Joyeux drille s'il en fut et se flattant de ne posséder aucun diplôme - pas même le Certificat d'Études primaires - Philippe Bouvard vient d'être débarqué des Grosses Têtes, émission qu'il avait créée il y a plus de six lustres, et qu'il animait sans coup férir depuis.
Il est vrai que l'heure de la retraite, immanquablement, sonne un jour ou l'autre : le bougre est né en 1929, tout de même ! Reste que le procédé utilisé, ici, manquait singulièrement d’élégance. Bref, on célébrera cet événement médiatique par un coup de chapeau, quelques pages issues de son "Je suis mort, et alors ?", sorte d'autobiographie rigolarde en surface, mais en définitive plus sérieuse qu'il n'y paraît – par exemple lorsqu’il célèbre, ému, son père de substitution. Après avoir assumé, presque sans y toucher, sa judéité, ce truculent personnage nous fait partager son formidable appétit de vivre, qui fut d'abord, outre le désir de se cultiver, la fébrile recherche de la gent féminine : succès féminins innombrables, qui révèlent soit dit en passant qu'une petite taille n'est pas un obstacle insurmontable pour qui entreprend de jouer les Don-Juan – avec ou sans véhicules à moteur, autre passion de l'auteur. Tout ceci est rapporté dans un style délicieux, dont la pureté, toujours teintée d'un humour parfois féroce, adoucit autant que faire se peut le caractère souvent scabreux de ce que notre Philippe, avec gourmandise, nous donne à connaître…

 

"Délivré des processus de la digestion et des ennuis gastriques qui vont avec, j'éprouve encore des renvois de passé. Il s'agit des moments forts, vécus par un être faible. Ces retours en arrière se manifestent sans prévenir. Leur durée est variable. J'en prolongerais bien certains, agréables ou gratifiants, mais je ne les dirige pas plus que, vivant, je ne conduisais les rêves à ma guise" (Ph. Bouvard)

 

 

Gamin devenu à l'usure patriarche sans m'en être avisé, je n'étais pas un descendant et rien ne prouve que je suis un ancêtre.

La vieillesse ne m'a rien appris de plus que l'adolescence. Elle m'a seulement rapproché de ceux qui étaient morts à l'âge où j'ai passé l'arme à gauche. Un vice de caractère doit expliquer le vide d'une existence dont j'ai été davantage le témoin que l'acteur. J'ai beau chercher, je ne me trouve aucune référence. Pas de chanson fredonnée, aucun film vu cent fois, nul bouquin paru au-delà du XIXe siècle érigé en bible. Pas plus d'idéologie que de détestation majeure. J'ai été l'historiographe de maints engouements sans les partager. Parce que je savais qu'ils ne dureraient pas. Parce que j'entendais demeurer neutre et disponible. Rien donc hormis une similiculture franco-française, c'est-à-dire strictement franchouillarde et fermée à tous les métissages intellectuels. Je suis ainsi passé à côté de Shakespeare, de Dostoïevski, de Salinger. Des grands esprits que j'ai croisés, je n'ai rien retenu d'essentiel et de profond, seulement des anecdotes. Aucun parti ne m'a recruté. Aucune mode ne m'a séduit. Aucune grande cause ne m'a mobilisé. J'ai vécu tout mon temps hors du temps sans joies ni peines !

Un certain confort matériel peut masquer l'indigence intellectuelle. Je m'en avise hélas ! trop tard. La mort est capable de conférer de la gravité à des rigolos mais elle ne saurait leur donner in fine le sérieux qui leur a manqué jusque-là. Je ne suis qu'un passant qui ne s'est arrêté nulle part sinon pour embrasser des enfants, lutiner des dames, visiter des maisons et feuilleter de vieux livres. Pas de quoi être fier. Je ne le suis pas.

On ne s'y est pas trompé en jetant sur mon corps à peine refroidi (le premier «hommage» est tombé vingt minutes après la dépêche de l'AFP) des gerbes de fleurs de rhétorique plus vite fanées que les autres : "Il laissera des dizaines de livres et des milliers d'articles mais pas une œuvre", a cru bon d'ironiser un confrère au bagage encore plus sommaire.

En fait, une légère malveillance a consisté à ne pas faire de synthèse entre mes différentes activités. Pour l'un de ces Bossuet de pacotille que la presse appelle en renfort à chaque disparition, j'étais un homme de radio, pour un second une figure (un peu trop joufflue) de la télé alors qu'un troisième ne me répertoriait que parmi les tâcherons de l'écriture.

Quelques-uns louèrent le courage - alors qu'il ne s'agissait que des besoins — qui m'avait conduit à travailler deux puis trois fois plus que la normale au fur et à mesure que diminuait la moyenne nationale. Mes quelques boutades choisies pour constituer des "encadrés" ne m'avaient pas paru les meilleures.

