Concerne le cycle III et la classe de sixième (voire la cinquième). Doit pouvoir nourrir deux séances.

 

 

I. Document de départ

 

Comment les colons vivent-ils dans l'intérieur du pays ? De même que les Australiens disent constamment "bush-life", nous disons de même la vie dans la brousse. En Australie, on appelle "bush" les forêts de gommiers qui couvrent le territoire. En Calédonie, c'est la forêt de niaoulis, au tronc blanc, à l'aspect grêle et uniforme. Tout ce qui est situé en dehors des centres de populations s'appelle la brousse. Pour se rendre aux habitations dans la brousse, il ne faut pas compter sur les routes ; on suit des sentiers bordés d'interminables rangées de niaoulis monotones. Pas d'animaux, presque pas d'oiseaux, si ce n'est quelques pigeons notous.

Quelques indigènes çà et là, et à quelque distance les toits pointus de leurs cases ; quelques colons voyageant dans leur "buggy", léger véhicule fait pour la brousse, de forme américaine, haut sur roues, résistant à tous les chocs, facile à réparer.

Les voyages se font le plus souvent à cheval, comme en Australie. Les cavaliers emportent, en un paquet ficelé sur la selle, deux chemises de jour, une chemise de nuit, une paire de pantalons, des pantoufles et les objets de toilette ordinaires. On fait ainsi 100 kilomètres par jour. On ne va qu'au pas ou au petit galop, à la méthode des Australiens qui trouvent le trot fatigant.

Dans les habitations de la brousse, on trouve des chevaux à louer, ou le plus souvent à emprunter, selles et brides. Le prêt des chevaux fait ainsi la navette et l'on se rend de réciproques services.

Les chevaux ne sont pas ferrés et paissent en liberté. Pour les ramener, on va vers eux en secouant du maïs dans un tamis ; ils viennent immédiatement et se laissent prendre. Les habitations sont généralement situées sur les bords d'un ruisseau ou d'une rivière. Elles sont en bois ou en remplissage de pierres, ou le plus souvent en torchis et même en peaux de niaoulis. Le toit est en paillote. Autour de l'habitation, le "paddock" (encore un anglicisme) ou enclos pour les chevaux, les vaches laitières, etc. Bien des paddocks sont traversés par un sentier, de sorte que le cavalier trouve devant lui des barrières qu'il lui faut ouvrir et fermer à son passage. Sur la route de Yahoué, les voitures ont à subir le même inconvénient. La garde du bétail et le recensement annuel se font par des hommes à cheval ("stockmen") armés de longs fouets à court manche. À côté de la maison, l'indispensable potager et quelques plantations : maïs, patates... Toutes les habitations sont munies d'une véranda ou appentis extérieur ombragé par des lianes, où l'on vit en plein air. La cuisine est toujours séparée des habitations. Celles-ci contiennent toutes un lit à offrir au voyageur de passage, et l'hospitalité se pratique en Calédonie envers tous, largement et cordialement. Le matin, on se lève de bonne heure, et l'on a pris le thé avant le lever du soleil. Vers onze heures, on déjeune ; on dîne à six heures et l'on se couche peu après huit heures. Presque partout, du pain, des légumes, de la viande, des conserves, rarement de la viande fraîche autre que celle de porc ; du thé, du gin. L'éclairage se fait au pétrole généralement, ou encore à la bougie, ou enfin à l'huile de coco. Dans la plupart des stations, on trouve des livres, mais en petit nombre, mal choisis, mal soignés, peut-être peu lus, encore moins de journaux. En Australie, chaque station a sa petite bibliothèque.

 

Charles Lemire, in La colonisation de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, Paris, Challamel aîné, 1878, 376 p.].

 

 

 

1.1. Préparation lexicographique du texte.

 

Il y a 277 mots dans ce texte, dont 233 différents (sans les mots-outils : il y a par ailleurs 334 occurrences de mots-outils - dont 76 différents, soit 54, 66 % du texte).

 

6 occurrences : brousse

5 occurrences : habitations (+ 1 habitation).

4 occurrences : chevaux.

3 occurrences : Calédonie, niaoulis, Australie, trouve, souvent, heures, encore.

2 occurrences : vie, colons, mal, Australiens, bush, appelle, faut, presque, cheval, ainsi, vers, maïs, généralement, passage, thé, peu, viande.

