********, le 4 juin 1930

Bien chère Yvette,

 

Tu trouveras que nous tardons beaucoup à répondre à ta gentille petite lettre, les sureaux seront peut-être défleuris mais on peut les employés secs. La recette pour la limonade est à la fin de la lettre.

Tout irait bien à la maison. Si ce n'était moi, qui suis la cause des malaises, parce que j'ai trop fréquemment des syncopes alors ça ne simplifie pas les choses. Je peux de moins en moins m'occuper de jardinage et pourtant il y aurait tant à faire que nos garçons n'y suffisent pas.

L'hiver a été mauvais, parce qu'il n'a pas fait assez froid pour tuer la vermine. Depuis, le temps reste pluvieux. Les semis ne réussissent pas et les mauvaises herbes abondent. alors, je me fais du mauvais sang et il ne faudrait pas. Nous avons reçu dernièrement de bonnes nouvelles de Charly. Je pense qu'il técrit aussi quelquefois, il n'en dit pas trop long mais ça fait toujours plaisir.

Nous sommes bien contents qu'à côté de tes devoirs tu aies des distractions, promenades, invitations, etc... Il faut jouir de la vie sous le regard de Dieu et avec reconnaissance, et se rendre aussi utile et bienfaisante que possible. Merci à Mlle Gérard et à M. et Mme Guernon pour leurs bonnes salutations. Nous conservons d'eux un excellent souvenir.

Nous avons assez souvent des visites des grands garçons et des grandes filles qui sont à Paris et nous avons aussi des visites de Guernesey et de la Suisse, ça fait plaisir car à ..., on est bien isolés, en comparaison de Bordeaux ou Ferney. A Ferney, c'est le voisinage de Genève qui est agréable.

Esther va nous quitter pour aller près de Paris à Fontenay s/ Bois pour apprendre à garde malade au près des enfants. Elle trouvera plus facilement une place, si elle a un diplôme. André Pâques est toujours avec nous.

Voici la recette pour la limonade :

Dix litres d'eau, dans un vase, y mettre

1 citron coupé en quatre

1/2 verre de vinaigre

550 gr de sucre et trois têtes de fleurs de sureau.

Bien remuer le tout et couvrir. Laisser macérer au soleil deux jours puis passer. Mettre en bouteilles boucher et attacher et laisser à la cave au moins quinze jours avant de la boire.

 

Bonnes salutations à tous, et pour toi, les meilleurs baisers de tes affectueux papa et maman

 

Henriette

 

[Je déconseille formellement l'utilisation de cette recette, en apparence anodine : de lointaine mémoire, un essai loyal entraîna l'explosion de toutes les bouteilles dûment bouchées... et pendant la guerre, une explosion peut prêter à grande confusion...]