J'aurais toutefois mauvaise grâce à me plaindre. Si la mort m'a refusé la postérité qui ne change rien à l'échéance finale, l'existence m'a accordé tous les conforts permettant de ne pas trop y penser avant qu'elle cesse. J'ai même mené un train de riche sans l'être, réalisant ainsi mon ambition qui était de vivre mieux que ceux qui disaient du mal de moi.

Je dois, en vérité, mes très rares instants de plénitude à un sourire, à un panorama, au contact d'un épiderme ou à la traversée de mon esprit par une idée. Le bonheur absolu m'a parfois rejoint au travers de lectures à l'effet contradictoire puisqu'elles me donnaient à la fois le plaisir de découvrir un talent et le désagrément de ne pas en posséder autant.

Mon père m'avait abandonné assez tôt pour que je n'en éprouvasse nulle peine : tandis que ma mère était encore à la clinique. Je ne l'ai vu qu'une seule fois, un quart de siècle plus tard, alors que, devenu fabricant de papier, il sollicitait sans aucune gêne mon entremise pour vendre ses produits au Figaro où je commençais à me faire une petite place.

Entre-temps, ma mère m'avait déniché un vrai père que j'ai aimé comme un papa sans me soucier de savoir s'il était ou non mon géniteur.

À une époque où ce n'était pas courant, j'ai donc pu assister au mariage de mes parents. Ma mère était ravissante dans son tailleur de soie bleue piquetée de soutaches ; mon père, adoptif et définitif, très chic dans un complet qu'il avait taillé sans difficulté lui-même puisque c'était son métier. Dans le salon familial, un rabbin avait dit quelques mots dans une langue inconnue de moi puis, selon la tradition, les nouveaux époux avaient cassé un verre sur le marbre de la cheminée. On s'était ensuite affairé à compter les morceaux dont le nombre était censé préfigurer les années d'harmonie conjugale. Si j'en juge par l'abondance des disputes dont je devais être ensuite le témoin terrifié, on avait dû choisir un cristal un peu trop résistant.

La déclaration de guerre avait tenu lieu de voyage de noces. J'avais accompagné mon père à la gare du Nord d'où partait le train qui lui permettrait de rejoindre son corps en abandonnant les nôtres. Une scène très gratifiante. Mon père (le vrai, celui qui élève) impeccable dans son uniforme "fantaisie", strié par les trois chevrons d'argent attestant son grade de sous-officier supérieur et répondant aux saluts de bidasses dont je prenais ma part.

Pour faire bouillir la marmite, ma mère avait repris son métier d'opticienne en rêvant de m'y associer. Las ! Détenteur pour tout diplôme d'un zéro pointé en maths, je n'ai vendu, l'espace d'un été pluvieux, que des lunettes de soleil chez les Frères Lissac et sans percevoir du monde de l'entreprise autre chose que la mesquinerie des petits chefs et les mauvaises odeurs de la cantine.

L'occupation du pays nous avait touchés de plein fouet : grands-parents déportés ; biens saisis ; quatre années passées à changer de domicile tous les trimestres pour éviter d'entendre cogner à la porte au petit matin. Nous nous étions, ma mère et moi, réfugiés à La Baule lorsque j'ai vu l'arrivée de la soldatesque nazie. Il m'est resté de cette période un peu honteuse de notre histoire une grande défiance à l'égard de l'amitié franco-allemande et le refus — pendant quarante ans ! - de prendre le volant d'une voiture teutonne.

Par esprit de revanche, lorsque vint le temps du service militaire, j'avais demandé, et obtenu, de l'effectuer dans le Palatinat. C'était déjà la fin des brimades : on ne faisait plus descendre les autochtones du trottoir mais on montait sur leurs filles, belles, saines et pas farouches comme si elles avaient compris qu'il faudrait un peu d'amour pour effacer tant de cruauté.

Oserai-je avouer que ce fut la période la plus heureuse de ma vie ? Jeune, vêtu par l'armée et par mon père, bénéficiant très vite d'une voiture et, pour avoir créé de toutes pièces le journal de la division, d'une chambre en ville transformée en centre d'accueil de Gretchen, je n'avais aucun souci. Je ne devais jamais retrouver cette petite ivresse de prise en charge totale qui expliquait qu'à l'issue du temps réglementaire, certains d'entre nous "rempilaient

Je me sens déçu, peiné, scandalisé que tout se passe désormais sans moi : les journaux, la télé, la radio, les élections. Et que tant de bipèdes, souvent moins méritants, continuent à respirer. Me manquent également les petits et grands conforts de l'existence que j'appréciais plus que d'autres à la pensée récurrente, obsédante, que je devrais les perdre un jour. Faute des infos, que j'écoutais chaque heure, je ne sais plus rien de l'état du monde, des progrès technologiques et même des avancées médicales qui auraient pu aller d'un meilleur pas quand je pouvais encore en profiter.