1 occurrence : (100), air, américaine, anglicisme, animaux, annuel, appentis, après, armés, aspect, autour, avant, barrières, bétail, bibliothèque, blanc, bois, bordés, bords, bougie, brides, buggy, çà, cases, cavalier, cavaliers, centres, chaque, chemise (chemises), chocs, choisis, ci, coco, colonisation, comment, compter, conserves, constamment, contiennent, cordialement, côté, couche, court, couvrent, cuisine, dehors, déjeune, devant, dîne, distance, éclairage, emportent, emprunter, enclos, enfin, envers, etc, eux, extérieur, facile, fatigant, fermer, ferrés, ficelé, forêt (forêts), forme, fouets, fraîche, française, galop, garde, gin, gommiers, grêle, habitation, haut, heure, hospitalité, huile, huit, immédiatement, inconvénient, indigènes, indispensable, intérieur, interminables, journaux, kilomètres, là, laissent, laitières, largement, léger, légumes, lève, lever, lianes, liberté, life, lit, livres, longs, louer, lus, maison, manche, matin, méthode, moins, monotones, munies, navette, nombre, notous, nouvelle, nuit, objets, offrir, oiseaux, ombragé, onze, ordinaires, ouvrir, paddock, paddocks, paillote, pain, paire, paissent, pantalons, pantoufles, paquet, partout, patates, pays, peaux, pétrole, pierres, pigeons, plantations, plein, plupart, pointus, populations, porc, potager, pratique, prêt, ramener, rangées, rarement, recensement, réciproques, remplissage, rend, rendre, réparer, résistant, rivière, roues, route (routes), ruisseau, secouant, selle (selles), sentier (sentiers), séparée, services, situé (situées), six, soignés, soleil, sorte, station (stations), stockmen, subir, suit, tamis, territoire, toilette, toit (toits), torchis, toujours, traversés, tronc, trot, trouvent, uniforme, vaches, véhicule, véranda, vivent, voitures, voyageant (voyages, voyageur), Yahoué.

 

1.2. Lisibilité

 

Le texte est peut-être un peu difficile : un niveau de lisibilité de 13, 23 le place au niveau des classes de quatrième-troisième (mots par phrases : 8, 24 ; pourcentage de mots absents du vocabulaire fondamental : 13, 21 %). Mais il faudra bien le situer dans son contexte historique (de la fin du dix-neuvième siècle).


Mots absents du vocabulaire de base :


anglicisme, annuel, appentis, aspect, Australie, Australiens, bétail, bougie, brides, brousse, buggy, bush, bush-life, çà, Calédonie, cases, coco, colonisation, colons, constamment, cordialement, emprunter, enclos, envers, ferrés, ficelé, fouets, gin, gommiers, habitation, habitations, hospitalité, inconvénient, indigènes, indispensable, interminables, laitières, largement, lianes, maïs, monotones, munies, navette, niaoulis, notous, Nouvelle-Calédonie, ombragé, paddock (paddocks), paillote, paissent, pantoufles, pétrole, plantations, potager, rarement, recensement, réciproques, remplissage, résistant, selle, selles, situé, situées, station, stations, stockmen, subir, tamis, territoire, torchis, tronc, uniforme, véhicule, véranda, Yahoué.

 

[On a pourtant, entre autres, appartenant à l'échelle Dubois-Buyse : inconvénient (35), munies (15), tronc (23), véhicule (23)]

 

 

II. Quelques suggestions pour une exploitation

 

2.1. Explicitation du texte

 

Il ne sera pas très aisé de replacer ce texte dans un contexte à la fois historique et géographique peu accessible à nombre de nos élèves, vivant pour l'essentiel, c'est leur psychologie, dans l'instant présent.

 

2.2. Vocabulaire en extension

 

a. Les milieux naturels (à partir de brousse) : buisson, broussailles, forêt, savane, maquis, chênaie, pinède, verger, taillis, fourré....

 

b. exploration, par oral puis éventuellement, par écrit, du champ lexical de l'habitation (après la recherche des éléments contenus dans le texte : maison, paillote, case) : propriété, immeuble, bâtiment, édifice, hôtel particulier, domicile, résidence, demeure, logis, pied-à-terre, gîte, abri, refuge, villa, chalet, pavillon, bungalow, maisonnette, chaumière, cabane, hutte, tente, baraquement, palais, château, manoir, (case, taule, turne, taudis, cahute, masure, baraque, bicoque).

 

• On pourra aussi s'intéresser aux parties et dépendances d'une maison (après la recherche des éléments contenus dans le texte : appentis, véranda, enclos, toit...) : corps de logis, aile, tour (donjon), cour, sous-sol, entresol, étages, grenier, mansarde, combles, cage d'escalier, palier, communs, remise, écurie, garage, balcon, terrasse, perron, vestibule, corridor, cave, cellier...

 

c. les antonymes (cf. ouvrir et fermer, longs fouets à court manche...)

intérieur 

extérieur
constamment, souvent, généralement rarement
grêle (adj)
interminable bref, court
résistant fragile
liberté
inconvénient avantage
à côté de loin de
largement chichement
en petit nombre en abondance

 

 

 

 

2.3. Vocabulaire en compréhension

 

a. le qualifiant monotone, ses synonymes, ses antonymes et leur emplois : assoupissant, barbant, endormant, ennuyeux, froid, grisâtre, insipide, lassant, peu varié, monocorde, morne, plat, psalmodique, rasoir, régulier, terne, triste, uni, uniforme, égal, traînant vs divers, varié, attrayant...

- un ton...

- un chant...

- un paysage...

- .......

 

b. l'élément mono ( = singul, sol(i), uni) vs pluri, multi, poly

mon ocle (lat. oculus)

mono coque (bateau monocoque)

--- corde

--- culture

--- gramme

--- logue

--- pole

--- ski

--- syllabe

--- théisme

etc.

