Suranné, peut-être, mais tellement beau, et vrai, et tendre, ce témoignage d'une petite-fille infiniment désolée. D'un temps disparu ?
Occasion d'un hommage à un ami parti trop tôt, et point de départ d'activités de vocabulaire (fin d'école élémentaire-début de Collège).

 

À la mémoire de mon ami Yves R., trop tôt disparu. Et pour ses petites filles éplorées, Émilie et Blandine, avec ma sympathie émue.

 

Pour Yves, in memoriam

 

Yves, t'en souvient-il ? Je reçus, un jour, un long mail de toi. On se vousoyait, à l'époque. Tu m'y disais combien tu avais apprécié, en connaisseur, ce que j'avais écrit - sans la moindre erreur, disais-tu - sur l'Affaire Dominici (ce n'était, alors, qu'un maigre embryon de la copie actuelle) ; en connaisseur, parce que le 5 août 1952 au matin, tu fus sur les lieux, muni de ton appareil photographique ; tu étais venu en voisin, tes parents habitant Peyruis (ta mère, receveuse des Postes, devait le lendemain recevoir une Réquisition des mains du commissaire Sébeille : "Prions et au besoin requérons Madame la Receveuse de la Cabine téléphonique de Peyruis, de nous mettre en communications téléphoniques avec toutes les personnes, tous les services situés dans les lieux que nous lui demanderons, etc. etc..."), mais tu ne pris pas un seul cliché, ce jour-là, tellement le spectacle des infortunés Drummond gisant au milieu de la cohue t'avait impressionné.


19520805 dl

En revanche, tu fus toi-même immortalisé par le photographe du Dauphiné libéré, et ce cliché est réapparu récemment, dans une rétrospective du quotidien des Alpes : le jeune homme en short à gauche, face au Tave, c'est toi.
C'était toi. Ainsi débuta une belle amitié qui n'avait pas de raison de s'interrompre, d'autant plus qu'à notre premier repas en commun (et combien de fois, ensuite, je me suis assis à ton excellente table de Peyruis, Yvette en soit louée), nous nous sommes découvert un autre point commun, qui scella notre complicité : au moment où j'intégrais le Lycée, tu étais proche de le quitter...

 

 

2006 cybèle

 

 

Et c'est ainsi que nous décidâmes un beau matin d'aller trouver dans sa maison de retraite médicalisée un ancien du Lycée, Marcel Cau, prof de gym et spécialiste du foot, qui devait s'éteindre, lui aussi, peu après...

 

 

 

201407 mignet

 

Yves, le jour même de ta sépulture, La Provence publiait un article sur la décimation de onze platanes "au collège Mignet". Ainsi, on n'abat pas seulement les chênes, on abat aussi les platanes... Et puisqu'il s'agissait, paraît-il, de "décimation", j'en ai tiré la conclusion que notre ancienne cour abritait au moins ... 110 platanes (compte non tenu de ceux que notre Proviseur Louis Vardème avait fait abattre au début des années cinquante, pour que ses poulains - dont tu étais - pussent, à loisir, taper dans un ballon rond).
Ah, méconnaissance de la langue française ! Pourtant notre Lycée, malencontreusement redevenu collège (après tout, comme lorsqu'il fut fréquenté par de grands anciens, au nom desquels Émile Zola et Paul Cézanne) était un bastion des "Lettres classiques".

Renvoyons donc, sur le point de la décimation, le journaliste qui signe L. F. à ses chères études, et passons à autre chose.

 

 

 

Et puisque cet article avait, forcément, attiré mon attention, je m'en fus voir, et mes yeux voulurent être aussi les tiens, cette tristement fameuse décimation.

Cela faisait cinquante-sept ans, très exactement, que je n'avais gravi l'escalier de la Conciergerie, ouvrant sur cette rue qu'on aperçoit furtivement dans un film où Fernandel tient la vedette !

À son sommet je fus accueilli, non par celui que nous nommions Napoléon (il en avait le maintien, d'ailleurs), et dont le patronyme m'échappe pour l'instant, mais par deux braves dames (un seul Napoléon remplacé par deux dames, c'est le progrès) qui me demandèrent, d'ailleurs gentiment, ce que je venais faire là. Je le leur dis, et leur demandai l'autorisation de prendre quelque photos : "bien sûr, mais surtout ne photographiez pas les élèves".