Je dois reconnaître que je n'ai jamais été un foudre de communication. Même, et surtout, lorsque j'œuvrais dans les médias. J'apprenais toujours par des salariés d'autres boîtes ce qui se passait dans la mienne. Je n'osais pas demander d'augmentation à des patrons qui ne m'en auraient peut-être pas refusées. L'impossibilité de dialoguer avec les femmes sinon de les gratifier d'une boutade entre deux saillies, la difficulté de converser avec les enfants et même des amis dès lors qu'on s'avise qu'il est inutile de poser des questions qui n'obtiendront pas de réponse ainsi que la conviction que le silence, s'établissant entre deux êtres qui auraient beaucoup de choses à dire, constitue une grâce d'état, m'ont enfermé depuis ma naissance dans une solitude, née du croisement de la paresse et du respect humain, que mon état actuel a officialisée.

Et pourtant, je n'ai pas cessé de parler dans les assemblées où je n'écoutais personne, à la radio et à la télé où l'on ne sait jamais exactement à qui l'on s'adresse.

De la même façon, j'ai eu par pudeur, par méfiance, des rapports très distants avec moi-même, évitant de m'interroger sur mon passé, de juger mon présent, d'imaginer mon avenir. Dès qu'une idée gênante me venait à l'esprit, je me mettais à chantonner. Pour créer une diversion, pour dissiper regrets et honte.

C'est dire si de ma vie privée et professionnelle, les fameux plans de carrière ont été absents. Tout s'est fait par hasard, s'est enchaîné au petit bonheur, s'est délité par usure. Sans vraie volonté de mener à terme un projet ou d'entamer une idylle. Je me laissais porter par la vague des promotions et pousser par la houle des sentiments.

Cette attitude explique que je me suis parfois retrouvé là où je n'aurais pas dû, en compagnie de personnes dont j'aurais pu économiser la fréquentation. Mais non. À force de faire confiance au destin, je n'en ai pas eu. Juste une de ces petites vies dont on ne peut tirer un livre qu'en divaguant et qu'en affabulant.

Images de la Libération. Je suis encore trop jeune pour profiter pleinement de la liesse populaire, qui fait tomber les barrières sociales et les petites culottes. Je m’éveille au sexe à travers ces plaisirs solitaires de la prime jeunesse qu’il serait logique qu’on retrouve sous terre quand tout le monde vous a abandonné. Ma mère surveille de très près, de trop près, mes mains qui s’égarent sous les draps, les taches suspectes qui s'ensuivent et les heures que je passe enfermé dans les cabinets à feuilleter des périodiques coquins et illustrés.

Le salut se présente enfin sous les formes replètes d'une petite bonne, justement baptisée à tout faire, puisque ses heures sup sont consacrées à déniaiser le fils de la maison. Le déduit se situe sous la table de la salle à manger recouverte d'un tapis vert retombant jusqu'au sol et qui me donne l'impression de faire du camping en même temps que l'amour.

La petite bonne est plus officiellement chargée de me conduire au lycée. Mes camarades se moquent de "la bonne à Bou" jusqu'à ce qu'un jour je remette les pendules à l'heure : "C'est peut-être la bonne à Bou mais Bou baise la bonne !". Précision qui me vaut, à l'époque où le harcèlement sexuel n'existe pas, la considération promise dans une société d'impuissants à ceux qui passent à l'acte.

La petite bonne est dévouée, déjà experte mais elle a des boutons sur le visage. J'en demande la cause à ma mère : "Tu ne peux pas comprendre, me dit-elle, ce sont des boutons d'amour." Il faudra des années pour que cette explication perde son mystère et que je comprenne qu'un sentiment ne provoque pas automatiquement des pustules.

D'autres amours ancillaires suivront. Je m'enhardis à quitter la table de la salle à manger pour passer la nuit dans la chambre de bonne dont le plafond est si bas qu'il oblige la locataire et son visiteur à s'allonger l'un sur l'autre.

De surcroît, je m'offre — sans bourse délier -un extra. J'ai fait la connaissance dans une rue chaude du quartier du Châtelet de Marguerite, une péripatéticienne à cuissardes. La dame a la quarantaine difficilement tassée dans sa guêpière mais elle est accorte et pas feignante sous le client. Elle a choisi de me traiter "au béguin" parce que je lui rappelle un tendre copain de jeunesse. Je dois donc, quand nous sommes ensemble, répondre au prénom de Rodolphe pour mieux évoquer ce grand amour qui lui tire toujours des larmes bien qu'il l'ait mise au tapin. Marguerite me fait découvrir pêle-mêle des caresses interdites, la grande tristesse des filles de joie et la vraie générosité, qu'elles se vendent ou qu'elles se donnent, des infirmières du sexe que rien ne rebute et dont l'honneur réside dans une obligation de résultat. Marguerite a fini par prendre sa retraite, par acheter une petite boutique avec ses économies et par épouser un brave homme, désormais son unique client. Nos adieux furent platoniques dans le recoin d'un bistrot dont elle acquitta l'addition. Pourrais-je la revoir si elle repassait par Paris ? Pas question. Non seulement elle avait tourné la page mais elle avait jeté le livre aux orties.

