[Le texte présenté ici, et les suggestions d'activités qui l'accompagnent, doivent pouvoir être utilisés au début du cycle III (mais en fin d'année). Il s'agit d'aider à l'enrichissement du vocabulaire de ces élèves à partir d'un souvenir du grand Rubinstein, dont il conviendra de rappeler les grands traits et les immenses succès de sa belle existence].

 

A la mémoire de mon ami Jean-Claude T. (1937-1979)

 

 

[Le jeune Arthur, qui se révèle extrêmement précoce, épuise par d’incessantes exigences ses professeurs de piano]

 

Je forçais la chère vieille Mlle Hempel à passer des leçons entières à jouer des symphonies de Brahms à quatre mains. Je n'oublierai jamais l'ahurissement du professeur Barth, le jour où je lui déclarai que je voulais apprendre le Concerto pour piano en ré mineur, opus 15.

 

- Comment, comment ? s'exclama-t-il. Tu es fou mon garçon... C'est une œuvre formidable, beaucoup trop difficile pour toi !

 

N'empêche que j'ai ainsi découvert que le véritable amour ne connaît pas d'obstacles. Une semaine plus tard, je jouais le Concerto à la satisfaction stupéfaite de Barth.

 

(© A. Rubinstein (1887-1982)Les jours de ma jeunesse, Traduction de l'américain (My young days) de G. Belmont et H. Chabrier, R. Laffont, "Vécu", 1973, 639 pages [extrait p. 54])

 

 

SUGGESTIONS POUR UNE EXPLOITATION

 

I.

 

Il s'agit là d'un extrait des Souvenirs d'Arthur Rubinstein (Les jours de ma jeunesse, Robert Laffont, 1973, 639 p.). Il est emprunté au début de l'ouvrage (chapitre : Je grandis à Berlin).

Selon Rubinstein, la scène se passe "peu après la disgrâce de Bismarck". Le conflit d'autorité entre le jeune Keiser Guillaume II et son (vieux) Chancelier s'achève le 20 mars 1890. Ces précisions historiques sont naturellement hors de portée des élèves, qui se soucient comme d'une guigne des avatars de l'unité allemande autour de la Prusse.

Mais Rubinstein était né (en Pologne) le 28 janvier 1887. On peut estimer qu'il avait, au moment de cette scène, un peu moins de quatre ans (peut-être serait-il utile d’établir un parallèle avec les enfants de moyenne section d’école maternelle) !

 

II.

 

La première tâche, après lecture silencieuse, sera d'expliciter en commun le texte, en insistant sur les termes difficiles, pour lesquels le recours au contexte sera nécessaire (peut-être cette activité sera-t-elle précédée de l'audition d'une partie du Concerto ?). Ce qui conduira sans doute le maître à parler d'Arthur Rubinstein, interprète (de Chopin, en particulier) d'une étonnante précocité (il donna son premier concert important à Berlin, en 1897), et d'une rare longévité (il est mort à Genève le 22 décembre 1982).
[Ce texte, très court, paraît à première vue aisé à comprendre. Il n'en exigera pas moins quelques solides explications préalables, en particulier s'agissant des termes relevant de la sphère "musicale" ("le Concerto pour piano en ré mineur"), ainsi que des substantifs ahurissement et obstacle(s)]

 

III. Recensement de quelques mots du texte.

 

Noms communs : l'ahurissement, le professeur, le garçon, le concerto, l'œuvre, l'obstacle, la satisfaction.

Noms propres : Mlle Hempel, M. Barth : les professeurs de piano du jeune Arthur. Brahms : le compositeur du Concerto.

Verbes : apprendre ; connaître ; déclarer ; découvrir ; empêcher ; s'exclamer ; jouer ; oublier ; vouloir.

Mots invariables : ainsi ; beaucoup ; comment ; jamais ; ne... pas ; plus ; pour ; tard ; trop.

 

IV. Champs "lexicaux-sémantiques"

 

4.1. ŒUVRE

 

une œuvre musicale    travail fait à la main
 une œuvre littéraire   l'ouvrier se met à l'œuvre
la main d'œuvre  ŒUVRE les maçons ont achevé le gros œuvre de notre maison
un hors-d’œuvre   être à pied d’œuvre
un chef d'œuvre    

 

Mentionner l'étroite parenté entre œuvre, ouvrage, et opus (opéra, opération, bloc opératoire...) : l’opus, en musique, est le n° d’un morceau situé dans l’ensemble de l’œuvre d’un compositeur donné.