Je respectai la consigne à la lettre, mais ne pus m'empêcher de lorgner sur la galerie, à gauche, dont la première classe était autrefois celle d'Antonin (sur la tombe de qui je suis souvent allé m'incliner, au Tholonet, lui le voisin de Jacqueline de Romilly, et qui écrivit, bien avant elle, un "Alcibiade") ; tout au fond, une classe de minots était sur le point d'entrer, mais l'ordre et la discipline ne semblaient pas être leur fort, non plus que le souci premier du prof qui était leur responsable... Quant à la galerie de droite, qui conduisait de notre temps au saint des saints, au bureau du Proviseur, et qu'il nous était interdit d'emprunter, elle était jalonnée de ruches bruyantes d'autres élèves qui, ma foi, ne paraissaient pas antipathiques.

 

 

 

201407 mignetEt face à moi, le désastre de la prétendue décimation. Cette cour, dont nous, pensionnaires, avions si souvent fait le tour - et toi et les fichus footballeurs, dans tous les sens parcourue en vous disputant une malheureuse balle ronde (alors que le Lycée, malgré que Monsieur Vardème en ait eu, c'était aussi le jeu à XIII), était non seulement vide d'élèves et d'arbres, mais aussi nettement réduite par la présence d'un préau préfabriqué qui la défigurait.

Bref, ce n'était plus notre Lycée, dans lequel nous avaient précédés Darius Milhaud, Paul Meurisse (mais oui), Antonin Fabre soi-même (il y fut élève avant d'y accomplir toute sa carrière - lui, le grand chasseur devant l’Éternel) et son grand copain Marcel Pagnol, et tant d'autres, pour ne pas parler de ceux qui nous suivirent de près, comme Gérard Klein (et le footballeur Henri Michel) ; c'était une autre entité, que je peuplais mentalement de cent fantômes respectés, craints ou adorés, tous représentants d'une autre époque, la nôtre, que je voyais sous mes yeux s'achever avec toi.

Puisses-tu reposer en paix.

 

 

MON PAPY EST MORT

 

Le vingt-quatre juillet, après onze mois de souffrance et de lutte acharnée, après onze mois de courage et d'angoisse, mon papy est mort, rongé par un cancer. Il ne se nomme pas Signoret, Ballavoine ou Coluche et ne fera pas la 'une' des journaux, mais tous ceux qui seront là le jour de son ultime voyage souffriront en silence; simplement pour respecter sa dignité, pour l'amour et la tendresse que nous avons tous pour lui. Le désespoir de sa compagne de toujours, le chagrin de ses enfants et petits-enfants.

Mon papy est mort, et le monde tourne encore, à jamais dans nos coeurs serrés le souvenir de son visage tranquille, après la mort, débarrassé de la douleur.

Toujours en nos mémoires l'image de sa gentillesse, de sa fureur de vaincre, de sa tendresse pour les siens et de sa pudeur extrême qui fit que jamais il ne se plaignit. Mon papy sans cesse inquiet pour les siens.

Mon papy mort d'une overdose à force de morphine dans son corps meurtri, si maigre.

Mon papy très loin déjà, j'ose espérer que tu es bien.

Chaque jour, des milliers de gens perdent des êtres aimés, qu'ils sachent que leur chagrin, même isolé, est celui de chacun lorsque la mort sévit tout près.

Ce message pour l'infini respect que tu mérites, toi mon grand-père, et parce que, dans l'ombre du quotidien, le décès de la bonté ne doit en aucun cas rester inconnu.

 

© Brigitte B., Lyon (Le Monde du 1er août 1986)

 

 

SUGGESTIONS POUR UNE EXPLOITATION

 

Ce court article (lettre d'une jeune lectrice à un quotidien) est peut-être trop chargé d'émotion pour être distribué et étudié sans précaution. Chacun saura, en l'espèce, l'utiliser à bon escient. Dès l'abord, il conviendra de situer très précisément cette lettre dans son contexte[1]: nous avons ici un exemple des limites que nous impose l’étude de la koinè dialektos. Il conviendra également d'en souligner l'originalité. Alors que, d'habitude, on a plutôt affaire à un hommage des grands-parents à leurs enfants et petits enfants[2], ici la perspective est renversée. On pourra d'ailleurs établir un parallèle avec l'attitude de Noa, la petite fille d'Yizhak Rabin, lors des obsèques de son grand-père, le 6 novembre 1995[3].