Je pense parfois à ses cuissardes et à une conscience professionnelle qui a tendance à se déliter.

La preuve que le trépas me perturbe, c'est que je ne parviens plus à ordonner mes souvenirs selon leur succession chronologique. Tout à l'heure me sont revenues pêle-mêle des bribes de mes dernières vacances (si j'avais su qu'il n'y en aurait pas d'autres, j'en aurais mieux profité) et des instantanés scolaires.

J'ai détesté l'école et elle me l'a bien rendu. Je fermais les oreilles pour fuir les leçons oiseuses auxquelles je n'entendais goutte et j'ouvrais grand les yeux pour ne rater aucune progression de la grosse aiguille sur une pendule située en dehors de la salle de classe. Par la fenêtre, j'observais aussi les arbres qui perdaient leurs feuilles tandis que les cancres, comme moi, perdaient leur temps. Rivé à une galère dont je n'attraperais jamais une rame, je ressentais chaque jour la cloche de sortie comme la seule réussite de mes études.

J'ai souvent regretté de n'avoir pas été un meilleur élève lorsque, plus tard, jeune journaliste et donc contraint de remettre à mes employeurs de petites rédactions et des devoirs de français, j'ai dû m'entourer de dictionnaires et d'anthologies. À l'époque, les efforts accomplis pour éveiller de jeunes intelligences qui ne vieilliraient pas toujours bien me paraissaient déjà vains. Par la suite, j'ai comparé systématiquement les longues décennies consacrées à former un cerveau et les quelques années durant lesquelles il fonctionnerait à peu près correctement.

Ma situation au fond et à la marge de la classe faisait de moi le vilain petit canard qu'on interroge à la fin du cours afin que ses bourdes dérident ses camarades. À l'armée, où mes contre-performances physiques avaient été repérées, on donnait mon parcours du combattant en spectacle à toute la compagnie.

Comment, avec de tels débuts, ne me suis-je pas retrouvé clochard ? Mystère. Ou changement d'orientation. Il m'a suffi de choisir un secteur d'activités où mes défauts caractériels pouvaient devenir des qualités professionnelles pour que j'accède à une certaine prospérité. On m'avait fait grief d'être impatient et léger ? On me jugeait désormais rapide et primesautier. Je ne prenais rien au sérieux ? J'étais un humoriste. J'avais raté tous mes examens ? Je rejoignais ainsi la glorieuse phalange des autodidactes en tête de laquelle caracolaient Guitry et Malraux. Et puis ? Je ne sais plus.

Ces flashbacks me lassent puisqu'ils ne m'apprennent rien. Plus la peine de guetter le cheminement de la grosse aiguille. La pendule s'est définitivement arrêtée. L'heure de la récréation ne sonnera plus. La mort est encore plus triste que l'école.

Mon grand-père était à la fois rugueux et soyeux Rugueux de caractère et soyeux de profession. Avec pour tout viatique le certificat d’études, il était devenu le prospère "représentant" d’une grande firme lyonnaise. Il me fascinait pas son allure : petite barbiche blanche impeccablement taillée et sa richesse vestimentaire qui lui faisait accumuler chapeaux, écharpes de soie, cravates chatoyantes, complets sur mesure et chemises avec monogramme. Ses mains et son parapluie étaient également gainés de noir. Il portait beau et la croix de guerre. Il votait radical, mangeait terroir et, après le décès de ma grand-mère, était tombé sous la coupe d'un essaim de jeunes femmes qui, au nom de la science chrétienne (l'avant-garde des scientologues), lui faisait les poches. Mon grand-père est le dernier rentier vivant de ses rentes. Il avait judicieusement placé des économies, encore peu écornées par le fisc, dans des valeurs distribuant qui de confortables dividendes qui une action gratuite pour deux actions détenues. Il fut aussi longtemps le seul adulte avec lequel je pouvais évoquer - en me les faisant expliquer — les questions économiques et les problèmes de société. Il était l'image même de l'équilibre alors que sa sœur aînée, vieille fille et s'en vantant, se rendait chaque semaine au commissariat de son quartier pour se plaindre de voisins qui, disait-elle sans rire, creusaient des trous dans le mur mitoyen afin de la regarder faire sa toilette.

Je ne me souviens vraiment de mes parents que dans leur jeunesse. Non que je les aie abandonnés plus tard mais c'est l'image d'eux que je préfère garder. Ils me paraissaient beaux, élégants, actifs. Ils faisaient de nombreux rêves et en réalisaient quelques-uns. La guerre, l'Occupation, les déportations ne les ont qu'en apparence épargnés. À la Libération, ils avaient vieilli subitement et, s'entendant moins, se chamaillaient plus fort. J'étais alors témoin de scènes de ménage qui, chaque fois, me semblaient déboucher sur un de ces drames conjugaux se terminant par l'appel aux pompiers et l'arrivée de police-secours. Je pleurais en les suppliant de se calmer. Pour tarir mes sanglots, ils faisaient semblant de se réconcilier, m'envoyaient me coucher puis reprenaient de plus belle.

