qu'il avait vu la fillette vivante, que le matin alors que nous étions toutes les deux dans la cour. Nous étions levés vers cinq heures, et mon mari, après avoir soigné les bêtes, était parti en direction du campement. C'est à son retour qu'il nous a dit avoir vu la fillette en dessous du pont, le visage ensanglanté. Il me semble que ce n'est que beaucoup plus tard qu'il a dit avoir vu l'enfant remuer un bras.
"Je ne saurais vous dire combien de fois mon mari est retourné sur les lieux du crime".

Sur interrogation. - Je n'ai jamais raconté à ma belle-mère ce que m'avait dit Gustave.
Quant à mon beau-père, à partir de cette date, je me suis arrangée pour lui parler le moins possible.

Sur interrogation. - Sans que je sois absolument affirmative sur ce point, c'est à mon retour du marché d'Oraison, le 5 août 1952, que Gustave m'a appris que son père avait tiré avec la carabine américaine. Je ne pense pas qu'il me l'ait dit avant mon départ pour Oraison, car entre cinq heures et neuf heures, je ne m'étais pas trouvée seule avec Gustave.

Sur interrogation. - Je n'avais jamais vu cette arme. Gustave m'a dit le 5 août qu'elle ne se trouvait plus sur l'étagère de la remise, mais moi je n'avais jamais remarqué sa présence à cet endroit.

Sur interrogation. - Je ne puis me souvenir à quel moment j'ai appris que mon beau-frère Clovis connaissait lui-même le meurtrier. Je ne sais si Gustave me l'a dit à l'époque, ou si je ne l'ai appris qu'au moment du rebondissement de l'affaire.

Sur interrogation. - Mon mari ne m'a pas raconté dans les détails ce que lui avait dit son père, dans la cour, une heure environ après le crime. Gustave d'ailleurs m'a paru ignorer les raisons pour lesquelles son père avait tué les Anglais.

Lecture faite, persiste et signe avec nous et notre greffier.

 


Confrontation

 


Nous faisons entrer le témoin ci-dessous dénommé qui, après avoir représenté avant d'être entendu l'avertissement qui lui a été donné pour déposer et prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a déclaré se nommer Dominici Gustave, âgé de 34 ans, demeurant à Lurs (La Grand'Terre) et être le fils de l'inculpé. Nous donnons au témoin lecture de l'audition ci-dessus.

Après lecture, le témoin Gustave Dominici répond :


- Il est exact que lorsque je me suis recouché le 5 août 1952 vers 2h30 ou 2h45, je n'ai pas dit à Yvette que je m'étais rendu sur les lieux du crime. Je n'avais pas voulu en effet lui dire que la fillette vivait encore.

Le témoin Barth Yvette, épouse Dominici Gustave.

- Je n'ai rien à dire.

Lecture faite, persistent et signent avec nous et notre greffier.

 

 

 

 

[Cote D 240]