 

 

I. Remise en ordre des paragraphes brouillés

 

Nous suggérons tout d'abord un exercice de remise en ordre des paragraphes, encore que la structuration interne soit davantage de l'ordre du sentiment que de la cohésion linguistique stricto sensu. Mais les élèves devraient être au moins en mesure de repérer l'amorce temporelle, et la fin de ce texte. Il va de soi qu'on pourra discuter, et justifier, les divers ordres proposés. C’est pourquoi le texte figure deux fois à la suite: ci-dessus, de façon conforme à l'original, ci-après sous forme de paragraphes brouillés. Par rapport à l'original, le ‘désordre’ introduit est le suivant :

 

Lettre publiée dans Le Monde

1

2

3

4

5

6

7

8

Texte à paragraphes ‘brouillés’

4

6

2

8

1

7

5

3

 

MON PAPY EST MORT

  1. Mon papy mort d'une overdose à force de morphine dans son corps meurtri, si maigre.
  2. Mon papy est mort, et le monde tourne encore, à jamais dans nos coeurs serrés le souvenir de son visage tranquille, après la mort, débarrassé de la douleur.
  3. Ce message pour l'infini respect que tu mérites, toi mon grand-père, et parce que, dans l'ombre du quotidien, le décès de la bonté ne doit en aucun cas rester inconnu.
  4. Le vingt-quatre juillet, après onze mois de souffrance et de lutte acharnée, après onze mois de courage et d'angoisse, mon papy est mort, rongé par un cancer.
  5. Chaque jour, des milliers de gens perdent des êtres aimés, qu'ils sachent que leur chagrin, même isolé, est celui de chacun lorsque la mort sévit tout près.
  6. Il ne se nomme pas Signoret, Ballavoine ou Coluche et ne fera pas la 'une' des journaux, mais tous ceux qui seront là le jour de son ultime voyage souffriront en silence; simplement pour respecter sa dignité, pour l'amour et la tendresse que nous avons tous pour lui. Le désespoir de sa compagne de toujours, le chagrin de ses enfants et petits-enfants.
  7. Mon papy très loin déjà, j'ose espérer que tu es bien.
  8. Toujours en nos mémoires l'image de sa gentillesse, de sa fureur de vaincre, de sa tendresse pour les siens et de sa pudeur extrême qui fit que jamais il ne se plaignit. Mon papy sans cesse inquiet pour les siens.

Consigne: remets en ordre les paragraphes de ce texte

 

 

II. Explicitation

 

Après ce travail concernant la remise en ordre d'un texte - qu'on pourra omettre sans dommage-, il conviendrait d'aller plus avant dans la compréhension en proposant aux élèves de relever tous les éléments du vaste champ lexical concernant la maladie et la mort, sans oublier l'affectivité négative: on fera d'abord observer que le mot mort figure 6 fois dans le texte, et on pourra opposer ses deux emplois (qualifiant et substantif).

On pourra compléter cette recherche en puisant dans les éléments ci-après[4]:

prendre froid - tomber malade - souffrir beaucoup - aller très bien (très mal) - un front brûlant de fièvre - une maladie mortelle (une cruelle maladie) - la douleur (muette) - surmonter sa douleur - la souffrance (intolérable) - demander le docteur - prendre bien soin d'un malade - rassurer un malade - subir une pénible opération - désinfecter (nettoyer, panser) une blessure - des soins palliatifs - un mal bénin.

une lente agonie - un agonisant - un moribond - arriver à sa dernière heure - rendre le dernier soupir (le dernier souffle) - trouver la mort sur sa route (sens figuré: noter l'absence de lien avec les ‘tués sur la route’) - mourir de sa belle mort - pleurer un parent (un proche) - verser des larmes - retenir ses larmes - donner libre cours à son chagrin - la dépouille mortelle.