Je n'ai découvert que bien plus tard qu'ils s'aimaient comme au premier jour, qu'ils ne pouvaient se passer l'un de l'autre et qu'ils tiraient leur plaisir de ces affrontements quotidiens toujours placés sous le signe d'un divorce qui ne se produisit jamais.

À dix-huit ans, j'avais rencontré au Bois de Boulogne où elle s'égarait parfois à la nuit tombée dans les fourrés avec des amis de rencontre une très jolie jeune femme. Non contente de m'avoir accordé gracieusement ses faveurs, elle me comblait de petits cadeaux. Lorsque je la quittai afin de satisfaire à mes obligations militaires, elle m'envoya chaque semaine durant six mois un mandat d'un montant confortable. J'étais devenu proxénète sans m'en apercevoir et sans connaître le mot. Heureusement, comme ma première permission tardait, elle s'enticha d'un vrai marlou.

J'ai assuré à de nombreuses personnes d'un sexe, toujours opposé et parfois antagoniste, qu'elles faisaient battre mon cœur alors que l'épicentre du phénomène se situait beaucoup plus bas. J'ai utilisé pour rompre des liaisons très brèves la formule "Nous sommes arrivés au bout du chemin" avec l'espoir qu'elle dissimulerait une goujaterie foncière sous une poésie de bazar. J'ai poussé l'hypocrisie jusqu'à garantir mon dévouement éternel à des quidams que j'aurais laissé dès le lendemain crever la gueule ouverte. J'ai donné parcimonieusement aux œuvres caritatives sous prétexte qu'elles secouraient surtout les organisateurs de quêtes dans le besoin. J'ai fait chorus avec les bons apôtres. J'ai hurlé avec les loups. J'ai fait des compliments dont je ne pensais pas un mot. J'ai traîné dans la boue des gens pour lesquels j'avais de l'estime. J'ai protesté de mon désintéressement auprès d'employeurs que je souhaitais plumer.

Je m'accuse aussi d'avoir conduit à tombeau ouvert des bolides qui sortirent parfois de la route sans dommages pour moi. Je reconnais avoir menti à des femmes, à des professeurs, à des lecteurs, à des amis et à d'autres. J'ai perdu des fortunes au jeu, j'ai englouti des tonnes de nourriture alors que depuis longtemps l'appétit me motivait davantage que la faim. Pis : je dois avoir une involontaire part de responsabilité dans la fin dramatique d'une chroniqueuse talentueuse que j'avais remplacée et dans l'explosion d'une voiture de sport que j'avais revendue à un praticien bordelais auquel j'avais omis d'expliquer qu'il n'était pas prudent de vouloir faire une soudure près du réservoir d'essence et qui paya de sa vie ce défaut d'information. Je ne dramatise pas pour autant. Si je ne m'étais pas mêlé à leur vie, ces braves gens l'auraient perdue autrement.

J'ai beaucoup aimé les véhicules motorisés. Surtout ceux qui auraient pu hâter ma fin. Pendant des années, j'ai conduit à tombeau ouvert avant de prendre mes distances avec le champignon le plus vénéneux de la création. Mon existence aura été davantage jalonnée par des voitures que par des êtres bien que, dans ma mémoire, les premières soient parfois associées aux seconds. Ainsi ne puis-je évoquer mon père sans le séparer de l'antique "Citron" qu'il pilotait à grande vitesse (surtout dans les descentes). L'engin se distinguait par un thermomètre placé à l'avant du capot, par des petits rideaux aux vitres et par des minuscules vases en faux cristal accrochés à l'intérieur et destinés à accueillir des fleurs artificielles qu'on n'acheta jamais.

Entre ce premier véhicule parental et le dernier symbolisé par le corbillard des pompes funèbres, il y eut à peu près toutes les marques et toutes les cylindrées. Encore aujourd'hui où je me suis aussi rangé des voitures que retiré des affaires sexuelles, je compare les femmes dont certaines avaient beaucoup roulé et les cabriolets dont, à l'arrêt, je caressais les courbes avant de m'installer au volant sans démarrer, uniquement pour humer le parfum du cuir. Il existait une grande similitude dans les rapports que j'avais avec les unes et les autres : coup de foudre initial propice à toutes les folies (abandon de famille et chèque sans provisions) ; entrée en possession jouissive ; voyages de noces et sorties afin d'exhiber sa conquête ; premières pannes ; lassitude ; désamour ; divorce ou revente. Parfois la séparation se passait mal. Surtout avec les modèles harassés dont je continuais encore à payer les traites alors qu'ils étaient déjà à la casse. À deux reprises, il est arrivé qu'un malencontreux court-circuit me contraigne à regarder brûler ce que j'avais adoré.