 

c. série analogique, le mot nombre (nombr & numer) :

cf. Enrichissement du vocabulaire, p. 246

 

d. Idem, avec le verbe lire (ibid., p. 245, et remarque p. 119)

 

e. Hommage souriant aux I.O. "Jean Zay" (23-28 mars 1938), et plus spécialement à un célèbre passage (Vocabulaire, Cours supérieur) :

 

"Pour déterminer cependant la part à faire, dans chaque cours, aux exercices de vocabulaire, il faut, comme on l'a fait au sujet de la grammaire, séparer les deux points de vue qui ont été de l'acquisition pratique de la langue française, et de la réflexion, dans une intention de culture intellectuelle, sur la langue déjà acquise. L'histoire du mot bureau, pour prendre un exemple très connu, n'éclaire en aucune façon les sens actuels de ce mot ; on peut parfaitement employer correctement ce mot en toutes ses acceptions, en ignorant son étymologie et son histoire ; et ceux-là mêmes qui les connaissent n'y songent nullement en parlant du Bureau de leur syndicat ou du Bureau de placement. Les expressions : "les bras d'un fauteuil", "à la tombée de la nuit", ont à l'origine un sens concret, auquel nous ne pensons plus ; en l'évoquant on ne facilite en aucune façon leur emploi métaphorique actuel, sauf en ceci, peut-être, qu'il nous avertit de ne pas l'employer dans des métaphores trop discordantes. Bien plus, les remarques de cet ordre ne sont possibles que si, déjà, par l'usage, les élèves savent employer les divers sens du mot dont on veut leur montrer l'histoire. Ils ne comprendront le passage d'une signification à l'autre que s'ils sont habitués déjà à employer le mot dans chacune de ces deux significations. Mais l'histoire de certains mots a un grand intérêt éducatif, pour montrer aux élèves "comment le sens des mots change avec les réalités de la vie par l'activité incessante de l'esprit". Certes, dans la réalité scolaire, et dans une même classe, on peut se placer tour à tour aux deux points de vue ; mais, pour déterminer l'objet de chaque exercice, et les procédés à employer dans chaque leçon, il importe de ne jamais les confondre. [...].
C'est seulement au cours supérieur 2e année que les programmes prévoient des exercices comme ceux-ci : "... comment les mots changent de sens... , sens primitif et sens dérivé... , sens propre et sens métaphorique... , histoire du sens de quelques mots". Même à ce cours, cet enseignement sera pratiqué avec prudence, et en prenant le plus de garanties possible contre les explications fantaisistes ou hypothétiques. Il sera facile de choisir quelques mots français en petit nombre, dont l'histoire présente un intérêt particulier. Le mot chétif signifie primitivement prisonnier, puis malheureux, et enfin aujourd'hui, débile. Chenille signifiait à l'origine petite chienne ; il a pris ensuite, par métaphores successives, des sens bien différents ; et le dernier venu désigne la bande métallique qui s'adapte aux roues d'une automobile progressant sur un terrain mouvant ou accidenté (une auto-chenille). L'histoire du mot bureau est célèbre (une étoffe de bure, une table recouverte de cette étoffe, la salle où se trouve cette table, l'ensemble des salles affectées à un service administratif, les personnes qui travaillent dans ces salles, l'ensemble des dirigeants d'un groupement). On peut suivre l'histoire du mot grève depuis le sens de étendue de sable au bord de la mer, jusqu'à celui de cessation concertée du travail. De telles analyses montrent comment, devant les nécessités de la vie pratique, l'esprit, par les images et par les associations d'idées, élabore tout à la fois la pensée et ses moyens d'expression. Elles sont un élément de culture intellectuelle, peut-être le plus important de tous. Mais elles ne peuvent s'adresser qu'à des élèves déjà assez avancés dans la connaissance du vocabulaire
".

 

f. le substantif viande :

venu du lat. vivenda ("ce qu'il faut pour vivre" - que les végétariens nous pardonnent !).

- tout aliment d'origine animale : viande blanche : veau, agneau, volaille, lapin ; viande rouge : bœuf, cheval, mouton ; viande noire : en général celle du gibier à poil ou à plume (sanglier, chevreuil, lièvre, bécasse).


- populaire : corps humain (Étaler sa viande au soleil sur les plages - Amène ta viande ! = Viens !)

 

g. "L'hospitalité se pratique... cordialement" : les deux lexèmes cœur (lat. cors, cordis) et cor.

 

ø     ø
 é  cœur  er
     ement
    ant

 

 

ø  ø     d  
des ac   dial  
  miséri    der ement
  con    de ité
  rac cor ieux  
  dis   eur  
      ant  
      ance  

 

(avec recherche de para-synonymes).

 

 

4. Prolongements éventuels

 

 

mhbl1

 



 - Documentation sur la position de la Nouvelle-Calédonie dans l'hémisphère sud,
sur sa géographie, sur sa colonisation...
et sur son utilisation comme terre de bagne.