des vomissements - une angine - une syncope

le tétanos - la démangeaison - des engelures - une verrue - un orgelet

la foulure - l'entorse - la luxation - la contusion

une écorchure - une balafre

la rechute - l'aggravation

la mortalité infantile - les maladies infantiles

amaigrir - dépérir

les obsèques - l'inhumation - la sépulture - la crémation, l'incinération

une autopsie

une épitaphe une oraison funèbre

On pourra, d'autre part, inviter les enfants à travailler sur les gradations de l'affectivité négative (de la tristesse au désespoir, en passant par le chagrin), telles que le texte les présente.

Enfin, il pourrait être intéressant d’observer en commun la page ‘Avis de décès’ d'un quotidien quelconque: on y trouve souvent d'heureuses et émouvantes formules d'adieu.

 

 

III. Quelques nominalisations

 

souffrir      la souffrance

lutter      la lutte

nommer      la nomination

désespérer (se)      le désespoir

accompagner      la compagnie

A partir de verbes déjà rencontrés, ou énoncés par les enfants, on augmentera ce tableau jusqu’à faire apparaître quelques règles de la nominalisation.

 

 

IV. L’étoile du nom compagne

 

préfixes

radical

suffixes

     

 

Ø

 

er

   

ie

ac

COMPAGN

on

   

onnage

(r)ac

 

ement

 

 

V. L’étoile du nom respect

 

préfixes

radical

suffixes

     

Ø

 

Ø

   

er

 

RESPECT

ueux

   

ueusement

ir

 

able

   

abilité

 

 

VI. L’étoile de mort

 

préfixes

radical

suffixes

     
   

alité

   

aliser

Ø

MORT

el

   

ellement

im

 

alité

   

uaire

   

ifier

 

 

VII. L’étoile de douleur

 

préfixes

lexèmes[5]

suffixes

     
   

e

Ø

DOLOR

 
   

ler

in

DEUIL

 
   

oureusement

en

DOUL

 
   

eur

 

 

VII. Sens propre, sens figuré

 

* RONGER

Rongé par la maladie

par le chagrin

par la jalousie

par le remords[6]

La rouille ronge le fer

Le chien ronge son os

Les rats ont rongé les livres entreposés au grenier

* MORT

Papy est mort d'un cancer

Ce médecin-lieutenant a été mortellement blessé au cours de l'évacuation d'Haïphong (Indochine), en 1947 (= tomber au champ d'honneur)

Mort de fatigue

Un ennemi mortel

C'est la morte-saison

Les fleurs sont mortes

Le jour meurt

Je suis mort de froid (de faim, de chaleur, de soif)

Nous avons passé une soirée mortelle (mourir d'ennui)

Le feu est mort (il s'est éteint. La même expression est aussi utilisée à propos des humains)

Les feuilles mortes (se ramassent à la pelle)

Les pneus de la voiture de mon père sont morts

Après la guerre de 14-18, chaque village de France a fait édifier un monument aux Morts

Le jour des morts

Nous sommes dans l'année du centenaire de la mort de...

"Danger de mort", peut-on lire sur les pylônes supportant des lignes à haute tension

Chaque fois que la sirène retentit, mon chien hurle à la mort

Montaigne et La Boétie étaient amis à la vie à la mort

* TOURNER

Le monde tourne

La toupie tourne à vive allure

Tourner le dos à quelqu'un

Pour ouvrir une porte, il faut tourner la clef dans la serrure

A cet épouvantable spectacle, il a tourné de l'oeil

Ce texte est bien tourné

Il faut tourner la page

 

 

VIII. Mots-outils : les possessifs

 

La lettre renferme vingt occurrences de possessifs, tous en statut d'adjectif, qu'on fera relever (avec le syntagme d'appartenance)

mon 7 occurrences

sa 6      "

son 6      "

nos 2      "

leur 1      "

ses 1      "

On en fera varier le nombre et le genre, on complétera la liste, on s'intéressera enfin aux homonymes (le son de sa voix, etc.)