Le charme opérait dès la première rencontre : que ce soit dans un garage ou dans un cocktail, le prochain objet du désir déployait ses séductions, usant de ses fards (écrivez le mot comme vous voulez, moi je dicte phonétiquement), se montrant sous l'angle le plus favorable, faisant valoir des accessoires aussi variés que le collier de perles ou la climatisation. Aucune n'affrontait les regards sans s'être fait longuement bichonner. Les plus endommagées étaient passées chez le chirurgien ou chez le carrossier. Certaines s'enorgueillissaient de pneus neufs, d'autres d'escarpins sortis de chez le chausseur. Certaines m'ont abandonné en pleine lune de miel sous prétexte que, droguées à la réparation, il leur manquait un joint. On avait également le choix entre plusieurs options concernant la couleur de l'habillage, les ordres au compagnon ou au conducteur, toujours distillés par une voix féminine très autoritaire. Sauf qu'avec les voitures, il fallait attacher sa ceinture alors qu'il convenait de la détacher avec les dames et que les collectionneurs s'entichaient de très anciens modèles, alors qu'excepté un photographe mondain ayant défrayé la chronique dans les années 2010, aucun potentat du Moyen-Orient n'a disposé d'un harem de centenaires. Longtemps après m'être séparé de ma dernière Ferrari, je reconnaissais encore les yeux fermés le vrombissement de son moteur. Dans les tunnels, c'était du Mozart.

Avant d'être définitivement calmé, j'ai eu une vie sexuelle presque aussi longue que la vie tout court. C'est-à-dire commencée tôt et finie tard… Je dois à la vérité d epréciser qu'il y a eu, au fil des années et des rencontres, plus de cous de reins que de coups de cœur. Cela aura été ma quête du Graal. Une quête éperdue. Des Graal qui s'offraient dès le premier soir ou qui faisaient des manières ou qui, ne me trouvant pas à leur goût, passaient leur chemin. Des blondes, des brunes. Pas de rousses auxquelles je trouvais une odeur un peu acide. Des petites, des grandes (mais pas trop à cause de ma taille), des intelligentes qui avaient tout lu, des incultes qui n'avaient pas dépassé la collection Harlequin, des franchement idiotes dont le sexe était ce qu'elles avaient de plus profond.

Mauvais baratineur et conscient de l'indigence de la démarche, je me serai surtout laissé draguer. J'ai eu des aventures flatteuses et des mésaventures sordides. Parfois j'ai payé. À d'autres moments, j'ai vérifié que c'était les femmes qui ne demandaient pas d'argent qui coûtaient le plus cher. Il y eut des grandes amours et des passades sans lendemain. Des liaisons purement physiques et des rapports sentimentaux qui ne débouchaient pas forcément sur le jeu de la bête à deux dos. Mais pas d'amour de groupe. J'avais trop le sens de la propriété pour donner dans l'échangisme et j'étais trop égoïste pour me préoccuper de la sexualité des autres, ayant assez à faire avec la mienne.

J'ai beaucoup parlé avant l'amour, parfois pendant, jamais après. Mais mon meilleur souvenir relève du cinéma muet. La scène se passe durant une nuit d'été, sur une plage du Sud. J'ai vingt ans et je coucherais avec la terre entière. Étendue sur le sable, une beauté blonde - sans doute Scandinave - rêvasse. Alors je commets l'impossible, l'inconcevable : je m'allonge à côté d'elle puis, sans un mot, j'étends la main et je la caresse. Dix minutes plus tard, nous faisons l'amour, furieusement, tendrement. Nous sommes restés ensuite longtemps les yeux au ciel, toujours sans dire un mot. Puis elle s'est levée, m'a fait un signe d'amitié et elle est partie. Je ne l'ai jamais revue. J'ignore jusqu'à son prénom. Elle ne m'a pas demandé le mien. Dans ma galerie de tableaux coquins, elle porte l'étiquette de la Vénus ensablée.

Mon herbier recèle aussi des filles fleurs, des femmes fontaines, plus de dodues que de maigrichonnes, davantage d'expertes que de vierges. Des souvenirs sublimés par l'évanouissement du désir. Le stupre s'est dissipé. Reste l'anecdote, inattendue ou drolatique. N'ayant jamais rien promis que des instants agréables, j'ai parfois honoré mon contrat. J'ai maintenu entre mes compagnes de jeu et moi-même un écart convenable : inexistant dans l'adolescence, plus marqué ensuite lorsqu'on s'avise que le plus important n'est pas l'âge de l'un ou de l'autre partenaire mais l'âge moyen du couple. J'ai peu couru après les petites filles qui, pourtant, commençaient à se laisser rattraper. J'ai terminé mon parcours en découvrant la plénitude des nouvelles quinquagénaires qui ne le cèdent plus en rien à la femme de trente ans décrite par Balzac.

