[Au soir de sa vie, un vieil homme se remémore ses années d’écolier]

 

 

Dès la Toussaint, à l'approche du froid, les élèves étaient "de semaine", et chacun apportait un fagot de sarments pour l'allumage, au petit bois, du fourneau à charbon qui trônait dans la salle de classe.
Le soir, après le balayage, ils préparaient le feu pour le lendemain. Il fallait secouer les cendres, retirer le mâchefer, placer les sarments cassés à l'intérieur du fourneau et, enfin, rentrer deux seaux de charbon. Les élèves de service venaient le matin, une bonne demi-heure avant la classe. Dès leur arrivée, à l'aide d'un papier enflammé, ils mettaient le feu aux sarments, y ajoutaient le charbon, lentement, pour ne pas étouffer le feu. Dans les périodes de grands froids, c'était la maîtresse qui allumait le fourneau de très bonne heure, pour que la salle de classe soit convenablement chauffée, c'est à dire à environ dix-huit degrés.

 

Roger Grand, Montalieu, L'école de mes quatre saisons 1928-1935(1), p. 2

 

 

 

SUGGESTIONS POUR UNE EXPLOITATION

 

Ce court texte rappelle d'autres souvenirs du début des années trente. On pourra éventuellement l’éclairer en le confrontant à ce célèbre passage du Grand Meaulnes(2):

"Lorsque le cours était fini, à quatre heures, une longue soirée de solitude commençait pour moi. Mon père transportait le feu du poêle de la classe dans la cheminée de notre salle à manger ; et peu à peu les derniers gamins attardés abandonnaient l'école refroidie où roulaient des tourbillons de fumée. Il y avait encore quelques jeux, des galopades dans la cour ; puis la nuit venait ; les deux élèves qui avaient balayé la classe cherchaient sous le hangar leurs capuchons et leurs pèlerines, et ils partaient bien vite, leur panier au bras, en laissant le grand portail ouvert".

 

En effet, tandis que les deux scènes se passent à quarante années de distance (1891, pour le roman d’Alain-Fournier), on a l’impression d’une immobilisation du temps, entre ces deux dates, n’étaient les bouleversements apportés par la Grande Guerre. On pourrait dès lors insister sur les éléments communs aux deux extraits :

- le temps (début de l’hiver)

- le lieu (la salle de classe, l’école communale)

- les personnages (écoliers)

 

 

I - Explicitation

 

Après une première lecture silencieuse, on demandera aux élèves de repérer quel élément du texte révèle que la scène se passe dans un pays de vignobles (fagots de sarments).

On devra également expliquer en commun les termes fourneau (3), mâchefer (peu connu aujourd’hui, l’électricité ou le fuel ayant très largement supplanté les autres moyens de chauffage), et trôner : alors que les éléments chauffants sont aujourd’hui discrets, quand ils ne sont pas carrément invisibles, la présence, au centre de la salle de classe, du fourneau, peut s’expliquer de diverses façons. D’une part le faible rendement et la qualité médiocre du combustible ; d’autre part le volume de la pièce, et l’absence d’isolation thermique.

Enfin, on pourra demander de relever dans le texte de très nombreux éléments du champ lexical du chauffage (4).

 

 

II - Quelques nominalisations

 

balayer

le balayage

allumer

l’allumage (l’allumette)

approcher

l’approche

apport

l’apport

préparer

la préparation (les préparatifs)

venir

la venue

arriver

l’arrivée (l’arrivage)

 

A partir de verbes déjà rencontrés, ou énoncés par les enfants, on augmentera ce tableau jusqu’à l’apparition de quelques règles de la nominalisation.

 

 

III - L’étoile du verbe allumer(5)

 

Préfixes

radical

suffixes

     
   

er

   

ette

(r)al

 

age

 

LUM

ière

   

ineux

Ø

 

inosité

   

inescent

   

ignon

 

On pourra compléter par quelques expressions faisant apparaître diverses nuances de sens du verbe allumer :

- la classe est allumée (= éclairée), le maître doit être encore là.

- la lampe de la cuisine n’allume plus (= elle est grillée)

- les élèves ont allumé le petit bois (= y ont mis le feu) (6)

- la guerre s’est allumée en Bosnie (passage à l’abstrait)


 

 

IV - Famille étymologique, autour de chaleur(7)

 

Préfixes

Lexèmes

Suffixes

     
 Ø

 

 Ø

é

CHAUD

eur

CHAUFF

...

 

CHALEUR

...

 

CALOR

...

...

THERM

...

 

 

..., etc.

 

On s’efforcera de faire compléter ce tableau (recherches par groupes, à partir du dictionnaire). Puis d'aller au-delà.

[On pourra songer à : chaleureux ; calorie, calorique, calorifique, calorifère ; chaudière, échauder, chaudron.
On n'omettra pas, peut-être, les dérivés du verbe vieilli chaloir (mettre de la chaleur, de l'ardeur à) d'où proviennent non-chal-ant (qui ne prend feu pour rien !), nonchalance...]

 

 

V - "mettre le feu" : grille étymologique de mettre

 

Préfixes

Lexèmes

suffixes

     
 Ø    Ø

re-

METT(RE)

-ion

dé-

 

-able

in

MIS(S)

-er

...

 

-eur, etc.

 

Effectuer, ensuite, un relevé exhaustif (concours entre les groupes d'élèves ?) de tous les mots qu'on peut ainsi produire.

 

 

V - Dès, dès que

 

Effectuer des comparaisons entre la préposition et la locution conjonctive :

- dès le 15 août, il s’est mis à pleuvoir (temps)

- sur l’autoroute, dès Valence, nous avons été pris dans un embouteillage (lieu)

- dès que le maître frappe dans ses mains, nous nous mettons en rang

 

 

VI - Être "de semaine"

 

On fera comparer "les élèves de semaine" et "l’adjudant de semaine".

On recherchera quelques expressions formées à partir de être [de] :

- être de service

- être de la revue

- être quelqu’un

- être sans ressources

- être sur le départ


  

Notes

(1) Brochure publiée par le Sou des Écoles de Saint Vincent de Mercuze (38660), 1993, 33 p.
(2) Début du chapitre Après quatre heures.
(3) Poêle serait plus adéquat, ici, comme chez Alain-Fournier.
(4) Pour compléter les trouvailles des élèves, on pourra se référer au texte Feux en Méditerranée (cf. SH,  L'enrichissement du vocabulaire, pp. 165 sq.)
(5) On fera ajouter quelques noms composés : allume-feu, allume-cigare, allume-gaz...
(6) Faire observer que la construction verbale devient ici transitive.
(7) Inspiré de J. Picoche, Précis de lexicologie française, p. 165. Au point de vue linguistique, chaud, morphème lexical, (ou lexème) se subdivise en cinq morphes (ou lexies) : chaud, calor, chauff, chaleur, therm (on voit ici apparaître les radicaux d’origine latine ou grecque). Ce qui signifie qu’on peut envisager un ‘mot’ soit sous l’angle de la sémantique (morphèmes et lexèmes), soit sous celui de la morphologie (radical ou base).
On songera aux suffixes ie, ière, ron, er. On pourra ajouter les mots suivants : chaufferie, réchaud, surchauffer, chaleureux, chaleureusement, calorifère, calorifuger, thermique, thermomètre, thermidor...

 

 

(© Emprunté à SH,  L'enrichissement du vocabulaire, CRDP de Grenoble, 1997, pp. 197-202)