 

 

IX. Quelques préfixes productifs

 

On pourra procéder aussi à l'étude de quelques suffixes productifs[7]:

 

- IN- connu, digne (IL-lisible; IM-mangeable)

- DE- barrasser (EM- barrasser)

- SUR- nommer (RE-nommer; IN- nommable; PRE-nommer; DE-nommer)[8]

- IR- respect (cf. aussi exercice suivant)

 

Et signaler les préfixes ‘intensifs’, si en vogue aujourd'hui :

 

ARCHI

EXTRA

HYPER   marché

MAXI

MEGA

MINI   jupe

SUPER   détergent

ULTRA   réactionnaire

etc.

 

X. Mots du texte appartenant à l’échelle Dubois-Buyse (pour d’autres études éventuelles)

 

mort

juillet

onze

mois

souffrance

lutte

courage

par

pas

mais

tous

ceux

jour

son

voyage

silence

simplement

pour

respecter

tendresse

que

lui

compagne

toujours

chagrin

monde

encore

jamais

dans

souvenir

visage

tranquille

douleur

fureur

vaincre

sans

inquiet

force

corps

si

maigre

loin

bien

chaque

gens

leur

chacun

lorsque

tout

respect

parce

aucun

cas

rester

inconnu

 

 

 

XI. Suggestions de prolongement

 

Nous donnons ci-après un extrait de texte peu connu. L’auteur, un haut fonctionnaire aujourd’hui décédé, note lucidement dans son Journal les progrès de sa maladie, et le détachement serein qui, peu à peu, s’empare de lui.

"Tout va continuer sans moi. L’univers existe, on peut lui dire adieu, cet adieu n'est qu'un au revoir. La nature va se dilater comme un dormeur s'étire au réveil. Les trains, emportés par un grand élan, continueront à tourner autour de la terre qui est ronde, les chefs de gare de toutes couleurs agiteront gaiement leurs petits drapeaux. En voiture pour la vie, en voiture pour la mort. Sur les balançoires aux longues tiges de cette fête qu'on appelle la vogue, le vent s'engouffrera encore dans les jupes bariolées des filles aux bonnes joues rouges ; on gagnera aux loteries des poupées affreuses et des porcelaines inutilisables : il y aura des maux d'estomac provoqués par les friandises de mauvaise qualité mais tant pis ! Pendant ce temps la petite bête familière qui gratte mon cerveau devient plus douce, encore plus douce, elle va s'endormir. Déjà les choses s'organisent toutes seules, déjà mes mains devenues inconscientes laissent échapper les objets durs et indispensables qui tombent avec un bruit étouffé. Une torpeur se diffuse aux dimensions du corps que j'habite. Battez plus loin, tambours terrestres : je ne suis plus le centre du monde".

 

Gabriel Dheur, Journal III, Printemps, Ed. P. Seghers, 1966, p. 53.

 

 

NOTES

 

[1]. L'accident survenu durant le Paris-Dakar en janvier 1985, la disparition de Simone Signoret au cours de la même année, la mort de Coluche deux mois seulement avant la publication de la lettre, tous événements encore dans les mémoires en août 1986.

[2]. Cf. Victor Hugo et certaines pièces des Contemplations, ainsi que L'art d'être grand-père.

[3]. «Grand-père, tu étais pour nous le pilier de feu qui gardait notre camp. Maintenant, le feu s'est éteint et nous avons froid... Personne ne savait la chaleur que tu communiquais et la tendresse que cachait ton demi-sourire... Nous t'aimerons toujours grand-père».

[4]. Extraits du Vocabulaire orthographique de base.

[5]. Il y aurait aussi (in) DOL (ent), mais le sens primitif a été oublié par l’usage.

[6]. Cf. aussi: «L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn», Victor Hugo, La légende des siècles, II (la conscience).

[7]. Cf. Dictionnaire du Français contemporain.

[8] . On pourra continuer avec les deux autres bases, NOMEN (clature) et NOMIN (pro-, ig-, dé-, comme préfixes; et -al, alisme, atif, -ateur, -ation, etc., comme suffixes).