 

4.2. DÉCLARER

 

la pluie se déclare    déclarer la vérité
 l'incendie se déclare  
DÉCLARER
 déclarer une naissance
 déclarer la mort de quelqu'un    déclarer la guerre, la paix
     la maladie se déclare
 déclarer une bonne nouvelle    le Ministre a fait une déclaration

 

4.3. APPRENDRE

 

à faire quelque chose    un métier, un art
 une leçon, une poésie    un sport
 rapidement, lentement  APPRENDRE  une langue étrangère
 une bonne nouvelle    à supporter le froid,
 quelque chose à quelqu’un    la chaleur, la douleur

 

 

4.4. DÉCOUVRIR

 

 un paysage, une personne    à marée basse, la mer
une terre nouvelle    découvre le rivage
un endroit particulier    une nouvelle
la vérité, une erreur

 

DÉCOUVRIR

 

 un remède
 une partie de son corps    des ruines par des fouilles
 un tableau chez un antiquaire    un talent remarquable
 il est parti à la découverte    les policiers ont découvert (démasqué) le coupable

       

On pourra ensuite faire classer ces expressions en fonction des différents sémantèmes de découvrir. Découvrir, est-ce :

* enlever ce qui couvre ?

* trouver ce qui était inconnu jusque là ?

* apprendre ce que l’on ne connaissait pas ?

* distinguer, commencer à voir ?

 

V. La parasynonymie

 

Faire rechercher dans le texte un mot ayant à peu près le même sens que ahurissement (stupéfaction). À partir de là, travailler en commun sur la gradation dans l’expression de la surprise :

ahurissement, stupéfaction, ébahissement, étonnement, effarement, ravissement, fascination...

On abordera aussi les registres de langue : étonné, soufflé, baba...

 

VI. Les verbes expressifs (approche du champ sémantique)

 

Il passe en CE2

Les heures passent vite

La mode passe

Cette couleur passe

Passe donc un vêtement !

Passe-moi le ballon

Il passe un examen

Il passe une couche de peinture

Il passe sur cette faute

Il passera dans la matinée

 

Consigne : dans les phrases précédentes, remplacer passer par un autre verbe.

[A l’intention du maître, et à propos de passer, on n’hésitera pas à donner ci-après ce court poème de Guillaume Apollinaire :

Que lentement passent les heures

Comme passe un enterrement

Tu pleureras l’heure où tu pleures

Qui passera trop vitement

Comme passent toutes les heures

[in Œuvres Poétiques, Ed. Pléiade, Alcools, p. 144]

 

VII. Activités complémentaires

 

7.1.

 

On pourra faire trouver, en conclusion, un titre à cette histoire. Eventuellement, pour commencer à travailler sur le portrait, on pourra s’inspirer de celui que Rubinstein trace de son professeur (ouvrage cité, p. 45) :

"Le professeur Barth avait une formidable personnalité. Il mesurait plus d’un mètre quatre-vingt-trois et était lourdement charpenté, mais gardait une extrême vivacité dans ses mouvements. Sa chevelure grisonnante laissait voir tout juste un soupçon de calvitie. Une longue barbe à la Brahms, poivre et sel, et une moustache en broussaille dissimulaient la bouche et le menton, plutôt faibles ; mais ses lunettes à monture dorée lui donnaient un air de sévérité sans faille.

Il me terrifiait. Jamais personne ne m’avait inspiré tant de peur que ce sexagénaire. Mais je ne tardai pas à voir que je n’étais pas le seul à souffrir, tant étaient nombreux les élèves qui sortaient en pleurs de ses leçons".

 

7.2. Mots du texte ci-dessus appartenant à l’échelle Dubois-Buyse (1e année du cycle des approfondissements)

 

air avoir barbe bouche
chevelure dans formidable juste
lui mais moustache mouvement
personne peur plus sel
seul sortir tout voir

 

 

(© Emprunté à SH,  L'enrichissement du vocabulaire, CRDP de Grenoble, 1997, pp. 155-160)