Au temps où les voitures, plus racées que moi, constituaient un élément primordial de ma séduction, j'ai bénéficié d'un auto-stop par deux sœurs jumelles anglaises. Je les avais chargées Porte d'Italie, je les pris vraiment à Avignon où nous partageâmes le même lit sans que, dans la pénombre, je pus distinguer l'une de l'autre. Mes débauches qui m'ont confirmé qu'en amour la situation était plus excitante que la position englobent également une mère allemande et sa fille unies jusque sous la couette et surtout une grande bourgeoise belge et sa camériste qui, dans les moments les plus intimes, continuait à lui donner du "madame" long comme ce que vous voulez.

Vers la fin, j'étais moins obsédé mais encore assez vaillant. Et sans avoir pris jamais de Viagra. Mon médecin ami m'avait prévenu :

— Tu n'en auras pas besoin parce que tu as un bon état vasculaire.

À quoi ça tient l'amour...

Je viens de me marier. Pour la première et unique fois. La messe n'a pas été trop longue, la réception m'est apparue plutôt réussie. Et personne n'a remarqué que le tour de taille de la promise en robe blanche augurait d'un à-valoir sur la nuit de noces. Ivres d'amour et de liberté, nous filons à l'anglaise dans ma première voiture décapotable, rachetée d'occasion et qui ne se révélera pas une affaire. Mon père me glisse dans la main le plus gros billet de l'époque. Juste de quoi financer un voyage de noces de deux cents kilomètres aller et retour. Orléans ne vaut pas Venise. Mais la ville est moins inondée.

J'ai été un bon mari. Entendez par là que je n'ai jamais divorcé. Pour le reste, c'est une autre affaire : je ne suis pas parvenu à faire rimer amour avec toujours. Mes maîtresses d'adulte m'ont vengé de mes maîtresses d'école. Pour la première fois, je trouvais de l'agrément dans l'exécution de figures imposées. On ne me reprochait plus de mettre mes doigts dans le nez, on m'incitait à les introduire ailleurs. Marin, j'aurais eu une femme dans chaque port. Journaliste, j'ai eu un flirt à chaque reportage. Et comme j'étais très travailleur par monts de Vénus et par vaux... Je ne cherchais pas le grand amour qui vous met la tête à l'envers mais les petites idylles qui vous remettent l'ego à l'endroit. Avec un physique quelconque, un manque total de romantisme et peu d'instants de liberté, j'ai eu une vie sentimentale très normale, c'est-à-dire plus chiche en sentiments qu'en galipettes.

Déjà, de mon vivant, durant les nuits d'insomnie, j'essayais de "faire le compte". C'est-à-dire de faire surgir un visage ou un corps qui m'avaient procuré une émotion ou un plaisir. L'addition était difficile, impossible même. Non que je me perdisse dans des détails ou que j'accordasse trop d'importance à un minois mais, comme on dit vulgairement dans les quartiers chauds, il y avait eu du passage. Et pas que des coups de cœur. Je pratiquais la chasse aux filles comme un sport. À ceci près que je ne rapportais pas de trophée, ne battais pas de record et fuyais obstinément les compétitions disputées en groupe. Ainsi, ma pauvre et courageuse épouse s'était-elle habituée au veuvage longtemps avant ma disparition définitive.

Le divorce ne m'a toutefois pas tenté. Je n'avais nulle envie de rompre une association familiale assez satisfaisante puisqu'elle nous avait fabriqué de beaux enfants, de gentils petits-enfants et des maisons confortables. Et puis j'avais tant vu de copains s'engluer dans les mécanismes de la rupture, devenant les clients assidus du maire sinon du curé. Quand ils faisaient leur bilan, ils totalisaient moins de conquêtes que de complications.

Je pensais aux enfants à ma manière. Quitte à ce qu'un papa ne soit pas là tous les soirs pour les border, autant qu'il reste marié avec la maman.

Par la suite, j'ai continué à courir la gueuse. Moins par envie que pour qu'on ne s'inquiète pas autour de moi si je rentrais tous les soirs pour le dîner. Le sexe est soumis, lui aussi, à la force d'inertie. Je courais derrière le mien, parfois épouvanté quand je le rattrapais, par son défaut de discernement, par son manque de goût ; parfois honteux, souvent dégoûté jusqu'à la prochaine fois. Au point de n'avoir jamais avoué mes turpitudes à des amis dont je craignais de perdre l'estime ou à des confesseurs auxquels je ne reconnaissais pas le droit de mettre l'oreille dans mes petites affaires.

