Paris, La Chaumière, 1917,

 

Les B. m'apprennent que vous m'avez fixé rendez-vous pour demain midi. Sans même attendre de lire vos lettres, je vous préviens qu'il est inutile que vous vous dérangiez : je n'irai pas à ce rendez-vous, désirant absolument ne jamais vous revoir.

J'ai fait pour votre frère tout ce qui pouvait être fait, je l'affirme. Lors de ma dernière démarche, le lendemain du jour où vous vîntes me voir, le lieutenant H. m'a fermement assuré qu'il était certain de la réussite imminente. Je l'ai téléphoné à l'amie d'Édouard. Si rien de nouveau ne s'est produit d'ici là, je ferai une nouvelle démarche à la fin de la semaine, auprès d'un officier actuellement au G.Q.G

Voir Mandel(1) serait stupide, absolument inutile, voué à un échec certain : je le connais. Et lui-même devrait passer par l'officier qui est chargé de l'affaire. L'amie d'Édouard sera avertie dès qu'un résultat sera acquis.

Je vous demande en insistant de ne pas m'écrire, d'éviter de me rencontrer : cela ne pourrait m'être qu'infiniment désagréable.

Je n'ai plus pour vous qu'un peu de haine, et beaucoup de mépris.

 

 

Roland Lec.

 

 


Note

(1) Georges Mandel, haute figure propre de la politique française, était alors très proche conseiller de Clémenceau (Président du Conseil). Plus tard, farouche opposant à Pétain et emprisonné dès 1940, il fut (comme Jean Zay) exécuté par la Milice en 44. Il avait alors cinquante-neuf ans. Quant à la destinataire de cette lettre, elle se suicida en 1933.