 

 

(© Emprunté à SH,  L'enrichissement du vocabulaire, CRDP de Grenoble, 1997, pp. 175-186)

 

 

 

 

XII. Complément : deux textes, extraits du célèbre Maquet, Flot et Roy

 

I. Le grand-père

 

Le vieillard qui a rempli tout son devoir d'homme goûte quelques instants de rêverie et de recueillement avant de s'endormir du grand sommeil de la mort. Une chose lui rend extrêmement douces les dernières heures de la vie, c'est la gentillesse, la grâce, la joie expansive de ses petits-enfants, c'est l'affection dont ils l'entourent. Détachée de bien des soucis, la vieillesse aime à jaser avec l'enfance, qui ne les connaît pas encore. Le grand-père n'a de la tâche éducative que la partie la moins lourde et la plus gaie : il conte une histoire, il promène les enfants et les amuse ; il est là pour aimer et l y réussit sans peine. Si le souvenir de chagrins passés jette une ombre sur son front, ses petits-enfants se chargent vite de la dissiper.
Maurice Bouchor (1855-1929) [Maquet page 94, travail sur les pronoms personnels]

 

 

II. Grand-père

 

Mon grand-père était un brave homme, un honnête homme. À l'époque où il vivait, les pauvres gens avaient bien plus de peine qu'aujourd'hui à gagner leur vie et à faire leur chemin dans le monde. Avec son pauvre petit métier, mon grand-père a fait la plus belle chose qu'un homme puisse faire au monde : il a élevé sept garçons ; et non seulement il les a élevés, mais il les a rendus tous les sept semblables à lui : ils étaient tous bons, tous ! ... Il s'agit d'être bon avant tout ; au prix de la bonté le reste est bien peu de chose. Mon grand-père était bon comme du bon pain ; ce n'était qu'un porte-balle ; mais bien des gens ont pleuré à son enterrement ; son souvenir est resté dans bien des cœurs qu'il avait relevés ou consolés... Je suis aussi fier de mon grand-père qu'un duc ou un prince peut l'être du sien.
Jules Girardin (1832-1888), Grand-père, 1900, p. 29. [Maquet, p. 179]

 

Maquet, Flot et Roy, Cours de Langue française, Cours moyen et supérieur, Librairie Hachette, 1925

 

 

XIII. Complément, qui m'est suggéré par... ma propre fille : Grand-père (1971) - Georges Moustaki

 

 


C'est pour toi que je joue, grand-père, c'est pour toi.
Tous les autres m'écoutent, mais toi, tu m'entends.
On est du même bois, on est du même sang
Et je porte ton nom et tu es un peu moi,


Exilé de Corfou et de Constantinople,
Ulysse qui jamais ne revint sur ses pas.
Je suis de ton pays, métèque comme toi,
Un enfant de l'enfant qui te fit Pénélope.


Tu étais déjà vieux quand je venais de naître,
Arrivé juste à temps pour prendre le relais
Et je finirai bien un jour par ressembler
  À la photo où tu as posé en ancêtre.


C'est pour toi que je joue, grand-père, c'est pour toi
Que je glisse mes doigts le long de mes six cordes
Pour réveiller un air tranquille et monocorde.
C'est tout ce que je sais faire de mes dix doigts.


Maître en oisiveté, expert en braconnage.
Comme toi, j'ai vécu à l'ombre des bateaux
Et pour faire un festin, je volais les oiseaux
Que le vent de la mer me ramenait du large.


Comme toi, j'ai connu les filles et les rêves,
Buvant à chaque source que je rencontrais
Mais sans être jamais vraiment désaltéré,
Sans jamais être las de répandre ma sève.


C'est pour toi que je joue, grand-père, c'est pour toi,
Pour remettre au présent tout ce qui s'est passé
Depuis que je ne parle plus que le français
Et j'écris des chansons que tu ne comprends pas.


C'est pour toi que je joue, grand-père, c'est pour toi,
Tous les autres m'entourent mais toi tu m'attends.
Même si tu es loin dans l'espace et le temps,
Quand il faudra mourir, on se retrouvera.

 

[Georges Moustaki, le chanteur du "Métèque" et de "Grand-père", s'en est allé, à l'âge de 79 ans, rejoindre son aïeul le 23 mai 2013]

 

 


 

 

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