Ce poème - déjà relativement présent sur la Toile - est donné ici en liaison avec le beau texte qui l'a précédé sur la page d'accueil (Le Château du Grand Meaulnes, d'Armand Lunel), mais aussi avec un souvenir d'adolescence qu'on pourra trouver sous le lien : Colonie jolie

 


Yvonne de Galais, nous avons reconnu
Glissant près des étangs votre princière image,
Et votre grâce claire, et votre œil ingénu.


Vous avez eu de nous le plus parfait hommage
Qui naît d’un cœur viril aux soirs du désir pur,
Aux soirs des vœux profonds pour un calme voyage.


Quel beau songe innommé, quel amour grave et sûr,
Enfant, vous promenez au soleil de décembre
Par les prés argentés et sous le givre dur,


Et sur le fleuve lent où vous aimez descendre,
Et dans cette île offerte à la peur des oiseaux,
Et sur le sable gris et fin comme une cendre !


Car tout, auprès de vous, le ciel, les bois, les eaux,
Élargit le silence où s’abat comme un rêve
Une sarcelle bleue au secret des roseaux.


Cœur limpide et joyeux percé pourtant d’un glaive !
Hélas ! l’amour vous fuit sitôt qu’il vous attend,
Et le vent qui l’apporte est celui qui l’enlève.


Vous allez, résignée à votre fier destin
D’offrir aux cœurs fiévreux, si lointain et si proche,
Le seul bonheur qui vaille et le plus incertain.


Ayant rendu son chant, qu’importe si la cloche
Meurt, et meurt le flambeau d’avoir nourri son feu ?
Non, votre jeune amant n’a pas eu de reproche,


Et votre lèvre lui fut douce pour l’adieu
Quand il partit, comblé des royales aumônes
Que font des mains d’infante aux affamés de Dieu.


Ô forêt des amours où ne vont point les faunes !
Ô barque détachée ! ô cheval fou ! Beau jeu
D’enfants ! Chemins perdus ! ô pays du Grand Meaulnes !

 

 

© Pierre-Henri SIMON (1903-1972), in Recours au poème (chants du captif), Éditions de la Baconnière-Seuil (1943)

 


 

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