La consultation attentive des à-côtés de l'épais dossier "Affaire Dominici" laisse parfois apparaître de bien curieux documents.
Témoin cette très inattendue lettre d'amour, plus ou moins anonyme...

 

Jeudi 17 décembre 1953

 

Monsieur le Commissaire Sébeille,

 

Je suis seule à la maison, donc je suis libre de faire à ma guise. J'ai ouvert le poste à Radio Monte Carlo, pour des informations comprenant toujours quelque chose, puis vinrent les chansons, c'est drôle, j'en ai encore une pointe au cœur.

Monsieur Sébeille, vous comprendrez à présent d'où vient mon trouble ; c'est qu'à partir du mois de juin je me suis mise à vous aimer, comme une chose surnaturelle : cela veut dire plus que tout au monde ne peut aimer.

Je vous aime Mr Sébeille, est-ce ma faute, et sans retour, ce qui veut dire que le rêve que j'avais fait [il] ne tient qu'à vous seul de le réaliser s'il n'y a aucune entrave, afin que notre enfant qui ressemblera tête crachée à son père, ce sera une petite fille, véritable petit bouquet nous faisant honneur.

Mais s'il en était autrement, ces preuves que je ne serais pas exaucée dans mon amour et je ne devrai m'en prendre qu'à moi-même : je suis coupable, chef, quand on adresse ce que je dois garder secret.

Veuillez revenir sur nos bons sentiments en transmettant à Mr le juge Périès, ainsi qu'à toute ma collaboration, ainsi qu'à Mr Bertaux, toute ma sympathie.

 

Et pour mon chef, que je ne dois pas citer : il faut que l'affaire Dominici reprenne... toujours Gustave.

 

 

J. V.

 

 

On peut supposer que ça a souri sous cape, parmi les Inspecteurs de Sébeille (et même au Palais de justice de Digne) lors de la réception de cette inattendue lettre d'amour ! On peut même supposer que le "patron" s'est fait chambrer à cette occasion !
En réalité, cette Vauclusienne (Carpentras), qui se fit de temps à autre passer pour un homme, bombardait régulièrement les directeurs d'enquête de missives plus ou moins anonymes, très délicatement ornées, au verso de l'enveloppe, de mentions discrètes du type "j'appartiens à la Secrète"...
Mais cette personne devait avoir un grain et le savoir, puisqu'elle adressa au juge Périès lui-même, en janvier 54, des cartes postales représentant l'Asile d'aliénés de Mondevergues (où Camille Claudel passa quarante années de sa vie), demandant au Juge à y être enfermée, car elle se méfiait, disait-elle, de tout le monde, mari, comme médecins s'occupant d'elle...