Comme la plupart des Français ayant la chance d'avoir décroché un emploi, il m'est arrivé de mêler un peu vie privée et vie professionnelle. Le sommet de cette confusion des genres a été atteint, voilà bien longtemps. On était à la veille de l'ouverture du Festival de Cannes ; pour y préluder, mon journal m'avait chargé d'aller interviewer, à son domicile parisien, une charmante actrice d'origine roumaine, princesse dans son pays, adorée par Fellini et membre du jury. Elle me reçoit vêtue d'un déshabillé qui, au moment de poser les questions d'usage, m'embrouille l'esprit. L'entretien dure trois heures, ponctué par des mignardises qui passent peu à peu de la table basse du salon au canapé. Au point que j'ai tout oublié : ma mission journalistique, l'heure qui tourne, ma situation de famille. Au moment de prendre congé, je suggère à la Dame de nous retrouver deux jours plus tard sur la Croisette que je dois rallier le lendemain au volant de ma voiture de sport. Là tout se précipite :

— Et pourquoi ne partirions-nous pas tout de suite ensemble, suggère l'enjôleuse en ajoutant : j'adore rouler de nuit. Si nous sommes fatigués, nous nous arrêterons et nous dormirons quelque part.

Ce dernier argument emporte le morceau. Elle entasse à la diable des vêtements dans un sac de voyage. Je téléphone chez moi pour avertir de l'urgence qui me fait partir plus tôt. Sans bagage. Mais j'achèterai sur place ce qui me sera nécessaire. Après cinq cents kilomètres, escale, comme prévu, dans une hôtellerie de campagne où nous reprenons la conversation commencée à Paris. Durant tout le festival, je suis resté sur un petit nuage. Personne ne connaissait mon flirt avec la Dame et tout le monde se demandait d'où me venaient les informations exclusives que je distillais chaque matin dans Le Figaro. À l'usage de mon "indic", j'avais inscrit en tête de mes articles une mention que j'oubliai de dicter : de notre envoyé spécial sur l'oreiller.

Me revient aussi le souvenir du jour où je me suis officiellement assis dans le fauteuil de directeur de France Soir qui avait été celui de Pierre Lazareff, mon idole. Trois mois d'entretiens et de négociations tête à tête avec Robert Hersant, le propriétaire du titre, ont précédé. Et puis le grand jour arrive enfin.

Dans la plus grande salle de l'immeuble historique qu'occupe encore le journal, rue Réaumur, sont réunis mes adjoints, les rédacteurs en chef et une partie des cent vingt journalistes que compte alors France Soir. J'ai préparé un petit discours mais, au dernier moment, je préfère improviser. J'évoque mon enthousiasme pour ce que je considère comme le plus beau métier du monde, ma fierté de diriger une prestigieuse équipe, les innombrables projets qui se bousculent dans ma tête et je révèle ma première décision de caractère strictement interne : désormais, chaque matin, la première réunion de rédaction se transformera en petit déjeuner. Applaudissements nourris.

Je me retire dans mon nouveau bureau. Je m'assois dans le fauteuil sacré. Je regarde le petit vase dans lequel baignent les stylos de Pierrot-les-Bretelles. Puis, comme le torero avant de descendre dans l'arène, je demande qu'on me laisse seul. Et je me mets à pleurer. De joie. Des visages anciens resurgissent : les rédacteurs en chef dont de méchantes langues prédisaient qu'ils seraient un jour plus nombreux que les lecteurs, les grands reporters formés à l'école de Joseph Kessel ou, pour les plus chenus, d'Albert Londres. Plus qu'une entreprise, je vais devoir gérer une légende.

À dix-huit ans, je nourrissais deux ambitions : publier un chef-d'œuvre et mourir jeune. Double échec : j'ai vécu longtemps sans devenir écrivain en dépit d'une pyramide de livres ayant plus encombré les bibliothèques que les mémoires. Lorsque je m'en suis avisé, il était trop tard. J'étais déjà devenu un vieux con honoré et à l'aise. C'est la grande supercherie de notre société d’auto-congratulations. À l'aide de petits conforts, elle donne l'impression de la réussite à des gens qui ont tout raté. Ou qui - encore plus grave -auraient pu faire beaucoup mieux. Or, le dépôt de bilan ne se fait qu'après la levée du corps. Tant qu'il y a un petit souffle, il y a encore de l'espoir. L'homme qui n'est pas content de son passé et qui chipote sur le présent se console en tirant des traites sur l'avenir. Ainsi, la République des Lettres est-elle peuplée de vieux écrivains mineurs convaincus de publier incessamment sous peu le chef-d'œuvre qui bouillonne en eux depuis leur adolescence. L'ennui, dans un cas comme le mien, c'est que les carottes sont cuites. Sauf - hypothèse de travail posthume - à ce que mon dictaphone fonctionne, que l'enregistrement sorte du cimetière et que mon éditeur confirme son intention de donner sa chance à un auteur qui, pour lui prouver sa reconnaissance, ne l'assurera pas contractuellement de lui soumettre en priorité son prochain manuscrit.

 

 

© Philippe Bouvard, Je suis mort, et alors ? Flammarion, éditeur, 2009, 271 pages, passim

 

 


 

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